Implant n° 1 du 01/02/2019

 

Implant a rencontré

Nous défendons l'idée d'une compétence en implantologie depuis de nombreuses années

Patrick Missika découvre l'implantologie en 1974 et il en est depuis l'un des acteurs majeurs en France. Il évoque dans cet interview l'évolution de cette discipline en nous faisant part de ses certitudes et de ses interrogations.

Propos recueillis par Michel Metz

Quel est votre cursus et depuis combien de temps exercez-vous ?

Toute ma carrière d'enseignant s'est déroulée à la faculté de chirurgie dentaire Paris-Diderot, dans laquelle j'ai été diplômé. Après les CES d'anthropologie biologique et d'odontologie chirurgicale, puis le concours d'assistant-chef de clinique, j'accède au grade de professeur en 1978.

L'un de mes maîtres, le professeur Pierre Treyssac, a l'intuition de l'importance de l'implantologie. Il m'incite, en 1974, à suivre la formation sur les racines artificielles en carbone vitrifié à l'université de Californie du Sud, de Los Angeles, avec les professeurs Grenoble et Voss. Je fais d'ailleurs ma thèse de 3e cycle sur ce sujet.

Puis je travaille avec le professeur Samy Sandhaus en utilisant les implants en oxyde d'alumine CBS qu'il a inventés, puis avec Peter Moy, à Los Angeles, avec les implants Dénar de Stéri-Oss.

Parallèlement, nous créons, avec mon ami Marc Bert, le premier enseignement universitaire d'implantologie à Garancière, en 1985, dans le cadre de l'Association universitaire d'implantologie (AUI). Ce cycle d'enseignement connaît depuis un succès continu et forme une cinquantaine de praticiens par an.

À la Faculté de Garancière, en 1990, nous créons, avec le professeur Bernard Picard, le diplôme universitaire d'implantologie chirurgicale et prothétique, qui présente la particularité d'associer étroitement pratique chirurgicale et prothèse implantaire. Lorsque Bernard Picard devient chef du service d'odontologie de l'hôpital Rothschild, je prends la direction du DU avec Olivier Fromentin et Bruno Tavernier.

J'ai eu la chance de pouvoir exercer mes fonctions à la faculté tout en gardant un exercice libéral en cabinet. En parallèle, j'ai été inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel de Paris, puis sur la liste nationale des experts agréés par la cour de cassation, et je préside la Compagnie nationale des experts judiciaires en odonto-stomatologie (CNEJOS).

Aux côtés du doyen Robert Garcia, j'exerce les fonctions de vice-doyen avec la responsabilité de la formation continue, qui est l'un des points forts de Garancière puisque la faculté accueille plus de 600 étudiants dans les différents diplômes de formation continue. Nous avons créé des formations cliniques de haut niveau dont la responsabilité pédagogique a été confiée à des cliniciens renommés.

Quel regard portez-vous sur l'implantologie aujourd'hui, avec votre recul ?

Je trouve que l'implantologie a acquis ses lettres de noblesse et s'est largement démocratisée, et je constate avec satisfaction que cette discipline est aujourd'hui enseignée aux étudiants du 2e cycle.

Cependant, force est de constater qu'un certain nombre de chirurgiens-dentistes exercent encore l'implantologie sans respecter les règles de bonnes pratiques, en particulier sans réaliser d'étude prothétique pré-implantaire, de wax-up, de guide d'imagerie ou de guide chirurgical, ce qui est à l'origine de complications et de contestations des patients devant les tribunaux.

Avec le recul, je n'ai pas beaucoup de certitudes. J'ai en effet constaté que les dogmes peuvent être remis en question avec le temps et qu'une vérité d'aujourd'hui n'est pas forcément celle du lendemain.

On pourrait évoquer des innovations qui ont été accueillies comme des avancées majeures, tel l'élément intra-mobile en polyoxyméthylène pour les implants IMZ ou pire, le revêtement en hydroxyapatite des implants Stéri-Oss, qui ont ensuite et heureusement été totalement abandonnés.

Je trouve que la mise sur le marché de nouveaux dispositifs est souvent prématurée, surtout lorsqu'elle n'a pas fait l'objet d'études cliniques minimales que l'on est en droit d'attendre en matière de produits de santé.

D'ailleurs, la seule certitude que je conserve est qu'il est important de respecter les règles de bonnes pratiques afin de donner au patient les meilleures chances de succès au traitement.

Si c'était à refaire, pensez-vous à un – ou plusieurs – cas cliniques que vous auriez traité différemment avec vos connaissances actuelles ?

J'ai un cas en tête. Il s'agit d'une jeune patiente âgée de 12 ans qui s'était fracturé une incisive centrale. À l'époque, il y a une trentaine d'années, j'ai réalisé l'extraction et l'implantation immédiate. Malheureusement, l'implant n'a pas suivi la croissance de la face et est resté dans sa position anatomique initiale, alors que l'autre incisive a évolué verticalement, ce qui a entraîné un décalage irréversible de la ligne des collets et donc un résultat inesthétique. On sait aujourd'hui qu'il ne faut pas implanter avant 18-19 ans, âge qui correspond généralement à la fin de la croissance.

Comment voyez-vous l'implantologie de demain ?

Les progrès de l'imagerie et du numérique ont considérablement modifié les conditions de notre exercice. La conception des plans de traitement sur ordinateur est devenue une pratique courante, même si nous n'avons pas encore atteint le degré de précision absolu.

Le futur, pour moi, c'est la mise en place automatisée des implants par un robot à partir de l'étude prothétique pré-implantaire réalisée par la synthèse imagerie- volume osseux-projet prothétique. Il sera dès lors possible de réaliser dans le même temps opératoire la pose des implants et celle de la prothèse.

Nous aurons ainsi atteint le double objectif de sécurité de traitement pour le patient et d'une durée moindre du traitement implantaire. Une première mise en place chirurgicale d'implants entièrement automatisée par un robot a récemment été réalisée en Chine !

Quand vous avez du temps libre, comment en profitez-vous ?

J'ai consacré beaucoup de ma vie à mon activité professionnelle, mais toujours en conservant du temps pour la vie de famille et les voyages. Les conférences que j'ai pu donner à l'étranger au fil du temps m'ont permis d'allier travail et séjours touristiques.

Enfin, je garde du temps pour le golf, qui est un sport difficile lorsque l'on ne joue pas assez souvent, mais qui procure une véritable décompression.

Vous avez créé un institut de formation continue à Garancière, quel est son objectif ?

Nous avons créé avec Robert Garcia l'Institut européen de formation continue de Garancière, qui est une structure unique en France. Il a pour vocation de permettre la formation clinique sur patients pour des praticiens qui ne souhaitent ou ne peuvent pas suivre les formations de type diplôme universitaire, en raison souvent de leur éloignement géographique.

Ils peuvent ainsi, après avoir suivi une formation théorique et pratique dans le cadre de l'AUI, traiter eux-mêmes des patients sous le contrôle d'enseignants expérimentés. Il s'agit d'un véritable compagnonnage et les progrès réalisés pendant cette formation sont spectaculaires.

Cet institut a récemment été choisi par l'ARS d'Île-de-France pour traiter des patients qui avaient été soignés dans des centres de santé puis abandonnés après la fermeture de ces centres.

Vous avez toujours milité pour une compétence en implantologie : pouvez-vous nous en parler ?

En effet, avec mes amis du bureau de l'Association française d'implantologie (AFI), qui regroupe les praticiens ayant suivi une formation reconnue en implantologie, nous défendons l'idée d'une compétence en implantologie depuis de très nombreuses années. L'élection du nouveau président du conseil national de l'ordre et la parution d'un arrêt du Conseil d'État sur une autorisation de la communication sur les techniques de soins des chirurgiens-dentistes sont les signes qui nous permettent de penser que nous atteindrons cet objectif dans un futur proche.

Vous organisez un congrès « Best of implantology » en mars 2019 à Paris : de quoi s'agit-il ?

C'est effectivement un beau projet qui réunira 30 conférenciers parmi les plus prestigieux de l'implantologie française. Chacun va traiter de son sujet de prédilection pendant 10 à 12 minutes, ce qui devrait donner un rythme et un intérêt considérable à cet échange scientifique.

Bien entendu, la revue Implant couvrira cet événement !