Implant n° 1 du 01/02/2018

 

IMPLANT A LA RENCONTRE

Les sociétés françaises de matériel implantaire sont très actives dans le domaine de la Recherche et du Développement, permettant ainsi d'étendre de plus en plus leur marché à l'international. À l'heure où les profondes rivalités entre les plus grandes firmes implantaires mondiales ne se jouent plus sur le design des implants, comme dans les années 1990-2000, ni, plus récemment, sur leurs états de surface, la société Anthogyr a aujourd'hui clairement opté pour des évolutions techniques implantaires et semble guidée par une volonté d'optimisation de la facilité ainsi que de la sécurité lors du traitement prothétique. Après avoir mis au point une connexion impactée originale avec l'implant Axiom® BL 2.8, c'est aujourd'hui une nouvelle entrée audacieuse dans la cour des grands, avec une véritable révision ergonomique et biomécanique qui propose des verrous ainsi que des bagues de maintien là où seuls le transvissage et le scellement étaient rois.

Quel est le constat (clinique, statistique ou industriel) sur lequel s'est fondée votre société pour orienter ses unités de Recherche et Développement vers la redéfinition de nouveaux objectifs en termes d'ergonomie et de connexion implantaire ?

É. Genève : Anthogyr est devenu un acteur majeur de l'implantologie, forte du travail conduit depuis 2007 avec la création de la gamme Axiom®, une gamme de produits avec une connexion cône morse étanche et une philosophie « Bone Level ». Nous assistons depuis à une évolution de l'implantologie qui, progressivement, devient moins invasive qu'avant du point de vue chirurgical et davantage orientée vers la prothèse. C'est une des raisons de l'intégration de Simeda®, solution en prothèse personnalisée CFAO, dans notre portefeuille de produits en 2012 pour élargir notre offre auprès de nos clients, qu'il s'agisse de praticiens ou de laboratoires. Observant une évolution très forte ces dix dernières années vers la prothèse transvissée et l'utilisation croissante de piliers type « Multi-Unit », nous nous sommes dit qu'il fallait trouver un procédé encore plus simple et plus efficace. Nous avons donc réfléchi à la manière d'enrichir notre solution Axiom®.

Bien sûr, toute la réflexion s'est effectuée dans le contexte de prévalence croissante de la péri-implantite où l'on souhaite préserver l'attache épithéliale au maximum puisque l'on sait aujourd'hui que c'est la principale source de difficultés. Nous avons donc choisi d'étendre notre gamme en créant un implant Tissue Level qui s'intègre à l'univers Axiom® existant. L'idée était d'ouvrir davantage le champ thérapeutique des praticiens. Nous avons choisi de proposer une alternative à l'étage Multi-Unit pour avoir la capacité de connecter directement une prothèse transvissée sans pilier intermédiaire, et ce quelle que soit la divergence des implants. Tel a été le défi !

La solution technique qui a été trouvée porte effectivement sur la nouvelle connexion inLink® totalement intégrée à la prothèse Simeda®. Elle nous permet d'enrichir d'une manière simple et optimale l'univers Axiom® tant avec l'implant Axiom® Bone Level (BL), qu'avec le nouvel Axiom® Tissue Level (TL). C'est notre solution Axiom® Multi Level®.

Cette nouvelle connexion inLink® est dévoilée depuis peu et mise sur le marché en même temps que le concept Multi Level®, ce qui créé en quelque sorte deux évolutions techniques en une. Pourquoi ce choix stratégique ?

É. Genève : Il n'y a pas deux évolutions. Je dirais qu'il n'y a qu'une seule évolution, c'est la solution Axiom® Multi Level®. Nous sommes passés d'une stratégie où Axiom® était uniquement consacré à une implantologie Bone Level à une gamme qui permet de gérer avec la même trousse chirurgicale les deux univers Bone Level et Tissue Level. C'est cela l'innovation. Le cœur du concept réside dans le fait de pouvoir utiliser les approches Bone Level et Tissue Level de manière simple, via la nouvelle connexion inLink®. Dès le départ, nous savions qu'il fallait créer une nouvelle connexion qui nous permettrait d'étendre l'utilisation de nos produits en capitalisant sur les avantages du Concept Axiom®. Cette gamme est performante, elle est éprouvée, fortement appréciée, et reste simple et accessible. Notre volonté était d'amener encore plus de valeur ajoutée. C'est ce que nous avons fait avec le nouvel implant Axiom® Tissue Level et la connexion inLink®.

Cette connexion vise d'abord à faire face aux divergences d'axes en se connectant directement sur des implants posés avec des angulations importantes. Elle nous permet d'intégrer tout le matériel de connexion dans la prothèse et de rendre l'ensemble complètement « monocorps » avec tous les avantages que cela apporte. Étant intégrée dans l'intrados de la prothèse, inLink® libère complètement l'accès pour le verrouillage et rend possible de manière très ergonomique le vissage angulé. Enfin, il faut préciser que sa conception permet de visser la prothèse à 25 Ncm, donc avec un couple de serrage bien supérieur à celui d'une solution Multi-Unit (15 Ncm).

Parlons biomécanique et « process » industriel : quelles sont les étapes engagées par vos bureaux d'études et combien de temps a-t-il fallu à votre société pour que ces nouveaux composants passent du stade de néoconcept aux étapes de commercialisation ?

É. Genève : Le développement de la gamme Axiom® Multi Level® représente 5 ans de travail. Ce sont 2 ans d'essais cliniques assurés par 26 praticiens et 19 laboratoires testeurs. Le suivi clinique porte sur 116 patients inclus pour 546 implants posés et 132 prothèses partielles et complètes. Il est vrai que nous sommes particulièrement satisfaits des résultats préliminaires : une perte osseuse moyenne de 0,2 mm 8 mois après la mise en charge sur 122 implants, 99 % de taux de survie implantaire et 100 % de prothèses stables. Du point de vue « Recherche et Développement » (R & D), nous avons soumis une dizaine de brevets et effectué plus de 400 millions de cycles de résistance mécanique sur les implants. Tout cela représente une masse de travail considérable pour nos équipes.

Y a-t-il eu des difficultés particulières à surmonter (conceptuelles, techniques) ?

É. Genève : Effectivement, la difficulté technique majeure a été de pouvoir connecter directement une prothèse sur implants sans renvoi d'angle comme l'autorisent les piliers Multi-Unit angulés. Il y a eu des dizaines de solutions de concepts mécaniques créés et validés pour n'en retenir qu'un seul : inLink®.

Dans le cahier des charges de l'Axiom® Tissue Level, nous nous étions fixé pour objectif de créer un implant extrêmement résistant pour répondre au niveau d'exigence réglementaire qui s'est accru et parce qu'il est hors de question de subir une casse d'un implant Axiom®. Nous avons mis la barre très haut en termes de validation mécanique et, aujourd'hui, nous produisons l'un des implants les plus résistants du marché.

La guerre en implantologie endo-osseuse entre les partisans du Bone Level et ceux du Tissue Level est aujourd'hui clairement dépassée, car la littérature scientifique n'a cessé de rapporter des taux de succès équivalents depuis plus de 30 ans. Anthogyr semble avoir une approche fondée sur une combinaison raisonnée entre ces deux concepts avec sa stratégie Multi Level®. Y a-t-il un intérêt particulier pour nos confrères à utiliser préférentiellement l'un ou l'autre de ces deux modèles cicatriciels ou bien à les combiner sur le même cas clinique ?

É. Genève : Votre question montre que vous avez parfaitement compris notre solution. Chez Anthogyr, nous ne sommes pas dogmatiques. Il y a effectivement un historique au niveau des connexions internes et externes, avec d'une part l'école endo-osseuse du Pr Brånemark et d'autre part l'école Tissue Level et le Pr Schroeder. Partant de ce constat, nous avons voulu offrir la possibilité aux praticiens de bénéficier des avantages respectifs des philosophies Bone Level et Tissue Level.

Désormais, nous sommes convaincus qu'en fonction des attentes des patients, de celles des praticiens et du type de restauration prothétique sur implants – simple couronne unitaire ou cas plural –, il y a un intérêt à pouvoir mettre en œuvre telle ou telle approche. Il revient au praticien de choisir et surtout de pouvoir combiner les deux. Jusqu'à maintenant, aucune offre sur le marché ne permettait d'associer les philosophies Bone Level et Tissue Level. C'est cette complémentarité que souhaite apporter Anthogyr avec la solution Axiom® Multi Level® avec, comme exigence, la facilité pour le praticien et le prothésiste. En tant que fabricant, nous ne voulons pas davantage les orienter vers un Axiom® Bone Level ou Tissue Level par exemple car les deux sont performants, les deux ont leur raison d'être et, surtout, les deux produits peuvent être utilisés de manière parfaitement combinée. Encore une fois, nous voulons laisser la liberté de choix au praticien implantologiste.

En 2012, Anthogyr a acquis la société luxembourgeoise Simeda® pour capter ou peut-être reconquérir le marché de la CFAO (Conception et Fabrication Assistées par Ordinateur). Comment s'est intégrée la réflexion stratégique d'Anthogyr sur le développement de ces nouveaux concepts inLink® et Multi Level®, par rapport à l'essor de Simeda® ? En d'autres termes, l'arrivée de l'un a-t-elle naturellement guidé, impacté ou imposé le choix ou le développement de l'autre ?

É. Genève : Comme je le rappelais tout à l'heure, l'implantologie a évolué ces dernières années d'une implantologie très chirurgicale à une implantologie très prothétique. Très tôt, nous avons perçu le besoin beaucoup plus large de rapprocher les solutions implantaires et prothétiques. Aujourd'hui, notre client c'est le binôme clinicien-prothésiste dentaire. Depuis 2012, avec Simeda®, nous avons bien sûr élargi notre champ de compétences avec une des offres les plus performantes en termes de prothèse CFAO industrielle, offre que nous avons fortement développée ces cinq dernières années. Nous sommes vraiment positionnés sur le segment haut de gamme des solutions proposées aux laboratoires. Et lorsque nous avons décidé de renforcer notre gamme Axiom®, nous nous sommes logiquement orientés vers la prothèse, au point de créer un système 100 % CFAO industriel. Ces prothèses premium sont d'une extrême qualité grâce à un flux numérique assurant précision et facilité d'exécution pour nos clients. Il ne s'agit pas de les rendre captifs mais de leur proposer une solution intégrée performante du point de vue de la qualité, de la simplicité et du prix.

Qu'a réellement apporté l'arrivée de la société suisse Straumann, déjà très développée à l'international, au capital d'Anthogyr, en termes de « philosophie d'entreprise », de capacité de production, de stratégie en Recherche et Développement et d'épanouissement de la commercialisation ?

É. Genève : L'entrée de Straumann au capital d'Anthogyr est la conséquence d'un partenariat entre deux acteurs concurrents à l'ADN d'entreprise très similaire. Le projet consiste à travailler ensemble sur le développement de l'activité en Chine. La solution trouvée pour une société comme la nôtre, certes en pleine expansion mais de taille inférieure à celle du leader mondial, c'est de lui confier la distribution des produits d'implantologie de la marque Anthogyr sur le territoire chinois où le marché croît fortement. Cela permet de nous consacrer davantage aux marchés de proximité en Europe et, notamment, à nos filiales en Allemagne, en Angleterre, au Benelux et en Espagne. La montée au capital d'Anthogyr est le moyen de nous sécuriser respectivement : pour Straumann, d'être en lien direct avec son fournisseur stratégique en Chine, puisque c'est la marque Anthogyr qui est mise en avant sur ce territoire ; pour nous, d'avoir un partenaire qui reste minoritaire mais qui demeure sensible à la bonne santé et au bon développement d'Anthogyr.

S'il n'y a pas de projets de R & D communs, il y a en revanche des synergies, des échanges sur les plans industriel et commercial. Par exemple, nous avons confié dernièrement à Straumann la distribution de nos produits en Russie. Au-delà de cela, nous restons deux entités indépendantes et concurrentes.

En fin de compte, quel argument majeur pouvez-vous aujourd'hui avancer pour inciter nos lecteurs à découvrir et à utiliser ces nouveaux dispositifs inLink® et Axiom® Multi Level®, et les sécuriser sur leurs choix prothétiques à long terme ?

É. Genève : L'argument majeur est l'accessibilité, la simplicité et la performance de la solution. Nous avons aujourd'hui un système qui présente un des meilleurs rapports entre ces trois critères : performance dans sa mise en œuvre et ses résultats à long terme, sans oublier l'exhaustivité car Axiom® Multi Level® répond à toutes les exigences, quelles que soient les affinités du praticien en termes de marque, d'école ou de philosophie. Il est bien entendu très satisfaisant de constater aujourd'hui l'engouement de la profession. Il montre que l'innovation consistant à pouvoir associer des implants Bone Level et Tissue Level pour une même restauration prothétique, apporte une réelle valeur ajoutée pour le praticien et son patient.

Propos recueillis par Christian Molé