DOSSIER CLINIQUE
J. Perrin / W. Goubin / Y. Gastard / H. Martin-Thomé / H. Plard
Le choix d'un système d'attachement axial en prothèse amovible complète implanto-retenue est souvent délicat, le dispositif idéal ou universel n'existant pas. Le système d'attachement Novaloc® a été mis au point pour pallier les lacunes rencontrées avec les autres systèmes, notamment les Locator®. Cet article compare ces deux systèmes, puis un cas clinique illustre la mise en œuvre de ce nouveau système d'attachement.
The choice of a retention system for overdentures is often delicate, the ideal or universal system does not exist. The Novaloc® system has been developed to overcome the deficiencies encountered with other systems, including the Locator®. This article compares these two systems, and then a clinical case illustrates the implementation of this new attachment system.
Depuis plusieurs décennies, les progrès en matière de prévention et de soins bucco-dentaires ont permis de diminuer de manière considérable le nombre de dents extraites. L'édentement total, situation terminale où toutes les dents d'une arcade sont absentes, reste cependant une situation clinique fréquemment rencontrée, notamment à cause de l'augmentation de l'espérance de vie [1, 2].
Pour ces patients, la perte de l'ensemble des dents entraîne un véritable handicap esthétique et fonctionnel. À la mandibule notamment, la faible surface d'appui ostéo-muqueuse disponible complique considérablement la rétention et la stabilisation des prothèses amovibles complètes. Malgré l'exploitation maximale de ces surfaces d'appui et l'obtention d'un joint périphérique, l'instabilité des prothèses amovibles complètes mandibulaires durant la fonction est souvent importante. Le volume du massif lingual et sa tonicité sont également des facteurs de déstabilisation. Les microdéplacements induits de la prothèse sur la surface d'appui accélèrent alors la résorption osseuse.
Face à une rétention prothétique limitée, la pose de deux implants dans la zone para-symphysaire associée à des attachements axiaux améliore nettement le pronostic biomécanique, offrant ainsi un meilleur confort aux patients. Ce constat a été à l'origine de la mise au point de très nombreux attachements supra-implantaires pour réaliser des prothèses amovibles complètes implanto-retenues.
L'un des systèmes les plus employés pour ce type de restauration est un attachement axial cylindrique (Locator®, Zest Anchors). Récemment, un autre dispositif d'attachement cylindrique a été créé (Novaloc®) afin d'améliorer et de compléter les possibilités offertes par le système d'attachements Locator®.
Après de brefs rappels sur les prothèses amovibles complètes implanto-retenues et les attachements axiaux Locator®, les spécificités du système Novaloc® seront précisées. Enfin, un cas clinique d'une prothèse amovible complète implanto-retenue avec deux attachements supra-implantaires para-symphysaires viendra illustrer la mise en œuvre pratique de ce système d'attachement.
L'insertion de prothèses amovibles complètes [3] s'accompagne de doléances importantes de la part des patients, notamment à la mandibule :
– instabilité des bases prothétiques ;
– manque de rétention ;
– inconfort parfois même au repos ;
– encombrement important, surtout chez les « primo-appareillés » ;
– difficultés à mastiquer et troubles digestifs associés.
Depuis 2002 et le consensus de l'université McGill, il est admis que le traitement de référence à envisager pour un patient édenté complet est la réalisation d'une prothèse amovible complète bimaxillaire associée à la mise en place de deux implants para-symphysaires afin d'améliorer l'équilibre de la prothèse mandibulaire [4, 5].
En effet, malgré la recherche des conditions de stabilité prothétique par la création d'une occlusion bilatéralement équilibrée, l'aire de sustentation réduite à la mandibule associée à un joint périphérique de faible valeur ainsi que la présence d'un volume lingual actif limitent l'efficacité de l'équilibre prothétique obtenu après la réalisation de prothèses amovibles complètes muco-portées.
Au maxillaire, il semble qu'une barre de conjonction supra-implantaire soit la solution la plus pérenne au regard des taux de survie implantaires [6-9].
Pour Slot et al. [10], les prothèses amovibles complètes implanto-retenues associées à des barres de conjonction bénéficieraient des meilleurs taux de survie implantaire.
Sur le plan clinique, en raison de la résorption osseuse maxillaire centripète, il est souvent compliqué de placer les implants parallèles entre eux et perpendiculaires au futur plan d'occlusion. La conséquence en est une usure prématurée et excessive des attachements supra-implantaires axiaux et, donc, l'indication privilégiée de réalisation de barres de conjonction [11] (fig. 1).
À la mandibule en revanche, les attachements axiaux et les barres (fig. 2) sont réalisables comme moyens de connexion implanto-prothétiques sans différences notables en termes de taux de survie implantaire [12]. Néanmoins, pour des critères de simplicité et de rapidité de la mise en œuvre des étapes du traitement ainsi que pour la facilité des interventions de maintenance, l'utilisation d'attachements axiaux s'avère la solution le plus fréquemment retenue [12].
Classiquement, les systèmes rétenteurs axiaux étaient de forme sphérique quant à la partie mâle (ou patrice), associée à une partie rétentrice femelle (ou matrice) fabriquée soit en polymère (élastomère siliconé du système O'Ring) soit en alliage métallique précieux (Elitor du système Dalbo® ou Dalbo®-PLUS, Cendres+Métaux) (fig. 3).
Des attachements axiaux cylindriques ont ensuite été mis au point dont, principalement, le système Locator®. Les piliers sont disponibles pour de nombreuses marques d'implants, avec des hauteurs transgingivales variables. Associé à ces piliers, un boîtier métallique est solidarisé à l'intrados prothétique. Des inserts rétenteurs en Nylon (polyamide 6.6) insérés dans ces boîtiers permettent d'obtenir le niveau souhaité de rétention. Différents inserts sont ainsi disponibles afin de sélectionner la rétention nécessaire au cas clinique traité.
Le système Locator® s'est rapidement imposé comme l'attachement axial de référence en prothèse amovible complète implanto-retenue pour plusieurs raisons :
– large choix d'accastillage pour s'adapter au cas clinique (hauteur des piliers, inserts cliniques de différents niveaux de rétention, inserts spécifiques pour compenser l'angulation interimplantaire, etc.) ;
– disponible pour de nombreux systèmes implantaires ;
– relative simplicité de mise en œuvre d'insertion dans la prothèse amovible complète implanto-retenue et lors de la maintenance ;
– faible encombrement [13] le rendant indiqué dans les situations d'espace prothétique réduit.
L'assemblage de ce système peut être fait en technique directe, au fauteuil sous contrôle occlusal, ou en technique indirecte en passant par le laboratoire, impliquant une empreinte de situation des piliers supra-implantaire par l'intermédiaire de transferts spécifiques.
La principale limite [11, 14] du système réside dans la perte de rétention par usure des inserts rétenteurs ainsi que des piliers, entraînant un inconfort chez les patients traités (fig. 4).
Plus la divergence interimplantaire est importante et plus la dégradation du dispositif rétenteur sera rapide et importante. Bien que des inserts avec rétention double pour les situations où les implants sont quasiment parallèles (moins de 10o de divergence) et des inserts à rétention simple (divergence de 10 à 20o) aient été proposés, l'altération des pièces reste inévitable (fig. 5).
Par ailleurs, la détérioration des piliers supra-implantaires cylindriques, souvent après plusieurs années d'usage, nécessite leur remplacement. Cette dégradation révèle fréquemment une discordance entre l'axe prothétique et l'axe implantaire. Une usure marquée du pilier doit conduire à repenser intégralement la connexion implanto-prothétique en changeant le système d'attachement pour avoir recours à une barre de conjonction ou, parfois même, ajouter un pilier implantaire supplémentaire sous peine de récidive de l'échec.
Une autre limite en rapport avec l'utilisation de ce système d'attachement concerne l'hygiène quotidienne du dispositif [14, 15]. En plus des risques biologiques de péri-implantite en l'absence de nettoyage approprié, l'accumulation de biofilm ou de tartre peut perturber le fonctionnement de l'attachement. Le système nécessite une bonne coaptation entre les parties mâle et femelle pour être actif. Un dépôt de tartre sur la base du pilier ou la présence de débris alimentaires dans la partie supérieure de ce dernier peut gêner l'engagement complet des pièces l'une dans l'autre (fig. 6). Le détartrage de ces piliers est délicat, toute rayure augmentant la rugosité de surface et la rétention ultérieure du biofilm.
L'aide apportée par les brosses à dents électriques [16-19] est utile chez des patients édentés complets souvent âgés et pas toujours agiles manuellement. Ces brosses peuvent aussi bien s'utiliser en bouche sur les piliers que dans l'intrados de la prothèse au niveau des inserts. Les têtes des brosses les plus petites (Ortho Care, Oral-B®), normalement prescrites en orthodontie, y trouvent une indication supplémentaire (fig. 7 à 9).
Pour ces deux raisons – maintenir durablement la rétention des prothèses amovibles complètes implanto-retenues mandibulaires et diminuer la maintenance –, de nouveaux inserts cliniques puis de nouveaux piliers ont été proposés sur le marché sous le nom de Novaloc® [21].
Ces deux systèmes sont compatibles, le système Novaloc® essayant de pallier les inconvénients du système Locator®. Il faut néanmoins noter que les inserts à rétention double Locator® ne s'adaptent pas sur les piliers Novaloc®.
La comparaison point par point des deux systèmes est présentée de manière synthétique dans le tableau 1.
Dans le système Locator®, les boîtiers recevant les inserts rétenteurs en polymère sont fabriqués en alliage de titane, alors que dans le système Novaloc® ils sont disponibles en alliage de titane et en PEEK (polyétheréthercétone) de couleur claire. Le principal intérêt est esthétique, permettant de masquer plus facilement ces pièces dans l'intrados prothétique notamment lorsque les épaisseurs de résine rose sont faibles [20] (fig. 10). Les boîtiers sont fournis avec des inserts de laboratoire. Ces inserts seront uniquement utilisés pendant la solidarisation (directe ou indirecte) du boîtier dans l'intrados prothétique. Ils sont noirs dans le système Locator® et blancs pour les Novaloc®.
Les piliers Locator® sont de couleur jaune doré, en raison de la couche de nitrure de titane déposée en surface. Les piliers Novaloc® sont recouverts d'une couche d'ADLC (amorphous diamond like carbon) qui leur donne une couleur noire. Cette couleur plus foncée permet de détecter plus rapidement les dépôts (biofilm et tartre) sur ces piliers. La couche d'ADLC est plus dure et présente une surface de moindre rugosité que le titane nitruré, ce qui rend les piliers plus résistants à l'usure ainsi que moins favorables à l'adhésion du biofilm.
Cet état de surface très lisse rend le pilier moins abrasif et prolonge ainsi la durée de vie des inserts rétenteurs en PEEK.
Pour les deux types de piliers, des hauteurs variables sont proposées mais, contrairement aux piliers Locator® uniquement droits, les piliers Novaloc® sont également disponibles en version angulée.
Enfin, la mise en place des piliers Locator® nécessite un outil spécifique alors que pour les piliers Novaloc®, un tournevis classique (Screw Driver®) suffit (fig. 11). Le logement pour insérer le tournevis sur le sommet du pilier est par là plus réduit pour les Novaloc® (fig. 12), ce qui a deux conséquences. Tout d'abord, contrairement à la double rétention du Locator® qui utilisait ce puits central, la rétention se fait uniquement par la partie périphérique sur le dispositif Novaloc®. Ensuite, les dépôts alimentaires qui comblaient fréquemment cet espace dans le système Locator® sont beaucoup plus limités avec les piliers Novaloc® et, même s'ils sont présents, l'insertion et la rétention ne sont pas affectées.
Les deux systèmes offrent une large gamme d'inserts rétenteurs (fig. 13), associés à un code couleur (tableau 2). Les inserts Locator® sont fabriqués en Nylon (polyamide 6.6) alors que les pièces rétentrices Novaloc® sont produites en PEEK, ce qui devrait prolonger leur durée d'utilisation.
Autre particularité, les éléments de rétention Novaloc® sont creux en leur centre et présentent une ouverture en périphérie.
Cette forme spécifique permet des mouvements de rotation, limitant ainsi les contraintes excessives responsables de déformations dans le système Locator®, ce qui entraînait une perte de rétention. Le système présente ainsi une certaine « résilience » au sens de la libération des contraintes par rotation du dispositif, notamment lors des mouvements prothétiques d'enfoncement distaux, en présence de crêtes flottantes à la mandibule.
Comme dans le système Locator®, les piliers et les boîtiers du système Novaloc® sont de mêmes dimensions [11], ce qui leur permet d'être parmi les systèmes d'attachement disponibles les moins encombrants.
Le revêtement en ADLC des piliers du système Novaloc® est très utilisé en médecine et en chirurgie pour ses qualités de résistance à la corrosion et de biocompatibilité. En raison de son hémocompatibilité et de son état de surface très lisse, il est employé par exemple en chirurgie vasculaire pour la réalisation de stents [21], sans risque de thrombose.
Son emploi dans un milieu humide et septique tel que la cavité buccale, s'est donc avéré pertinent pour les concepteurs de ce nouveau dispositif d'attachement.
Un patient totalement édenté depuis peu de temps est pris en charge pour une restauration prothétique. Des prothèses amovibles complètes immédiates ont été réalisées et mises en place le jour des extractions des quelques dents restantes. À l'issue de la période de cicatrisation, le patient souhaite avoir recours à des implants afin d'améliorer la rétention et le confort de ses prothèses (fig. 14 et 15).
Après avoir étudié et échangé avec le patient concernant les différentes solutions prothétiques possibles, le plan de traitement retenu réside dans la réalisation d'un bridge supra-implantaire sur pilotis maxillaire et d'une prothèse amovible complète implanto-retenue mandibulaire. Seules les étapes de réalisation de cette prothèse sont décrites ici.
Le traitement commence par la réalisation des prothèses amovibles complètes muco-portées d'usage, de manière classique, en exploitant pleinement les surfaces d'appui disponibles. Ces prothèses répondent aux critères de qualité généralement attendus en prothèse amovible complète conventionnelle. Elles sont confectionnées avec une résine HI® injectée Ivobase® [22] (Ivoclar Vivadent) (fig. 16 à 18).
Les prothèses sont dupliquées afin de réaliser un guide d'imagerie (fig. 19) puis de chirurgie [23]. Après examen radiologique par CBCT (cone beam computed tomography) (fig. 20 et 21), deux implants sont mis en place en position de 33 et 43 (implants Bone Level®, Straumann, diamètre : 3,3 mm, longueur : 12 mm) (fig. 22 et 23).
La prothèse mandibulaire est évidée en regard des vis de cicatrisation pour ne pas perturber l'ostéo-intégration. Après 3 mois de cicatrisation, un contrôle clinique et radiologique est effectué. Les vis de cicatrisation sont déposées (fig. 24) et les piliers Novaloc® sont choisis. La hauteur nécessaire correspond à la hauteur gingivale augmentée de 1 mm. Pour le patient traité, des piliers de 1 mm sont retenus (fig. 25). Le parallélisme des implants est objectivé à l'aide des tiges guides insérées dans les implants, ce qui autorise le choix de piliers droits (fig. 26). Ces piliers sont ensuite vissés avec un couple de 35 Ncm à l'aide d'une clé dynamométrique.
Les boîtiers équipés des inserts de laboratoire sont placés sur les piliers afin de pouvoir réaliser une technique directe de solidarisation avec la prothèse (fig. 27). Des inserts de montage (en silicone), positionnés sur les piliers avant les boîtiers, servent à calfater l'espace entre les piliers et la gencive, évitant ainsi les fusées de résine lors de cette manœuvre (fig. 28). L'intrados de la prothèse mandibulaire est évidé en regard du système d'attachement. Un évent est aménagé dans la prothèse afin de permettre l'évacuation des excès de résine au moment de la solidarisation en bouche lors de cette technique directe de solidarisation (fig. 29).
De la résine chémopolymérisable (Unifast Pink®, GC) est placée dans l'intrados prothétique, puis la prothèse est mise en bouche et le patient est guidé en occlusion. La polymérisation se déroule sous contrôle occlusal.
Après polymérisation, la prothèse est désinsérée et les excès de résine d'apport sont supprimés. L'ensemble est poli soigneusement. Les inserts de laboratoire sont déposés et remplacés par des inserts cliniques rétenteurs (fig. 30 à 36).
L'équilibration occlusale immédiate est effectuée, puis la séance se termine avec une démonstration des manœuvres d'insertion-désinsertion prothétique, ainsi que des techniques d'hygiène adaptées (fig. 37 et 38).
Le patient est revu en visite de contrôle pour quelques ajustements et retouches mineures mais rapporte sa satisfaction devant l'amélioration de la rétention de sa prothèse pendant la fonction.
La mise au point d'attachements axiaux supra-implantaires fiables et simples à mettre en œuvre doit permettre la réalisation de prothèses amovibles complètes implanto-retenues mandibulaires chez un nombre croissant de patients totalement édentés. Il est clairement établi que ces thérapeutiques améliorent facilement la qualité de vie des patients traités [24].
Le système Novaloc® représente l'évolution des attachements Locator® qui, eux-mêmes, avaient été créés par la société Zest Anchors après les systèmes Zest® et Zaag®. Entre ces deux systèmes d'attachement axial cylindrique, le principe d'un boîtier équipé d'inserts rétenteurs s'agrégeant sur un pilier supra-implantaire est très proche et les dispositifs sont compatibles. Les Novaloc® devraient apporter une évolution positive en termes de durabilité, de maintenance et de prophylaxie. Un apprentissage rapide et un équipement limité doivent permettre au clinicien de mettre en œuvre facilement ce nouvel attachement dans le cadre des thérapeutiques de l'édentement complet par prothèse amovible complète implanto-retenue.
Jérémie Perrin
Docteur en chirurgie dentaire, ancien assistant hospitalo-universitaire, praticien attaché (sous-section prothèses)
William Goubin
Docteur en chirurgie dentaire, attaché hospitalier (sous-section prothèses)
Yves Gastard
Prothésiste dentaire, responsable du laboratoire de prothèses
Hélène Martin-Thomé
Docteur en chirurgie dentaire, spécialiste en chirurgie orale, praticien attaché (sous-section chirurgie orale)
Hervé Plard
Docteur en chirurgie dentaire, ancien assistant hospitalo-universitaire, praticien attaché (sous-section prothèses)
Pôle d'odontologie et de chirurgie buccale
CHU
2, place Pasteur
35033 Rennes cedex 9
les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.