Cet article propose une démarche thérapeutique pour la gestion des péri-implantites en secteur postérieur. Trois configurations cliniques fréquemment retrouvées sont abordées : la perte osseuse horizontale, la perte osseuse verticale avec une fenestration osseuse vestibulaire, et la perte osseuse verticale avec cratérisation sans fenestration. Les propositions de traitements s'appuient sur les données scientifiques récentes de plus en plus nombreuses dans la littérature. Les traitements proposés intègrent principalement l'utilisation de technologies photoniques avec des lasers absorbés de type Erbium-Yag et des lasers pénétrants de type Diode.
This article proposes a clinical approach for the management of peri-implantitis in posterior area. Three frequent situations are described: horizontal bone loss, vertical bone loss with buccal dehiscency, vertical bone loss with crater surrounding the implant. Treatment plans are discussed regarding the recent scientific data in literature. They mainly deal with the use of laser technology: absorbed wavelength like Erbium-Yag laser and non absorbed wavelength like Diode laser.
Les péri-implantites sont répertoriées en six catégories selon une première classification des infections péri-implantaires relative à l'étendue de l'infection et établie au Workshop européen en Parodontologie en 1994 : les mucosites péri-implantaires, les péri-implantites apicales, les péri-implantites précoces, les péri-implantites modérées, les péri-implantites avancées, les péri-implantites terminales.
Une autre classification établie par Schwarz concerne la topographie de la perte osseuse et le nombre de murs osseux restants. En effet, l'absence de fibres conjonctives horizontales favorise très rapidement la perte osseuse péri-implantaire en forme de cratère. La classe I concerne différentes anatomies de défauts verticaux (1 à 4 murs osseux verticaux préservés). Cinq sous-classes de classe I existent en fonction de l'étendue périphérique de la cratérisation. La classe II concerne les pertes osseuses horizontales. Ces différentes classes peuvent être combinées en cas de défaut vertical et horizontal [].
Les mucosites péri-implantaires s'accompagnent de signes cliniques similaires à la gingivite (inflammation réversible des tissus mous entourant un implant en fonction, sans perte du support osseux). Les péri-implantites montrent un saignement et/ou une suppuration au sondage pour une profondeur de poche supérieure à 5 mm. Un aspect radioclair de déminéralisation osseuse entoure l'implant.
D'origine plurifactorielle, la maladie péri-implantaire est initiée par la présence d'un biofilm bactérien sur la surface de l'implant, porteur de plus de 75 % de bactéries pathogènes Gram négatif anaérobies, menant à la destruction de l'os de soutien. L'évolution de la mucosite vers la péri-implantite est également liée à la transformation de la composition bactériologique péri-implantaire. Ainsi, une grande proportion de bactéries parodontopathogènes telles que Porphyromonas gingivalis, Tanerella forsythia et Treponema denticola ont été identifiées []. D'autres facteurs déclenchants participeraient à l'installation de la maladie en synergie avec l'activité bactérienne : des lésions de l'attache péri-implantaire (prothèse débordante, excès de ciment...), la présence d'une parodontite non traitée avant la pose des implants ou des antécédents de parodontites modérées à sévères, un stress mécanique excessif, le tabac et le diabète [].
Il n'y a pas de protocole thérapeutique standardisé : le traitement des péri-implantites répond à une approche personnalisée et satisfait à un objectif principal de décontamination du site péri-implantaire [].
Dans les cas de mucosite péri-implantaire, ou en cas de contre-indication médicale, ou encore lorsque le patient refuse un traitement chirurgical plus approprié, le traitement parodontal non chirurgical est l'approche thérapeutique minimale indiquée.
Dans toutes les atteintes implantaires à un stade ultérieur à la mucosite, les thérapeutiques non chirurgicales apparaissent inappropriées et inefficaces : la décision d'une procédure chirurgicale est le traitement de choix.
L'abord chirurgical sera alors guidé par l'environnement muqueux et l'anatomie du défaut osseux péri-implantaire.
Par l'absence d'attache conjonctive et de desmondonte, les tissus mous péri-implantaires sont moins résistants que les tissus mous parodontaux dans leur défense face aux bactéries, et une hauteur minimale de muqueuse péri-implantaire semble nécessaire pour assurer la protection et la pérennité des reconstructions prothétiques [].
En présence d'un défaut mucogingival (absence ou présence en quantité insuffisante de gencive attachée), la régénération tissulaire guidée est à privilégier en première intention par un apport de tissu kératinisé, même en cas de fenestration osseuse vestibulaire []. En cas de perte osseuse verticale seule, une régénération osseuse guidée peut être indiquée selon le nombre de parois de la lésion infra-osseuse (classification de Schwartz). Les défauts infra-osseux contenus, en présence de parois osseuses résiduelles pour soutenir le substitut osseux, sont plus favorables à une approche régénératrice par particules que les défauts non contenus []. En cas de perte osseuse horizontale sans enjeu esthétique (secteur postérieur), la décontamination des surfaces osseuses et implantaires (spires exposées) améliore significativement les conditions péri-implantaires.
Dans le secteur antérieur, une perte osseuse horizontale importante ou un positionnement trop vestibulaire de l'implant s'accompagne souvent d'une exposition inesthétique des spires implantaires. La dépose de l'implant et son remplacement par un implant d'émergence plus palatine est souvent préférable à un aménagement muqueux du site exposé.
Enfin, la perte d'ostéo-intégration complète de l'implant ou la perte supérieure aux deux tiers de sa longueur implique également la dépose de l'implant.
Tout protocole chirurgical aura pour but le débridement du défaut osseux et la décontamination de la surface implantaire en retirant le tissu de granulation attaché à l'os et à la surface implantaire. Des résultats cliniques satisfaisants à 4 ans sont obtenus par la combinaison du nettoyage mécanique de la surface de l'implant puis de sa décontamination chimique avec de l'eau oxygénée à 10 volumes. Un nettoyage mécanique du site avec un jet de poudre abrasive associée à une irrigation d'une solution saline permet l'élimination finale des débris résiduels [].
Aujourd'hui, l'utilisation des technologies lasers répond avec de bons résultats à un double impératif [] :
- Mécanique d'une part par la décontamination de la micro-surface implantaire grâce à l'effet photoablatif d'un laser Erbium-Yag à faible énergie sur l'implant (50 à 80 mJ) et à haute énergie sur l'os (200 à 300 mJ) ;
- Biologique d'autre part par l'élimination des bactéries infiltrées dans les tissus péri-implantaires, grâce à l'effet photodynamique d'un laser Diode 635 nm de faible niveau d'énergie dans un colorant, ou grâce à l'effet photochimique d'un laser Diode à haut niveau d'énergie 980 nm dans l'eau oxygénée.
Enfin, l'utilisation de lasers de très faible puissance moyenne et à faible niveau d'énergie (comme l'ATP38®) permet de réduire l'inflammation et d'améliorer la régénération tissulaire par activation de la voie du TGFβ1 [].
Cet article traite de trois configurations cliniques de péri-implantites en secteur postérieur : la première est une classe II de Schwartz (perte osseuse horizontale), la seconde traite d'une classe Ib de Schwartz (déhiscence vestibulaire avec cratérisation partielle), et enfin la troisième décrit le traitement d'une classe Ie (cratérisation sans déhiscence).
Il s'agit d'un homme de 80 ans qui se présente en consultation avec des sensations de démangeaisons occasionnelles et un léger suintement au collet de ses couronnes secteur 1.
Nous notons une profondeur de sondage de 4 mm avec une suppuration et un saignement au sondage. La quantité de gencive attachée est importante (fig. 1).
Radiographiquement, nous notons une perte osseuse horizontale sur les trois implants avec une image plus radioclaire autour de l'implant mésial (fig. 2). Il s'agit a priori d'une péri-implantite de classe II Schwartz, à confirmer durant la phase chirurgicale.
Le traitement a eu pour objectif de décontaminer les surfaces implantaire et osseuse. La première phase du traitement est une phase bactéricide : grâce à l'effet photodynamique du laser Diode 635 nm (Helbo®), avec du bleu de méthylène comme agent photosensible (fig. 3). La fibre du laser est insérée jusqu'au fond de la poche et activée 10 secondes sur six sites distincts autour de chaque implant.
Une incision à biseau interne est ensuite réalisée à l'aide du laser Erbium-Yag, afin de cliver le tissu de granulation de la face interne de la poche (fig. 4). En effet, la charge hydrique plus importante du tissu de granulation fait que l'énergie du laser Erbium est absorbée principalement par ce tissu. Une fois le lambeau récliné, nous pouvons apprécier l'anatomie du défaut osseux ainsi que la quantité de tissu de granulation (fig. 5). Il s'agit bien d'une perte osseuse horizontale périphérique sans cratérisation avec une légère cratérisation verticale en distal du premier implant.
Nous constatons la présence de ciment de scellement, probablement facteur aggravant de la progression de la péri-implantite (fig. 6).
Le tissu de granulation est éliminé à l'aide du laser Erbium par effet photoablatif sur le tissu cible osseux (fig. 7). L'énergie du laser Erbium est modifiée en passant de la surface osseuse à la surface implantaire : 250 mJ, 15 Hz à 60 mJ, 25 Hz.
Le nettoyage du site est terminé à l'aide d'un aéropolisseur sous gingival projetant une poudre de bicarbonate de glycérol sous irrigation d'une solution saline (fig. 8 et fig. 9).
Puis la détoxification des surfaces implantaire et osseuse est assurée par une irrigation d'eau oxygénée à 10 volumes laissée en place quelques secondes avant d'activer un laser Diode 980 nm, permettant une arrivée de sang sur le site par vasodilatation grâce à un effet photothermique contrôlé (fig. 10 et fig. 11).
L'effet photochimique du laser Diode pénétrant (980 nm) en mode superpulsé (TiOn33s, Tiof 133s, puissance moyenne 450 mW, fréquence 6000 Hz) permet une arrivée de facteurs de croissance et de facteurs de cicatrisation sur le site, ainsi que l'activation de protéines de choc thermique cicatrisantes.
Le site est ensuite suturé en repositionnant le lambeau au niveau initial (fig. 12). La cicatrisation radiographique à 4 mois montre une stabilisation du niveau osseux ainsi qu'une cicatrisation satisfaisante de l'image radioclaire visualisée avant traitement (fig. 13).
Cliniquement, le suivi de ce cas devra intégrer une maintenance stricte afin d'éliminer le moindre signe d'inflammation qui pourrait autoriser une récidive de la maladie péri-implantaire.
Pour ce second cas, il s'agit d'une patiente de 55 ans qui a bénéficié d'une thérapeutique implantaire multiple. Elle a perdu plusieurs implants et souhaite conserver autant que possible les implants restants. L'analyse de la situation clinique après sondage montre une absence de muqueuse attachée à l'implant et l'apparition des premières spires implantaires (fig. 14).
Nous sommes dans un site qui n'a pas d'enjeu esthétique : le recouvrement des spires n'est pas primordial mais la présence d'une muqueuse attachée est indispensable pour éviter une récession complémentaire et une migration apicale des bactéries de la plaque dentaire sur la surface implantaire. L'amélioration des conditions muqueuses sur une surface osseuse décontaminée efficacement autorise la cicatrisation du site osseux.
Radiographiquement, on note une perte osseuse combinée, verticale et horizontale (fig. 15).
Le traitement de ce cas a consisté à détoxifier et décontaminer le site péri-implantaire à l'aide du laser Erbium-Yag et à modifier les conditions muqueuses.
Un lambeau est récliné en demi-épaisseur au niveau papillaire et en épaisseur totale sur la face implantaire (fig. 16).
Nous avons choisi de réaliser une greffe muqueuse seule par apport de tissu conjonctif enfoui sous un lambeau repositionné coronairement (fig. 17 et fig. 18).
La cicatrisation muqueuse est satisfaisante à 2 mois avec une couverture totale des spires initialement exposées (fig. 19). Radiographiquement, le cratère débutant sur un plan le plus mésial apparaît radioopaque (fig. 20).
Le suivi de cette patiente consistera à surveiller la maturation gingivale et l'attachement muqueux péri-implantaire ainsi que le niveau osseux, stimulé par une maintenance laser assistée et un contrôle de l'hygiène de la patiente sur le site implantaire.
Dans ce dernier cas, il s'agit du traitement d'une péri-implantite en site 47.
Le patient ressent un inconfort au brossage. Cliniquement, on note une suppuration et un saignement au sondage avec la présence d'un petit bandeau de gencive attaché sur les deux implants 46 et 47 (fig. 21).
Radiographiquement, on note une cratérisation périphérique à cet implant en accord avec la topographie du sondage. Il s'agit d'une classe Ib de Schwartz (fig. 22).
Le traitement suit un protocole établi dans les cas précédents : décontamination par effet photodynamique d'un laser Diode 635 nm associé au bleu de méthylène (fig. 23).
Puis une incision à biseau interne par effet photoablatif du laser Erbium-Yag permet de séparer le tissu de granulation de la face interne de la poche (170 mJ, 3.4 W, 20 Hz) (fig. 24).
Une fois le lambeau récliné en pleine épaisseur, un tissu de granulation important est visualisé : il est fermement attaché à la surface osseuse et à la surface implantaire. Tout ce tissu de granulation est retiré à l'aide du laser Erbium à haute énergie sur l'os (220 mJ) et faible énergie (80 mJ) sur la surface implantaire, puis l'aéropolissage assure une élimination complète des débris (fig. 25 à fig. 28).
De l'eau oxygénée à 10 volumes est apportée sur le site et laissée en place quelques secondes pour commencer à détoxifier la surface implantaire et à oxygéner le tissu osseux.
Les tirs du laser Diode (980 nm) sont répétés 5 à 10 fois en renouvelant l'eau oxygénée jusqu'à obtenir un sang oxygéné chargé de facteurs de cicatrisation et de facteurs de croissance gingivaux et osseux (fig. 29 et fig. 30).
L'analyse du site osseux montre une lésion en cratère à quatre murs indiquant des conditions favorables pour une régénération osseuse guidée réalisée à l'aide d'une xénogreffe d'origine bovine avant de suturer (fig. 31 et fig. 32) et de contrôler la densité radiographique du comblement (fig. 33).
Dans chacun des cas traités, une bio-stimulation laser par ATP 38 est réalisée pour son effet de bio-stimulation : anti-inflammatoire, antidouleur et cicatrisant en postopératoire immédiat et à chaque visite du patient (fig. 34).
Dans chacun des cas traités, une biostimulation laser par ATP38® est réalisée pour son effet de biostimulation : anti-inflammatoire, antidouleur et cicatrisant en post-opératoire immédiat et à chaque visite du patient.
En conclusion, le traitement des péri-implantites est une spécialité à part entière. Il combine des techniques de régénération osseuse et tissulaire associées à l'utilisation de technologies photoniques dont l'efficacité est relayée dans un nombre croissant de publications. Il s'agit d'une maladie plurifactorielle dont les mécanismes déclencheurs ne sont pas totalement élucidés à ce jour et dans laquelle le stress semble jouer un rôle clé. Pour être efficace, l'approche thérapeutique de la maladie doit considérer le patient dans sa globalité à un instant T initial et devrait le reconsidérer avec un œil nouveau à chaque visite de maintenance.
Amandine Para
Ancienne interne en odontologie (Paris VII-Diderot),
Ancienne AHU,
DU Implantologie chirurgicale et prothétique,
DU Clinique de prothèse implantoportée,
DU européen de Techniques laser en odontologie (Paris VII-Diderot)
Chargée de cours au DU Implantologie (Évry)
LIENS D'INTÉRÊTS : L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.