Chirurgie implantaire
La patiente se présente avec une situation prothétique classique où la structure biomécanique de la racine ne peut retenir l'inlay-core ainsi que la couronne [fig. 1] ; il en résulte une fracture verticale et un descellement, motif de consultation. L'analyse clinique met en évidence un biotype épais et un profil de collets peu festonnés.
La patiente a une ligne du sourire moyenne...
La patiente se présente avec une situation prothétique classique où la structure biomécanique de la racine ne peut retenir l'inlay-core ainsi que la couronne [fig. 1] ; il en résulte une fracture verticale et un descellement, motif de consultation. L'analyse clinique met en évidence un biotype épais et un profil de collets peu festonnés.
La patiente a une ligne du sourire moyenne [fig. 2] qui affleure les collets mais montre l'intégralité des papilles inter-dentaires.
Cette première analyse laisse apparaître une situation plutôt favorable dans le cahier des charges de l'implant dans la zone esthétique antérieure.
L'analyse des images CBCT [fig. 3 et 4] montre sur la coupe sagittale une situation très vestibulée de la racine résiduelle de 21 et laisse imaginer que son avulsion entraînerait un déficit horizontal majeur. Le protocole dans ce cas nous obligerait à aller vers un protocole à étapes ou encore à envisager une ROG lors de la mise en place de l'implant.
La racine ne présentant pas de lésion infectieuse chronique ou inflammatoire évolutive, nous décidons de nous orienter vers une technique d'extraction partielle où la partie vestibulaire de la racine est conservée : le principe étant d'éviter la perte de l'os vestibulaire parodontal (bundle bone) due à la rupture des fibres de Sharpey lors de l'avulsion de toute la racine.
Pour l'aspect temporisation [fig. 5], trois options s'offrent à nous :
• une prothèse adjointe : souvent mal acceptée par le patient, elle peut de plus être néfaste au site implantaire par des pressions traumatiques ;
• une mise en esthétique immédiate : solution qui implique un torque de stabilité primaire supérieur à 40 N/cm. De plus, il est impératif de pouvoir suivre la patiente de façon hebdomadaire pour s'assurer qu'aucun problème de dévissage de la provisoire puisse apparaître et vérifier l'absence d'interférences occlusales néfastes ;
• dans cette situation clinique, la patiente habite à l'étranger et ne peut être suivie pendant la période d'ostéo-intégration. De plus, les dents collatérales sont traitées prothétiquement d'autre part, nous avons donc choisi l'option d'un bridge provisoire dento-porté conventionnel qui remplacera 21 et permettra une cicatrisation sereine aussi bien au niveau des tissus durs que mous.
Le protocole chirurgical [fig. 6 à 8] doit rester peu invasif : aucune incision intrasulculaire ou verticale, pas de décollement muco-périosté, aucun geste qui entraînerait une rupture vasculaire. L'avulsion du fragment palatin doit se faire après une séparation mésiodistale et sans mobiliser la partie vestibulaire de la racine. Puis le bouclier ou « shield » vestibulaire est préparé de façon à obtenir une épaisseur V/L d'environ 0,5 mm et une situation apico-coronaire juxta-crestale. La plupart des auteurs recommandent de créer un biseau interne dans la partie la plus coronaire du shield de façon à pouvoir loger le futur élément prothétique sans gêner le bon profil d'émergence.
La situation idéale du forage (5+) se trouve dans la moitié palatine de l'alvéole, à distance du shield vestibulaire (1 mm), avec une émergence du col de l'implant au niveau du cingulum de la future dent prothétique.
Les auteurs recommandent cependant l'utilisation d'une planification implantaire (5++) pour aboutir à la fabrication d'un guide ajouré (SMOP, Swiss Meda) qui permettra sans équivoque un positionnement idéal de l'implant. Nous insistons sur le positionnement tridimensionnel de l'implant, clé de voûte du protocole pour assurer le succès final.
Le choix du type d'implant reste important : il s'agit de trouver un compromis entre aspect conique et des spires suffisamment agressives pour trouver une bonne stabilité primaire dans un os maxillaire que l'on sait souvent peu dense. Le design du col reste fondamental pour la stabilité des tissus à long terme (platform shifting) ; ces raisons nous ont fait choisir un implant Nobel-Active de diamètre 3,3 mm.
La vue occlusale [fig. 9] met en évidence l'émergence palatine du col de l'implant, sa situation par rapport au shield vestibulaire.
L'espace entre le shield et le corps de l'implant est comblé à l'aide d'une hydroxyapatite d'origine bovine [fig. 10]. Il n'y a aucun point de sutures. La cicatrisation à 15 jours se passe sans évènement [fig. 11 et 12]. Les suites opératoires sont réduites, la technique étant très faiblement invasive. L'intermédiaire du bridge provisoire reste à distance de la zone cicatricielle ; les tissus montrent des contours harmonieux et bien vascularisés, il est également à noter le maintien des papilles mésiales et distales. À 12 semaines, une simple operculisation occlusale [fig. 13] sans aucune chirurgie muco-gingivale additive permet la mise en place d'un pilier de cicatrisation.
Une première empreinte est réalisée pour terminer les couronnes prothétiques (Emax « Cut-Back » Laboratoire Oral Design Nancy) sur les piliers support 11 et 22 [fig. 14] mais également pour préparer une provisoire sur 11 [fig. 15]. La provisoire est transvissée [fig. 16], elle réalise la mise en condition tissulaire en imposant aux tissus mous l'émergence idéale d'une incisive centrale ; les émergences sont réalisées de façon légèrement compressive au composite flow.
À 10 jours, l'intégration de la provisoire devient optimale, les tissus prennent leur forme [fig. 17] et, au démontage de la dent, on voit bien sur les vues occlusales [fig. 18] et vestibulaires [fig. 19] le formatage des tissus mous ainsi obtenu, et la transformation du profil rond [fig. 20] en profil triangulaire. Àl'aide de la provisoire, nous pouvons individualiser un transfert sur mesure et enregistrer ainsi précisément le profil d'émergence réalisé idéalement au préalable [fig. 21].
Une couronne prothétique « Procéra » sur pilier ASC est ainsi réalisée (Laboratoire Oral Design Nancy) et mise en place à un torque de 35 N/cm, la photo est réalisée au contrôle à 4 semaines [fig. 22]. On peut, avec certaines réserves, se satisfaire de l'intégration de la prothèse tant au niveau tissulaire que dans le sourire de la patiente [fig. 23].
Un Cone Beam de contrôle est réalisé à 6 mois [fig. 24 à fig. 26] : la coupe sagittale montre la stabilité du shield vestibulaire, la situation de l'implant par rapport à ce bouclier dentino-cémentaire est bien illustrée sur la coupe coronale. On voit sur la superposition des images de la situation initiale et de la situation finale [fig. 27 et fig. 28] que le niveau du collet de 11 et 21 ont été respectés.
Il est impératif de respecter scrupuleusement les indications ; il faut se limiter aux dents du secteur esthétique, fracturées ou inexploitables d'un point de vue prothétique, sans aucune lésion inflammatoire chronique ou infectieuse aigüe. Sorti de ce contexte, il faudra envisager d'autres protocoles.
Si le torque d'insertion primaire va au-delà des 35 N/cm fatidiques (l'auteur recommande 50 N/cm), il est envisageable voire recommandé de réaliser une mise en esthétique immédiate ; les macro-design implantaires actuels nous permettent aisément d'obtenir des stabilités primaires importantes.
Dans le cas qui nous intéresse, la patiente n'avait pas la possibilité de revenir en contrôle régulièrement avant 3 mois ; de plus, les collatérales portant déjà des couronnes prothétiques, nous avons choisi d'opter vers une temporisation plus conventionnelle.
Le niveau du collet clinique de 21 se trouve être 1 mm plus apical que sa collatérale, cependant si on compare à la situation initiale, on était déjà dans ce cas de figure ; il en découle deux centrales légèrement différentes en termes de forme et de lignes de grands contours. Une élongation coronaire aurait pu être pratiquée sur 11 pour harmoniser parfaitement la situation des collets, cependant le résultat final dans la globalité du sourire est accepté par la patiente.
La technique d'extraction partielle ou « socket shield » peut être une option thérapeutique valable aux résultats prévisibles lorsque l'indication est bien posée et que le protocole clinique est respecté. La technique est peu invasive et les suites opératoires sont très limitées. Il faudra cependant que l'opérateur intègre une courbe d'apprentissage qui pourra être adoucie par la chirurgie guidée.
Les auteurs remercient l'équipe du laboratoire « Oral Design Nancy » et particulièrement Jean-Marc Etienne.