DOSSIER CLINIQUE
La possibilité de recourir à des embases en titane (Variobase™, Straumann®) et de les associer à des matériaux esthétiques et biocompatibles permet d'obtenir des prothèses transvissées plus esthétiques qu'auparavant. En effet, longtemps sous-employées car inesthétiques, ces prothèses ont vu leur utilisation se développer avec l'apparition de pièces prothétiques plus favorables à des restaurations esthétiques tant dans les secteurs postérieurs qu'antérieurs.
The possibility of using ti-bases (Variobase® , Straumann®) and associate them with aesthetic and biocompatible materials allows screw-retained protstheses more aesthetic than before.
Indeed, they were underemployed because unsightly, these prostheses have seen their usage grow with the appearance of more favorable prosthetic parts for aesthetic restorations in both anterior and posterior sectors.
L'assemblage des restaurations implantaires est possible selon trois voies : la prothèse scellée, la prothèse vissée et la prothèse impactée sur les implants. Celle-ci reste limitée à quelques systèmes implantaires, le choix pour l'assemblage se portant le plus souvent sur une solution vissée ou scellée.
L'assemblage implanto-prothétique par scellement sur une infrastructure peut présenter des complications mécaniques, du type descellement, ou biologiques, du fait de la présence d'excès de ciment non éliminés après solidarisation [].
Wilson [] a montré que près d'un quart des prothèses implantaires scellées présentait des excès de ciment. De plus, 81 % des péri-implantites seraient dues à ces excès. Après retrait du matériau d'assemblage iatrogène et nettoyage, 74 % de ces implants ne présentaient plus de signes de péri-implantite. Il apparaît ainsi que la prothèse implantaire scellée n'est pas une thérapeutique sans risques pour les tissus péri-implantaires et l'implant lui-même en présence d'excès de ciment.
La prothèse implantaire transvissée semble être une solution de remplacement qui supprime une des causes majeures des péri-implantites. Cependant, en termes de taux de survie à 5 ans, une méta-analyse récente ne trouve pas de différence significative entre le scellement et le vissage des prothèses supra-implantaires [, , ].
Les embases en titane, proposées par de nombreux systèmes implantaires, permettent de réaliser des prothèses transvissées en utilisant différents types de matériaux cosmétiques biocompatibles mis en œuvre par usinage, pressage ou coulée.
Le but de cet article est de décrire l'utilisation des embases en titane (Variobase™, Straumann®) dans les reconstructions postérieures. Ne seront abordées ici que les applications couplant les Variobase™ avec du disilicate de lithium pressé, d'autres matériaux de suprastructure étant possibles, par exemple la zircone. Des Variobase™ for Bridge, embases en titane pour restaurations plurales, ont été proposées très récemment et ne seront pas présentées dans cet article.
Les embases en titane Variobase™ sont commercialisées pour être utilisées sur les implants du type Bone Level® ou Soft Tissue Level® (fig. 1). Elles sont fabriquées en titane de grade 4 et existent en différentes hauteurs à choisir selon la situation clinique. Le diamètre est fonction de celui de la plateforme implantaire et il y existe deux hauteurs disponibles pour la base servant au collage : 3,5 et 5,5 mm (ces parties sont retouchables au laboratoire pour s'adapter aux situations cliniques, éviter un phénomène de bras de levier et apporter un meilleur soutien du matériau cosmétique).
L'architecture de l'embase en titane présente deux parties : une partie interne en rapport avec la connectique (vis et dispositif d'indexation) et une partie externe servant au collage de la partie cosmétique. La partie interne est conçue pour s'adapter soit à la connexion Synocta® pour les embases en titane destinées à des implants Soft Tissue Level®, soit à la connexion CrossFit® pour les implants Bone Level®. Cette partie joue le rôle de dispositif d'indexation antirotationnel et engageant.
La partie externe présente une forme en créneau n'autorisant qu'une seule position de l'insert cosmétique lors du collage (fig. 2 et 3). Il s'agit de quatre cames qui limitent l'instabilité en rotation de l'insert cosmétique sur l'embase, réduisant ainsi les risques de décollement.
Il existe sur le marché des copies de ces pièces prothétiques et l'utilisation de pièces non originales, n'ayant pas les mêmes garanties en termes d'usinage et de contrôle qualité, augmenterait les risques d'échec prothétique par fracture ou dévissage [, ].
Deux implants remplacent la deuxième prémolaire et la première molaire supérieures droites. L'implant distal (en position de 16) est un implant Straumann Tissu Level®, de 4,8 mm de diamètre (WN) et de 8 mm de longueur. Le second (en position de 15) est un implant Straumann Bone Level Tapered® de 3,3 mm de diamètre (NC) et 12 mm de long (fig. 4 et 5).
Les implants répondent aux critères cliniques et radiologiques caractérisant l'ostéo-intégration décrits par Albrektsson []. Ils sont positionnés dans le couloir prothétique et leur orientation autorise une solution prothétique transvissée.
Pour cet édentement encastré de faible étendue, il a été décidé de ne pas solidariser les éléments prothétiques []. En effet, la solidarisation ne renforcerait pas la résistance biomécanique de l'ensemble de la restauration et accentuerait les contraintes subies par l'implant le plus antérieur qui, dans la situation clinique présente, est le plus étroit [].
La solution prothétique retenue consiste en la réalisation de deux couronnes unitaires transvissées.
L'empreinte est conduite en un temps, en utilisant un porte-empreinte individuel ajouré enduit d'un adhésif spécifique (Universal Tray Adhesive®, Zhermack) et garni avec un matériau élastomère (monophase) de type polyvinylsiloxane (Maxi Heavy Body®, Zhermack). Les transferts pour technique emportée sont transvissés après retrait des vis de cicatrisation. Le transfert WN est en alliage d'aluminium et de titane et mesure 10 mm de hauteur, celui pour le NC mesure 24 mm et est en titane, aluminium, nobium (TAN) (fig. 6 à 10).
Après contrôle radiographique de la bonne adaptation des transferts, l'empreinte est réalisée en un temps.
Le relevé topographique de la couleur des dents adjacentes est effectué afin de transmettre l'information au laboratoire (fig. 11).
Après traitement de l'empreinte, deux embases en titane Variobase™ (spécifiques de chacun des diamètres implantaires, plateformes WN et NC) de 5,5 mm de hauteur sont choisies. Elles seront utilisées en association avec des inserts en disilicate de lithium (vitrocéramique) pressés puis collés sur les embases (fig. 12 à 14). Pour cela, deux maquettes en cires, non solidarisées, sont élaborées sur les embases puis mises en revêtement avant d'être pressées en disilicate de lithium (lingotin Low Transucidité® LT e.max®, Ivoclar Vivadent).
Après dérochage, les pièces sont ajustées sur les embases. Ensuite, les étapes de réglages sont effectuées : points de contact puis occlusion statique et dynamique, profil d'émergence et état de surface sont réglés en utilisant différentes meulettes et plusieurs abrasifs.
Les prothèses en disilicate de lithium encore brutes sont maquillées et glacées dans un four à céramique traditionnel avant collage.
La dernière étape consiste à coller les embases et les suprastructures prothétiques. Il est nécessaire de sabler les Variobase™ et l'intrados des inserts en disilicate de lithium avec de l'oxyde d'alumine (125 μm de granulométrie, 3 bars de pression). La connectique de l'embase doit être préservée durant le sablage en l'enrobant dans de la cire. Ensuite, un agent de traitement de surface (Monobond®, Ivoclar Vivadent) est appliqué sur les différentes surfaces avant d'utiliser une colle opaque blanche (Multilink Hybrid Abutment®, Ivoclar Vivadent) pour assembler les deux pièces.
L'assemblage entre l'insert esthétique et l'embase en titane, réalisé par le prothésiste dentaire, se fait sur le modèle de travail pour éviter tout défaut de repositionnement. Après la polymérisation de la colle dual utilisée, qui dure environ 7 minutes, les excédents de matériau sont retirés. Pour finir, un polissage mécanique de l'ensemble est réalisé.
La séance d'assemblage commence par le dévissage des piliers de cicatrisation et l'essayage des embases en titane ainsi que des inserts cosmétiques en disilicate de lithium (fig. 15).
Un contrôle clinique et radiologique permet de vérifier l'intégration esthétique et la qualité de l'adaptation des restaurations prothétiques unitaires (fig. 16 et 17). Le soin distal de la première prémolaire a été effectué pour retrouver un relief occlusal plus adapté. Les points de contact proximaux sont vérifiés avec du fil dentaire. Un papier à articuler de 40 μm (Arti Check®, Bausch) est utilisé pour évaluer les impacts occlusaux et les contacts lors des mouvements cinématiques.
Une fois l'occlusion et les points de contacts validés, les prothèses sont déposées et les puits de vissage sont mordancés à l'acide fluorhydrique en dehors de la cavité buccale. Ensuite, les prothèses sont remises en place et les vis prothétiques sont serrées avec le couple préconisé (35 N.cm), puis l'obturation des puits de vissage transcoronaire peut débuter (fig. 18 et 19).
Après mise en place du champ opératoire (Dermadam®, Ultradent ; crampon Softclamp®, Kerr), du ruban en Téflon est torsadé puis compacté dans les puits afin de protéger les têtes de vis. Puis des obturations en résine composite sont réalisées afin de combler les puits d'accès aux vis de transfixation (fig. 20 et 21).
Après polissage minutieux (DiaGloss Polishers de chez NTI) de l'ensemble et dépose du champ opératoire, un contrôle occlusal statique et cinématique est effectué avec du papier à articuler 40 μm (fig. 22 à 25).
Les figures 26 et 27 illustrent ces résultats.
Ce type de traitement est intéressant à plus d'un titre :
– les restaurations transvissées font l'objet de critiques en rapport avec l'aspect inesthétique de l'orifice occlusal du puits de vissage. En utilisant une embase en titane Variobase™ dont le fût n'atteint pas la face occlusale, il existe toujours une épaisseur de céramique suffisante pour éviter la décoloration occlusale grisâtre signant la présence de ce puits de transvissage. Pour obturer les puits occlusaux, il est possible de réaliser des bouchons, ou plugs, en résine composite ou en disilicate de lithium, ou bien d'utiliser des composites de cabinet associés avec des colorants photopolymérisables. l'emploi des Variobase™ permet de les coupler avec des matériaux biocompatibles et esthétiques (disilicate de lithium ou zircone) mais autorise surtout des profils plus anatomiques qu'avec des piliers pleins non modifiables ou des piliers standard retouchés ;
– sur le plan biomécanique, la résistance au dévissage est assurée par la présence d'une seule vis qui transfixie la restauration prothétique monolithique [, ]. Par ailleurs, le disilicate de lithium pressé monolithique présente une dureté de l'ordre de 400 MPa, proche la dureté des dents naturelles (de 350 à 450 MPa pour l'émail). Cela permet d'espérer un comportement pérenne des restaurations face aux dents antagonistes au cours de la fonction ;
– d'un point de vue économique, le recours à un seul élément prothétique diminue le coût du traitement pour le praticien et pour le patient ;
– enfin, les réinterventions potentielles seront simplifiées par la réalisation de prothèses non solidarisées transvissées, facilement démontables à l'aide d'un simple tournevis.
Les auteurs remercient le Dr Matthieu Conan qui a effectué les étapes chirurgicales et implantaires.
Jérémie Perrin
Docteur en chirurgie dentaire, ancien assistant hospitalo-universitaire, praticien attaché (sous-section Prothèses)
Pôle d'odontologie et de chirurgie buccale
CHU de Rennes
2, place Pasteur
35033 Rennes cedex 9
Nicolas Laferté
Prothésiste dentaire
LDL, laboratoire dentaire Laferté
11, rue Houvenagle
22000 Saint-Brieuc
les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.