Implant n° 2 du 01/05/2020

 

CoVid-19

J.P. MANGION  

Le but de cet article est de faire le point sur les différentes techniques mises à notre disposition pour le traitement de l'air dans nos cabinets dentaires.

Plusieurs dispositifs s'offrent à nous pour nous assurer une bonne qualité de l'air : de la simple aération de la salle par ouverture des fenêtres à la mise en œuvre de dispositifs visant à éliminer les microorganismes par filtration et/ou action physique ou chimique.

Quelque que soit leur efficacité,...


Le but de cet article est de faire le point sur les différentes techniques mises à notre disposition pour le traitement de l'air dans nos cabinets dentaires.

Plusieurs dispositifs s'offrent à nous pour nous assurer une bonne qualité de l'air : de la simple aération de la salle par ouverture des fenêtres à la mise en œuvre de dispositifs visant à éliminer les microorganismes par filtration et/ou action physique ou chimique.

Quelque que soit leur efficacité, actuellement aucun dispositif ne saurait se substituer au renouvèlement de l'air.

L'air et ses contaminants

Chaque heure, un homme respire environ 300 litres d'air dont la qualité a une répercussion sur notre organisme[]. L'air extérieur est généralement de meilleure qualité que l'air de nos intérieurs lequel subit des polluants spécifiques[] [Tableau 1]. La principale source de pollution est l'homme. Meadow et al ont montré en 2015[] qu'une personne émettait par heure un nuage de plus de 10 millions de particules biologiques susceptibles de contaminer d`autres personnes ainsi que les surfaces exposées. En plus des aérosols biologiques, une personne assise va émettre 18 litres de CO2 et 40 grammes de vapeur d'eau par heure par sa seule respiration.

La structure émet aussi ses propres polluants : les COV (composés organiques volatiles) qui ont la capacité de s'évaporer à température ambiante sont émis par certaines colles, peintures, bois traités qui entrent dans la composition de notre mobilier. On peut citer aussi des désodorisants, les parfums, les produits d'entretien, de nettoyage et de désinfection qui sont utilisés pour le traitement des surfaces. Ce sont les formaldéhydes, les solvants organiques, l'éther de glycol, les hydrocarbures et principalement le benzène. La structure diffuse aussi les COSV (composés organiques semi volatiles) qui eux sont émis essentiellement par les revêtements plastiques et les retardateurs de flammes : les phtalates, le bisphénol et les hydrocarbures aromatiques polycycliques.

L'activité au sein du cabinet dentaire est aussi génératrice de polluants pour l'air. Les portes instruments dynamiques génèrent des aérosols potentiellement chargés biologiquement qui se dispersent dans l'air tout comme les vapeurs de résines auto-polymérisantes. Les patients eux même sont à l'origine d'aérosols qui sont proportionnels à la puissance d'émission de leur voix[]. Cette pollution aérienne est particulièrement marquée dans les structures récentes qui respectent la norme RT2012 qui impose une baisse significative de la perméabilité à l'air de l'enveloppe d'un bâtiment.

L'air intérieur provenant initialement de l'extérieur, nous y retrouverons toute la pollution qui y est associée : les suies de fumées automobiles ou industrielles, les pollens, les pesticides résultant de l'activité agricole, le radon (gaz radioactif naturel inodore et incolore) spécifique à certaines régions granitiques qui a tendance à s'infiltrer par les fissures ou les passages de canalisation pour s'accumuler dans les pièces[].

La qualité de l'air est aussi déterminée par sa température. Pour les soins, il est conseillés d'avoir une température située entre 19 oC et 26 oC et un taux d'hygrométrie entre 45 % et 65 %[]. Le dispositif de traitement idéal de l'air doit donc permettre de traiter l'ensemble de ces paramètres.

L'air médical

Bien que les cabinets dentaires ne soient pas soumis à la même rigueur ni aux mêmes normes, il est intéressant d'observer les principes retenus pour le traitement de l'air en milieu hospitalier. La norme appliquée est NFS 90-351. Elle préconise les performances à atteindre et les moyens à mettre en œuvre en fonction de la classe de risque qui a été déterminée pour la salle à protéger. Nous choisissons un secteur de classe de risque assimilable à notre exercice à savoir : classe 3 pour les salles d'interventions et de stérilisation et classe 2 pour les soins non invasifs (tels que ODF).

Le principe est de délivrer un air optimal adapté au risque infectieux du local en lui faisant subir une succession de traitements en amont dans une centrale de traitement de l'air (CTA). L'air neuf est pré-filtré à son entrée et une succession de « batteries » ajuste son hygrométrie et sa température. Au fur et à mesure que l'on s'approche du lieu de diffusion, la filtration est de plus en plus fine. Lorsque cela est nécessaire une surpression de la pièce est envisagée. Le débit de renouvellement de l'air, tout comme sa qualité particulaire sera adapté au risque. Pour exemple sur une salle d'intervention dans un cabinet dentaire (classe de risque 3) un débit de renouvèlement de 15 vol/h et de qualité particulaire (ISO7) est requis [fig. 1]. Pour des raisons de maitrise de déperdition d'énergie, une partie de l'air vicié peut être régénérée. Il repart alors dans le circuit de traitement de la centrale [fig. 2].

L'apport d'air neuf est toutefois indispensable car les différents filtres particulaires utilisés dans la chaine de traitement de l'air ne sont pas prévus pour arrêter les polluants chimiques comme le formaldéhyde, le CO2, l'O3, le NO2 et l'ensemble des gaz anesthésiques comme le protoxyde d'azote[].

L'air du cabinet dentaire

Nous pouvons classer les traitements de l'air en deux catégories :

Les dispositifs structurels

Ils sont intégrés à la structure et leur installation nécessitera l'intervention de professionnels. Ils concernent essentiellement le traitement thermique mais peuvent être associés à une filtration particulaire.

• La convection : le principe est simple : le traitement thermique appliqué à une surface (radiateur, sol) se répercute sur l'air ambiant. C'est une solution fiable qui présente une certaine inertie à la mise en œuvre.

• La climatisation : l'air peut être climatisé par une centrale de traitement de l'air identique à celle utilisée en milieu hospitalier. Dans ce cas, la température, l'hygrométrie, le mouvement, la qualité particulaire de l'air ainsi que son renouvèlement sont assurées. C'est sans doute la meilleure solution qui doit être envisagée dès la conception. Toutefois le coût de mise en œuvre demande réflexion. Généralement, dans les cabinets dentaires, la climatisation est obtenue par des splits : une unité extérieure reliée à des unités internes permet la régulation thermique de chaque pièce [fig. 3]. L'air qui pénètre dans l'unité est pré-filtré pour capter les grosses poussières et les poils d'animaux puis traité avec des filtres spécifiques permettant de contenir différentes granulométries de particules. Bien sûr, la qualité de l'air sera fonction de l'entretien de la filtration. Généralement le pré-filtre doit être nettoyé une fois par semaine (selon les consignes du fabriquant) et les filtres particulaires HEPA (High Efficiency Particulate Air) doivent être changés 3 à 4 fois par ans[]. Le problème de ces dispositifs est qu'ils ne permettent pas de réguler précisément le taux d'hygrométrie et surtout n'assurent pas le renouvellement de l'air. Les gaz non recyclés restent dans l'air.

• Les VMC : (ventilation mécanique centralisée) C'est une bonne solution puisqu'elle assure la mise en mouvement de l'air et son renouvellement. Elle se décline en trois systèmes : simple flux qui ne fait qu'extraire l'air en fonction du taux d'hygrométrie ou simplement à flux constant, la VMC double flux indépendant qui permet la maitrise des flux entrant et sortant, ainsi que la filtration de l'air entrant [fig. 4]. Enfin la VMC double flux avec récupération qui possède toutes les propriétés de la précédente avec en plus le prétraitement de l'air entrant, grâce à un échangeur thermique qui permet d'éviter de rejeter les calories acquises à l'intérieur de la pièce sans toutefois permettre la régulation précise de l'humidité ambiante. C'est certainement cette option qu'il faut retenir avec celle de la centrale de traitement de l'air qui est une VMC double flux très sophistiquée qui permet la maitrise de tous les paramètres (pressions, température, vitesse du flux, hygrométrie).

• L'aération naturelle : c'est la simple ouverture des fenêtres qui créer un courant d'air qui permet le renouvèlement de l'air. Il est recommander d'ouvrir au moins 15 minutes entre chaque patient[] pour évacuer l'air vicié et le remplacer par un air neuf. C'est une mesure efficace mais ne tient pas compte de la qualité de l'air extérieur.

Les unités mobiles de désinfection de l'air

Elles ont pour fonction de « purifier » l'air d`une pièce. Plutôt que de passer en revue les différentes unités proposées par le marché, nous avons préféré nous consacrer à l'étude des technologies qu'elles mettent en œuvre et qui peuvent se trouver cumulées sur un même dispositif.

Elles ont pour fonction de « purifier » l'air d`une pièce. Plutôt que de passer en revue les différentes unités proposées par le marché, nous avons préféré nous consacrer à l'étude des technologies qu'elles mettent en œuvre et qui peuvent se trouver cumulées sur un même dispositif.

Il faut distinguer trois types de technologie :

Les techniques de piégeage :

• La filtration : l'air est aspiré et contraint de passer par une série de filtres avant d'être rejeté dans la pièce. Les particules restent piégées par 6 mécanismes :

• L'interception : la particule se déplace si près de la surface qu'une de ses extrémités entre en contact avec le filtre. Les particules longues et fines comme les fibres d'amiante sont particulièrement sujettes à ce mode de dépôt.

• L'impaction inertielle : les particules ont tendance à suivre les flux d'air, qui contournent les obstacles ; cependant lors d'une variation de trajectoire trop rapide ou d'une particule trop lourde, celles-ci peuvent continuer tout droit et frapper la surface placée sur leur trajectoire.

• La sédimentation gravitationnelle : les particules se déposent sur une surface sous l'effet de leur propre poids.

• La précipitation électrostatique : attraction entre les particules et les parois résultant de leur charge électrostatique respective.

• Le tamisage : il se produit lorsqu'une particule est trop grosse pour passer à travers les mailles d'un filtre et y reste bloquée

• La diffusion : le mouvement brownien des particules, dû à leur agitation thermique, engendre leur dépôt au hasard sur les parois. Les petites particules, d'une taille inferieure à 0,5 μm, sont particulièrement sujettes à ce mécanisme de déposition[].

Tout comme en milieu hospitalier, la qualité de la filtration ainsi que le volume de traitement de l'air/ heure doivent être adaptés à la classe de risque de la pièce. Une salle d'intervention de 20 m2 avec une hauteur sous plafond de 2 m 50 représente un volume de 50 m3. Il faudra donc un dispositif capable de filtrer au minimum 500 m3/h en zone à risque 2 et 750 m3/H en zone à risque 3. La capacité de filtration par rapport au temps est « le » critère à prendre en compte dans le choix de son dispositif. Si nous voulons que ce traitement concerne les aérosols viraux, le type de filtration à retenir est le filtre HEPA.

L'ionisation ou filtration électrostatique

Le principe est de faire précipiter les particules présentes dans l'air en les chargeant négativement grâce à un générateur d'ions négatifs. Les charges négatives auront tendance à se repousser et précipiter sur les surfaces et le sol, qui sont chargés positivement (ionisation simple). D'autres se coupleront à des particules chargées positivement dans l'air pour en former de plus lourdes qui précipiteront (précipitation électrostatique). L'air est pur par précipitation des polluants sur les surfaces. Il n'y a aucune action biocide. Il a été montré une action de diminution sur les COV (composés organiques volatils)[]. Pour autant toutes les substances gazeuses ne sont pas traitées, l'aération des locaux reste nécessaire ainsi que le bionettoyage des surfaces contaminées.

Les techniques d'oxydation/ destruction

• Le plasma : il est obtenu par l'ionisation d'un gaz soumis soit à un champ électrique ou électromagnétique de forte intensité, soit à une température très élevée ou au bombardement de particules. Le plasma utilisé pour l `épuration de l'air est dit « plasma froid » car sa température est proche de celle du gaz initial avant excitation. Il présente l'avantage de générer entre autres des radicaux libres capables de traiter conjointement les pollutions particulaires inertes ou biologiques. Les principales études montrant l'intérêt du plasma sur la dégradation des COV ne concernent que des environnements à haute concentration. Il existe peu de littérature sur des concentrations correspondant à l'air intérieur. Toutefois bien que la technologie plasma libère en sous-produit de dégradation du toluène et de l'ozone, ceux-ci peuvent être contenus si le dispositif présente une filtration au charbon actif[].

• L'ozone : Composé de 3 molécules d'oxygène, elle a un fort pouvoir oxydant par interaction d'une de ses molécules avec les autres composés chimiques présents. Cependant l'ozone, à une concentration trop élevée, est nocif pour l'organisme.

•  La photocatalyse : c'est une solution qui est souvent présentée comme universelle car « non polluante » et très efficace pour détruire les microorganismes mais aussi les COV[]. Lorsque toutes les conditions sont optimales, la minéralisation complète des polluants aboutit à la formation d'eau, de dioxyde de carbone, d'azote et quelques minéraux. Toutefois ces conditions « optimales » sont rarement rencontrées in situ, ce qui génère des sous-produits de dégradation qui peuvent s'avérer plus toxiques que le polluant initialement détruit[].

• Les UV-C : Produit par des lampes à vapeur de mercure, ces rayonnements ultraviolets d'une longueur d'onde située entre 280 et 200 nm présentent une action germicide par l'altération irréversible de l'ADN et de l'ARN des cellules ou des microorganismes. Il existe des unités mobiles qui isolent le rayonnement UV-C pour permettre sa mise en œuvre en présence humaine. Si leur action germicide est indiscutable, ils ne traite pas les COV dans cette longueur d'onde[].

Les techniques d'aérosols

• Le principe est de diffuser un aérosol dans l'air pour éliminer les germes potentiels.

• Les huiles essentielles : Elles génèrent des COV[] et leur activité biocide est discutable car l'activité des huiles essentielles suivant les normes NF prévoie un temps de contact entre le principe actif et le germe qui n'est pas extrapolable à l'application du produit pulvérisé dans l'air[].

• Les substances biocides : les substances utilisées sont le peroxyde d'hydrogène et l'acide peracétique émis sous forme d'aérosols (type Nocospray). Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce procédé n'est pas destiné à désinfecter l'air mais bien les surfaces (DSVA ou désinfection des surfaces par voie aérienne). Il doit se faire hors présence humaine et toujours sur des surfaces préalablement nettoyées. Ils sont à réserver aux épidémies dont l'agent infectieux présente un haut potentiel de survie dans l'environnement[] .

Conclusion

La qualité de l'air dans nos cabinets dentaires est un paramètre important tant pour le bien être des personnes que pour limiter l'aéro-biocontamination liée à notre exercice. La mesure essentielle reste le renouvèlement de l'air qui pourra se faire soit par ventilation mécanique soit par la simple ouverture des fenêtres. La mise en œuvre d'unité mobile de « purification » de l'air ne peut à elle seule assurer l'obtention d'un air non pollué. La plupart de ces dispositifs ne traite pas les molécules gazeuses (radon, CO2, aldéhydes et autres COV), il sera donc toujours nécessaire de les évacuer à défaut de les traiter.

Toutefois ce type de dispositif peut s'avérer très intéressant lorsque la qualité de l'air « entrant » s'avère particulièrement chargé en polluants (pesticides dans les milieux ruraux lors des traitements phytosanitaires, gaz d'échappement ou suies industrielles dans les zones urbaines.) et qu`il n'existe pas de dispositifs de filtration de l'air entrant.

Les unités de filtration mobiles, tout comme les autres dispositifs de traitement de l'air présent dans les établissement recevant du public, sont soumis à une obligation de maintenance[] et du respect de la législation concernant les nuisance sonores[].

Auteur

Jean Paul Mangion

Docteur en Chirurgie Dentaire

Pratique libérale

Attaché d'enseignement à l'université de Corse (DU implantologie de Corse)

Responsable de l'hygiène et l'asepsie chirurgicale du DU implantologie de Corse

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