L'ÉCLAIRAGE
L'insuffisance d'hauteur osseuse sous-sinusienne est une situation fréquente. La mise en place d'implants dans ce secteur nécessite souvent la réalisation d'un comblement sous-sinusien. Une exploration approfondie au Cone Beam des cavités sinusiennes est indispensable avant toute intervention chirurgicale. En pré-opératoire, il permet de mesurer la hauteur et l'épaisseur osseuse résiduelle permettant d'indiquer la technique chirurgicale la plus appropriée. L'état de la membrane sinusienne est observé et la bonne ventilation du sinus est confirmée. Le Cone Beam permet de détecter des septa osseux cloisonnant le sinus maxillaire ainsi que le passage de l'artère alvéolo-antrale avec un trajet intra-osseux. Le Cone Beam va être intéressant en post-opératoire pour vérifier l'absence de fuite de matériau après l'intervention et il va permettre de s'assurer de la bonne cicatrisation du comblement à 6 mois post-opératoire.
The insufficiency of bone height under sinus is a frequent situation. The placement of implants in this sector often requires a sinus floor elevation. Thorough exploration with the Cone Beam of sinus cavities is essential before any surgical procedure. Pre-operative, it measures the height and residual bone width to indicate the most appropriate surgical technique. The condition of the sinus membrane is observed and good ventilation of the sinus is confirmed. The Cone Beam can detect septa dividing the maxillary sinus and the passage of the alveolo-antral artery with an intraosseous path. The Cone Beam will be interesting post-operatively to ensure the absence of material leakage after surgery and it will help ensure the good healing of the filling at 6 months postoperatively.
La mise en place d'implants dans le secteur postérieur maxillaire est souvent délicate du fait de l'insuffisance d'hauteur osseuse sous-sinusienne. Cette insuffisance est causée par la résorption osseuse post-extractionnelle et par la pneumatisation du sinus maxillaire. Le recours à une technique d'augmentation osseuse verticale au dépend des cavités sinusiennes est fréquente. Une analyse radiologique pré-opératoire complète des sinus maxillaires est indispensable pour décider de l'approche chirurgicale la plus adaptée (abord crestal ou abord latéral), pour anticiper le geste chirurgical et pour prévenir les complications chirurgicales. Le Cone Beam est la technique la plus appropriée pour cette exploration [, ]. Cette imagerie peut être indiquée en pré ou post-opératoire.
Nous allons, à travers des situations cliniques, décrire les éléments à prendre en compte pour pouvoir adapter sa pratique clinique et si besoin adresser à l'ORL pour une prise en charge spécifique.
L'arrivée de CBCT avec de très grands champs permet l'exploration de l'ensemble des sinus de la face.
L'analyse radiologique des sinus se fait à partir des coupes frontales ou coronales (plan perpendiculaire au palais osseux dans un axe médio-latéral), transverses ou axiales (parallèles au palais osseux) et sagittales (perpendiculaire au palais osseux dans un axe antéro-postérieur) [] (fig. 1).
Les cavités naso-sinusiennes sont divisées en deux unités, antérieure et postérieure, par l'insertion ethmoïdale de la lame basale du cornet moyen [] :
– le complexe ostio-méatal antérieur, qui comporte le labyrinthe ethmoïdal antérieur, les sinus frontaux et les sinus maxillaires. Il se draine par le biais du méat moyen ;
– le complexe sphéno-ethmoïdal postérieur, qui comporte les cellules ethmoïdales postérieures et le sinus sphénoïdal. Il se draine dans le méat supérieur par le récessus sphéno-ethmoïdal et par les orifices de drainage des cellules ethmoïdales postérieures.
Les variantes anatomiques des cavités naso-sinusiennes sont très fréquentes et peuvent favoriser le développement d'une sinusite ou engendrer un risque chirurgical lors d'une intervention naso-sinusienne.
Le risque de sinusite maxillaire est fréquemment lié au rétrécissement de l'infundibulum. La pneumatisation du cornet nasal moyen ou concha bullosa (fig. 2) est la plus fréquente des pneumatisations sinusiennes accessoires. Elle entraîne un rétrécissement du méat moyen et altère la clairance mucociliaire [].
Pour traiter certaines formes de sinusites, il est nécessaire de réaliser une méatotomie moyenne. Cette intervention se réalise par voie endonasale sous anesthésie générale et consiste à l'exérèse du cornet moyen et du processus unciné (fig. 3).
Cette analyse va permettre de préciser les dimensions de la crête osseuse résiduelle, d'apprécier l'anatomie des sinus maxillaires et d'indiquer l'alternative chirurgicale la plus adaptée.
La hauteur osseuse va être mesurée à l'endroit du positionnement idéal du ou des implants, selon la planification prothétique. Le recours à un logiciel de planification va permettre de superposer les fichiers DICOM issus du CBCT avec les fichiers STL du projet prothétique, et ainsi visualiser si le volume osseux est suffisant (fig. 4 à 8).
Selon les recommandations de l'ITI [], une hauteur osseuse inférieure ou égale à 6 mm indique la réalisation d'un comblement sous-sinusien par voie latérale et une hauteur supérieure à 6 mm avec plancher sinusien horizontal indique une ostéotomie par voie crestale.
Lorsque le plancher sinusien est oblique, l'ostéotomie crestale est plus délicate et le risque de perforation de la membrane sinusienne plus élevée (fig. 9).
De plus, une hauteur osseuse de 5 mm minimum est indispensable selon l'ITI [], pour le positionnement des implants simultanément au comblement sous-sinusien.
Dans les situations d'édentement au niveau des premières molaires maxillaires, une hauteur osseuse inférieure à 5 mm est retrouvée dans plus de 50 % des cas []. Le recours à des techniques d'augmentation osseuse est donc fréquent dans cette zone.
L'épaisseur osseuse doit aussi être prise en compte, il est indispensable d'avoir au minimum 1 à 2 mm d'os autour de l'implant. Pour un implant de 4 mm de diamètre, l'épaisseur osseuse minimale est de 6 mm ; pour un implant de 5 mm de diamètre, l'épaisseur osseuse minimale est de 7 mm.
Il est important de s'assurer de la continuité de la crête osseuse et de dépister la présence d'une éventuelle communication bucco-sinusienne. Celle-ci ne contre-indique pas le comblement sous-sinusien, cependant une technique chirurgicale adaptée est nécessaire (fig. 10).
Le sinus est tapissé par une membrane appelée membrane de Schneider. Elle est composée d'un épithélium pseudostratifié avec des cellules ciliées et d'un tissu conjonctif comportant des glandes séromuqueuses, des fibres de collagène et quelques fibres élastiques.
La membrane sinusienne peut prendre plusieurs aspects au niveau du Cone Beam, selon la classification de Soikkonen et Ainamo [] modifiée par Schneider en 2013 [] :
– membrane sinusienne saine sans épaississement (fig. 11 et 12) ;
– aspect plat : épaississement superficiel de la membrane sans contour bien définis (fig. 13 et 14) ;
– aspect semi-sphérique : épaississement avec un contour bien défini formant un angle supérieur à 30 degrés avec le plancher des parois du sinus (fig. 15 et 16) ;
– opacification complète du sinus (fig. 17 et 18) ;
– aspect hétérogène : épaississement plat et semi-sphérique de la membrane (fig. 19 et 20).
Certains auteurs considèrent qu'une épaisseur de la membrane sinusienne supérieure à 2 mm est pathologique []. Il est tout de même nécessaire d'associer les images Cone Beam avec les signes cliniques présentés par le patient pour établir un diagnostic, et éventuellement les compléter par un examen endoscopique ORL.
Lorsque le patient présente des signes cliniques de pathologie sinusienne (rhinorrhée, cacosmie, douleurs péri-orbitaires), il est indispensable de l'orienter vers l'ORL.
Toute opacité du bas-fond sinusien sur l'imagerie pré-opératoire doit amener à se poser plusieurs questions :
– existe-t-il une symptomatologie clinique sinusienne de type rhinorrhée, obstruction nasale ou cacosmie (trouble olfactif) ?
– quelle est la taille de cette opacité : comblement partiel en cadre ou total ?
– cette opacité entraîne-t-elle un conflit ostioméatal ? Il est très important de visualiser les méats moyens sur le Cone Beam pour s'assurer de leur perméabilité.
Lorsque le patient présente une image d'épaississement important de la muqueuse sinusienne avec ou sans signe clinique, il est préférable d'avoir l'avis de l'ORL avant de réaliser un comblement sous-sinusien. Un traitement local peut être suffisant pour diminuer l'inflammation de la membrane. Dans certains cas, une méatotomie moyenne est indispensable, par exemple en cas de présence d'un corps étranger intra-sinusien pouvant être à l'origine d'une aspergillose (fig. 21). Parfois, un résidu de matériau dentaire peut persister au contact de la membrane sinusienne sans provoquer d'épaississement muqueux, il peut être laissé en place au moment du comblement osseux pour éviter toute perforation liée à son retrait (fig. 22 et 23).
Le kyste mucoïde donne une image radiographique en « coucher de soleil » : opacité arrondie du bas-fond sinusien de volume variable (fig. 24 et 25). Il s'agit d'une surélévation du plancher sinusien par accumulation d'exsudât inflammatoire. Il est le plus souvent de découverte fortuite.
L'étiologie est incertaine mais on décrit un trouble de la ventilation, la cause dentaire est souvent exclue. Aucun symptôme n'est présent et la muqueuse sinusienne est saine. Cette situation, non pathologique, n'implique aucun traitement et ne contre-indique pas le comblement sous-sinusien si sa taille est limitée. En revanche, si la taille est supérieure à la moitié du volume sinusien, il est préférable d'orienter le patient vers l'ORL. Soit le kyste est retiré par méatotomie moyenne, soit le kyste sera ponctionné à l'aiguille fine lors du sinus lift.
La complication majeure redoutée lors du comblement sous-sinusien est la perforation de la membrane sinusienne [, ]. Si elle n'est pas objectivée en per-opératoire, elle peut entraîner une fuite du matériau de comblement dans la cavité sinusienne et une infection sinusienne.
L'épaisseur de la membrane sinusienne a une influence sur le risque de perforation. Une épaisseur située entre 1 et 2 mm est à moindre risque de perforation. Cependant, lorsque la membrane est inférieure à 1 mm ou supérieure à 2 mm, le risque de perforation augmente [].
La mesure de l'épaisseur de la membrane au Cone Beam doit être considérée avec prudence car elle est surestimée par rapport à la réalité. Une étude sur cadavre a montré que l'épaisseur de la membrane au Cone Beam pouvait être 2,6 fois plus élevée que la réalité histologique [].
Les septa ont été décrits par Underwood en 1910 et leur étiologie est variable. Leur présence est due à la résorption des processus alvéolaires à la suite des avulsions dentaires qui interviennent à différents temps. Il s'agit de septa du bas-fond sinusien dits secondaires. D'autres septa apparaissent lors de la croissance de la partie médiane du visage, il s'agit de septa congénitaux.
Les septa sont retrouvés chez 28,4 % des patients selon une méta-analyse de 2012 []. La majorité des septa (54,6 %) sont situés dans la région de la première ou de la deuxième molaire maxillaire.
Ils sont classifiés en fonction de leur orientation et ils peuvent être continus ou discontinus. On distingue :
– les septa avec orientation sagittale : situés dans une direction antéro-postérieure (fig. 26 à 29) ;
– les septa avec orientation coronale : situés dans une direction médio-latérale (fig. 30 à 34) ;
– les septa avec orientation axiale : situés dans une direction horizontale (fig. 35 à 38).
L'orientation la plus fréquente est coronale (61,8 %) [].
La présence de septa est associée à une augmentation du risque de perforation de la membrane sinusienne [-]. Ainsi la parfaite visualisation sur le Cone Beam d'éventuels septa osseux avant l'intervention peut prévenir les complications. Il est souvent nécessaire de réaliser plusieurs fenêtres osseuses. Si toutefois une large perforation de la membrane sinusienne oblige à reporter le comblement, il est judicieux de réaliser une ostéotomie de ce septum pour faciliter la seconde intervention.
La vascularisation du sinus maxillaire provient de 4 branches de l'artère maxillaire : l'artère infra-orbitaire, l'artère alvéolaire postéro-supérieure, l'artère palatine descendante et l'artère latérale postérieure nasale, branche de l'artère sphéno-palatine. Parfois, cette dernière s'anastomose avec l'artère infra-orbitaire en extra-osseux sous le périoste, ou en intra-osseux au sein de la paroi vestibulaire du sinus. Cette anastomose intra-osseuse est aussi appelée artère alvéolo-antrale.
Elle existe chez tous les patients, mais n'est pas systématiquement visible sur le Cone Beam pré-opératoire :
– soit elle chemine dans l'épaisseur de la membrane sinusienne, elle est donc très difficilement visible radiologiquement. Le risque de léser cette artère lors de la réalisation du volet osseux est alors très faible ;
– soit elle chemine dans la partie latérale de l'os maxillaire, elle est donc visible sur certaines coupes du Cone Beam (fig. 39). Le risque de la léser lors de la réalisation du volet existe.
L'artère alvéolo-antrale est visualisée sur le Cone Beam dans 60 à 87 % des situations. Elle a un trajet intra-osseux dans 47 à 68 % des cas et un diamètre moyen de 1,2 à 1,3 mm selon les études. La distance moyenne entre le sommet de la crête osseuse et l'artère est assez hétérogène selon les études : allant de 8,16 mm [] à 16,7 mm [] (tableau 1).
La localisation pré-opératoire de l'artère sur le Cone Beam est primordiale. Il faut localiser sa position par rapport à la crête osseuse et son trajet : intra-osseux ou intra-sinusien. En cas de situation intra-osseuse, la position et la forme du volet osseux pourront être adaptés au trajet de l'artère. Si malgré tout l'artère passe dans le volet, il faudra utiliser les inserts de piezochirurgie pour la disséquer délicatement du volet et la laisser en appui contre la membrane sinusienne. Elle sera ensuite, lors du comblement, tout simplement remontée avec la membrane.
Les hémorragies lors de la réalisation du volet osseux sont très rarement décrites dans la littérature car leur taux reste très faible []. Le saignement d'une artère de moins de 2 mm s'arrête souvent spontanément.
En cas d'hémorragie, les auteurs préconisent de :
– remonter le patient en position semi assise pour diminuer la pression artérielle cranio-faciale ;
– exercer une compression à l'aide d'une compresse (si besoin compléter la compression avec une ampoule d'acide tranexamique : Exacyl ® 1g/10mL). La compression, pour être efficace, doit être continue pendant au moins 10 minutes ;
– apposer le matériau de comblement.
En dernier recours, il faudra utiliser l'électrocoagulation en utilisant le bistouri électrique ou la ligature de l'artère avec un fil de suture fin et résorbable [].
Une hémorragie mal gérée va forcément induire des suites opératoires plus compliquées avec œdème et hématome pouvant se transformer en hémosinus.
Un Cone Beam post-opératoire peut être réalisé :
– à l'issue de l'intervention chirurgicale lorsqu'une perforation de la membrane sinusienne a été gérée. Le contrôle radiographique permet de s'assurer que le matériau de comblement ne soit pas passé dans la cavité sinusienne ;
– pendant la phase de cicatrisation si des signes cliniques de sinusite sont présents ;
– à 6 mois post-opératoire pour vérifier la cicatrisation osseuse et planifier la pose des implants.
Les perforations de la membrane sinusienne sont des complications fréquentes. Certaines études retrouvent une prévalence de plus de 20 % des interventions [], et parmi ces perforations, plus de 50 % mesurent moins de 5 mm et sont traitées par la mise en place d'une membrane de collagène. Dans ces situations, un Cone Beam à l'issue de l'intervention permet de s'assurer de l'absence de matériau dans la cavité sinusienne (fig. 40).
Des complications infectieuses peuvent survenir pendant la phase de cicatrisation du comblement osseux. La fréquence est d'environ 3 % des interventions [, ]. Lorsque le patient présente des signes cliniques de sinusite (douleurs péri-orbitaires, écoulement nasal purulent, tuméfaction), il est indiqué de réaliser un Cone Beam pour vérifier l'état du sinus maxillaire. Dans la plupart des situations, un traitement antibiotique adapté associé à des corticoïdes permet de traiter cette complication [].
Parfois, une méatotomie moyenne est nécessaire, avec ou sans dépose du matériau de comblement (fig. 41 à 48).
Il permet de s'assurer de la bonne cicatrisation du matériau de comblement et de réaliser la planification implantaire. La zone de comblement doit être homogène et se confondre avec l'os résiduel environnant (fig. 49).
Le Cone Beam est l'examen radiologique indispensable avant et après comblement sous-sinusien. Il permet d'avoir une vision précise tridimensionnelle de la zone postérieure maxillaire et du sinus maxillaire. Les grands champs permettent aujourd'hui d'observer l'ensemble des cavités naso-sinusiennes, de s'assurer de la bonne ventilation des sinus et de visualiser les particularités anatomiques. Il va être aussi utilisé par l'ORL avant une méatotomie moyenne pour anticiper les risques chirurgicaux. Il va enfin permettre de confirmer la bonne cicatrisation du comblement et de réaliser la planification implantaire.
Anne-Cécile Becmeur
Docteur en Chirurgie Dentaire qualifié en Chirurgie Orale
Ancien Interne des Hôpitaux de Paris
Ancien Assistant Hospitalo-Universitaire
Diplôme d'Etudes Supérieures en Chirurgie Buccale
Marc Baranes
Docteur en Chirurgie Dentaire qualifié en Chirurgie Orale
Ancien Interne des Hôpitaux de Paris
Ancien Assistant Hospitalo-Universitaire
Diplôme d'Etudes Supérieures en Chirurgie Buccale
Praticien Attaché, Service d'Odontologie, Hôpital Henri Mondor
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.