Une thérapeutique de maintenance péri-implantaire permet-elle de prévenir les complications biologiques rencontrées dans les thérapeutiques implanto-prothétiques ? L'analyse de la littérature scientifique récente a montré que l'application par les patients d'un programme strict de maintenance péri-implantaire était significativement associée à un meilleur état de santé des tissus péri-implantaires.
A literature review. Does a peri-implant maintenance therapy prevent biological complications encountered in implant-supported prosthesis? An analysis of the recent literature showed that patients' compliance to a strict peri-implant maintenance program was significantly associated with a better health of the peri-implant tissues.
La littérature scientifique rapporte que les thérapeutiques implanto-prothétiques bénéficient de hauts taux de survie implantaires variant d'environ 90 à 95 % pendant des périodes de 5 à 10 ans [-]. Pourtant, après ostéo-intégration et mise en fonction des implants, des complications inflammatoires d'origine infectieuse peuvent apparaître et se développer au niveau de l'environnement péri-implantaire et peuvent évoluer jusqu'à la perte des implants [, ].
Les publications comparant les taux de complications entre prothèses supra-implantaires scellées et vissées montrent que, même s'il n'existe pas de différence significative entre les deux types de reconstructions en matière de taux global de complications, les complications mécaniques sont plus nombreuses en prothèse vissée et les complications biologiques plus importantes en prothèse scellée []. Pour certains auteurs, une des causes majeures des complications biologiques constatées au niveau des tissus péri-implantaires, serait en rapport avec la présence d'excès de ciment laissé en place après scellement [].
Cette revue de la littérature ne s'intéresse qu'aux complications biologiques, c'est-à-dire aux perturbations de l'espace péri-implantaire (inflammation gingivale, perte osseuse, récession des tissus mous, saignement).
Selon la définition de Zitzmann et Berglundh [], citée par Heitz-Mayfield [], la mucosite est caractérisée par la présence d'une inflammation de la muqueuse autour d'un implant en fonction, sans perte du support osseux ; la péri-implantite est également caractérisée par la présence d'une inflammation de la muqueuse autour d'un implant en fonction, mais avec une perte du support osseux.
Lors du suivi des patients, les signes cliniques d'une atteinte péri-implantaire sont caractéristiques : tuméfaction des tissus gingivaux, saignement au sondage et/ou suppuration, signes radiologiques d'une perte osseuse autour de l'implant dans le cas de la péri-implantite et mobilité au stade terminal de la pathologie []. Selon Heitz-Mayfield, il faut souligner que, tout comme pour la parodontite, les mesures diagnostiques d'une atteinte péri-implantaire impliquent l'enregistrement longitudinal des données cliniques, profondeurs de sondage et examens radiographiques [].
D'après Mombelli et al. [], la prévalence de la péri-implantite serait de l'ordre de 10 % des implants et de 20 % des patients durant les 5 à 10 années suivant la mise en fonction des implants.
L'approche prothétique de la maintenance péri-implantaire, visant à prévenir la survenue de complications mécaniques ainsi qu'à faciliter l'accès au brossage grâce à l'architecture des éléments prothétiques, ne sera pas abordée dans le cadre de cette revue de la littérature dont le but est d'évaluer l'efficacité d'une thérapeutique de maintenance sur la prévention des complications biologiques fréquemment rencontrées dans les thérapeutiques implanto-prothétiques.
La question principale de cette revue de littérature, construite selon la méthode PICO (population, intervention, comparison, outcomes), est la suivante : « chez des patients porteurs d'implants ostéo-intégrés, quelle est l'efficacité d'une thérapeutique de maintenance stricte évaluée par des paramètres péri-implantaires biologiques et radiologiques ? »
Une recherche électronique des publications pertinentes a été conduite dans la base de données électronique PubMed, associée à une recherche manuelle complémentaire. Seuls les articles en anglais et en français et publiés il y a moins de 10 ans ont été retenus.
Dans le cadre de la recherche PubMed, des mots ou des combinaisons de mots MeSH (medical subject headings) et/ou de mots clés ont été utilisés. Les combinaisons étaient les suivantes : (dental implant [MeSH Terms] OR dental implants [MeSH Terms] OR dental implantation [MeSH Terms] AND maintenance [MeSH Terms] OR prophylaxis, dental [MeSH Terms] OR periodontal attachment loss [MeSH Terms]). Cette première recherche a été limitée aux articles portant sur l'« humain » et aux « essais cliniques » datant de « moins de 10 ans ».
Une seconde recherche avec les mots suivants a été menée : (dental implant OR dental implants OR dental implantation) AND (dental prophylaxis OR maintenance) AND (peri-implantitis OR periimplantitis OR peri-mucositis OR perimucositis).
Après cette sélection initiale, un premier tri a été effectué en fonction des critères d'inclusion/exclusion.
Les articles retenus pour cette revue devaient répondre aux critères d'inclusion suivant :
– articles en anglais ou en français ;
– études cliniques longitudinales (prospectives ou rétrospectives, essais randomisés ou non) dont l'objectif est de montrer l'incidence des pathologies péri-implantaires chez des patients suivant une thérapeutique stricte de maintenance péri-implantaire ;
– études comptant plus de 20 patients ;
– études avec un suivi de plus de 3 ans, textes complets disponibles.
Les critères d'exclusion retenus étaient :
– études animales ;
– résumé seulement accessible ;
– études incluant moins de 20 patients ;
– études avec un suivi minimal de 3 ans ;
– études dont les données cliniques ne permettaient pas l'analyse quantitative ou comparative entre deux groupes, traité et non traité.
Neuf cent sept titres ont été identifiés par la recherche électronique initiale. Après application des filtres PubMed et des critères d'inclusion, puis lecture des résumés, seules 6 publications ont été incluses dans cette revue systématique de la littérature (tableau 1).
L'étude de Costa et al. [] reprend la cohorte de l'étude de Ferreira et al. datant de 2006, étudiant 80 patients atteints de mucosite péri-implantaire. Les patients sont revus au bout de 5 ans et classés en deux groupes, l'un ayant suivi des séances de thérapeutique de maintenance péri-implantaire une ou deux fois par an pendant les 5 années de suivi et l'autre n'ayant pas suivi de programme de maintenance.
Les paramètres suivants ont été évalués cliniquement : indice de plaque, saignement au sondage parodontal et péri-implantaire, profondeur de poche parodontale et péri-implantaire, suppuration et perte osseuse péri-implantaire (tableau 2).
Dix-huit pour cent des patients souffrant d'une mucosite et ayant suivi une thérapeutique de maintenance péri-implantaire ont développé une péri-implantite, tandis que l'incidence de cette maladie a été de 43,9 % chez les sujets sans thérapeutique de maintenance.
L'absence de thérapeutique de maintenance péri-implantaire préventive dans tout l'échantillon a été significativement associée à la péri-implantite avec globalement six fois plus de risque d'en développer une (odd ratio = 5,92). Les auteurs concluent sur la nécessité d'une maintenance préventive et d'une surveillance continue des paramètres péri-implantaires cliniques lorsque la mucosite est présente.
Frisch et al. [] analysent l'observance et l'implication des patients lors d'une thérapeutique de maintenance péri-implantaire pendant une période de 3 ans. Une évaluation annuelle du taux d'observance leur permet de classer les patients en cinq catégories allant d'une implication forte (4 visites par an) à aucune thérapeutique de maintenance péri-implantaire dans l'année.
Cette étude montre des taux élevés d'adhésion des patients au programme de maintenance péri-implantaire (86-94 %) au cours des trois premières années. Une relation statistiquement significative a été trouvée entre la catégorie de patients les moins impliqués dans le programme de maintenance péri-implantaire et une profondeur de sondage péri-implantaire augmentée. Il faut noter également que le taux de plaque était plus élevé dans cette catégorie.
Cependant, comme le soulignent ces auteurs, les résultats de l'étude ne permettent pas de conclure quant à une corrélation statistiquement significative entre adhésion au programme de maintenance péri-implantaire et inflammation des tissus péri-implantaire selon l'indice de saignement.
Roccuzzo et al. ont publié les résultats de trois études prospectives [, , ] sur la maintenance péri-implantaire (tableau 3). Les deux premiers articles [, ] portent sur une même cohorte de 101 patients et 228 implants. Les patients ont été implantés après avoir été traités pour une parodontite, puis les résultats de la thérapeutique de maintenance ont été évalués pendant une période de 10 ans. Les patients ont été regroupés en trois catégories selon leur état initial de santé parodontale :
– patients sans atteinte parodontale ;
– patients ayant une atteinte parodontale modérée ;
– patients ayant une atteinte parodontale sévère.
Chez les patients sans atteinte parodontale initiale, aucune différence significative n'a été trouvée, quelle que soit la variable clinique étudiée au bout de 10 ans, entre les groupes avec et sans inscription dans un programme de maintenance péri-implantaire.
En revanche, chez les patients avec une atteinte parodontale initiale modérée ou sévère, le groupe sans thérapeutique de maintenance péri-implantaire est associé à un indice de plaque, un indice de saignement, des profondeurs de sondage péri-implantaire et une fréquence de perte d'implants plus élevés au cours du suivi ainsi que lors de l'évaluation finale au bout de 10 ans. Par exemple, un besoin plus élevé de recours aux antibiotiques ou à un assainissement chirurgical a été noté dans le groupe sans thérapeutique de maintenance péri-implantaire.
La troisième étude de Roccuzzo et al. [] porte sur une cohorte de 123 patients traités avec 246 implants (tableau 4). Les patients ont été initialement répartis en trois groupes : patients sans atteinte parodontale, patients ayant une atteinte parodontale modérée et patients ayant une atteinte parodontale sévère. Après succès de la thérapeutique parodontale initiale, les patients ont été implantés puis il leur a été demandé de suivre un programme strict de maintenance parodontale. En fonction de leur adhésion à ce programme, les patients ont été répartis en sous-groupes : « avec » et « sans » maintenance péri-implantaire.
Les résultats de cette étude montrent que l'adhésion à une thérapeutique de maintenance péri-implantaire permet de diminuer significativement l'inflammation péri-implantaire ainsi que le nombre de poches péri-implantaires d'une profondeur supérieure ou égale à 6 mm.
Dans leur étude rétrospective, Rinke et al. [] analysent les taux de prévalence de mucosites péri-implantaires et de péri-implantites sur 89 patients, classés en deux catégories :
– patients ne dépassant pas l'intervalle de temps recommandé entre deux séances de prophylaxie/thérapeutique de maintenance péri-implantaire ;
– patients dépassant l'intervalle de temps recommandé entre deux séances de prophylaxie/thérapeutique de maintenance péri-implantaire.
L'intervalle de temps entre les séances de maintenance péri-implantaire était de 3 mois la première année après mise en fonction des implants, puis tous les 6 mois les années suivantes.
Les résultats de l'étude montrent que les patients n'adhérant pas au programme régulier de maintenance péri-implantaire ont une probabilité supérieure statistiquement significative de développer une péri-implantite par rapport au groupe respectant les intervalles réguliers de maintenance.
L'ensemble des conclusions des études retenues dans cette revue de la littérature montre que l'inclusion des patients dans un programme de maintenance péri-implantaire permet de réduire significativement les risques de perturbation des paramètres cliniques péri-implantaires enregistrés lors des séances de suivi régulières :
– indice de saignement au sondage ;
– contrôle de plaque ;
– profondeur de sondage en 4 sites par implant.
Bien qu'une profondeur de sondage de poche péri-implantaire n'ait qu'une pertinence limitée en l'absence de données cliniques longitudinales, elle doit être mesurée en routine en complément de l'examen radiographique, comme de nombreuses études le rapportent [, ].
L'indice de saignement semble être la variable la plus importante à enregistrer lors des séances de maintenance. C'est en effet une variable facile à analyser qui signe une mucosite péri-implantaire, pathologie réversible qui, selon la 11e réunion de consensus du Groupe d'étude européen de parodontologie [], peut largement être évitée grâce à une maintenance régulière.
La thérapeutique de maintenance péri-implantaire utilisée dans ces études comprend :
– une nouvelle instruction et motivation à l'hygiène bucco-dentaire pour contrôle individuel ;
– un sondage parodontal en 4 sites par dents et implants ;
– un nettoyage prophylactique, ultrasonique et manuel par un professionnel :
• des dents et polissage avec cupules en caoutchouc et pâte à polir,
• des implants, avec des inserts spécifiques (type SONICflex Implants, de Kavo) (fig. 1 et 2) ;
– l'utilisation de chlorhexidine en solution pour bains de bouche/irrigations et sous forme de gel ;
– le surfaçage des poches supérieures à 4 mm avec saignement avec utilisation de curettes en titane pour les implants. Un nettoyage sous gingival avec de la poudre de glycine projetée à l'aide d'un aéropolisseur type PROPHYflex prophy complète la procédure (fig. 3 et 4).
Il faut noter que la majorité des études incluses sont essentiellement de faible niveau de preuve, à l'exception des études prospectives de Roccuzzo et al. [, , ]. Toutes ces publications ont été jugées comme présentant des risques de biais ce qui, selon les outils de la Collaboration Cochrane, est suffisant pour affecter l'interprétation des résultats []. Néanmoins, l'ensemble des études retenues présente un niveau de recul clinique adéquat avec majoritairement des périodes d'observations de 5 à 10 ans.
Monje et al., dans leur récente revue systématique de la littérature [] associée à une méta-analyse de 13 études, arrivent également à la conclusion qu'une thérapeutique de maintenance péri-implantaire est nécessaire pour potentiellement prévenir les complications biologiques et, ainsi, accroître le taux de succès à long terme des thérapeutiques implantaires. Cependant, aucune précision n'est apportée quant au protocole des séances de maintenance dans les études retenues.
La conclusion majeure issue de cette publication est qu'il est essentiel de prodiguer une maintenance péri-implantaire après la phase prothétique afin d'améliorer le succès à long terme des traitements implanto-prothétiques.
La littérature scientifique montre clairement que le manque d'adhésion des patients à un programme strict de thérapeutique de maintenance péri-implantaire ou l'absence totale de maintenance sont associés de manière statistiquement significative à une plus grande prévalence d'inflammation des tissus gingivaux péri-implantaires ainsi qu'à la présence de sites présentant des pertes osseuses.
La maintenance péri-implantaire doit faire partie intégrante des thérapeutiques implantaires qui ne peuvent plus se résumer uniquement à une approche chirurgicale et/ou prothétique. Au-delà de la gestion de la complication implantaire, il est important d'en prévenir la survenue en prodiguant un enseignement à l'hygiène dentaire et péri-implantaire ainsi qu'en mettant en œuvre une prophylaxie péri-implantaire régulière dont la fréquence sera adaptée à la situation clinique traitée.
Xavier Raude
DUCICP, DUCIPIP
Université Paris 7
Hôpital Rothschild (AP-HP)
Olivier Fromentin
PU-PH
DUCICP
Directeur du DUCICP
Co-Directeur DUCPIP
Université Paris 7-Denis Diderot
Hôpital Rothschild (AP-HP)
les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.