Implant
La capitale autrichienne a accueilli en octobre le 27e congrès de l'Association européenne d'ostéo-intégration (EAO) et 3 000 professionnels de la santé bucco-dentaire. Le beau temps automnal et le thème du congrès « Rêves et réalités » se mariaient à merveille pour créer un environnement propice aux échanges, au brain storming et à quelques critiques aussi.
par Pierre CherfaneAprès les locaux et les Suisses, les Chinois et les Japonais représentaient le gros de l'effectif, ce qui confirme que la portée de cette association « européenne » dépasse largement les frontières géographiques du vieux continent. Cette année, la Russie et les pays baltes étaient les invités de l'EAO. La France était doublement représentée, par des conférenciers et des modérateurs de séance, et par des participants, notamment les étudiants et les encadrants de Diplôme universitaire d'Implantologie chirurgicale et prothétique de Paris 7 qui ont considéré leur participation à l'EAO comme un « must ».
« Le patient au cœur du programme », « la réalité clinique » et « l'exercice implantaire basé sur la pratique quotidienne » sont revenus souvent dans le discours d'accueil du président du congrès, le Pr Ronald Jung (Suisse), et des co-présidents autrichiens, les Drs Georg Mailath-Pokorny et Michaël Payer.
Effectivement, durant les séances plénières, 4 patients ont été traités en direct et ont pu nous faire part ensuite sur scène de leurs handicaps, de leurs souhaits et aussi de la satisfaction ressentie après le traitement. Ce show à l'américaine a plu à certains, en a bouleversé d'autres et même choqué ; en effet, la perception de l'étalage de la vie privée des patients est différente selon nos sensibilités culturelles et sociologiques.
Aux yeux de nombreux congressistes, les 3 cliniques locales qui ont opéré les patients ont bénéficié d'une visibilité excessive. Ce temps « perdu » aurait dû être consacré à la réflexion et à la discussion que ces traitements méritaient largement, que ce soit pour la complexité de certains, pour justifier le choix thérapeutique d'autres ou encore pour expliquer leur mise en place. Heureusement, les critiques bien ciblées de certains modérateurs de talent, comme le Dr Ueli Grunder, n'ont pas laissé les participants sur leur faim.
De leur côté, les Battles of concept, durant lesquelles différents concepts de traitements face à une problématique doivent s'affronter ou se compléter, étaient relativement intéressantes et montraient des approches différentes avec leurs inconvénients, leurs avantages et leur recul.
La prise de décision et le choix du plan de traitement fondé sur le pronostic des dents et des implants étaient le premier sujet traité. Ensuite, à tour de rôle, les spécificités techniques ont été abordées : qu'est-ce qui est plus important, le tissu mou ou le tissu dur ? La gestion des crêtes atrophiques ; les délais des traitements ; implant titane versus implant zircone ?
Les sessions Dreams and Reality ont traité le patient à risque, la réduction de risque en implantologie, les traitements alternatifs aux implants, la gestion des complications et le pronostic du traitement implantaire.
Les sociétés scientifiques autrichiennes d'implantologie orale, de chirurgie maxillo-faciale, de parodontologie, d'orthodontie et de chirurgie orale, de médecine et de radiologie ont animé chacune une conférence en allemand traduite simultanément en anglais et en russe sur différents thèmes pour le grand bonheur de l'ensemble des participants, notamment les 264 congressistes autrichiens.
La recherche clinique sous ses deux facettes chirurgicale et prothétique, les recherches fondamentales et les innovations ont fait l'objet des séances « communications orales » qui ont donné la parole à 62 participants venant des 4 coins du monde. Sans oublier, les centaines de e-posters consultables numériquement.
Les résultats de la 5e conférence de consensus de l'EAO sont publiés dans le supplément du mois d'octobre 2018 de la revue officielle de l'EAO, Clinical Oral Implant Research, distribuée sur place aux participants. Ce gigantesque travail est fait en amont, au mois de février 2018. Les effets des biphosphonates, de la tribocorrosion du titane, des PRP et des RPF sur les implants et les patients ont été analysés à travers des revues de littérature. Le diagnostic des péri-implantites et une réflexion sur la création d'un Registre de qualité des implants dentaires y sont aussi développés.
Selon les versions, des détails peuvent plaire ou déplaire mais au final nous en revenons enrichis. On peut noter, cette année, la place de importante du numérique dans les traitements : les empreintes optiques, la chirurgie guidée, la navigation, le CAD/CAM... Le thème « Rêves et Réalités » s'est bien concrétisé. Nous étions en immersion dans la réalité clinique des uns et des autres et certaines pistes et produits à développer ont laissé plus d'un rêveur. Cependant, côtoyer des collègues internationaux et échanger avec eux sur le bien-être de la dentisterie dans nos pays respectifs nous laisse, nous Français, rêveurs... sur un fond d'amertume. Comment améliorer constamment sa pratique et s'épanouir professionnellement au sein des mutations qui touchent notre métier ? À chacun de nous de trouver la réponse...
« Deux chemins divergent dans un bois, j'ai décidé de prendre le moins emprunté et c'est ce qui a fait toute la différence. » Robert Frost