ÉDITORIAL
Exercice libéral à Paris
Comme bon nombre d'entre vous j'ai un compte Facebook, une page Instagram, un fil Twitter... Longtemps, mon utilisation se limitait à quelques publications personnelles : les vacances et leur lot de photos ou la dernière compétition d'équitation de ma progéniture dont j'étais fier. Parfois aussi un peu de voyeurisme : ce que font mes « amis », où ils sont et avec qui. Petit « pic » de posts légèrement plus politisés à l'approche d'un scrutin électoral majeur,...
Comme bon nombre d'entre vous j'ai un compte Facebook, une page Instagram, un fil Twitter... Longtemps, mon utilisation se limitait à quelques publications personnelles : les vacances et leur lot de photos ou la dernière compétition d'équitation de ma progéniture dont j'étais fier. Parfois aussi un peu de voyeurisme : ce que font mes « amis », où ils sont et avec qui. Petit « pic » de posts légèrement plus politisés à l'approche d'un scrutin électoral majeur, légèrement plus indignés lorsqu'on est tous Charlie, légèrement plus révoltés devant l'injuste règlement arbitral ; les réseaux sociaux tiennent une place conséquente dans nos vies.
Depuis presque 2 ans, un phénomène nouveau s'est fermement installé dans nos fils d'actualité Facebook : les « groupes » professionnels. On en trouve pour tous les goûts ! Certains sont dédiés à la revendication. Tout le monde peut y aller de son petit commentaire sur nos contraintes quotidiennes, nos désaccords ordinaux, nos aléas avec les patients, nos difficultés croissantes à être à la fois thérapeutes, chefs d'entreprise, directeurs des ressources humaines... Une alternance de rôles compliquée pour les simples mortels que nous sommes. Ces échanges sont assez utiles et bienveillants.
D'autres « groupes », et c'est là le point qui m'interpelle, sont consacrés aux publications cliniques. Félicitons-nous, d'abord, du large panel de nationalités : le savoir se communique partout et c'est bien. Il y a dans ces « groupes », encore une fois, de tout, selon les thématiques développées : de la prothèse à la restauratrice, en passant par l'implantologie, avec, en best-seller, le joli conjonctif plus ou moins bien tunnélisé et, bien sûr, l'inévitable augmentation osseuse souvent périlleuse.
J'y ai vu de remarquables talents, impressionnants par la qualité de leurs iconographies rigoureuses et leurs argumentaires étayés par des bibliographies studieuses et précises. Mais, ne vous y trompez pas, au bout du joli ouvrage se trouve une offre pour un cours de 3 jours avec l'immanquable maxime : « si vous assistez à mon cours, vous ne serez plus vraiment le même à votre retour en cabinet ! ». On est dans du marketing de haut niveau, du « storytelling », comme on dit.
La quête de reconnaissance par ses pairs y est aussi très en vogue. L'ego a besoin d'être flatté ; c'est la nature humaine qui veut ça. Alors, au moindre cas réussi, les 34 photographies sont publiées. Virtuellement, vous voilà projeté au-devant de la scène : conférencier d'un jour, dans l'attente de ces petits pouces qui se lèvent, de ces smileys joyeux et salvateurs, saluant la prouesse technique d'un moment. Nous passerons sur les quelques posts hors-sujets qui surgissent le temps d'un scroll vers le bas.
Si nous devons nous inquiéter, c'est pour l'emploi de certains termes « aguicheurs ». Je prendrais pour exemple la récurrence du « sticky bone », qui n'est pas à proprement parler de l'os, mais bien de l'hydroxyapatite bovine mélangée à du PRF. Ce matériaux, ou plutôt transplant, peut, sans aucun doute, trouver sa place dans certaines indications précises et entre des mains expertes. Mais j'ai noté, au travers de tout ce que j'ai pu voir, que la puissance accrocheuse du simple nom le fait utiliser à toute les sauces. Au moindre défaut, qu'il soit alvéolaire, horizontal, vertical ou 3D, une bonne dose de « sticky bone » et on va vers le succès assuré ! Si les recettes miracles existaient en termes d'augmentation tissulaire, nous le saurions... De même pour l'emploi du mot « socket shield ». Bouclier efficace pour contrer la perte osseuse vestibulaire après une extraction dans la zone esthétique, le « socket shield », mal indiqué, peut vite devenir un bouclier contre tout succès thérapeutique.
Somme toute, l'un des rôles de la nouvelle formule de la revue Implant sera peut-être de replacer ces techniques dans leurs réelles indications cliniques et de les étayer par une littérature scientifique éprouvée, et pas simplement anecdotique.
Soyons vigilants sur la dispense du savoir et n'ayons crainte de revenir à nos fondamentaux : indications, protocoles cliniques, littérature scientifique.