À l'issue de ces 9 articles concernant la péri-implantite, quatre enseignants du DUCICP se sont réunis afin de faire la synthèse des éléments essentiels sur le plan clinique qui émergent de la littérature scientifique récente.
Le consensus suivant est issu de leurs échanges fondés principalement sur les contributions proposées dans ce numéro d'Implant.
Mucosite et péri-implantite sont des pathologies inflammatoires des tissus péri-implantaires. Le mécanisme exact de l'évolution de la mucosite vers la péri-implantite n'est pas clair et la frontière en rapport avec le constat d'une perte osseuse s'avère assez fragile, une mucosite pouvant également être diagnostiquée avec un niveau osseux inadéquat. De même, la suppuration n'apparaît pas comme un signe clinique pathognomonique. Enfin, la profondeur de sondage, procédure souvent délicate cliniquement, n'a probablement de sens qu'en termes de saignement, révélateur de l'inflammation.
La profondeur de sondage en valeur absolue, sur laquelle certains basent un diagnostic ou la sévérité de la pathologie, ne peut se comprendre qu'en fonction de la hauteur transgingivale associée au niveau d'enfouissement implantaire initial, de la qualité des tissus péri-implantaires et de la conception prothétique. Plus qu'un diagnostic posé sur un examen ponctuel, c'est l'évolution au cours du temps de la profondeur de sondage ainsi que de celle de la perte osseuse péri-implantaire évaluée radiographiquement à partir d'une référence initiale, après le remodelage osseux post-chirurgical, qui s'avèrent les signes cliniques les plus pertinents dans le diagnostic de la péri-implantite.
À noter que l'utilisation de la dénomination « les péri-implantites » fait référence à des niveaux de sévérité de la pathologie fondés en grande partie sur un niveau de perte osseuse, ce qui n'est pertinent que dans le cadre chronologique d'une comparaison relative, en fonction des conditions cliniques initiales.
Les avancées récentes en matière d'analyse du fluide créviculaire et de biomarqueurs de l'inflammation sont intéressantes dans la perspective d'un diagnostic précoce de la maladie, mais ce type d'examen est encore très éloigné d'une utilisation en pratique clinique quotidienne. Cela explique les difficultés d'un diagnostic différentiel fiable de la péri-implantite et la grande dispersion des chiffres de prévalence, probablement surévaluée, concernant la péri-implantite.
Concernant l'étiologie, le biofilm bactérien est le facteur de risque essentiel de la péri-implantite. Même s'il existe des évolutions récentes suggérant une diversité de la flore microbienne impliquée, la spécificité d'un microbiote par analogie à la parodontite ainsi que la réponse immunitaire de l'hôte à l'agression bactérienne apparaissent essentielles dans la pathogénie. Cliniquement, le contrôle de plaque lié au brossage quotidien s'avère indispensable pour prévenir l'apparition d'une mucosite puis le développement d'une péri-implantite.
D'autres facteurs de risque, comme l'usage du tabac, ou une maladie systémique, comme le diabète non équilibré, doivent être contrôlés.
Enfin, les facteurs prédisposants ou d'aggravation de ce risque, tels que les antécédents de maladie parodontale, l'absence de tissu kératinisé, un mauvais positionnement tridimensionnel du ou des implants dans un support osseux limité, des surfaces implantaires trop rugueuses, une architecture des infra/suprastructures prothétiques inadéquate en termes d'étanchéité ou de rétention de plaque dans des zones difficiles d'accès pour l'hygiène, les excès de matériau d'assemblage ainsi que les surcharges occlusales, sont autant d'écueils à contourner dans la réalisation d'un traitement implanto-prothétique.
Concernant la conception prothétique des prothèses supra-implantaires scellées, la prévention du risque de péri-implantite réside essentiellement dans le choix raisonné d'un matériau d'assemblage dont le retrait des excès éventuels après scellement sera facilité par une situation adéquate de la limite cervicale. Par ailleurs, le manque d'étanchéité de l'assemblage par transvissage propre aux prothèses vissées entraîne une percolation bactérienne par l'intermédiaire du puits de transvissage, ce qui représente un facteur potentiel d'inflammation tissulaire.
En termes de prophylaxie, une thérapeutique de maintenance péri-implantaire régulière doit être instaurée après la mise en place de la prothèse afin de contrôler l'efficacité de l'hygiène, de renforcer la motivation et de réaliser un nettoyage prophylactique, ultrasonique et manuel, dont la fréquence sera adaptée en fonction des facteurs évoqués précédemment.
Dans le cadre du traitement de la mucosite, des thérapeutiques par nettoyage et irrigation à l'aide d'antiseptiques sont efficaces. En revanche, une péri-implantite devra être traitée par une antibiothérapie associée à un abord chirurgical, à une décontamination du site osseux ainsi que de la surface implantaire exposée par débridement manuel et aéropolissage puis comblement éventuel de la perte osseuse.
La suppression des facteurs qui entretiennent l'inflammation ou limitent les possibilités d'hygiène doit compléter la thérapeutique chirurgicale en association avec une maintenance péri-implantaire régulière.
J. Attias, G. Drouhet, O. Fromentin, I. KleinfingerImplant remercie la 25e promotion 2016-2017* et les enseignants du Diplôme Universitaire Clinique d'Implantologie Chirurgicale et Prothétique de l'Université Paris 7 Denis Diderot Hôpital Rothschild (AP-HP) pour leur contribution collective au no 96 de la revue.