Implant n° 2 du 01/05/2020

 

Prothèse implantaire

P. AUROY   A. MAURY   C. TRAVERS   J.L. VEYRUNE  

La réhabilitation implanto-prothétique du secteur esthétique est un défi permanent pour le praticien. En effet, l'ostéo-intégration et la survie d'un implant ne sont plus aujourd'hui les seuls critères de succès. Au-delà des enjeux fonctionnels et biologiques, d'autres paramètres, en particulier esthétiques, sont à prendre en considération, d'autant plus que les progrès techniques rendent aujourd'hui légitime le niveau accru d'exigence des patients[

Résumé

Résumé

La mise en forme prothétique et la stabilité du berceau gingival des reconstructions unitaires antérieures sur implant constituent un pré-requis incontournable à l'obtention d'un rendu esthétique naturel et pérenne. Une fois les tissus mous péri-implantaires cicatrisés et le modelé gingival optimal obtenu grâce à la prothèse transitoire remaniée, il convient d'enregistrer et de transférer la forme du berceau gingival au laboratoire de prothèse.

L'analyse de la littérature montre que de nombreuses techniques ont été décrites afin d'y parvenir par des moyens classiques physico-chimiques. Nous discuterons des avantages et inconvénients de ces techniques et illustrerons dans le détail à propos d'un cas clinique la mise en œuvre de la personnalisation extra-orale du transfert d'empreinte.

La réhabilitation implanto-prothétique du secteur esthétique est un défi permanent pour le praticien. En effet, l'ostéo-intégration et la survie d'un implant ne sont plus aujourd'hui les seuls critères de succès. Au-delà des enjeux fonctionnels et biologiques, d'autres paramètres, en particulier esthétiques, sont à prendre en considération, d'autant plus que les progrès techniques rendent aujourd'hui légitime le niveau accru d'exigence des patients[].

Pour peu que les impératifs de choix et de positionnement de l'implant soient respectés et les défauts osseux et muqueux considérés lors de la phase chirurgicale, la morphologie et la stabilité des tissus mous péri-implantaires sont les derniers pré-requis à l'intégration biologique et esthétique de la restauration d'usage[].

Dans ce but, la phase de temporisation permettra d'organiser la mise en forme du berceau gingival et du profil d'émergence de la future restauration d'usage et de recréer les déterminants esthétiques : la présence et le volume des papilles inter-proximales, l'alignement des collets et la situation de points de contacts adéquats[].

Selon la stratégie thérapeutique choisie, cette phase peut avoir recours à un pilier de cicatrisation anatomique[] ou à une couronne transitoire dont les profils sont prédéterminés. Elle peut être conduite de manière précoce, pendant la phase d'ostéo-intégration, ou différée, après l'ostéo-intégration grâce à une couronne transitoire dont le profil est modifié de manière progressive et séquentielle par la compression basale[,,].

Une fois les tissus mous péri-implantaires cicatrisés et le modelé gingival optimal obtenu, il convient d'enregistrer et de transférer ces données au laboratoire de prothèse.

De nombreuses techniques ont été décrites afin d'y parvenir pour les éléments unitaires dans le secteur esthétique maxillaire. L'analyse de la littérature nous a permis de les identifier, de les classer, de les critiquer et d'en présenter une synthèse.

Dans ce premier travail, nous n'envisagerons que les techniques ayant recours à des enregistrements physico-chimiques des éléments anatomiques. Nous ne serons cependant pas exhaustifs car nous ne présenterons que les techniques cohérentes et éprouvées, laissant de côté certaines propositions irrationnelles ou alambiquées.

Principes généraux

Sur une dent naturelle, le profil d'émergence est défini comme la partie axiale du contour de la dent, qui s'étend de la base du sulcus gingival à l'environnement buccal, en passant par la gencive libre[,]. Grossièrement traduit de l'anglais emergence profile et fixé par l'usage, il laisse à croire en français qu'il s'agit du profil, c'est-à-dire d'une vue en coupe de la dent lorsqu'elle émerge de la gencive. Or, il s'agit bien de la forme globale du volume de la dent sur toute sa circonférence dans ses rapports avec les tissus adjacents, de part et d'autre de son émergence gingivale. Ce concept, issu de la prothèse fixée sur dent naturelle, correspond à la somme des profils axiaux de la surface de la dent et de la construction prothétique de part et d'autre du joint dento-prothétique.

Par extension en implantologie, pour les implants juxta-osseux, le profil d'émergence correspond à la portion trans-gingivale du pilier ou de la prothèse supra-implantaire qui permet la transition de la section circulaire du col de l'implant vers la section cervicale de la couronne prothétique, de forme irrégulière[] [fig. 1].

L'usage immodéré de cette terminologie approximative l'ayant consacrée, et afin de ne pas perdre le lecteur, nous utiliserons le terme de « profil d'émergence » pour décrire la forme de l'anatomie intra et supra-sulculaire des piliers et prothèses sur implants.

Enfin, le terme de « berceau gingival » a été choisi dans ce travail pour désigner la surface muqueuse formée par complémentarité aux surfaces implanto-prothétiques, du col de l'implant au rebord marginal.

Un profil d'émergence correctement déterminé et une bonne gestion des tissus mous non seulement permettent une intégration naturelle et esthétique de l'artifice prothétique au sein de l'arcade mais favorisent aussi un environnement biologique péri-implantaire favorable à la survie de l'implant[].

Afin de concevoir une prothèse d'usage qui épouse parfaitement la forme et le volume du berceau gingival obtenu en fin de temporisation, la prothèse d'usage doit reproduire exactement la forme intra-sulculaire et à l'émergence de la restauration transitoire ayant permis ce conditionnement. L'enregistrement du berceau gingival s'apparente donc à l'enregistrement du profil d'émergence de la couronne transitoire.

La pérennité du résultat esthétique obtenu avec la prothèse transitoire et la stabilité des tissus mous péri-implantaires dépendent directement de la précision de cet enregistrement.

Lors de la phase d'empreinte, la méthode la plus simple consiste à déposer la couronne transitoire et à visser un transfert d'empreinte standardisé sur l'implant avant de réaliser une empreinte à « ciel ouvert » ou à « ciel fermé ». Or, la muqueuse péri-implantaire se caractérise par une disposition particulière des fibres collagènes qui sont orientées parallèlement au grand axe du pilier[]. Elles ne peuvent donc pas adhérer aux surfaces implantaires et prothétiques[]. Ceci prédispose la muqueuse péri-implantaire à être tributaire du support structurel du pilier et de la prothèse sans lesquels elle se déforme rapidement dès que ce support est retiré.

Deux types de déformations sont à prendre en considération : les déformations passives et les déformations actives.

L'effondrement du berceau gingival une fois la prothèse déposée, aussi appelé « collapsus gingival », est une déformation passive. Il est immédiat car il commence dès que la prothèse provisoire est déposée. Il est systématique car il n'existe pas de cas où il ne se produit pas. Il est continu car il se poursuit et s'amplifie tant que la prothèse transitoire n'est pas remise en place[,].

La section trans-gingivale simple et circulaire des transferts standardisés ne correspond pas à la section naturelle triangulaire ou ovalaire du profil d'émergence des dents antérieures mise en forme par la prothèse transitoire. Ils ne peuvent donc pas empêcher l'effondrement passif des tissus mous péri-implantaires. Parfois même, le volume trans-gingival des transferts interfère avec la muqueuse péri-implantaire et repousse, par déformation active, le berceau gingival au-delà du volume défini par la prothèse transitoire.

Il convient aussi de considérer la déformation active du péri-implant sous la pression des matériaux d'empreinte. Trop souvent ignorées, les déformations infligées aux tissus mous sont d'autant plus importantes qu'ils ne sont pas soutenus et que la viscosité du matériau d'empreinte est élevée. Ainsi, que les tissus mous soient insuffisamment soutenus ou déformés lors de l'enregistrement, l'information transmise au laboratoire est toujours erronée.

Cette imprécision génère une différence entre la morphologie clinique des tissus mous lorsque la couronne transitoire est en bouche et la morphologie obtenue une fois la couronne d'usage en place. La conception hypothétique de cette dernière par le prothésiste aura pour conséquences un risque de sous-contour ou de sur contour et un inconfort, voire une douleur lors de la pose. Dans tous les cas, le modelage clinique préalable des tissus mous sera perdu et l'intégration esthétique et biologique de la prothèse d'usage compromise[,].

Discussion

Afin de prévenir cette approximation, de nombreuses méthodes ont été décrites. L'analyse de la littérature à partir des mots-clés (dental implant) ET (impression OU transfer OU replicating) ET (soft tissue OU emergence profile), complétée par une recherche manuelle sur PUBMED, renvoie 260 résultats. Après différentes phases d'exclusion (date de publication > 15 ans, lecture du titre, lecture du résumé), 13 articles ont été retenus [Tableau 1]. Ils illustrent les techniques dites « classiques » faisant appel à des moyens physico-chimiques.

Certaines reposent sur la personnalisation de transferts d'empreinte standards, soit de manière directe, dite intra-orale[,], soit de manière indirecte, dite extra-orale[-].

D'autres utilisent la couronne transitoire comme transfert d'empreinte, soit directement emportée, soit repositionnée dans le matériau, lors d'une empreinte physico-chimique[-].

Enfin, certains auteurs proposent l'élaboration d'un modèle supplémentaire, réalisé en parallèle du modèle de travail habituel, reproduisant précisément la morphologie des tissus mous péri-implantaires enregistrée[].

Personnalisation intra-orale du transfert d'empreinte[14,25]

Immédiatement après avoir déposé la couronne transitoire, un transfert d'empreinte standard, adapté au système implantaire, est vissé sur l'implant.

Puis, l'espace libre entre le berceau gingival et le transfert est comblé en bouche, en injectant au contact du berceau gingival et du transfert un composite fluide[] ou une résine acrylique auto-polymérisable[] [fig. 2].

Alors que le transfert permet d'enregistrer la position tridimensionnelle de l'implant, le col en résine créé autour du transfert permet de dupliquer le volume du berceau gingival tel qu'il est au moment de la polymérisation.

Une empreinte classique avec des élastomères à ciel fermé[] ou à ciel ouvert[] est ensuite réalisée. Le transfert individualisé est repositionné ou emporté dans le matériau d'empreinte.

Toutes les informations concernant la position et la forme des dents adjacentes, la position du contour externe des tissus mous, la position spatiale de l'implant ainsi que l'enregistrement du berceau gingival, nécessaires à la réalisation de la prothèse d'usage, seront transmises au laboratoire et reproduites sur le maître modèle.

Cette technique apparemment simple appelle quelques commentaires.

L'injection de résine et sa polymérisation au contact des tissus mous sont souvent citées comme étant des facteurs iatrogènes, par irritation chimique ou thermique[,,]. Cependant ces effets secondaires seraient modérés et seules de hautes concentrations du triéthylène glycol diméthacrylate (TEGDMA) contenu dans les composites pourraient causer des dommages significatifs.

De même, bien que les polyméthyle méthacrylates soient les résines acryliques qui, une fois polymérisées, stimulent le moins la production de cytokines pro-inflammatoires[], l'exothermie de leur polymérisation (60o à 70o) pourrait avoir des conséquences délétères sur les tissus mous adjacents[,,].

Un autre inconvénient est la difficulté à contrôler la contamination du site par la salive, les exsudats ou, éventuellement, le sang lors de l'injection du matériau en bouche, pouvant être source d'imprécision lors de l'enregistrement[].

Plusieurs études montrent que le collapsus gingival se produit dès la première seconde suivant le retrait de la couronne transitoire et s'accroît continuellement avec le temps[,,]. Ainsi, même si le transfert est rapidement mis en place et l'injection de résine immédiate, cette déformation passive ne pourra être totalement évitée car les tissus mous seront insuffisamment soutenus[,,] [fig. 2b].

Enfin, selon la viscosité du matériau injecté, la surface du berceau gingival peut subir une déformation active et être repoussée à l'excès.

Le volume du berceau gingival, enregistré et transmis au laboratoire par ces techniques, est donc toujours différent de celui créé par la prothèse transitoire. Les déformations sont constantes et aléatoires, de sorte qu'elles n'ont aucune prédictibilité et incitent à se tourner vers des techniques plus fiables[] [fig. 2c].

Personnalisation extra-orale du transfert d'empreintes

Dans cette technique, le profil d'émergence de la couronne transitoire est enregistré en dehors de la cavité buccale. La couronne transitoire déposée est connectée à l'analogue de l'implant. L'ensemble est placé dans un élastomère de haute viscosité. L'analogue et le tiers trans-gingival de la couronne jusqu'à sa ligne de plus grand contour sont moulés dans cette matrice [fig. 3a].

Après réticulation de l'élastomère, la couronne transitoire est désolidarisée de l'analogue, laissant l'empreinte en négatif du profil d'émergence dans l'élastomère.

Un transfert d'empreinte standardisé est alors vissé sur l'analogue. L'espace vide laissé entre celui-ci et l'élastomère est comblé par injection de résine acrylique auto-polymérisable ou de composite fluide, selon les auteurs [fig. 3b].

Après polymérisation, le transfert désormais personnalisé est dévissé de l'analogue. Les excès de résine sont éliminés, puis il est connecté en bouche sur l'implant [fig. 3c].

Grâce au transfert personnalisé, reproduisant exactement le profil d'émergence de la couronne transitoire, les tissus mous péri-implantaires collabés sont remis en place et maintenus dans la position initiale conditionnée par la prothèse transitoire.

Les étapes suivantes sont identiques à celles des techniques d'empreintes intra-orales précédemment décrites.

Cette technique semble fiable, simple et reproductible.

La réalisation du moulage de l'ensemble constitué par l'analogue fixé sur la dent provisoire est cependant délicate. Il faut impérativement que les rétentions de l'analogue soient complètement investies par le matériau élastomère afin d'assurer son immobilité parfaite et sa rétention. En effet, la rotation de l'analogue dans la masse du matériau d'empreinte est fréquente lorsque la couronne transitoire est dévissée de l'analogue si le couple de force pour la débloquer est supérieur au couple nécessaire pour rompre la liaison entre l'analogue est le matériau d'empreinte. Cela peut arriver aussi lorsque la vis du transfert met en buté les contreparties de la connexion et se bloque à la fin de son vissage dans l'analogue. C'est pourquoi il est parfois conseillé de noyer l'apex de l'analogue dans un socle en plâtre lorsque le matériau d'empreinte n'est pas suffisamment thixotrope ou rigide une fois réticulé[,].

Le recours à un élastomère transparent pourra faciliter la photo-polymérisation complète et rapide de la résine composite fluide au fond du moulage et à l'ombre du transfert[,].

Le transfert utilisé sera nécessairement anti-rotationnel pour les éléments unitaires. Il faudra également veiller à ce qu'il n'interfère pas avec la surface du berceau gingival en élastomère au risque de la déformer ou de se déplacer. Le cas échéant, il sera réduit par meulage à ce niveau, avant de couler la résine dans le moule en élastomère.

Un repère vestibulaire sera avantageusement placé sur le moulage en élastomère et reporté sur le transfert lorsque la résine sera polymérisée afin de le repositionner sans ambiguïté en bouche avant l'empreinte.

Il faudra ensuite supprimer les excès de résine en s'assurant que les rétentions du transfert, pour l'empreinte à ciel ouvert, ou les surfaces dévolues au repositionnement, pour l'empreinte à ciel fermé, sont suffisamment nombreuses et dégagées pour assurer la rétention du transfert dans la masse du matériau d'empreinte ou son parfait repositionnement selon la technique utilisée[].

Une fois toutes ces spécificités prises en compte, et malgré les variations dimensionnelles inhérentes aux matériaux utilisés, les techniques de personnalisation extra-orale du transfert d'empreinte permettent un contrôle, une précision et une fiabilité supérieurs à ceux des techniques intra-orales dans l'enregistrement et la transmission au laboratoire du profil d'émergence.

Utilisation de la couronne transitoire comme transfert d'empreinte

Empreinte à ciel fermé

L'empreinte finale est réalisée à l'aide d'un élastomère, la couronne transitoire en bouche[,] [fig. 4]. Une fois déposée et vissée à l'analogue, cette dernière est repositionnée dans le matériau d'empreinte. L'empreinte est ensuite traitée normalement par réalisation d'une fausse gencive et coulée du modèle en plâtre. La restauration transitoire est ensuite dévissée puis repositionnée en bouche.

L'avantage de cette technique est qu'elle utilise un transfert morphologiquement idéal : la couronne transitoire elle-même. Il n'y a donc pas d'étape de personnalisation du transfert.

Cependant, le repositionnement de la couronne transitoire dans l'empreinte à ciel fermé est jugé peu précis et le manque d'éléments rétentifs compromet sa stabilité dans le matériau lors des manipulations et de la coulée du plâtre.

Afin de pallier ces inconvénients, certains auteurs ajoutent aux faces vestibulaires ou palatines de la dent transitoire des éléments rétentifs supplémentaires susceptibles d'améliorer sa stabilité sans compromettre son repositionnement dans l'empreinte[,]. D'autres utilisent le puits d'accès à la vis de prothèse qui, partiellement débouché, laisse dans l'empreinte un relief stabilisant.

Empreinte à ciel ouvert

Les auteurs réalisent une empreinte à ciel ouvert en utilisant une longue vis de transfert pick-up pour solidariser la couronne transitoire à l'implant[]. Toutefois, le niveau de précision est parfois insuffisant car la forme de la couronne transitoire n'est pas propice à assurer une bonne liaison avec le matériau d'empreinte lors de la désinsertion, de la mise en place de l'analogue, de la coulée du plâtre[]. Des éléments rétentifs en résine peuvent être ajoutés au volume de la prothèse transitoire afin d'améliorer sa liaison avec le matériau d'empreinte. Ceux-ci devront être supprimés avant de réinsérer la prothèse transitoire en bouche.

Dans tous les cas, lors de l'utilisation de la couronne transitoire comme transfert, le patient est privé de cette dernière pendant toute la durée de traitement de l'empreinte[,,,]. Cette contrainte oblige à prendre des dispositions pour que l'empreinte soit coulée immédiatement et à placer un dispositif de maintien des tissus mous avant la réinsertion de la couronne transitoire qui peut intervenir plus d'une heure après sa dépose[].

Afin de gagner du temps, Elian[], qui utilise la couronne provisoire comme transfert dans une empreinte à ciel fermé, injecte dans l'empreinte, après avoir connecté un analogue à la prothèse transitoire et replacé celle-ci, un élastomère de laboratoire destiné à réaliser les fausses gencives. Il obtient ainsi en quelques minutes un modèle de travail entièrement en élastomère sur lequel le technicien au laboratoire pourra adapter la forme de la céramique au berceau gingival.

Il réalise dans la même séance une empreinte à ciel ouvert avec un transfert standard. Il obtient ainsi un second modèle, en plâtre celui-ci, qui permettra de régler avec précision les points de contact et l'occlusion. La prothèse transitoire est rendue au patient dans un délai raisonnable puisque la séance dure moins de 30 minutes.

Cas clinique

Suite à l'avulsion de 11, conséquence d'une pathologie endo-parodontale, un implant a été mis en place. Après ostéo-intégration, une première empreinte a permis de réaliser une prothèse transitoire. La mise en œuvre d'une compression basale[] aboutit à une mise en forme gingivale incomplète mais stable et acceptable dans un contexte de maintenance approximative du patient [fig. 5 et 6].

Une fois la prothèse transitoire déposée, elle est connectée à un analogue implant. L'ensemble est noyé dans un élastomère polyvinyle siloxane en prenant garde à ce que le matériau d'empreinte investisse complètement les rétentions dérisoires de l'analogue prévues pour du plâtre [fig. 7] et que le moulage soit parfaitement appliqué et s'étende sur tout le profil d'émergence [fig. 8].

Après réticulation de l'élastomère, la prothèse transitoire est désolidarisée de l'analogue et remplacée par un transfert d'empreinte [fig. 9 et 10]. Il est important de ne pas appliquer un couple de serrage trop important, ni au transfert sur l'analogue ni à la prothèse transitoire, au risque de rompre la liaison entre le matériau d'empreinte et la surface de l'analogue. Le déplacement de l'analogue, généralement en rotation, ferait perdre la position relative du profil d'émergence par rapport à la connexion de l'implant, la face vestibulaire se trouvant alors transposée en proximale.

Il faut aussi veiller à ce que le transfert une fois en place n'interfère pas avec la surface d'élastomère moulé sur le profil d'émergence. Si c'était le cas, il faudrait réduire localement par meulage le transfert après l'avoir démonté.

Une résine acrylique suffisamment fluide pour remplir, sans manque, l'espace entre le moulage du volume de la prothèse transitoire et la surface du transfert est injectée [fig. 11]. Une fois la résine polymérisée, le transfert personnalisé est désolidarisé de l'analogue et un repère est porté sur le moule afin de repérer la face vestibulaire [fig. 12].

Le transfert personnalisé est débarrassé des excès de résine en préservant le profil d'émergence moulé par l'élastomère [fig. 13]. Le repère matérialisant la face vestibulaire est transposé sur la résine du transfert personnalisé afin de l'insérer correctement sans hésitation, puis le transfert est vissé sur l'implant. Le berceau gingival reprend aussitôt la place qu'il occupait lorsque la prothèse transitoire était présente [fig. 14]. Les rétentions du transfert ont été libérées des excédents de résine afin que la liaison avec le matériau d'empreinte pick-up soit suffisante pour résister à la désinsertion, à la mise en place de l'analogue et à la coulée du modèle au laboratoire de prothèse[]. L'empreinte à ciel ouvert en double mélange peut avoir lieu.

L'élastomère polyvinyle siloxane fluide est d'abord injecté autour du transfert et dans ses rétentions pour les investir sans manque. Puis il est répandu généreusement sur les faces vestibulaires des dents adjacentes afin d'enregistrer avec précision leurs profils d'émergence [fig. 15]. Enfin, toutes les faces occlusales reçoivent de l'élastomère fluide car l'élastomère putty seul est incapable de les mouler précisément[,].

Après réticulation de l'ensemble des matériaux d'empreinte, la vis de transfert est retirée et le moulage désinséré avec précaution. Le transfert personnalisé noyé dans les matériaux d'empreinte assure à la fois l'enregistrement de la position relative de l'implant par rapport aux structures adjacentes et la forme précise du berceau gingival lorsque la prothèse transitoire est en place. Les matériaux d'empreinte toujours finement appliqués à la surface assurent qu'il n'a pas subi de déplacement pendant la désinsertion [fig. 16]. L'empreinte sans bulle ni manque étant validée, elle peut être transmise au laboratoire de prothèse.

L'analogue est connecté au transfert personnalisé et vissé avec précaution pour ne pas rompre sa liaison avec les matériaux d'empreinte[]. Le modèle est coulé en plâtre synthétique, puis il est fractionné et une fausse gencive est réalisée [fig. 17]. Elle reproduit fidèlement le berceau gingival. L'injection d'élastomère fluide en bouche pendant l'empreinte, sur les faces vestibulaires et la gencive des dents adjacentes, a permis d'obtenir un modèle sans tirage ni manque à ce niveau. Il est garant d'une reproduction fidèle de leur anatomie et de leur profil d'émergence.

Seule la caractérisation de la teinte, la structuration de la surface et la finalisation du tiers occlusal de la prothèse d'usage sont laissées à l'appréciation du céramiste sur la base des éléments annexés au moulage (teinte, photographies, etc.). La principale difficulté pour le céramiste est de reproduire précisément avec la céramique la forme du profil d'émergence dupliquée sur le modèle par la fausse gencive [fig. 18 et 19]. Mais il dispose de tous les éléments anatomiques pour proposer une reconstruction dont le profil d'émergence respecte la mise en forme gingivale prothétique orchestrée par la prothèse transitoire et qui s'intègrera harmonieusement aux dents voisines, assurant la pérennité esthétique et biologique de la thérapeutique [fig. 20 et 21].

CONCLUSION

Une fois les impératifs chirurgicaux et anatomiques pris en compte, le succès des réhabilitations implanto-prothétiques du secteur esthétique repose en grande partie sur une gestion individualisée de l'émergence prothétique au sein des tissus mous péri-implantaires.

Soigneusement modelée lors de la phase de temporisation, la topographie de ces tissus ne peut être stabilisée sur le long terme que par un support prothétique dont le profil d'émergence est parfaitement complémentaire avec le volume et la forme du berceau gingival obtenus en fin de cicatrisation par la prothèse de transition.

Ainsi, la prothèse d'usage optimale n'est autre que la réplique de la couronne transitoire ayant permis cette mise en forme.

Nous l'avons vu, de nombreuses techniques ont été décrites afin d'enregistrer et de transférer au laboratoire le volume de la prothèse de transition et la forme complémentaire du berceau gingival, soulignant la préoccupation des auteurs à ce sujet. Certaines permettent d'enregistrer et de transférer au laboratoire de façon fiable et reproductible le volume de la prothèse transitoire et la forme du berceau gingival. Mais toutes délèguent au céramiste le soin de reproduire fidèlement ce volume avec la prothèse d'usage. Hélas, cet objectif n'est pas toujours complètement atteint.

Les systèmes de conception et fabrication assistées par ordinateur qui excellent dans l'enregistrement et le transfert des volumes au laboratoire sont, de surcroît, capables de commander numériquement des machines susceptibles de dupliquer précisément ces volumes.

L'enregistrement et le transfert de la forme du berceau gingival ainsi que la fabrication de la prothèse d'usage par la voie numérique sont-ils réalisables avec les outils digitaux dont nous disposons actuellement ? C'est ce que nous allons envisager dans l'article suivant.

Auteurs

Pascal Auroy

PU-PH

Laboratoire de recherche clinique en prothèse odontologique

UFR d'odontologie, Unité fonctionnelle d'implantologie orale, Clermont-Ferrand

Alex Maury

Docteur en chirurgie dentaire

Laboratoire de recherche clinique en prothèse odontologique

UFR d'odontologie, Clermont-Ferrand

Jean-Luc Veyrune

PU-PH

Centre de recherche en odontologie clinique

UFR d'odontologie, Unité fonctionnelle d'implantologie orale, Clermont-Ferrand

Cyril Travers

Prothésiste dentaire

UFR Odontologie, Clermont-Ferrand

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