Implant n° 1 du 01/02/2018

 

ÉDITORIAL

Olivier Fromentin  

Rédacteur en chef

l'enjeu demeure notre capacité collective à agir, réagir et toujours nous adapter de manière pragmatique à une nouvelle situation

En ce début d'année 2018, Mme Theresa May, Premier Ministre britannique, s'est publiquement excusée devant l'incapacité du système publique hospitalier britannique appartenant au NHS à prendre en charge les patients pourtant planifiés pour une intervention chirurgicale. Plus de 55 000 interventions ont ainsi été reportées dans tout le pays, officiellement en raison de la saturation des structures en partie liée à une épidémie de grippe. Un soignant du NHS interrogé exprimait son dégoût devant son incapacité à faire face et l'incurie chronique ayant entraîné le système de santé au bord de la paralysie complète.

Le NHS, après de nombreuses restructurations et coupes budgétaires, bénéficie d'un budget représentant environ 10 % du PIB britannique. Pour des PIB sensiblement similaires, à titre de comparaison, la CSBM (Consommation en Biens et Services Médicaux) représente 9 % du PIB français et l'hôpital public fait régulièrement l'objet de nouveaux plans de restructuration, bien que de nombreux analystes s'alarment sur le fait qu'il s'avère impossible désormais de faire non pas mieux mais simplement autant avec moins de moyens et de personnels.

Loin de moi l'idée d'ébaucher un débat d'initiés sur les limites d'un système de santé de type béveridgien comme le NHS ou bismarckien comme le nôtre car mon propos s'intéresse surtout aux individus, aux patients évidemment mais également aux personnels soignants.

Je pensais à toutes ces situations où les objectifs annoncés sont trop déraisonnablement optimistes face à la réalité de la « vraie » vie et à son cortège de contraintes souvent trop peu compatibles avec les ambitions affichées.

Depuis les travaux sur la schizophrénie de Bateson datant du milieu du XXe siècle, le concept d'injonctions paradoxales est bien connu.

À l'image du praticien britannique désabusé, placez un individu dans une situation présentant deux contraintes contradictoires : cela entraîne pour lui une sorte de sidération devant son incapacité à trouver une solution compatible avec ces deux injonctions contraires.

Dans une moindre mesure évidemment, que faut-il penser de l'avalanche de décisions imposées qui nous placent dans un système d'injonctions paradoxales quotidiennes ? La liste de ce genre de situation serait longue, mais à titre d'exemples :

• comment prôner une formation initiale publique de qualité, indispensable pour notre profession, tout en acceptant ce qui fait le lit d'une formation privée que finalement chacun sait quasi inéluctable ?

• comment pratiquer une dentisterie moderne avec des honoraires décents quand le maître mot est l'accès pour tous à des soins gratuits dans un contexte économique de budget de l'assurance maladie plus que contraint ?

Qu'en ce début d'année où les vœux optimistes sont de tradition, qu'il me soit permis de souhaiter pour nos représentants, quelles que soient leurs responsabilités, un peu plus de sincérité et de pragmatisme, loin des postures, des calculs opportunistes ou des fausses contritions qui finalement ne génèrent que frustration et désillusion.

Sans transition, il est temps pour moi de transmettre le relais à Marc Baranès qui, j'en suis persuadé, continuera d'animer votre revue avec un esprit de curiosité et d'ouverture aux nouvelles techniques chirurgicales ou prothétiques en implantologie, et ceci dans un cadre scientifique rigoureux caractérisant Implant.

Chers lecteurs et chères lectrices, je vous souhaite une bonne lecture de ce 97e numéro d'Implant !