l'enjeu demeure notre capacité collective à agir, réagir et toujours nous adapter de manière pragmatique à une nouvelle situation
En 2015, un article paru dans la revue Science[1] mettait en évidence une forte corrélation entre le nombre de divisions de cellules souches, et donc de mutations potentielles intervenant au sein d'un tissu, et le risque d'apparition d'un cancer dans ce même tissu. Cela contribuait à renforcer le rôle des facteurs intrinsèques dans le développement des maladies cancéreuses et limitait d'autant l'influence des risques extrinsèques sur lesquels la prévention pouvait avoir une action. Ainsi, pour ces auteurs, près des deux tiers des cancers seraient attribuables au hasard, à la « malchance » plutôt qu'à l'influence de l'exposition environnementale.
Plus récemment, la publication dans Nature[2] d'une autre équipe scientifique concluait inversement que de 10 à 30 % seulement du risque de cancer pouvait être expliqué par ces réplications défectueuses, par nature aléatoires.
Je ne peux évidemment pas contribuer à éclairer cet intéressant débat de spécialistes en biostatistiques mais je souhaitais vous rapporter le commentaire d'un lecteur d'une de ces revues, qui signalait que, s'il était impossible d'agir sur la part aléatoire du risque intrinsèque de développer un cancer, dont l'âge est un des contributeurs majeurs, la prévention est certainement une possibilité d'action essentielle pour limiter un risque extrinsèque supplémentaire qualifié de « goutte d'eau qui fait déborder le vase ».
Par ailleurs, pour un oncologue français interrogé sur cette polémique, ce qui modulerait l'apparition ou non d'un cancer ce n'est pas seulement le taux de divisions et de mutations au sein d'un tissu mais tout son micro-environnement, c'est-à-dire les cellules saines capables ou non de se mobiliser pour contrer la mécanique tumorale.
Sur le plan clinique, et c'est ce qui intéresse le patient, le hasard et les facteurs environnementaux vont de pair et la réponse attendue se trouve dans la thérapeutique et la prévention de la récidive plutôt que dans un arbitrage définitif sur la causalité de la pathologie.
Au risque de paraître futile, la transposition de ces quelques éléments de réflexion à l'actualité politique récente ou à notre situation professionnelle actuelle ne me paraît pas dissonante. Les chiffres peuvent être présentés de la manière souhaitée et les responsabilités disséquées à l'infini, l'enjeu demeure notre capacité collective à agir, réagir et toujours nous adapter de manière pragmatique à une nouvelle situation.
Chère lectrice, cher lecteur, je vous souhaite une bonne lecture de ce numéro d'Implant.