PROTHÈSE
F. CHAMIEH / M. SELLAMI / A. BOCIAN / B. TAVERNIER / O. FROMENTIN
En prothèse supra-implantaire, l'utilisation de pièces usinées permet en théorie d'obtenir une haute qualité d'assemblage. Bien qu'il existe une tolérance d'usinage inhérente à la conception des pièces prothétiques afin de faciliter leur insertion, la rigueur s'impose dans les différentes étapes de réalisation du traitement et notamment les phases d'empreinte de situation implantaire afin de limiter les imprécisions néfastes sur l'ajustage final de l'assemblage prothétique. De nombreuses controverses existent sur la sélection de la technique ou du matériau à empreinte le plus précis en prothèse implanto-portée. De plus, les techniques d'optimisation d'enregistrement tridimensionnel de la position des implants ont-elles un réel intérêt dans toutes les situations cliniques ?
Le but de cet article est, au travers de quatre questions cliniques, de synthétiser les données acquises récentes de la science concernant les différents protocoles d'empreinte afin de faciliter le choix d'une technique d'empreinte conventionnelle utilisable en prothèse supra-implantaire.
The use of commercial machined prosthetic pieces requires a high strictness for dental implant prosthesis fabrication. Machining tolerance is an intrinsic characteristic that exists between machined components. Even though this tolerance exists, the pieces adaptation is high and didn't allow imprecisions. Numerous controversies exist to define the « best » impression technique. Moreover, are the various optimization techniques really usefull for all clinical situtations ?
The aim of this article is to summarize the knowledge updates on conventional impression techniques for implant supported protheses.
En prothèse implanto-portée, l'un des objectifs majeurs de l'empreinte est l'enregistrement précis de la position tridimensionnelle du ou des implants.
Les termes précision et imprécision peuvent se définir comme l'ensemble des écarts à la valeur « vraie », au sens théorique, d'une grandeur mesurée. Dans son acception métrologique (norme ISO 5725-1) [], l'exactitude d'une mesure s'articule autour de sa justesse et de sa fidélité (répétabilité, reproductibilité) par rapport à cette valeur vraie. Dans cet article clinique, le terme précision, certes impropre sur le plan sémantique mais consacré par l'usage, sera utilisé à la place d'exactitude.
Chaque étape de réalisation des prothèses implanto-portées peut générer des variations quant à la précision de l'adaptation prothétique finale, au-delà des tolérances d'usinage propres à chaque système implantaire []. L'empreinte représente la première source d'erreurs dans les reconstructions implanto-portées. De nombreuses études, principalement in vitro, évaluent la qualité des différentes techniques et matériaux à empreinte afin de limiter ces imprécisions []. Leurs conclusions sont souvent difficilement généralisables à la pratique clinique car les protocoles utilisés, les variables analysées et le degré d'imprécision évalué ne sont pas toujours pertinents au regard des conditions réelles lors de la réalisation d'une empreinte intrabuccale.
Le but de cet article est de synthétiser les données acquises récentes de la science afin de comparer les différents protocoles d'empreinte.
L'incidence clinique des résultats de ces études in vitro sera analysée et confrontée aux données scientifiques obtenues in vivo.
Après une première partie consacrée aux limites méthodologiques des études d'évaluation en rapport avec les empreintes de situation implantaire, quelques données récentes de la littérature scientifique permettront d'apporter une réponse à quatre questions essentielles :
– existe-t-il un matériau plus précis qu'un autre pour réaliser des empreintes en prothèse implanto-portée ;
– l'empreinte de situation dite emportée représente-t-elle la technique la plus précise en prothèse supra-implantaire ;
– la position, le nombre, l'enfouissement et la connexion implantaire ont-ils une influence sur la précision de la situation implantaire reproduite sur le modèle de travail ;
– les techniques d'optimisation de précision des empreintes ont-elles un réel intérêt clinique ?
L'analyse des résultats publiés dans les études in vitro sur la précision des empreintes en prothèse implanto-portée doit prendre en considération les méthodes de mesure utilisées par les auteurs, le type de variable utilisé et l'amplitude de l'imprécision afin de pouvoir confronter ces résultats à ceux obtenus lors d'études cliniques.
La plupart des études in vitro vont utiliser cinq méthodes de mesure [] :
– la mesure par profilométrie [] ;
– l'analyse en microscopie optique [] ;
– la mesure tridimensionnelle à l'aide d'une machine avec ou sans contact [] ;
– l'analyse à l'aide de jauges de contrainte [] ;
– la mesure par superposition d'acquisitions numériques obtenues par scannage [].
Sur le plan métrologique, ces méthodes conduisent toutes à une variabilité des mesures enregistrées liée à l'instrument lui-même et à sa manipulation. De manière synthétique, l'incertitude liée à l'instrument entre ces méthodes varie de ± 0,1 à ± 10 μm.
Dans l'analyse des résultats, c'est une notion essentielle car il est admis que la validité de la mesure repose sur le fait que l'incertitude liée à l'instrument ne représente pas plus de 10 % de la variabilité mesurée.
En d'autres termes, concernant la comparaison de données issues de protocoles différents d'empreintes réalisées sur un modèle étalon, comment montrer une différence dimensionnelle réelle par rapport à cette référence si l'incertitude, ou facteur d'erreur systématique de l'instrument utilisé, présente un domaine de variation proche de celui mesuré ?
Inversement, quelle conclusion valide tirer concernant la comparaison de moyennes de données mesurées où la dispersion représentée par l'écart type autour de cette moyenne est aussi importante que la valeur moyenne elle-même, traduisant une faible fidélité de la méthode de mesure [] ?
Au-delà des qualités métrologiques des instruments de mesure utilisés dans ces études d'évaluation in vitro de la précision des protocoles d'empreinte, il est important également de noter que les différentes variables étudiées n'ont pas toutes la même pertinence clinique.
Dans la littérature scientifique, l'imprécision est principalement détectée en utilisant quatre types de variables :
– la distorsion linéaire de la position géométrique des cols implantaires (Δd2 = Δx2 + Δy2 + Δz2) ;
– la distorsion angulaire de l'axe implantaire ;
– la mesure du hiatus entre implant et infrastructure ;
– la mesure de la contrainte en tension produite sur l'infrastructure (évaluant ainsi le niveau de passivité de l'infrastructure).
La mesure de la distorsion linéaire apparaît comme l'indicateur le plus fréquemment utilisé dans l'évaluation in vitro de l'imprécision des protocoles d'empreinte []. Cette distorsion est calculée dans deux ou trois plans de l'espace et reflète la déformation spatiale d'un ensemble de points ou d'axes de référence.
D'un point de vue géométrique, on peut considérer que les opérations sur lesquelles se fondent ces études in vitro correspondent à des transformations de coordonnées. Il faut toutefois noter que certaines variables (distorsion angulaire, distorsion linéaire dans un plan de l'espace) [] ne permettent pas toujours de mettre en évidence une imprécision de rotation axiale ou de translation, limitant d'autant la validité des conclusions de ces études.
Par comparaison, concernant la précision clinique des protocoles d'empreinte, la mesure du micro-hiatus entre pièces prothétiques paraît être une des variables pertinentes en rapport avec certaines complications biologiques (mucosite, perte osseuse marginale) décrites dans la littérature scientifique [, ]. D'un point de vue biomécanique, la contrainte générée par une inadaptation prothétique sur les pièces prothétiques et sur le tissu osseux péri-implantaire semble également intéressante cliniquement puisqu'elle est en rapport avec une perte osseuse marginale ainsi qu'avec des complications mécaniques du type dévissage ou fracture de vis [].
Néanmoins, il n'existe actuellement pas de consensus autour de la valeur critique du micro-hiatus entre les pièces assemblées du dispositif implanto-prothétique ou du seuil de contraintes induites délétères, associées aux complications biologiques et mécaniques.
Existe-t-il un matériau plus précis qu'un autre pour les empreintes en prothèse implanto-portée ?
Le choix d'un matériau à empreinte doit être effectué en fonction des impératifs spécifiques liés au protocole d'enregistrement de la situation implantaire. Ce matériau doit avoir une forte résistance à la déformation ainsi qu'une recouvrance élastique élevée après polymérisation afin de limiter l'effet des contraintes qui s'exercent sur les transferts lors du retrait de l'empreinte (tableau 1).
Il doit également bénéficier de très faibles variations dimensionnelles dans le temps afin de garantir la précision de l'enregistrement initial. Cette caractéristique du matériau trouve son intérêt quand le moulage de l'empreinte n'est pas immédiat [].
Les matériaux à empreinte élastiques les plus classiquement utilisés sont les polyéthers (PE) ainsi que les élastomères en polyvinylsiloxane (PVS).
En matière de matériau non élastique [], le plâtre à empreinte (ISO type I) bénéficie d'une bonne stabilité dimensionnelle et d'une excellente rigidité sans risques de déformation après durcissement []. Il est cité comme un matériau de choix pour réaliser des empreintes supra-implantaires précises [] dans les situations d'édentement complet. Cependant, cette rigidité peut conduire à des fractures du matériau lors de la désinsertion de l'empreinte emportant en son sein des transferts non parallèles, ce qui peut compliquer la procédure clinique.
De nombreuses études in vivo comparent les matériaux d'enregistrement (tableau 1) en évaluant la précision de l'enregistrement ou la reproduction des détails [-]. Néanmoins, il faut noter que ces études sont rarement limitées à la seule comparaison entre ces matériaux mais y associent souvent des techniques ou des procédures d'empreinte différentes, concernant des situations cliniques spécifiques en termes de nombre et de situation des implants, ce qui représente autant de facteurs confondants dans les résultats rapportés.
Ainsi, certains auteurs comparent la précision d'enregistrement des différents matériaux face à des implants parallèles ou angulés : il n'existerait pas de différence quant à la précision des empreintes réalisées avec des élastomères PVS et PE en cas de parallélisme des implants [, ].
En revanche, certains auteurs rapportent un meilleur comportement des élastomères PVS en termes de précision d'enregistrement dans les situations de forte angulation des implants. Ces auteurs expliquent cette différence par la faible rigidité des matériaux en PVS, limitant ainsi le risque de déformation permanente [].
En 2015, Ebadian et al. [] comparent la distorsion linéaire entre ces deux matériaux en modifiant la technique d'empreinte. Les résultats ne montrent pas de différence entre les élastomères PVS et PE, que soit réalisée une empreinte dite repositionnée ou emportée.
Wee et al. [] étudient la valeur du torque nécessaire pour entraîner un déplacement des transferts au sein du matériau polymérisé lors d'un protocole d'empreinte dit emporté. Les résultats montrent que les élastomères PE de viscosité moyenne nécessitent les plus fortes contraintes pour entraîner un déplacement des transferts, suivis par ceux en PVS.
En termes de précision, il est donc impossible d'affirmer qu'un matériau d'enregistrement spécifique doit être préconisé. Les élastomères PE ou PVS seront retenus en fonction du niveau d'angulation du ou des implants dans les empreintes de situation implantaire. Du fait de son comportement rigide après la prise, l'utilisation de plâtre à empreinte sera privilégiée essentiellement dans toutes les situations d'empreinte sur des transferts à faible engagement intra-implantaires ou sur des piliers intermédiaires.
L'empreinte de situation dite emportée représente-t-elle la technique la plus précise en prothèse implanto-portée ?
Le protocole d'une empreinte sur les implants se caractérise par la description du matériau et du matériel utilisés ainsi que par la technique mise en œuvre. L'empreinte de situation implantaire est réalisée à l'aide de pièces usinées (transferts d'empreinte) transvissées, vissées ou clipsées sur les implants ou sur des piliers intermédiaires [].
En fonction de la situation du ou des transferts lors de la désinsertion du porte-empreinte après polymérisation ou durcissement du matériau, il est classique de distinguer la technique d'empreinte dite emportée (directe, ou pick-up) de la technique dite repositionnée (indirecte, ou twist-lock, ou clipsée, ou snap-on) (tableau 2).
La comparaison entre les techniques emportée et repositionnée est largement décrite dans la littérature médicale (tableau 2). Il est possible de dégager quelques éléments de synthèse sans toutefois conclure de manière univoque sur la supériorité d'une technique d'empreinte qui pourrait être utilisée dans toutes les situations cliniques.
Ainsi, il apparaît qu'il est essentiel de distinguer l'importance de l'édentement et, donc, le nombre d'implants utilisés, le type de connexion et l'angulation interimplantaire lorsqu'il s'agit de comparer les techniques d'empreinte.
En effet, les études semblent converger sur le fait que la technique d'empreinte emportée permet une plus grande précision chez l'édenté complet, avec implants multiples et angulés [] ; l'influence de la connexion sur la précision de l'enregistrement en fonction d'une technique d'empreinte semble encore controversée.
Lee et al. [] et Stimmelmayr et al. [] ont montré que la technique d'empreinte emportée trouvait son indication dans les situations cliniques présentant plus de 4 implants. Cela pourrait être expliqué par un risque d'erreur accru lié au repositionnement, au sein du matériau d'empreinte polymérisé, d'un nombre important de transferts lors d'une technique non emportée.
Pour un édentement partiel, avec des implants présentant une faible divergence (< 20o), il n'y aurait pas de différence significative quant à la précision d'enregistrement entre les deux techniques d'empreinte de situation implantaire. Cela serait exact également lors de l'utilisation de transferts solidarisés à des implants à connexion interne [].
Dans une revue systématique de la littérature récente, Papaspyridakos et al. [] ont résumé les facteurs essentiels influant sur la précision des techniques d'empreinte mises en œuvre dans les restaurations implanto-prothétiques d'édentements partiels et complets. L'hétérogénéité importante des études sélectionnées dans cette revue de la littérature n'a pas permis de réaliser une synthèse valide des données quantitatives autorisant une méta-analyse.
Les auteurs concluent que la technique d'empreinte dite emportée, que les transferts soient solidarisés entre eux ou non, semble plus précise que la technique repositionnée chez l'édenté complet. Pour ces auteurs, il semblerait qu'il en soit de même lorsque la divergence angulaire interimplantaire est supérieure à 20o.
Dans la limite de la faisabilité clinique en termes d'accessibilité aux transferts et au tournevis, l'empreinte « emportée » s'avère donc une technique plus précise dans les situations où le nombre d'implants entraîne un risque accru d'erreurs liées aux manipulations spécifiques d'une technique repositionnée.
La position, le nombre, l'enfouissement et la connexion implantaires ont-ils une influence sur la précision de la situation implantaire reproduite sur le modèle de travail ?
Bien qu'il s'agisse d'une notion controversée, la divergence, le nombre et l'enfouissement des implants pourraient avoir une incidence sur la précision des empreintes en prothèse implanto-portée.
Pour de nombreux auteurs [-, -] la divergence interimplantaire impacterait significativement la précision de l'empreinte. Pour d'autres, au contraire, ces facteurs auraient peu ou pas d'influence [, , ] (tableau 3). La divergence de ces résultats peut probablement s'expliquer par le nombre d'implants et le type de connexion utilisés dans ces différentes études.
En effet, les études fondées sur des reconstructions prothétiques agrégées sur 2 ou 3 implants [, ] ne montrent pas de différence de précision quant à l'enregistrement de la position spatiale, quel que soit le type de connexion [38], contrairement aux reconstructions de grande étendue (de 4 à 6 implants), particulièrement lorsqu'il s'agit de connexions internes hexagonales ou coniques [].
Dans les situations où l'angulation implantaire est supérieure à 15o, la technique d'empreinte emportée serait plus précise (distorsion linéaire moyenne de 0,18 ± 0,3 mm pour l'empreinte emportée contre 0,23 ± 0,22 mm pour l'empreinte repositionnée) [38].
Pour Akalin et al. [], l'utilisation de matériau polyéther lors d'empreintes d'implants angulés semblerait générer moins de distorsion linéaire qu'une empreinte aux élastomères PVS (distorsion PE : x = 0,024 μm, y = – 0,164 μm contre distorsion PVS : x = – 0,106 μm, y =: 0,590 μm,). Bien que les différences soient significatives sur le plan statistique, il est néanmoins important de noter que l'amplitude de distorsion est inférieure au micron, ce qui apparaît d'une pertinence limitée sur le plan clinique.
Outre la divergence angulaire, l'enfouissement implantaire peut être considéré comme un facteur limitant la précision de l'enregistrement de la situation d'un implant sur le modèle de travail. En effet, la réduction des sensations tactiles nécessaires aux procédures d'assemblage implant/transfert dues à la pression tissulaire environnante en rapport avec la profondeur de l'enfouissement, le défaut de contrôle visuel et l'absence ou la mauvaise qualité d'un contrôle radiographique de l'adaptation cervicale du transfert sont autant de facteurs pouvant impacter de manière importante la précision de l'empreinte réalisée.
Seules deux études in vitro se sont intéressées à cette variable [, 39]. Une situation infragingivale du col implantaire supérieure à 4 mm affecterait la précision d'enregistrement de la position tridimensionnelle de l'implant (distorsion linéaire horizontale de 13,65 ± 8,77 μm pour un implant peu enfoui contre 29,39 ± 19,34 μm pour un enfouissement de plus de 4 mm). Les auteurs évoquent la faible quantité de matériau à empreinte autour du transfert en rapport avec l'importance de l'enfouissement comme facteur de cette imprécision augmentée.
Les résultats non concordants concernant l'influence de l'angulation implantaire sur la précision des empreintes entre implants à connexion interne ou externe semblent suggérer un impact significatif du type de connexion sur les protocoles d'impression [, , 40] (tableau 4).
Concernant les connexions internes, il semblerait que plus l'engagement des pièces connectées est important, plus l'imprécision de l'empreinte de situation d'implants angulés le soit également, quelle que soit la technique employée [].
L'importance de l'engagement des transferts dans la connexion interne et l'angulation implantaire ou interimplantaire représenteraient des facteurs augmentant les contraintes à la désinsertion de l'empreinte []. De plus, les connexions internes associées à des transferts engageant rétentifs entraîneraient des distorsions verticales augmentées [41]. À ce titre, les convexions internes coniques exposeraient à une distorsion verticale plus importante que les connexions hexagonales, notamment lorsque les implants ne sont pas parallèles [41, 42].
Plus que l'incidence sur la précision d'enregistrement d'un facteur étudié isolément, la combinaison des caractéristiques cliniques en termes d'enfouissement, de type de connexion et d'angulation implantaire ou interimplantaire semble montrer un impact majeur sur la qualité de l'empreinte de situation implantaire. Le choix de la technique et du matériau ainsi que le recours à des manœuvres d'optimisation de précision d'empreinte doivent être adaptés à la situation clinique et à ces facteurs de risque d'imprécision.
Ces techniques ont-elles un réel intérêt clinique ?
Une des solutions proposées pour optimiser la stabilité de la position des transferts d'empreinte consiste en leur solidarisation. Divers matériaux et techniques sont décrits dans la littérature scientifique [] (tableau 5) :
– résine méthacrylique chémopolymérisable sans renfort ;
– fil de soie dentaire enrobé de résine acrylique chémopolymérisable ;
– bande de résine acrylique prépolymérisée ;
– fil ou tuteur métallique ;
– plâtre à empreinte.
La résine acrylique a l'avantage d'être un matériau rigide après polymérisation. Néanmoins, la contraction de polymérisation représente l'inconvénient majeur de ce matériau. Cette variation dimensionnelle dépend de la proportion de poudre prépolymérisée ainsi que du monomère [47] et elle atteindrait environ 8 % au bout de 24 heures.
Quatre-vingts pour cent de cette variation se produiraient dans les 17 minutes qui suivent le mélange liquide-poudre à température ambiante. Pour éviter cette variation dimensionnelle importante, certains auteurs [, 43, 46, 48] préconisent de sectionner la solidarisation réalisée en résine afin de libérer les contraintes de polymérisation puis de réunir à nouveau les segments sectionnés à l'aide d'un faible apport de résine, limitant d'autant les variations liées à la polymérisation.
Pour une empreinte réalisée sur 6 implants à hexagone externe, Fiore et al. [46] rapportent une différence significative de distorsion linéaire entre le groupe pour lequel les transferts sont solidarisés à la résine acrylique (24,95 ± 9,89 μm) et le groupe pour lequel la résine est sectionnée puis resolidarisée (19,12 ± 8,08 μm).
Les études réalisées sur des connexions internes [, 40, 49] montrent des résultats contradictoires. Ongül et al. [49] ne constatent pas d'amélioration de la précision d'enregistrement dans une étude comparative entre empreintes sans et avec solidarisation des transferts (respectivement 24,10 ± 23,66 μm et 22,71 ± 21,21 μm).
De même, Vigolo et al. [40] montrent que les empreintes emportées sans solidarisation des transferts par de la résine acrylique sont significativement plus précises pour les hexagones internes.
Inversement, dans une synthèse de la littérature récente [50] concernant la solidarisation des transferts d'empreinte, 24 des 33 articles retenus rapportent l'intérêt de cette technique. Néanmoins, il est important de souligner que la majorité de ces études in vitro a été réalisée sur des modèles équipés de 4 à 6 implants à hexagone externe, strictement parallèles entre eux ou, au contraire [, 43-45, 51-53], fortement angulés (de 15 à 25o), caractéristiques spécifiques de ces études dont les résultats sont probablement difficiles à généraliser à l'ensemble des situations cliniques [, 54].
Il est possible de conclure que la solidarisation présente un intérêt en termes de précision pour des restaurations impliquant de 4 à 6 implants à hexagone externe, quelle que soit la divergence interimplantaire, ainsi que pour les empreintes de situation sur piliers intermédiaires [, 38, 44, 45].
Une solution de remplacement des techniques de solidarisation à l'aide de résine méthacrylique a été proposée pour pallier l'inconvénient majeur représenté par la durée des différentes étapes de mise en œuvre du matériau. Elle consiste à renforcer la liaison entre les transferts et le matériau d'empreinte. Pour cela, certains auteurs ont proposé d'enduire les transferts préalablement sablés (alumine 50 μm) avec un adhésif spécifique du matériau d'empreinte utilisé [40, 48] (tableau 6).
Cette procédure de sablage/collage a été décrite et étudiée dans quelques publications qui suggèrent qu'elle permet une précision similaire à une technique de solidarisation [, 40], quel que soit le type de connexion ou l'importance de l'angulation implantaire.
Lors de la maintenance des restaurations implanto-prothétiques, les complications le plus fréquemment rencontrées sont d'ordre mécanique (fractures de matériau cosmétique, dévissage de piliers ou de couronnes) [55-57] et biologique (mucosites et péri-implantites) [58].
Bien que certaines études anciennes [59, 60] semblent suggérer une corrélation entre imprécisions prothétiques et complications mécaniques ou biologiques, une réelle association n'a pas été établie à ce jour, notamment en ce qui concerne les complications biologiques [].
L'inadaptation des piliers et armatures supra-implantaires a souvent été citée comme un facteur responsable de complications péri-implantaires telles les mucosites et les péri-implantites, ainsi que les fractures de vis, de col implantaire ou les éclats de céramique [59, 61].
Il a été admis par la communauté scientifique que le hiatus marginal dû à l'imprécision d'adaptation ainsi que les contraintes iatrogènes générées par une infrastructure inadaptée sont des causes possibles de ces complications à moyen et long termes [59, 62]. Les études sur lesquelles sont fondées ces conclusions sont, pour la plupart, des études anciennes, in vitro, de modélisation par éléments finis [64-66], des études animales [67-69] ou des études rétrospectives sur des patients édentés complets [59, 60, 61, 70, 71] avec un faible niveau de preuve scientifique.
Sur le plan quantitatif, Brånemark [72] estimait qu'une armature prothétique pouvait être considérée comme passive si le hiatus entre l'infrastructure et l'implant n'excédait pas 10 μm. Dans une étude rétrospective à 1 an, Jemt et al. [59] sont revenus sur cette valeur critique en indiquant qu'un hiatus de 150 μm n'engendrait pas de complications mécaniques ou biologiques. Dès lors, cette valeur a été acceptée tacitement comme valeur de référence.
Dans la littérature scientifique récente, la morbidité réelle en rapport avec une adaptation prothétique imprécise sur la santé des tissus péri-implantaires semble controversée [, 55, 56, 73, 74].
L'apparition de pièces prothétiques à engagement important dans les diverses connexions internes mises sur le marché, la précision des infrastructures et des suprastructures réalisées par CFAO [, 74-76] et le contrôle systématique du torque d'assemblage des pièces prothétiques transvissées peuvent expliquer les améliorations d'adaptation des prothèses supra-implantaires, limitant d'autant la morbidité associée.
La confrontation des données anciennes et récentes sur les complications en implantologie effectuée par Pjetursson et al. [57] met en évidence des taux survie prothétiques largement augmentés ; de 77,6 à 96,8 % à 5 ans en prothèse transvissée et de 95,2 à 97,6 % en prothèse scellée. Les complications mécaniques et biologiques ne disparaissent pas totalement du suivi implanto-prothétique, les fractures de céramique et les péri-implantites étant le plus souvent rapportées.
De plus, il faut souligner que dans un récent essai clinique contrôlé randomisé, le principe de la transmission iatrogène de contraintes mécaniques aux implants en rapport avec un manque de passivité prothétique a été réfuté [77].
Actuellement, il n'est donc pas possible de donner de valeurs quantitatives précises, que ce soit en termes de contraintes, de hiatus et de distorsion linéaire ou angulaire, reflétant le seuil de iatrogénicité associée à l'imprécision prothétique.
Cela ne remet certainement pas en question l'indispensable reproduction précise de la situation clinique sur le modèle de travail par l'intermédiaire de l'empreinte de situation implantaire mais complique d'autant l'analyse pertinente du seuil de précision cliniquement acceptable.
En prothèse implanto-portée, un enregistrement précis de la position tridimensionnelle du ou des implants est essentiel pour obtenir un maître modèle représentant la réplique fidèle de la situation clinique.
De nombreux paramètres de cette situation sont à prendre en compte pour favoriser des conditions de simplicité et de rapidité de ce protocole d'empreinte sans compromettre la qualité finale de cet enregistrement.
À ce titre, l'angulation implantaire ou interimplantaire, le degré d'enfouissement des implants, leur nombre ainsi que le type de connexion sont autant de facteurs cliniques qui doivent être évalués en fonction des caractéristiques du matériau et de la technique d'empreinte retenue afin de favoriser l'enregistrement ainsi que la reproduction précise de la situation implantaire.
L'empreinte optique par acquisition intra-orale permet de s'affranchir des contraintes et des variations dimensionnelles subies par le matériau durant sa polymérisation ainsi que lors de sa désinsertion. Cela devrait faciliter la mise en œuvre des protocoles d'empreinte et encore améliorer la qualité des enregistrements réalisés en prothèse supra-implantaire [78].
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Frédéric Chamieh
DU approfondi en parodontologie et implantologie, université Paris 7
DU clinique des prothèses implanto-portées, université Paris 7
EFP certificate of specialized training in periodontics and implant dentistry
10, rue de la Montagne - 92400 Courbevoie
3D, allée de la Concorde - 45000 Orléans
Mouna Sellami
DU clinique des prothéses implanto-portées, université Paris 7
Master de recherche « ingénierie de la santé et biomatériaux »
Aline Bocian
DU Clinique de Prothèses Implanto-Portées, Université Paris 7
Bruno Tavernier
PU-PH, Directeur DUCPIP
Diplôme universitaire clinique de prothèses implanto-portées
Université Paris 7
Hôpital Rothschild
5, rue Santerre - 75012 Paris
Olivier Fromentin
PU-PH
Diplôme universitaire clinique de prothèses implanto-portées
Université Paris 7
Hôpital Rothschild
5, rue Santerre - 75012 Paris
les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.