Implant n° 4 du 01/11/2020

 

Implant a rencontré

Pascal Valentini  

Pascal Valentini fait partie des figures marquantes de l'implantologie en France.

Diplomé en 82, il intègre rapidement le nouveau service d'implantologie de l'Université Paris Diderot créé par les Docteurs Missika et Bert. Il effectue des séjours en Californie à UCLA puis Loma Linda où il devient professeur associé et où il enseigne depuis plus de 20 ans. Reconnu comme un expert mondial des techniques de greffes sinusiennes il a donné une multitude de cours...


Pascal Valentini fait partie des figures marquantes de l'implantologie en France.

Diplomé en 82, il intègre rapidement le nouveau service d'implantologie de l'Université Paris Diderot créé par les Docteurs Missika et Bert. Il effectue des séjours en Californie à UCLA puis Loma Linda où il devient professeur associé et où il enseigne depuis plus de 20 ans. Reconnu comme un expert mondial des techniques de greffes sinusiennes il a donné une multitude de cours et conférences et a signé de très nombreuses publications nationales et internationales dans ce domaine.

Il est par ailleurs lauréat du Robert James Award de Loma Linda et ancien Président de l'Association Européenne d'Ostéointégration (EAO).

En 1996 il est à l'origine de la création d'un Diplôme Universitaire d'implantologie à l'Université de Corse lequel connait depuis un succès exceptionnel avec des centaines de praticiens formés et des congrès internationaux de haut niveau.

Il a commencé à exercer en pratique privée spécialisée à Paris en 1992 et de cette expérience clinique exceptionnelle tout comme celle de son expertise dans l'enseignement, il nous livre dans cet interview une réflexion lucide et humble sur l'implantologie contemporaine.

Propos recueillis par Michel Metz

Parlez-nous de votre parcours professionnel

J'ai reçu mon diplôme de Docteur en chirurgie dentaire de l'université Paris-Diderot en 1982, et en 1986, sur les conseils de Marc Bert, j'ai rejoint le service d'implantologie qu'il venait de créer avec Patrick Missika dans cette même université. À la fin des années 1980, j'ai effectué plusieurs séjours à UCLA, où j'ai suivi une formation dirigée par Peter Moy. En 1991, j'ai eu la chance d'être formé à la greffe du sinus maxillaire à l'université de Loma Linda par Robert James, Phillip Boyne et Jaime Lozada, qui étaient les pionniers de la technique. J'ai obtenu mon DU d'Implantologie à Paris-Diderot en 1992, date à laquelle nous avons créé à Paris, avec mon complice de toujours David Abensur, un cabinet d'implantologie. Entre 2012 et 2014, j'ai eu l'honneur de présider l'Association européenne d'ostéointégration, et ce fut une expérience extraordinaire.

Vous avez créé il y a près de 25 ans le diplôme universitaire d'implantologie de Corse. Pouvez-vous nous raconter la genèse de cette aventure et nous parler de ce DU ?

En mars 1996, avec David, nous avons été invités par l'Association dentaire corse à donner un cours dans les locaux de l'université de Corse. À cette occasion, le doyen Jean Costa, qui dirigeait le département de Sciences médicales et de biologie humaine de la Faculté des sciences, nous a demandé de réfléchir à la mise en place d'une formation diplômante. Le docteur Marcel Rocchesani, président de l'Association dentaire corse, et tous les praticiens adhérents ont fortement soutenu cette idée. Trois mois plus tard, le DU d'Implantologie de l'université de Corse était né ! David Abensur et moi étions chargés de la direction Pédagogie en compagnie de Jean-François Gaudy. Les cours ont débuté au mois de novembre 1996, la première promotion a réuni 26 praticiens, dont la plupart exerçaient dans l'île. Ce DU se déroule sur deux ans, avec une première année théorique et une deuxième année clinique avec une forte activité chirurgicale. Un symposium international ouvert à tous est organisé tous les deux ans, le prochain aura lieu dans le golfe d'Ajaccio (Porticcio) les 14 et 15 mai 2021. Chaque promotion réunit 30 praticiens issus de toutes les régions de France métropolitaine, d'Outre-mer et de pays francophones. À ce jour, plus de 350 praticiens ont été formés. En novembre prochain, la 13e promotion rejoindra Corte et inaugurera une collaboration avec le service de prothèse de l'université de Genève, dirigé par le Professeur Irena Sailer. En parallèle, une attestation universitaire d'implantologie (AUI) sur 1 an a vu le jour et débutera à la même date.

Quel regard portez-vous sur l'implantologie avec votre recul ? Quels sont vos certitudes ou vos doutes sur l'implantologie contemporaine concernant les domaines chirurgicaux ou prothétiques ?

Au début des années 1980, quand les publications de Bränemark et de l'école suédoise en général ont été connues, un sentiment de progrès décisif a envahi la profession. Plus rien ne serait comme avant. Il était possible d'avoir une troisième dentition. Les patients édentés pouvaient désormais bénéficier d'une denture fixe, et pour les édentés partiels, il ne serait plus nécessaire de délabrer les dents restantes pour réhabiliter leur mastication et leur sourire. De ce fait, avec les preuves de la fiabilité à long terme de l'ostéointégration, de nouvelles techniques de reconstruction osseuse ont été mises au point pour gérer les obstacles anatomiques, même dans des cas d'atrophies osseuses avancées.

De nouveaux états de surface ont réduit les temps de cicatrisation. Une gestion optimisée des tissus mous et des matériaux prothétiques innovants ont permis d'obtenir un mimétisme parfait avec les dents naturelles. Des techniques de moins en moins invasives, faisant appel aux nouvelles technologies, ont vu le jour. Malgré cela, depuis quelques années, dans les congrès internationaux, les communications parlant de complications se font de plus en plus nombreuses. Parmi ces complications, les infections péri-implantaires sont les plus citées. Au début des années 1990, Andrea Mombelli les avait évoquées, mais à cette époque, nous étions bien plus intéressés par l'émergence de nouvelles techniques de régénération osseuse, et ce côté sombre de l'implantologie est resté longtemps occulté. Aujourd'hui, nous avons tous conscience que les maladies péri-implantaires constituent le nouveau défi.

Comment voyez-vous l'implantologie de demain ?

La réponse découle directement de la question précédente. Comment la nouvelle génération devra-t-elle prendre en charge ces patients que nous avons traités au cours des trente dernières années ? Nous sommes-nous laissé déborder par l'euphorie de la nouveauté, par l'idée que nous avions enfin découvert la panacée ? Tous ces patients, nous les avons convaincus, parce que nous-mêmes nous l'étions, qu'ils auraient des dents pour le restant de leur vie. La jeune génération va devoir déterminer si ces nouvelles pathologies doivent conduire à modifier complètement les stratégies de traitement en identifiant de façon exhaustive les facteurs de risque, et donc de nouvelles contre-indications à l'implantologie. En plus de cela, il faudra traiter de façon efficace ces maladies afin de maintenir en place les implants posés dans le passé. Il va falloir mieux connaître la biologie pour mieux la respecter et ne pas attendre d'elle plus que ce qu'elle peut donner. Peut-être que, à la lumière de l'expérience acquise, nous devrons remettre en question certains dogmes.

Quel est, selon vous, le design idéal d'un implant pour éviter le risque infectieux ?

Les complications, qu'elles soient mécaniques, infectieuses ou psychologiques, ne surviennent que chez des patients qui ont des prédispositions pour cela. C'est donc à nous de les détecter en portant un diagnostic précis. Ensuite, nous devons choisir, parmi les moyens thérapeutiques dont nous disposons, lesquels sont les mieux adaptés pour contourner ces prédispositions. La technologie, si elle n'est pas employée à bon escient, ne sera pas efficace. Aujourd'hui, par exemple, on nous parle d'états de surface particuliers pour réduire le risque de péri-implantite, alors qu'il n'existe pas de consensus sur les causes de cette maladie. Est-ce que ce sont toujours les mêmes mécanismes qui induisent l'infection ? L'état de surface implantaire peut-il modifier le microbiote ? L'allergie au titane ou à d'autres métaux participe-t-elle à l'instabilité de l'os marginal ? Il reste encore beaucoup trop de points d'interrogation sur la pathogénie de cette maladie pour affirmer qu'avec tel implant, nous n'aurons jamais de péri-implantite.

La recherche fondamentale révèle quelques pistes, mais la route est encore très longue pour aboutir à des applications thérapeutiques fiables.

Comment doit-on tenir compte de tout cela dans les systèmes de formation ?

Pour un type d'édentement, il y a une infinité de plans de traitement possibles. En revanche, pour un patient donné, il n'y en a qu'un !

C'est sur cette base que doivent se construire les programmes de formation. Il est primordial de ne pas se focaliser sur la zone édentée, mais d'avoir une approche globale du cas. Pour cela, il est fondamental d'inclure toujours plus de pratique dans les programmes de formation et d'exploiter l'expérience professionnelle de celui qui veut se former pour qu'il apprenne à développer son « sens clinique ». Il ne faudra pas hésiter à revenir aux fondamentaux de la chirurgie et de la prothèse, qui sont trop souvent perçus comme obsolètes avec le recours de plus en plus fréquent aux nouvelles technologies. De même, l'enseignement de l'analyse objective et systématique de la littérature scientifique permettra de faire le tri entre ce qui n'est qu'anecdotique et ce qui permet d'obtenir un résultat pérenne.

Aujourd'hui, la formation doit intégrer tous ces aspects pour pouvoir remettre le patient au centre du plan de traitement.

Quand vous avez du temps libre, comment en profitez-vous ?

Grâce à l'implantologie, j'ai eu la chance de pouvoir voyager dans le monde entier. Cela m'a permis de rencontrer des gens exceptionnels auprès desquels je n'ai cessé d'apprendre. Maintenant que ma carrière touche à sa fin, le moment est venu de partager mon expérience et de rendre aux miens ce temps passé trop loin d'eux.

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