Cette revue narrative de la littérature précise les données essentielles récentes concernant la percolation bactérienne se produisant au niveau des restaurations implanto-portées.
This review of literature updates the key data about the bacterial microleakage of implant supported prosthetic restaurations.
Pour Mombelli et al. [], l'étiologie principale de la péri-implantite serait d'origine bactérienne.
La revue de littérature de Canullo et al. [] indique que l'accumulation de plaque bactérienne est un facteur étiologique de la maladie péri-implantaire.
Cette contamination bactérienne peut être entretenue au niveau de l'interface pilier/implant s'il existe un hiatus (ou microgap) dans l'assemblage, permettant ainsi la circulation des bactéries non seulement à l'intérieur de l'implant mais également au niveau du puits de vissage des pièces prothétiques assemblées.
Ces bactéries peuvent provenir soit d'une contamination lors des étapes d'assemblage des pièces prothétiques et diffuser dans les tissus péri-implantaires soit, plus fréquemment, de la flore gingivale de proximité et diffuser en profondeur au niveau du site implantaire. Dans les deux situations, cela aboutit à une contamination bactérienne contribuant au développement des pathologies tissulaires rapportées sous les noms de mucosite et de péri-implantite.
Selon la revue de littérature de Baixe et al. [], l'intensité de la percolation bactérienne ainsi que la circulation d'autres fluides à travers l'interface pilier/implant seraient en rapport avec de nombreux facteurs. Ainsi, pour ces auteurs, elles dépendraient de la précision d'adaptation des pièces assemblées, de l'importance des micromouvements potentiels entre le pilier et l'implant, du torque utilisé pour les connecter et de l'étanchéité intrinsèque de la connexion implanto-prothétique en rapport avec son architecture.
Par ailleurs, selon l'étude in vitro de Park et al. [], la qualité de l'obturation des puits de vissage et, notamment, du type de matériau utilisé, conditionnerait également l'étanchéité globale de l'assemblage et limiterait ainsi la percolation bactérienne.
Afin de limiter l'incidence de ce facteur contribuant au développement de la péri-implantite, l'objectif de cette revue narrative de la littérature est de synthétiser les données essentielles récentes concernant la percolation bactérienne se produisant au niveau des restaurations implanto-prothétiques.
Hormis les dispositifs monolithiques du type implant monobloc (one piece), l'ensemble des systèmes implantaires présente une interface entre l'implant et le pilier qui y est agrégé.
D'après Pessoa et al. [], parmi les différentes architectures de la connexion implanto-prothétique, ou connectiques implantaires, il est classique de distinguer les connectiques externes dites « à plat » et celles par emboîtement interne parfois divisées en connexions statique et dynamique.
Les études in vivo étudiant l'étanchéité bactérienne des connectiques implantaires sont peu nombreuses. Quirynen et al. [] ont étudié les vis d'assemblage prothétique chez 9 volontaires après 3 mois de mise en place du pilier. Toutes étaient contaminées, 86 % par des cocci, 12 % par des bâtonnets et 1,5 % par des spirochètes et autres. La mise en évidence, cliniquement, de ce réservoir bactérien suggère une source de pathogènes péri-implantaires potentiels.
De nombreuses publications, parmi lesquelles celles de Jansen et al. [], Tesmer et al. [] et Schmitt et al. [], ont rapporté les résultats d'études comparatives concernant l'efficacité en termes de rétention mécanique ou d'étanchéité de l'assemblage afin de déterminer la connexion ou l'architecture de la connectique qui serait la plus performante.
Le hiatus est défini comme l'espace microscopique qui existe entre les surfaces assemblées de l'implant et du pilier prothétique.
Selon l'étude rétrospective de Callan et al. [], la taille de ce hiatus se situe entre 30 et 135 μm selon les différentes connexions. La taille moyenne des bactéries présentes dans la cavité orale est comprise entre 1,1 et 1,5 μm. Une large variété de micro-organismes commensaux ou pathologiques est susceptible de pénétrer à l'intérieur de l'implant via cette interface.
Ainsi, Jansen et al. [] ont étudié les percolations bactériennes se produisant au niveau des différentes connectiques implantaires. Le hiatus mesuré entre les surfaces assemblées était inférieur à 10 μm pour tous les systèmes testés (connectique conique, hexagonale externe, hexagonale interne). Après un délai de 5 jours, tous les dispositifs étudiés ont montré des percolations bactériennes mais avec un meilleur comportement des connexions coniques.
Dans une étude in vitro concernant l'adaptation de piliers en zircone au sein de différents systèmes implantaires, Baixe et al. [] rapportent que le hiatus mesuré était compris entre 1 et 10 μm pour les dispositifs étudiés. Leurs conclusions confirment les données de la publication de Jansen et al. [] en signalant un meilleur comportement des connectiques coniques.
Cela semble confirmé par l'étude de Jaworski et al. [] qui comparent l'étanchéité d'un système cône morse à une connectique hexagonale externe. Des percolations ont été observées à travers les deux systèmes mais la connectique cône morse s'est avérée significativement la plus étanche.
De même, les études in vitro de Tripodi et al. [] et d'Ercole et al. [] rapportent que la percolation bactérienne serait plus faible avec une connectique interne du type cône morse qu'avec une connexion par hexagone interne.
Plus récemment, les conclusions de la revue de littérature de Baixe et al. [] consacrée à la pénétration microbienne dans la connectique pilier-implant soulignent également qu'aucune connectique ne serait parfaitement étanche.
Sur l'ensemble des travaux publiés durant la période 1981-2015, l'analyse des données montre une percolation bactérienne plus ou moins rapide quelle que soit l'architecture de la connectique [] mais avec une meilleure étanchéité des connectiques internes de forme conique []. Par ailleurs, les bactéries se développeraient de façon similaire au sein des connectiques en titane ou en zircone [].
L'étude in vitro de Zipprich et al. [] a montré que le pilier relié à l'implant par une vis est susceptible de présenter des micromouvements sous l'effet des contraintes fonctionnelles. Selon l'étude in vitro de Steinebrunner et al. [], ces micromouvements permettraient le déclenchement d'un effet de « pompage » qui faciliterait les percolations bactériennes à travers l'interface pilier/implant.
Afin de comparer différentes connexions implanto-prothétiques concernant la résistance aux micromouvements, Pessoa et al. [] ont mesuré le hiatus existant entre le pilier et l'implant après simulation. La connectique interne de type cône morse a montré la plus grande résistance aux contraintes effectuées avec un hiatus très limité, la connexion hexagonale externe présentant le moins bon comportement tandis que la connexion interne hexagonale bénéficiait de résultats intermédiaires.
L'étude in vitro de Tripodi et al. [], dont les résultats ont été publiés en 2015, at évalué la fuite bactérienne au niveau de l'interface pilier/implant pour des implants à connectique cône morse dans des conditions expérimentales avec et sans charge dynamique. Cette dernière, censée modéliser les contraintes fonctionnelles pendant la mastication, était représentée par une contrainte cyclique de 120 N pour un total de 500 000 cycles à une fréquence de 1 Hz. Après inoculation du logement intra-implantaire à l'aide d'une souche bactérienne (0,1 μl d'Enterococcus faecalis), le pilier a été transvissé à 30 Ncm puis l'ensemble a été immergé dans un liquide stérile avant d'exercer ou non une contrainte cyclique. Les prélèvements effectués dans le liquide ont permis d'évaluer la fuite bactérienne éventuelle. Un faible nombre d'échantillons (2/10) en ont montré une au bout de 14 jours dans les deux groupes étudiés, mais il n'a été constaté aucune différence concernant l'étanchéité de la connectique, avec ou sans charge. Pour Tripodi et al., cela a confirmé, dans les conditions expérimentales utilisées, le bon comportement des connexions coniques du type cône morse en termes d'étanchéité et de résistance mécanique aux micromouvements induits par la contrainte.
Les publications concernant les travaux in vitro de do Nascimento et al. [], Ricomini et al. [], Koutouzis et al. [], Assenza et al. [], et Tripodi et al. [] confirment le fait qu'une étanchéité complète de l'interface pilier/implant ne peut être obtenue lorsqu'une contrainte fonctionnelle est exercée, et ce quel que soit le système utilisé, même si certaines architectures de connectique apparaissent plus performantes que d'autres.
L'étude de Piattelli et al. [] s'est intéressée à la pénétration microbienne et à celle des fluides dans la partie interne de l'assemblage implanto-prothétique pour les prothèses scellées et transvissées. Aucune bactérie n'a été détectée dans la partie interne de l'assemblage implanto-prothétique pour les prothèses scellées, contrairement aux prothèses vissées (100 % de pénétration bactérienne).
Peñarrocha et al. [], dans une étude clinique transversale récente, ont étudié la flore microbienne du sulcus péri-implantaire ainsi que celle présente au sein de l'assemblage implanto-prothétique concernant les prothèses scellées et transvissées. Quarante patients (âge médian : 64,3 ans) ont reçu une prothèse supra-implantaire scellée ou vissée. Le suivi a été effectué durant 5 années et des prélèvements microbiens ont été effectués au niveau du sulcus péri-implantaire, des dents voisines et de la connectique interne de l'implant. Dix bactéries pathogènes (Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis, Tannerella forsythensis, Treponema denticola, Prevotella intermedia, Peptostreptococcus micros, Fusobacterium nucleatum, Campylobacter rectus, Eikenella corrodens et Candida albicans) ont été recherchées. Les résultats ont montré qu'il n'existait pas de différence significative quant aux types des bactéries retrouvées au niveau des parties internes des deux sortes de connexions étudiées. Néanmoins, les charges bactériennes de P. micros et F. nucleatum étaient significativement plus élevées au niveau de la connectique interne des prothèses transvissées.
Cosyn et al. [] ont étudié la percolation bactérienne induite par le puits d'accès à la vis de prothèse. Des prélèvements ont été effectués au sein du sulcus péri-implantaire, des puits d'accès aux vis de transfixation, du coton protégeant la tête de vis et de la vis elle-même chez 8 patients porteurs d'une prothèse transvissée maxillaire depuis une moyenne de 9,6 ans. L'analyse microbiologique effectuée par hybridation a montré une faible différence de détection des espèces bactériennes recherchées au niveau des différents sites de prélèvement. Néanmoins, il apparaît que quantitativement, alors que dans les prélèvements sulculaires de hauts niveaux bactériens ont été trouvés pour la moitié des 40 espèces recherchées environ, un quart étaient présentes au niveau du puits de vissage et seules 3 espèces en forte quantité ont été détectées au niveau de la vis de transfixation. Par ailleurs, alors que tous les implants étudiés ne présentaient aucun signe de péri-implantite, une concentration importante de bactéries virulentes (A. actinomycetemcomitans, P. micros, F. nucleatum et T. denticola) a été retrouvée dans les prélèvements avec environ 75 % des souches au niveau du sulcus, 50 % au niveau du puits d'accès et 33 % au niveau des vis prothétiques. Pour les auteurs de cette étude, la présence de cette flore microbienne au sein même de l'assemblage implanto-prothétique pourrait expliquer la faible efficacité des thérapeutiques non chirurgicales de la péri-implantite par un ensemencement continu du site d'intervention.
Ces résultats justifieraient la nécessité d'un protocole d'asepsie universelle durant les phases d'assemblage implanto-prothétique et l'obturation de manière étanche du puits d'accès à la vis de transfixation.
D'après Cosyn et al. [], les percolations bactériennes au niveau du puits d'accès des prothèses transvissées peuvent constituer un risque de complications biologiques pour les restaurations implanto-prothétiques réalisées. Ainsi, l'utilisation d'un matériau d'obturation permettant d'assurer une étanchéité du puits de transvissage est donc nécessaire.
Les résultats de l'étude in vitro de Park et al. [] comparent l'utilisation de coton, de gutta percha, de silicone d'obturation et d'élastomère siliconé de faible viscosité pour constituer le matériau d'obturation placé au-dessus de la tête de vis dans le puits de vissage. Une résine composite complète la partie supérieure de l'obturation dans les quatre groupes étudiés. Une fatigue cyclique représentant 1 semaine de fonction (1 600 cycles avec 21 N de contrainte, fréquence de 1 Hz) est réalisée dans une solution diluée à 0,5 % de fuchsine sur les prothèses unitaires transvissées dans des implants à connexion interne conique. L'étanchéité est évaluée par la quantité relative de colorant retrouvée au niveau du matériau d'obturation. L'analyse est effectuée après prélèvements, dissolution de la fuchsine déposée sur les différents matériaux d'obturation et quantification par mesures d'absorbance. Les résultats montrent que tous les matériaux d'obturation ont été contaminés par le colorant ayant pénétré malgré la présence de l'obturation en résine composite. Le coton est le matériau le plus infiltré de tous tandis que la gutta-percha foulée présente le meilleur comportement en termes d'étanchéité vis-à-vis du colorant.
L'intérêt d'un matériau foulé dans le puits de vissage comme moyen d'obturation est également décrit dans l'étude de Moráguez et al. [] étudiant l'utilisation de polytétrafluoroéthylène (PTFE ou Téflon).
De même, qu'il s'agisse de dents prothétiques en résine ou en céramique, les protocoles de collage des résines composites d'obturation ou de bouchons en différents matériaux cosmétiques qui ont été décrits dans la littérature scientifique [, ] ont pour but de renforcer l'étanchéité de l'obturation du puits d'accès à la vis d'assemblage et, ainsi, améliorer la résistance à la percolation bactérienne.
À l'issue de cette revue narrative de la littérature récente, il apparaît qu'aucune architecture de connectique implantaire ne permet d'obtenir une étanchéité totale à la percolation bactérienne.
Néanmoins, les connectiques internes du type cône morse s'avèrent les plus performantes par rapport aux autres architectures internes, les systèmes d'assemblage par hexagone externe se révélant les moins étanches.
Au-delà de la qualité de l'assemblage initial, la résistance à la percolation bactérienne durant la fonction est liée à la résistance du dispositif aux contraintes mécaniques. À ce titre, les connexions internes présentant un emboîtement sur une surface développée importante garantissent une meilleure résistance que les connectiques d'assemblage dites « à plat ».
Enfin, en termes de contamination bactérienne dans le cadre de la prévention ou du traitement de la péri-implantite, le manque d'étanchéité lié à l'obturation du puits d'accès à la vis de transfixation prothétique apparaît comme un écueil significatif.
Alexandre Decock
DUCICP
Université Paris 7
Hôpital Rothschild (AP-HP)
Anne Benhamou
DUCICP (Université Paris 7)
DUCPPI (Université Paris 11)
Attachée DUCICP
Université Paris 7
Hôpital Rothschild (AP-HP)
Responsable formation SNIF
Olivier Fromentin
PU-PH
DUCICP
Directeur du DUCICP
Co-Directeur DUCPIP
Université Paris 7-Denis Diderot
Hôpital Rothschild (AP-HP)
les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.