Implant n° 1 du 01/02/2017

 

IMPLANT

Lorsque la matrice de régénération tissulaire GUIDOR est apparue sur le marché en 1990, consécutivement aux travaux de l'équipe de Gottlow et de quelques autres cliniciens de renom, elle a immédiatement suscité de gros espoirs cliniques en parodontologie, notamment dans la prise en charge du traitement des furcations molaires de classe II et de certaines récessions tissulaires marginales, mais également en implantologie avec le traitement des défauts osseux pré-implantaires ou péri-implantaires. Disparue peu de temps après sa commercialisation, elle renaît de ses cendres, avec de beaux espoirs cliniques, plus particulièrement en implantologie chirurgicale avec la régénération osseuse guidée.

À l'heure de l'apparition de nouveaux concepts de traitements implanto-prothétiques, mais aussi d'un regain d'intérêt certain pour la gestion des tissus durs et mous en implantologie et en parodontologie, pourquoi ce retour à la membrane GUIDOR, un dispositif médical abandonné alors qu'il semblait très prometteur ?

J.E. Goulard : L'implantologie a en effet beaucoup influencé les progrès de la dentisterie actuelle. Cette grande révolution a sans aucun doute apporté des solutions et des réussites incontestables. Mais sa prévalence s'est aussi accompagnée de celle de la péri-implantite, cette maladie infectieuse qui ne trouve pas encore aujourd'hui de traitement consensuel et prévisible, mettant en danger les implants posés.

En raison de l'expansion du problème, un regain d'intérêt pour sauver les dents et régénérer les tissus avant d'arriver à la mise en place d'implants se confirme. Tout comme la nécessité de sauver les implants une fois posés.

L'implant est un outil parmi d'autres qui doit être considéré comme tel dans l'arsenal des outils et solutions à la disposition du praticien. Ceux-ci se complètent pour permettre au patient de conserver ses dents et ses tissus aussi longtemps que possible et de les remplacer le cas échéant, afin de lui assurer santé, fonction et sourire tout au long de sa vie.

La GUIDOR® bioresorbable matrix barrier a ainsi été, à l'origine, spécialement conçue pour permettre une régénération ad integrum des tissus de soutien de la dent et répondre au concept de régénération tissulaire guidée (RTG) puis, par extension, également à celui de régénération osseuse guidée (ROG).

En effet, le retour vers la parodontologie, la nécessité de préserver et de régénérer les tissus durs et mous, par rapport à des extractions parfois trop précoces, et la volonté de sauver les dents, inscrite dans le cœur de métier de Sunstar, ont ainsi incité au retour de ce produit.

Qu'est-ce qui, d'après vous, a stoppé la diffusion de ce matériau il y a 15 ans et qui justifie son retour sur le marché ?

J.E. Goulard : La disparition du marché de ce produit en 1997 était strictement liée à un enchaînement de fusions acquisitions entre sociétés et de décisions subséquentes liées aux possibilités et priorités commerciales de l'entreprise. Il est à souligner qu'il ne s'agissait absolument pas d'un problème lié au produit ou à ses performances. Au contraire, très apprécié et demandé à l'époque, sa disparition a suscité beaucoup de déceptions parmi ses nombreux et fervents utilisateurs.

Apparue au début des années 1990, la GUIDOR matrix barrier (GMB) a été rapidement adoptée par les cliniciens spécialistes en chirurgie parodontale. Mais la haute technicité de fabrication de cette membrane avait aussi dépassé les capacités de fabrication de l'époque. Sunstar a depuis utilisé les nouvelles techniques à sa disposition pour en faciliter la fabrication tout en répondant à l'expertise requise par sa technicité, permettant ainsi son retour. Les spécificités et caractéristiques de cette barrière matricielle de haute technicité, conçue spécialement pour la régénération tissulaire et osseuse guidée, sont à redécouvrir aujourd'hui dans un contexte où sauver les dents et régénérer les tissus est une nécessité marquante.

Sur quels concepts et critères la technicité de GUIDOR matrix barrier est-elle fondée ?

R. Chau : La GMB a été spécialement conçue pour répondre à un concept, celui de la RTG, qui est de jouer sur la compétition entre les différents types cellulaires constituant le parodonte afin d'empêcher les cellules à croissance rapide (les cellules épithéliales et conjonctives), d'envahir l'espace du défaut à régénérer et de permettre aux cellules plus lentes (les cellules osseuses et desmodontales) d'y croître, dans l'objectif final de régénérer ad integrum tout le système d'attache de la dent et non pas seulement de le réparer, comme cela est le cas avec le long épithélium de jonction obtenu en l'absence de barrière contre l'invagination du tissu épithélio-conjonctif.

En effet, cette matrice répond aux cinq critères d'une membrane de régénération tels qu'ils ont été définis lors de l'élaboration du concept de régénération tissulaire guidée par le groupe de recherche dédié, établi à Göteborg en 1988 :

– intégration tissulaire. La membrane de régénération doit permettre la croissance organisée des tissus vasculaires et conjonctifs pour une cicatrisation de régénération et une inhibition de contact de l'épithélium ;

– exclusion cellulaire, occlusivité. La membrane de régénération doit permettre d'isoler les types cellulaires tout en permettant l'apport sanguin et nutritif nécessaire à chacun d'entre eux ;

– adaptation clinique. La membrane de régénération doit permettre de réaliser des techniques aux résultats prévisibles par tous les praticiens ;

– maintien de l'espace. La membrane de régénération doit permettre de maintenir un volume protégé et défini pour la formation d'un caillot stable et la régénération guidée ;

– biocompatible. La membrane de régénération ne doit induire qu'une faible et bénigne réponse tissulaire et offrir un délai de résorption adapté.

Répondant à ces cinq critères, GMB est donc une vraie membrane de régénération biorésorbable pour une régénération ad integrum des tissus parodontaux.

C'est en fait plus qu'une simple « membrane ». C'est une réelle barrière matricielle : barrière car elle offre une occlusion aux cellules conjonctives, matrice car sa structure multicouche sert d'échafaudage pour guider le tissu conjonctif à l'intérieur de cette structure sans pour autant le laisser traverser la couche interne.

Où et comment est-elle désormais produite ?

J.E. Goulard : Auparavant produite en Suède, la GMB est désormais fabriquée aux États-Unis dans la banlieue de Chicago, avec l'équipement original qui a été transféré d'un pays vers l'autre. Aussi, est-elle la même que celle d'il y a 15 ans. Les progrès techniques ont cependant permis d'améliorer le procédé de fabrication, par exemple les perforations, plus précises, désormais faites au laser, ou le fil de suture intégré dans les modèles de RTG désormais individualisé, plus flexible et plus visible en raison de sa teinte violette.

Le processus de production permet également de signaler la couche externe faisant face aux tissus mous par un « S » et des encoches sur les bords des produits.

Les caractéristiques de la matrice de régénération d'antan et d'aujourd'hui sont ainsi les mêmes, le concept de base est identique. Une évolution des processus techniques a permis une optimisation de sa production.

Quelles contraintes techniques sa production industrielle impose-t-elle et comment sont-elles surmontées ?

R. Chau : La première contrainte technique réside dans le mélange même de sa composition chimique. Spécifique, elle résulte d'un savant équilibre pour répondre spécialement aux différentes caractéristiques demandées à la barrière matricielle : biocompatibilité, stabilité dimensionnelle initiale, rigidité suffisante pour le maintien de l'espace de régénération sans s'y effondrer mais malléabilité associée pour la manipulation, ainsi qu'adaptation et biorésorbabilité créant le moins d'inflammation possible et évitant une réintervention chirurgicale, tout en ayant une résorption contrôlée pour une fonction barrière adéquate pour une régénération possible des différents tissus.

Chaque couche de la membrane est ensuite modelée à partir des moules originaux avant d'être ensuite perforée au laser puis assemblée précisément l'une à l'autre selon un procédé complexe, après la mise en place du fil de suture dans les configurations RTG, réalisée à la main pour chaque membrane.

Outil de précision, chaque produit passe aussi par un contrôle de qualité extrêmement sévère, manuel et microscopique. Le moindre défaut dans le placement manuel de la suture, dans l'homogénéité de l'épaisseur des couches ou dans l'assemblage rend l'échantillon impropre à son utilisation. L'emballage adéquat et la nécessaire stérilisation complètent ce processus.

Les différentes conditions de température sont aussi à prendre en compte dès la fabrication mais surtout dans le transport des États-Unis vers l'Europe par bateau ou par avion puis dans les différentes filiales de la société jusqu'au client qui doit également conserver le produit dans un réfrigérateur. Des contrôles de cette chaîne du froid sont ainsi mis en place aux moments logistiques clés.

Quelles sont les caractéristiques de la matrice GUIDOR (composition, spécificités technique) ?

R. Chau : Il s'agit d'un produit 100 % synthétique. Elle est composée de polymères résorbables qui sont utilisés depuis plus de 20 ans dans l'industrie pharmaceutique et alimentaire. Elle est constituée d'un mélange d'acide polylactique-polyglycolique biorésorbable et d'un ester d'acide citrique.

Se conservant au froid entre 2 et 8 oC, elle doit être sortie du réfrigérateur au moins 15 minutes avant son utilisation. À température corporelle, elle devient malléable et peut s'adapter au défaut, tout en gardant une certaine rigidité de forme pour le maintien de l'espace sous-jacent.

La GMB est la première membrane avec une biorésorbabilité contrôlée grâce à sa composition équilibrée. Elle est conçue pour maintenir sa fonction barrière pendant au moins 6 semaines, pendant lesquelles sa structure reste stable, ce qui permet de maintenir l'espace nécessaire à la régénération du cément, du ligament parodontal et de l'os. Ensuite, le matériau commence à se résorber durant une période prévisible et est progressivement remplacé par les composants concernés du parodonte : tissu conjonctif et os alvéolaire.

Elle présente une structure multicouche unique en 3D qui permet une intégration des tissus mous tout en empêchant l'invagination épithéliale, ce qui contribue à une « véritable occlusion cellulaire ».

Elle présente deux couches :

– la couche externe, avec une marque « S » et des encoches faisant face au tissu conjonctif, présente des perforations rectangulaires larges laissant passer les cellules conjonctives à l'intérieur même de la membrane, permettant ainsi sa colonisation rapide et sa stabilisation ;

– la couche interne, faisant face à la racine de la dent ou à l'os, présente de très nombreuses petites perforations circulaires qui retardent le passage des cellules conjonctives tout en laissant passer les nutriments, procurant donc la fonction barrière. Elle présente également des plots radiculaires qui maintiennent un espace suffisant pour optimiser la prolifération des cellules desmodontales et permettre la régénération du ligament parodontal et de l'os dans les cas de RTG.

Les deux couches sont séparées par des espaceurs internes qui créent un espace dans lequel le tissu conjonctif peut croître, permettant la stabilisation de la membrane et l'optimisation des conditions de régénération.

Quelles sont les configurations que vous avez aujourd'hui choisi de développer ?

R. Chau : Cette barrière matricielle se présente en six configurations :

– deux en ROG, une de 15 × 20 mm (P3) et une de 28 × 20 mm (P6) ;

– quatre en RTG, pour les défauts interproximaux (DC), les défauts intra-osseux (MC), les furcations (MSL) et les récessions (PPS-R).

Les configurations RTG présentent la particularité d'avoir une barre coronaire contenant un fil de suture pré-placé pour permettre d'ancrer la barrière matricielle à la dent, facilitant ainsi le recouvrement par le lambeau. La barre coronaire sert de barrière entre la membrane et la dent pour empêcher l'invagination des tissus mous entre la membrane et le long de la racine de la dent.

Le fil de suture intégré manuellement pour chaque GMB est un copolymère d'acide glycolique polylactique résorbable (Polysorb 4-0), maintenant sa force de tension de 80 % pendant 14 jours et se résorbant complètement au bout de 2 mois environ.

Comment est organisé le retour jusqu'à la mise sur le marché de ces nouvelles membranes ?

J.E. Goulard : Un groupe de cliniciens a été constitué pour élaborer un programme d'éducation pour la réintroduction de ce concept et, par conséquent, de la technologie de la GMB. Une quinzaine de cliniciens, enseignants, chercheurs internationaux, sous la houlette des Dr. Tonetti et Cortellini, se sont regroupés à Florence en janvier 2016 (Florence Task Force) pour mettre en place une stratégie et des outils d'enseignement, à appliquer dans leurs pays respectifs et à diffuser lors de leurs conférences, sur le concept et l'application de la RTG en utilisant l'ensemble de l'arsenal thérapeutique à la disposition des praticiens aujourd'hui, y compris la GMB.

Ainsi, au-delà de la réintroduction d'un produit, Sunstar a souhaité avant tout réactiver le concept de RTG. Il s'agissait d'une réelle démarche académique non commerciale, ce qui a d'ailleurs motivé les participants ö totalement indépendants ö du Florence Task Force, pour aider à réintroduire le concept de RTG au mieux dans un contexte où régénérer les tissus et préserver les dents semblent être au cœur des préoccupations.

Ensuite, concernant le produit lui-même, il est commercialisé depuis 2009 aux États-Unis où les formes ROG ont été majoritairement présentées.

En Europe, la réintroduction sur le marché s'est faite en plusieurs étapes. Plusieurs praticiens dans différents pays européens ont en effet reçu, dès 2015, des échantillons du produit avant sa commercialisation réelle en septembre 2016 afin que l'on puisse obtenir en retour leurs impressions.

Un lancement en deux étapes a ensuite été mis en place en 2016 : un lancement « en douceur » a permis de s'adresser à d'anciens utilisateurs ou connaisseurs de la GMB qui attendaient son retour, puis un lancement plus large a eu lieu en septembre 2016.

Qu'en est-il de la certification dans le monde ?

R. Chau : La GMB est un dispositif médical de classe III qui possède l'autorisation de la Food and Drug Administration (FDA) pour la distribution aux États-Unis et le marquage CE pour la distribution en Europe.

Une demande de certification pour la distribution en Asie est actuellement en cours.

Que diriez-vous aujourd'hui à nos lecteurs pour lever leurs éventuels doutes et les inciter à recourir à ces nouvelles membranes GUIDOR ?

J.E. Goulard : Forte d'une bibliographie de 122 articles scientifiques, la GMB est un produit qui a non seulement déjà existé sur le marché mais qui a aussi eu un grand succès auprès des cliniciens qui l'avaient beaucoup appréciée.

C'est donc un ancien produit qui avait déjà fait ses preuves qui est relancé aujourd'hui, en tenant compte des évolutions qui ont eu lieu dans la parodontologie et l'implantologie.

Contrairement aux allogreffes ou aux xénogreffes, toute considération morale, affective ou religieuse disparaît, ce produit étant à 100 % synthétique, composé de polymères résorbables largement utilisés dans le domaine médical depuis plusieurs décennies.

Les caractéristiques particulières de la GMB la différencient des autres membranes présentes sur le marché et imposent une utilisation et une technique chirurgicale rigoureuses pour une prévisibilité des résultats, que ce soit en ROG ou plus particulièrement en RTG. C'est pourquoi des guides techniques et des outils sont continuellement mis au point avec l'aide de cliniciens pour aider les nouveaux praticiens à l'utiliser au mieux. Des conférences et des travaux pratiques sont également organisés en Europe pour présenter au mieux le produit et son application. L'utilisation en RTG, en raison des indications très spécifiques du produit, s'adresse tout particulièrement aux parodontistes spécialisés.

Propos recueillis par Christian Molé