PROTHÈSE
O. FROMENTIN / T. BAUCHET / H. CITTÉRIO / M. METZ / P. TRAMBA
La réalisation d'une prothèse amovible complète maxillaire associée à des attachements axiaux non solidarisés, généralement au nombre de 4, quelquefois moins, est parfois décrite dans des articles cliniques. Le but de cette analyse de la littérature scientifique est de montrer si une évolution des connaissances scientifiques récentes permet d'indiquer non plus des barres de conjonction mais des systèmes d'attachements non solidarisés au maxillaire dans le cadre du traitement de l'édentement complet par PACSI.
The realization of a maxillary overdenture associated with non-splinted attachments, usually 4 or less, is sometimes described in clinical publications. The aim of this literature review is to check whether an evolution of recent scientific knowledge makes it possible to recommend a non splinted attachment system instead of bar in maxillary overdenture treatment.
Les données acquises de la science indiquent que la réalisation d'une prothèse amovible complète supra-implantaire (PACSI) au maxillaire nécessite la mise en place de 4 implants au minimum réunis par une barre de conjonction.
Les revues de la littérature scientifique récentes [, ] en rapport avec le traitement du maxillaire édenté confortent cette recommandation. Ainsi, la revue systématique de la littérature publiée depuis 1992, associée à une méta-analyse, réalisée en 2014 par Raghoebar et al. [] rapporte une différence de 8 % en termes de taux de survie implantaire entre la solidarisation ou non de 4 implants ou moins au maxillaire (97 % contre 88,9 %) pendant des durées étudiées variant de 12 à 120 mois. La solidarisation de 6 implants au moins par une barre de conjonction maxillaire permettrait des taux de survie implantaire de l'ordre de 98 %. La publication de Kern et al. [] en 2016, pour une période de synthèse de la littérature plus réduite, conduit à des conclusions similaires.
Néanmoins, quelques publications récentes semblent suggérer que l'utilisation d'attachements axiaux non solidarisés serait une solution de remplacement fiable, parfois sur un nombre d'implants inférieur à 4.
Le but de cette revue exhaustive de la littérature présentée sous une forme synthétique est de répondre à la question suivante : chez le patient édenté complet maxillaire traité par PACSI associée à des attachements non solidarisés, quels sont les résultats (en termes de taux de succès ou de survie implantaire) par rapport à une barre de conjonction solidarisant les implants ?
(denture, overlay* OR denture* OR overlay* OR overdenture* OR removable prostheses) AND (maxilla OR maxillary OR upper jaw) AND (attachment* OR precision attachment*) AND dental implant* AND (outcome* OR assessment*).
67 publications.
Critères d'inclusion :
– attachements non solidarisés du type attachements sphériques ou télescopes ;
– période 2001-2016 ;
– langue anglaise ;
– études cliniques prospectives et rétrospectives ;
– durée de l'étude supérieure à 1 année ;
– résultats en termes de taux de survie implantaire ou de taux de succès si la mesure de la résorption osseuse péri-implantaire est explicitement rapportée.
Critères d'exclusion (nombre correspondant d'exclusions) :
– études in vitro, étude animale, modélisation par éléments finis, classification (1) ;
– études concernant des édentements partiels ou mandibulaires, attachements supra-dentaires ;
– attachements magnétiques prothèse fixée, prothèse amovible complète, chirurgie maxillaire (38) ;
– études ou rapports de cas (7) ;
– études cliniques évaluant d'autres variables (3) ;
– revues de littérature hors sujet (1) ;
– revues de littérature concernant le traitement du maxillaire édenté (7) ;
– études cliniques publiées avant 2001 ou d'une durée inférieure à 1 an (1) ;
– publications non en anglais (5).
Après applications des critères d'inclusion/exclusion sur les 67 publications initialement sélectionnées, il n'en reste plus que 4 [-].
5 publications retrouvées par lecture croisée des articles sélectionnés initialement ont été ajoutées [-].
La synthèse de la littérature pertinente porte donc sur 9 publications [-] en rapport avec la question posée.
En 15 années de recul bibliographique, seulement 9 publications rapportant les résultats d'études cliniques sont retrouvées concernant l'utilisation d'attachements non solidarisés (attachements sphériques, cylindriques ou couronnes télescopes) pour améliorer l'équilibre d'une prothèse complète au maxillaire.
Mis à part 1 étude datant de 2001 [], les 8 autres ont été publiées entre 2013 et 2016. Quatre sont des études prospectives [, , , ] dont 1 seule est randomisée et contrôlée [].
Le nombre de patients traités avec un type d'attachement non solidarisé varie de 5 [] à 26 [], pour des durées d'observation moyennes supérieures à 5 années pour 3 études [, , ] sur les 9.
Seule 1 de ces 3 études [] concerne l'utilisation d'attachements sphériques au maxillaire, les 2 autres concernant des couronnes télescopes [, ].
De 2 à 8 attachements non solidarisés par prothèse sont étudiés avec une majorité d'études rapportant les résultats obtenus avec 4 attachements non solidarisés.
Le taux de survie implantaire serait de 100 % pour 4 études tandis que les 5 autres rapportent des résultats inférieurs à 95 % après 5 années. Si l'on élimine l'étude d'Osman et al. [] présentant un taux de survie implantaire inférieur à 72 % pour des systèmes d'attachement en zircone, l'étude randomisée et contrôlée de Ma et al. [] montre un taux de survie implantaire de 86,3 % au bout de 5 ans avec des attachements sphériques ou des barres de conjonction réunissant 3 implants. De même, les études de Zembic et al. [] et Wang et al. [] rapportent des taux de survie implantaire inférieurs ou égaux à 95 % au bout de 1 ou 5 années de suivi sur 2 ou 4 attachements non solidarisés, sphériques ou cylindriques.
Si ces données semblent confirmer l'intérêt d'utiliser au moins 4 implants au maxillaire dans le cadre d'un traitement par PACSI, il est difficile de montrer une relation entre taux de survie implantaire et solidarisation ou non des implants mis en place.
De même, au-delà des réserves habituelles concernant les limites des méthodes de mesure utilisées ainsi que la variabilité chronologique constatée concernant le point de départ de la mesure de perte osseuse, les résultats concernant la résorption péri-implantaire apparaissent très disparates, ne permettant pas de dégager une conclusion claire en termes de relation entre la résorption et la solidarisation ou non des implants au maxillaire.
Ainsi, concernant l'étude prospective de Zou et al. [] en 2013, au bout de 3 ans la perte osseuse serait limitée à 0,9 ± 0,3 mm pour des couronnes télescopes, 0,9 ± 0,4 mm pour des attachements axiaux cylindriques et 1,0 ± 0,6 mm pour des barres de conjonction. Pour une durée d'observation de 5 années, l'essai clinique randomisé et contrôlé de Ma et al. [] montre des résultats moins favorables avec une perte osseuse moyenne de 2,21 ± 0,98 mm autour de 3 implants par patient équipé d'attachements sphériques ou de barres de conjonction.
De même, l'étude rétrospective de Zou et al. [], avec une durée d'observation de 5 à 8 années, rapporte une perte osseuse de 2,8 ± 0,6 mm pour des couronnes télescopes supportées par 4 à 8 implants et de 2,8 ± 0,8 mm pour des barres de conjonction réunissant de 2 à 4 implants.
Il convient de noter que Sadowsky et Zitzmann [] expliquent la grande disparité des résultats constatés par l'inhomogénéité des groupes comparés en termes de taille des échantillons de patients traités, de durée du suivi, de nombre d'implants utilisés par patient, de systèmes d'attachements, d'état de surface implantaire ou de protocoles chirurgicaux souvent différents.
Même si l'utilisation d'attachements non solidarisés au maxillaire représente une option cliniquement séduisante, du fait du faible nombre de publications concernant les attachements axiaux utilisés au maxillaire, de la disparité des résultats obtenus sur des échantillons faibles et souvent pour des durées d'observation courtes, inférieures à 5 années dans la majorité des études publiées, l'analyse de la littérature scientifique récente ne permet pas, à ce jour, de remettre en question l'intérêt de solidariser 4 implants au moins au maxillaire par l'intermédiaire d'une barre de conjonction dans le cadre d'un traitement par PACSI.
Il est important de rappeler qu'une option thérapeutique peut être cliniquement réalisable (viable treatment) mais considérée comme entraînant une perte de chance pour le patient traité si la connaissance scientifique avérée montre une différence pertinente en termes de taux de survie implantaire en faveur d'une autre modalité thérapeutique qui fait consensus.
Dans l'attente d'autres données scientifiques concordantes, il s'avère toujours prudent de solidariser au moins 4 implants pour améliorer l'équilibre d'une PACSI maxillaire.
Olivier Fromentin
PU-PH Université Paris 7
UFR d'odontologie
5, rue Garancière
75006 Paris
Thomas Bauchet
Pratique privée
3, bd Foch
49100 Angers
Hélène Cittério
MCU-PH Université Paris 7
UFR d'odontologie
5, rue Garancière
75006 Paris
Michel Metz
Pratique privée
8, place Kleber
67000 Strasbourg
Philippe Tramba
MCU-PH Université Paris 5
UFR d'odontologie
1, rue Maurice Arnoux
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les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.