Implant n° 2 du 01/05/2020

 

Chirurgie pré-implantaire

T. BAUCHET  

Les concepts d'implantologie ont évolué depuis plusieurs décennies. En effet, l'implant est guidé non plus par le volume osseux disponible mais par le couloir prothétique à restaurer. Lorsqu'il existe une discordance entre le projet prothétique et le positionnement idéal des implants, des techniques chirurgicales additives sont alors indiquées. Le gold standard reste l'os autogène mais présente différentes limites : deux sites opératoires, des risques nerveux inhérents...


Résumé

Résumé

Les techniques d'augmentation osseuse sont fréquemment utilisées dans les réhabilitations implantaires. Dans de nombreux cas, le prélèvement intra-oral ne peut combler le déficit. Afin d'éviter des prélèvements extra-oraux invasifs, nous avons à notre disposition du biomatériau allogénique comme alternative thérapeutique. Ce matériau montre avec un certain recul clinique des résultats très séduisants.

Les concepts d'implantologie ont évolué depuis plusieurs décennies. En effet, l'implant est guidé non plus par le volume osseux disponible mais par le couloir prothétique à restaurer. Lorsqu'il existe une discordance entre le projet prothétique et le positionnement idéal des implants, des techniques chirurgicales additives sont alors indiquées. Le gold standard reste l'os autogène mais présente différentes limites : deux sites opératoires, des risques nerveux inhérents aux prélèvements intra-oraux[], un volume osseux disponible limité en intra-oral. Afin de pallier ces inconvénients et d'éviter des prélèvements extra-oraux, nous pouvons réaliser des reconstructions grâce aux substituts osseux.

Des allogreffes minéralisées déshydratées (Puros®, Zimmer Biomet) [fig. 1] sont à notre disposition et se présentent sous forme :

– de blocs cortico-spongieux pour les greffes d'apposition en substitution au prélèvement symphysaire ou ramique ;

– de particules pour la régénération osseuse guidée (ROG) ou pour le comblement osseux post-extractionnel.

Ce matériel allogénique présente un recul clinique et de solides références bibliographiques qui mettent en évidence l'efficacité de ce type de biomatériau[,]. On observe à ce jour que de nombreux traitements de défauts osseux maxillaires et mandibulaires habituellement traités par des greffes d'os autogène sont remplacés par des greffons allogéniques.

Les allogreffes Puros®

Une allogreffe est une greffe d'organe ou de tissu entre individus d'une même espèce. Le procédé Tutoplast® (Tutogen Medical) permet depuis plus de 40 ans, dans de nombreuses spécialités médicales, d'obtenir une viro-inactivation de produit allogénique.

Le procédé Tutoplast® se décompose en 5 étapes :

– une délipidisation à l'acétone sous bain ultrasonore, qui permet l'élimination des lipides et l'inactivation des virus encapsulés ;

– un traitement osmotique afin de détruire les membranes cellulaires ;

– un traitement oxydatif à l'eau oxygénée, qui agit sur les virus non encapsulés et les protéines solubles ;

– une déshydratation par l'acétone permettant de conserver les propriétés biomécaniques du greffon ;

– une irradiation aux rayons gamma à faible dose afin de stériliser le greffon dans son double emballage stérile.

Le procédé de déshydratation permet au Puros® d'obtenir d'excellentes propriétés biomécaniques lors de son utilisation sans altérer la résorption de la trame osseuse minérale lors du remaniement osseux physiologique.

La distribution du greffon allogénique est accompagnée d'un certificat de traçabilité du greffon mettant en évidence les tests sérologiques de dépistage des maladies transmissibles.

Une revue systématique sur l'os allogénique a mis en évidence comme facteur de réussite l'origine du donneur et le traitement du greffon[]. L'étude de la technique de déshydratation et de viro-inactivation du greffon allogénique a donc un rôle important dans le résultat clinique final.

Cicatrisation osseuse

Le traitement des blocs cortico-spongieux permet d'avoir une corticale de qualité, celle-ci pouvant ainsi jouer son rôle de membrane rigide. Cette « membrane » permet de protéger l'os spongieux sous-jacent qui cicatrise par ostéo-conduction. Le matériau sert de matrice à la prolifération osseuse de l'hôte : on parle de substitution rampante. Biologiquement, le procédé de cicatrisation est identique à celui d'une greffe autogène par coffrage décrite par Khoury[] ou dans le cas d'une régénération osseuse guidée.

Aspects cliniques des Blocs de Puros®

Les blocs cortico-spongieux allogéniques permettent d'éviter les prélèvements d'origine ramique et symphysaire, mais également d'éviter le prélèvement extra-oral dans les cas de grandes reconstructions.

Les blocs sont indiqués dans les cas de reconstructions horizontales au maxillaire et à la mandibule ainsi que dans les cas de reconstruction verticale mandibulaire postérieure. Dans le cadre d'une reconstruction 3D, il faudra envisager 2 chirurgies. La première pour la reconstruction horizontale afin d'augmenter la largeur de crête et la seconde pour corriger la perte verticale.

Cas clinique no 1

En 2009, je reçois en consultation un patient qui souhaite la mise en place de 2 implants en place de 11 et 21 suite à la dépose de son bridge de 4 éléments. L'examen clinique révèle un biotype parodontal favorable couplé à une perte osseuse horizontale, ce qui est confirmé par l'examen tomographique [fig. 2]. Le patient présente une classe 4 d'après la classification des pertes osseuses de Benic et Hämmerle[]. Le patient ne souhaitant pas de prélèvement autogène, la décision est prise de réaliser une greffe d'apposition horizontale avec 2 blocs cortico-spongieux allogéniques Puros®. Le protocole chirurgical nécessite la même rigueur technique que lors d'une greffe autogène [fig. 3]. À 5 mois, les vis d'ostéosynthèse sont déposées, ce qui permet d'observer la qualité de la vascularisation, et la phase chirurgicale implantaire est réalisée [fig. 4]. Le patient effectue annuellement sa maintenance implantaire avec son dentiste traitant (Dr Swistunow) qui a réalisé la phase prothétique. Je l'ai convoqué à 9 ans pour réaliser un contrôle clinique et radiologique. La situation clinique est stable, le contour osseux vestibulaire est toujours présent. On observe également un maintien des tissus mous [fig. 5 et 6]. L'étude du cone beam corrobore les résultats cliniques [fig. 7].

Aspects cliniques des chips de Puros®

Les particules sont utilisées dans les comblements d'alvéoles d'extractions et lors des élévations du plancher sinusien. Les comblements d'alvéoles d'extractions permettent de limiter la perte osseuse post-extractionnelle et d'éviter une greffe osseuse en onlay. Les études de Lindhe et Araujo[] ont analysé la résorption osseuse post-extractionnelle. Dans la première année, l'os va se résorber de 40 % en vertical et de 60 % en horizontal. Les particules allogéniques, par leurs propriétés biomécaniques, permettent de maintenir un volume osseux. De plus, contrairement à l'os d'origine animale, il est suffisamment résorbable pour être incorporé par de l'os natif.

La présentation de ces différents cas cliniques corrobore les études de Block[] qui montrent qu'une pose d'implant 4 mois après un comblement post-extractionnel avec un matériau allogénique est tout à fait envisageable. On constate à 4 mois un os spongieux de bonne qualité, une quasi-absence de particules allogéniques, ce qui permet la pose d'implant avec une bonne stabilité primaire.

Cas clinique no 2 

Le patient est adressé pour une résorption interne et une infection apicale chronique sur la 21 [fig. 8]. Le patient souhaite une réhabilitation implantaire mais n'envisage pas de traitement orthodontique. L'étude radiologique met en évidence une perte osseuse vestibulaire quasi complète [fig. 9]. Afin d'éviter une greffe osseuse en onlay, il est proposé un comblement post-extractionnel avec des particules spongieuses de Puros®. Après une extraction atraumatique [fig. 10] et un curetage minutieux de la lésion, l'élévation du lambeau met en évidence la perte osseuse coronaire et apicale. Vous noterez la préservation du pont osseux qui va permettre le soutien de la membrane [fig. 11]. Après le comblement avec des particules d'os spongieux et la mise en place d'une membrane résorbable [fig. 12 et 13], le lambeau est déplacé coronairement afin de permettre des sutures sans tension [fig. 14]. À 4 mois, un cone beam est réalisé [fig. 15]. La situation clinique [fig. 16] et radiologique valide la possibilité d'implanter dans le couloir prothétique [fig. 17]. Lors d'un rendez-vous de suivi à 7 ans, on observe au niveau clinique la stabilité des tissus mous et du résultat esthétique [fig. 18]. Un cone beam est réalisé afin d'évaluer le maintien du volume osseux au cours du temps : non seulement le volume osseux est maintenu mais on observe également la formation d'une nouvelle corticale osseuse vestibulaire [fig. 19].

Cas clinique no 3

Une patiente consulte pour une fracture radiculaire sur une incisive centrale maxillaire [fig. 20]. Un protocole d'extraction-implantation immédiate est réalisé avec une régénération osseuse guidée avec des particules d'os allogéniques spongieux et une membrane résorbable stabilisée par des pins [fig. 21]. Un cone beam de contrôle est réalisé à 6 mois : on observe le volume osseux reconstruit [fig. 22]. Après l'aménagement des tissus mous grâce à la dent provisoire trans-vissée sur implant, la dent définitive est réalisée [fig. 23]. À 8 ans, nous avons convoqué la patiente pour évaluer la situation clinique et radiologique. Radiologiquement, le volume osseux est stable avec une corticale osseuse vestibulaire bien présente [fig. 24] ; d'un point de vue clinique les tissus mous sont stables autour de la reconstitution prothétique [fig. 25].

À ce jour, j'éviterais les incisions de décharge à proximité du site et en regard des incisives qui peuvent entraîner des cicatrices disgracieuses et des récessions. L'idéal est de réaliser l'incision de décharge en distal des canines.

Aspects histologiques d'une greffe allogénique Puros®

J'ai réalisé une carotte osseuse [fig. 26] dans l'axe d'un forage implantaire d'un bloc cortico-spongieux 5 mois après la chirurgie. Le prélèvement a été adressé au Laboratoire d'histologie-embryologie, Équipe GEROM (Groupe étude remodelage osseux et biomatériaux) du CHU d'Angers dirigé par le Pr Chappard.

L'étude est histologique et histo-enzymologique. La biopsie osseuse est étudiée sans décalcification après inclusion en polymères méthacryliques et coupe sur microtome à objets durs.

Le prélèvement comporte une corticale contenant des systèmes de Havers avec des ostéons complets centrés sur leur canal.

L'étude du tissu osseux trabéculaire est en accord avec la physiologie osseuse. En effet, on retrouve des unités de remodelage osseux composées :

– d'ostéoblastes et ostéocytes, signes de formation osseuse ;

– d'ostéoclastes, signes de résorption osseuse.

L'os trabéculaire est entouré d'une atmosphère fibreuse lâche dans laquelle se trouvent de nombreux sinus vasculaires ainsi que de nombreux foyers d'apposition ostéoblastique. [fig. 27 et 28]. En microscopie de polarisation, le tissu osseux néo-formé et le matériau Puros® est de type lamellaire.

Sur les coupes colorées par le bleu de toluidine, on constate l'absence d'ostéocytes dans les cavités ostéoplastiques de l'os allogénique alors que ces cellules sont bien présentes dans le tissu osseux néoformé. Les alignements pseudo-épithéliaux d'ostéoblastes sont nombreux, ils apposent du tissu ostéoïde et il n'existe pas de trouble de minéralisation [fig. 30].

Sur les coupes avec détection histo-enzymologique de la phosphatase acide tartrate résistante (TRAcP), on note la présence d'ostéoclastes typiques comportant un maximum de 5 noyaux en train de résorber, d'une part, le tissu osseux néo-formé et, d'autre part, le matériau allogénique [fig. 31].

On n'observe pas de foyer inflammatoire dans les espaces médullaires, contrairement aux études histologiques utilisant du matériau d'origine bovine []. Ces résultats histologiques sont en accord avec les travaux de Wang[].

Conclusion

Les éléments cliniques et histologiques du Puros® sont très séduisants avec un recul clinique non négligeable. Ce matériau permet une néoformation osseuse rapide et une résorption quasi complète du matériau. L'intérêt de ce matériau est de permettre une simplification de la procédure chirurgicale, de réduire la morbidité liée au prélèvement intra-oral, de réduire les suites opératoires et de sécuriser notre exercice. L'apport du numérique permet de proposer un bloc cortico-spongieux sur mesure. À partir du cone beam, un bloc va être modélisé, ce qui va permettre une adaptation parfaite du greffon sur le site receveur et réduire la durée de la chirurgie.

Remerciements

Au Pr Daniel Chappard et au Groupe étude remodelage osseux et biomatériaux du CHU d'Angers.

Auteur

Thomas Bauchet

DCD

DES de chirurgie buccale

DU d'implantologie, Corte

DU de chirurgie pré et péri-implantaire, Paris XI

DU de biomatériaux et tissus calcifiés, Angers

Chirurgie buccale et implantaire exclusive, Angers

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