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Laurent Pierrisnard * Dominique Augereau ** Michel Barquins ***
*Maître de conférences
Faculté de chirurgie dentaire de Paris V
1, rue Maurice-Arnoux 92120 Montrouge
**Ex Assistante hospitalo-universitaire
127, avenue de la République 94800 Villejuif
***Directeur de recherches
CNRS ESPCI
10, rue Vauquelin 75005 Paris
Dans une première partie (Implant n° 1/2000, pages 23-34), nous avons étudié la distribution des contraintes péri-implantaires, générées par des implants de configurations géométriques différentes (mais présentant la même surface d'ostéointégration). Les résultats ont montré que, du point de vue strictement mécanique, la géométrie de l'implant est un paramètre plus influant que la surface d'ostéointégration.
Dans cette deuxième partie, nous étudions la distribution des contraintes péri-implantaires, générées par des implants de même type mais de longueur différente pour hiérarchiser l'influence des paramètres : longueur de l'implant, orientation de la force occlusale. Grâce à la méthode des éléments finis, nous modélisons trois implants de longueurs différentes : 10, 13 et 15 mm. Après chargement des modèles tridimensionnels, nous pouvons hiériarchiser l'influence relative de la longueur de l'implant et l'orientation de la force occlusale (force axiale, puis oblique : 11, 22 et 33°). Les résultats révèlent que la longueur de l'implant n'est pas un paramètre influant de manière significative sur la distribution des contraintes à l'os. En revanche, l'orientation de la charge occlusale par rapport à l'implant est un paramètre déterminant : la charge sollicitant l'implant doit être orientée, dans la mesure du possible, selon son grand axe.
In a first part (Implant 1/2000, pages 23-34), we studied the distribution of the peri-implant stresses generated by different types of implant of varied geometrical shapes (one short and wide, the other long and of a less important diameter), but showing the same surface of osseointegration. The results have shown that, from a sheer mechanical point of view, the geometry of the implant is a more important parameter than the surface of osseointegration.
In this second part, we study the distribution of the peri-implant stresses generated by implants of the same type but of different lengths to organize into a hierarchy the influence of the parameters : the orientation of the occlusal force and the length of the implant. Thanks to the finite element method, we model three implants of different lengths : 10, 13 and 15 mm. After charging three dimensional models, we can organize into a hierarchy the relative influence of the length of the implant and the orientation of the occlusal force (axial force, then oblique : 11, 12 and 33°). The results reveal that the length of the implant is not an important parameter in a significant way on the distribution of the stresses to the bone. On the other hand, the orientation of the implant compared to the occlusal charge is a determining parameter : the charge soliciting the implant must be oriented, if possible, according to its main axis.
Pour diminuer les contraintes sur l'environnement péri-implantaire, nous pouvons, selon la situation clinique, orienter les implants de manière à ce que les charges occlusales soient dirigées dans leur grand axe, augmenter leur nombre ou modifier la surface d'ostéointégration en augmentant la longueur ou le diamètre des implants.
Dans une précédente étude (Implant n° 1/2000, pages 23-34), nous avons examiné la distribution des contraintes péri-implantaires, générées par deux types d'implant de configurations géométriques différentes, mais présentant la même surface d'ostéointégration : l'un court et large, l'autre long et de diamètre moins important. Les résultats ont révélé que, du point de vue strictement mécanique, la géométrie de l'implant est un paramètre influant. L'implant court et large génère des contraintes osseuses moins intenses que l'implant plus long et de diamètre moins important. L'avantage mécanique que procure l'augmentation du diamètre de l'implant est démontré. En outre, l'orientation de la charge est un paramètre déterminant : la charge sollicitant l'implant doit être orientée selon son grand axe. Cette deuxième partie analyse la distribution des contraintes péri-implantaires générées par des implants de même type, mais de longueur différente pour hiérarchiser l'influence des paramètres : longueur de l'implant et orientation de la force occlusale.
La méthode des éléments finis, déjà décrite dans la première partie, nécessite le matériel informatique, présenté dans le tableau I.
Nous comparons trois types d'implant de même diamètre (Ø = 3,75 mm), mais de longueurs différentes, 10, 13 et 15 mm (implants de type Brånemark® de Nobel Biocare® (Fig. 1). Pour ces implants (Tableau I), les pièces prothétiques sont : la vis de pilier (Fig. 2a), le pilier (Fig. 2b), le cylindre en or (Fig. 2c), la vis prothétique (Fig. 2d) et la couronne (Fig. 2e). Les unités implantaires (implant et pièces prothétiques) sont enchâssées dans une « base osseuse » considérée comme entièrement encastrée. A chacune des structures composant les modèles, sont associées les propriétés mécaniques des matériaux qui les composent (Tableau II). Les modèles assemblés (Tableau III et Fig. 3) reçoivent une charge occlusale de 500 newtons [4]. Pour l'implant de 10 mm de longueur, la couronne reçoit successivement une charge axiale (0°), puis trois charges obliques, également réparties entre 0 et 45°, soit 11, 22 et 33°. Pour les implants de 13 et 15 mm de longueur, les couronnes reçoivent respectivement et successivement trois charges obliques à 11, 22 et 33° (Tableau III).
Le tableau IV donne l'intensité des contraintes osseuses, distribuées par l'implant de 10 mm en fonction de l'inclinaison de la force occlusale. Les histogrammes (Fig. 4, 5, 6 et 7) permettent de quantifier clairement l'influence de l'inclinaison de la charge occlusale sur l'intensité des contraintes distribuées.
La figure 4 met en évidence que :
- l'intensité des contraintes de traction et de compression relevées dans la région osseuse cervicale augmente avec l'inclinaison de la force. Cette augmentation est quantifiée dans les figures 5 et 6 ;
- les contraintes cervicales sont très nettement plus intenses que les contraintes apicales qui présentent des intensités peu significatives. Dans la région apicale péri-implantaire, nos résultats ne permettent pas de dégager de loi particulière.
Dans la région cervicale, les composantes verticales des contraintes (direction Z) sont significativement plus intenses que les composantes horizontales. Par rapport à la force axiale, l'intensité des composantes verticales des contraintes augmente de 280 % pour une orientation de 11° et de 350 % pour une orientation de 33° (Fig. 7).
La figure 5 isole les intensités des contraintes osseuses cervicales, de traction et de compression, dans la direction Y.
Contraintes de traction
Lorsque la force est axiale, les contraintes de traction sont nulles. À 11° d'inclinaison, on relève une valeur de 41 MPa. À 22°, l'intensité atteint 91 MPa, soit une augmentation de 127 % par rapport à 11°. À 33°, l'augmentation atteint 250 % (140 MPa) par rapport à l'inclinaison de référence de 11°.
Lorsque la force est axiale, l'intensité des contraintes de compression s'élève à 15 MPa. À 11° d'inclinaison, on relève une valeur de 64 MPa, soit une augmentation de 326 % par rapport à la force axiale de référence. À 22°, l'intensité atteint 113 MPa, soit une augmentation de 650 % par rapport à la force axiale. À 33°, l'augmentation atteint 966 % (160 MPa) par rapport à la force axiale.
La figure 6 isole les intensités des contraintes osseuses cervicales, de traction et de compression, dans la direction Z.
Contraintes de traction
Lorsque la force est axiale, les contraintes de traction sont nulles. À 11° d'inclinaison, on relève une valeur de 180 MPa. À 22°, l'intensité atteint 410 MPa, soit une augmentation de 127 % par rapport à 11°. À 33°, l'augmentation atteint 244 % (620 MPa) par rapport à la référence de 11°.
Contraintes de compression
Lorsque la force est axiale, l'intensité des contraintes de compression s'élève à 53 MPa. À 11° d'inclinaison, on relève une valeur de 280 MPa, soit une augmentation de 428 % par rapport à la force axiale de référence. À 22°, l'intensité atteint 510 MPa, soit une augmentation de 862 % par rapport à la force axiale. À 33°, l'augmentation atteint 1240 % (710 MPa) par rapport à la force axiale.
Pour l'analyse de la répartition des contraintes, nous choisissons d'isoler le support osseux du reste du modèle. L'unité implantaire (implant et pièce prothétique) a été éliminée. Une coupe dans le plan ZOY permet l'observation des contraintes péri-implantaires. Les résultats peuvent être visualisés grâce aux zones colorées d'isocontraintes moyennes, exprimées en Pa (Fig. 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 et 15).
Lorsque la charge occlusale est axiale (Fig. 8), comme nous pouvons nous y attrendre, la région cervicale est sollicitée en compression et la région péri-implantaire apicale est sollicitée en traction.
Lorsque la charge occlusale est oblique (Fig. 9, 10 et 11), il apparaît que :
- quels que soient les modèles, les régions osseuses cervicales situées du côté de la force occlusale sont sollicitées en traction (plages rouges, oranges et jaunes) alors que les régions osseuses cervicales, situées du côté opposé sont sollicitées en compression (plages violettes et bleues) ;
- dans la moitié apicale, la distribution des contraintes s'inverse : les contraintes de traction (plages rouges, oranges et jaunes) sont observées du côté opposé à la force occlusale et les contraintes de compression, du côté de la force occlusale. Cette inversion permet d'imaginer un mouvement de rotation de l'implant, autour d'un axe situé à sa mi-hauteur ;
- l'étendue des plages d'isocontraintes de forte intensité, de traction et de compression augmente régulièrement avec l'augmentation de l'inclinaison de la charge occlusale.
Lorsque la charge occlusale est axiale (Fig. 12), comme nous pouvons nous y attendre, la zone osseuse péri-implantaire est exclusivement sollicitée en compression.
Lorsque la charge occlusale est oblique (Fig. 13, 14 et 15), il apparaît que :
- quels que soient les modèles, les régions osseuses situées du côté de la force occlusale sont sollicitées en traction (plages rouges, oranges et jaunes) alors que les régions osseuses situées du côté opposé sont sollicitées en compression (plages violettes et bleues) ;
- quels que soient les modèles, l'étendue des plages d'isocontraintes diminue progressivement de la région cervicale à la région apicale ;
- l'étendue des plages d'isocontraintes de forte intensité, de traction et de compression augmente régulièrement avec l'augmentation de l'inclinaison de la charge occlusale.
Les courbes représentant la distribution des contraintes osseuses de compression le long de l'axe Z (Fig. 16) montrent clairement, d'une part, l'influence néfaste de l'inclinaison de l'implant par rapport à l'orientation de la charge occlusale et d'autre part, la sollicitation importante de la région cervicale péri-implantaire.
Le tableau V donne les intensités des contraintes osseuses, distribuées par les implants de 10, 13 et 15 mm en fonction de l'inclinaison de la force occlusale. L'histogramme (Fig. 17) montre clairement que le paramètre de longueur de l'implant n'a que très peu d'influence sur l'intensité des contraintes distribuées. Si nous considérons uniquement les composantes verticales (direction Z) des contraintes cervicales les plus intenses, l'influence de la longueur de l'implant sur l'intensité des contraintes est nulle.
Les figures 18, 19 et 20 présentent à titre indicatif la distribution des contraintes osseuses dans la direction Z (très nettement plus intenses que les composantes horizontales) pour les modèles soumis à une force oblique de 22°. Quels que soient les modèles, il apparaît que :
- la région cervicale est le siège des contraintes les plus intenses ;
- les contraintes péri-implantaires diminuent régulièrement de la région cervicale à la région apicale où les intensités sont divisées par quatre ;
- l'influence de la longueur de l'implant sur la distribution des contraintes osseuses péri-implantaires apparaît négligeable.
Nos résultats mettent l'accent sur l'importance des contraintes cervicales, recoupant ainsi ceux de plusieurs auteurs [5-12]. Nous n'observons que très peu de contraintes dans la partie apicale de l'implant et dans le tissu environnant. Ce constat corrobore celui de Clelland et al. [13], mais contredit Kinni et al. [14] qui, dans leur étude mécanique par photoélasticimétrie, notent que, quelle que soit l'inclinaison des forces, la transmission maximale se fait par l'apex.
Comme nous nous y attendions, nos résultats confirment les observations de Clayton et Simonet [15] selon lesquelles, en prothèse implanto-portée, il est nécessaire d'agir pour que l'orientation des forces soit la plus axiale possible. Lorsque la force est oblique (ou lorsque l'implant est incliné), les conséquences peuvent être graves avec, en particulier, la possibilité de résorption osseuse autour du col de l'implant, d'autant plus marquée que l'implant est oblique. Misch et Bidez [16] accordent également à ces paramètres : orientation des implants et direction de la force occlusale, une influence prépondérante sur la longévité des implants. Nos résultats corroborent également ceux de Morgan et James [17] qui, avec un modèle mathématique, démontrent que la composante verticale d'une force oblique génère des contraintes plus intenses qu'une force axiale.
Nos résultats montrent que le paramètre longueur de l'implant n'a aucune influence significative sur la distribution des contraintes. Comme Lum et Osier [18, 19], nous concluons que la mise en place d'implants de grande longueur apparaît inutile. Contrairement à Meijer et al. [20], Misch et Bidez [16] qui insistent sur l'importance de la surface ostéointégrée sur la distribution des contraintes, nos résultats montrent que l'influence de la surface d'ostéointégration est moins significative que l'influence de la géométrie de l'implant sur la distribution des contraintes. À ce sujet, les conclusions de notre première étude sur l'influence de la configuration géométrique de l'implant (Implant n° 1/2000, pages 23-34) sont confirmées par ce travail.
Cette deuxième étude tridimensionnelle, réalisée à l'aide de la méthode des éléments finis, a pour but de comparer les contraintes osseuses générées par des implants de longueurs différentes (10, 13 et 15 mm) dont l'inclinaison varie (11, 22 et 33°) par rapport à l'orientation de la charge occlusale. L'objectif est de quantifier et de localiser ces contraintes. En dépit des limites de la méthode, les résultats mettent en évidence que :
- quelle que soit l'inclinaison de l'implant, c'est dans la région péri-implantaire cervicale que le risque de remaniement, voire de résorption osseuse, est le plus important ;
- le paramètre longueur de l'implant n'a pas d'influence significative sur la distribution des contraintes.
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