CLINIQUE
Le développement des thérapeutiques implantaires implique une augmentation des interventions de maintenance, mais celles-ci sont souvent compliquées en raison de l'absence d'informations disponibles concernant les implants utilisés. Le logiciel présenté dans cet article a pour but de faciliter l'identification radiographique des implants grâce à une description des caractéristiques morphologiques visibles sur une radiographie et à l'utilisation d'un système de gestion de la base de données pour trier les résultats parmi les différents systèmes implantaires. La reconnaissance est ainsi facilitée mais l'évolution constante des différents systèmes implantaires rend nécessaire une mise à jour régulière de la base de données pour garantir la pertinence des résultats obtenus.
The development of implant therapy involves additional maintenance work, but these are often complicated by the lack of information available on the implants used. The software presented in this article is intended to facilitate radiographic identification implants through a description of the morphological characteristics visible on a radiograph and the use of a database management system to sort the results among different implant systems. The recognition is facilitated but the constant evolution of different implant systems necessitates a regular update of the database, to ensure the reliability of the results.
Au cours des 40 dernières années, l'utilisation des implants dentaires pour restaurer l'esthétique et la fonction des dents perdues est devenue le traitement de choix.
Il existe aujourd'hui un grand nombre de fabricants et chaque système implantaire possède des caractéristiques qui lui sont propres et le différencient de la concurrence, mais tous ces systèmes possèdent également des caractéristiques communes.
En tant que clinicien, il est habituel d'être confronté à des patients dont les implants peuvent exiger une expertise. Parallèlement à l'augmentation du nombre d'implants posés, on assiste à un accroissement du nombre des complications biologiques et techniques [] auxquelles sont confrontés les praticiens qui sont censés savoir comment les gérer. Malheureusement, l'identification des implants est souvent compliquée par l'absence de documents et l'ignorance des patients quant aux systèmes utilisés dans leur bouche, facteur qui est aggravé par la mobilité géographique et le « nomadisme dentaire » de certains patients.
Le Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes a mis en place, en 2015, deux « passeports implantaires » l'un chirurgical et l'autre prothétique, afin de faciliter la traçabilité des implants dentaires (Fig. 1). Ils peuvent être téléchargés librement sur le site du Conseil de l'Ordre (http://www.ordre-chirurgiens-dentistes.fr/chirurgiens-dentistes/securisez-votre-exercice/pratiques-professionnelles-vigilances/implantologie.html).
Des études ont montré que l'identification radiologique in situ des implants est possible.
En 1992, Sewerin [] a identifié l'influence de différentes caractéristiques implantaires sur les images radiographiques produites. En 2002, Sahiwal et al. [-] ont publiés trois articles qui tentent de faire la lumière sur la reconnaissance des différents systèmes. Les auteurs ont classé tous les implants en fonction de leur aspect radiographique : vissé par rapport à impacté, conique par rapport à cylindrique, etc. Les publications incluent des tableaux indiquant les diverses caractéristiques de chaque implant. Bien que les données soient présentées dans l'article, le volume des informations ne permet pas une identification rapide en pratique quotidienne.
Les technologies de l'information disponibles aujourd'hui présentent le même type d'informations dans un format permettant une identification radiographique plus rapide et plus facile des implants dentaires.
En 2006, Michelinakis et al. [] ont conçu un logiciel de reconnaissance (IRS : implant recognition system) des implants associé à un site internet : http://wichimplant.com. Ce site n'est plus accessible aujourd'hui. À l'aide d'une base de données liée aux caractéristiques de différenciation, ce logiciel permettait aux utilisateurs de filtrer un grand nombre d'implants en identifiant les principales caractéristiques. Le nombre de critères d'identification était faible mais le nombre d'options possibles pour chaque critère était important, ce qui compliquait la lisibilité des choix mais permettait d'obtenir néanmoins une réponse. Les critères choisis étaient les propriétés macroscopiques des implants. Ce site ne proposait pas de vérification visuelle par comparaison avec des radiographies.
Il existe deux autres sites Internet consacrés à la reconnaissance des implants. Osseosource (http://osseosource.com) propose, sur le même principe de classification des caractéristiques, d'identifier les implants. Il permet une vérification visuelle en incluant les radiographies des implants. Les critères proposés décrivent des caractéristiques macroscopiques et radiologiques des implants. Certains des critères choisis ne sont pas visibles lorsque l'implant est en place : état de surface, alliage de l'implant, etc.
Le site WhatImplantIsThat (http://whatimplantisthat.com) s'inspire des articles de Sahiwal et al. [-] pour réaliser une base de données exclusivement radiographique. Le nombre de critères est également élevé. Les radiographies des implants présents dans la base de données pour comparaison, ne sont pas des radiographies cliniques mais des images d'implants seuls.
Le nombre d'implants présent dans la base de données est le facteur principal de succès dans l'identification des implants. L'étude de Sahiwal ne comportait que 44 implants. Le site WichImplant recensait 138 fabricants d'implants et 464 implants différents. Dans sa base de données, Osseosource inclut les implants de 220 sociétés. Enfin, celle du site WhatImplantIsThat contient 53 fabricants d'implants et 836 radiographies ou images d'implants hors contexte clinique.
L'application IRIDium (identification radiographique des implants dentaires) est accessible sur le site http://www.editionscdp.fr/iridium.
Pour réaliser le moteur de recherche du site original proposé dans cet article, il a été choisi une orientation plus clinique, en raison des critères de classification retenus et des radiographies des implants in situ [].
De plus, une approche géographique limitée à la France simplifie la reconnaissance en diminuant le nombre d'implants. Ainsi, la base de données se compose uniquement des implants commercialisés en France métropolitaine. Le choix de cette limitation réduit l'utilité du moteur de recherche pour les praticiens frontaliers qui peuvent être confrontés à des implants qui ne sont pas présents, pour l'instant, dans la base de données. Mais l'utilisation d'un système de gestion de base de données (SGBD) de type MySQL permet de compléter simplement la liste des implants identifiables.
La recherche des fabricants d'implants dentaires disponibles en France a été réalisée en croisant les données issues du rapport du Millenium Research Group (Global competitor insights for dental implants), le catalogue des exposants du congrès de l'ADF et les répertoires de fabricants des sites décrits dans l'introduction (WichImplant, Osseosource et WhatImplantIsThat). Cette recherche a permis de trouver 220 fabricants d'implants dentaires dans le monde dont environ 40 sont présents en France.
Les implants répertoriés dans la base de données sont des implants vissés en titane ou alliage de titane. Il a été mis de côté, dans un premier temps, les implants impactés, les implants en forme de disque, les implants lames, les implants sous-périostés, les implants monoblocs et les implants en zircone, dont l'utilisation est marginale par rapport aux implants vissés en titane.
Dans un premier temps, le choix des caractéristiques décrivant l'implant et les critères associés à celles-ci a été réalisé en utilisant les catégories décrites par Sahiwal. Sept caractéristiques ont été sélectionnées : forme générale, connexion prothétique, forme du col, aspect du col, forme du filetage, forme de l'apex, caractéristique apicale. Une huitième caractéristique, absente de l'étude de Sahiwal, a été ajoutée : la réduction de diamètre au niveau de la reconstitution prothétique ou platform switching. La longueur et le diamètre des implants n'ont pas été retenus car s'il est nécessaire de les connaître pour obtenir l'accastillage prothétique ad hoc, ils ne modifient pas ou peu la forme générale ni les spécificités des systèmes implantaires.
Pour vérifier la pertinence des critères associés à chaque caractéristique, il a été demandé à des omnipraticiens et à des praticiens implantologistes de décrire, sur des photos d'implants, leurs caractéristiques macroscopiques. En réalisant la base de données et en étudiant les radiographies des différents systèmes implantaires, il est apparu que les caractéristiques macroscopiques décrites dans les documentations techniques n'étaient pas toujours clairement identifiables sur les radiographies. Par exemple, il est radiologiquement difficile de faire la différence entre un filetage en V et un filetage asymétrique, ou entre un filetage carré et un filetage arrondi. De même, les microspires parfois présentes au niveau cervical des implants sont le plus souvent invisibles à la radiographie alors que c'est une caractéristique macroscopique mise en avant dans les documentations techniques.
Le platform switching a également été supprimé de la liste des critères d'identification puisqu'il n'est pas possible de faire la distinction radiologique entre un implant dont le col est conçu pour cette technique et un implant pour lequel il a simplement été utilisé un pilier de diamètre inférieur au col mais dont le col n'est pas conçu pour ce concept de réduction de diamètre de l'infrastructure prothétique par rapport au diamètre implantaire.
L'identification de ces structures macroscopiques est également fortement dépendante de la qualité des radiographies (radiographies numériques ou argentiques, utilisation d'un angulateur, développement manuel ou automatique, etc.) [].
Il a donc été fait le choix d'utiliser des critères généraux plutôt que des formes spécifiques afin d'éviter des erreurs d'interprétation des radiographies.
Les critères finalement choisis ont été répartis en trois catégories :
– caractéristiques principales :
• forme générale (cylindrique et conique ou cylindro-conique) (Fig. 2),
• profondeur du filetage (faible, importante ou progressive) (Fig. 3),
• espacement du filetage (large ou étroit) (Fig. 4) ;
– caractéristiques cervicales :
• connexion prothétique (interne ou externe) (Fig. 5),
• forme du col (droit, large, évasé ou inversé) (Fig. 6),
• position du col par rapport au niveau osseux (juxta-crestal ou transgingival) (Fig. 7) ;
– caractéristiques apicales :
• forme de l'apex (pointu, arrondi ou plat) (Fig. 8),
• spécificités apicales (aucune spécificité, présence d'évents, de cavités ou autre) (Fig. 9).
Ces spécificités sont souvent difficiles à déterminer selon la qualité de la radiographie, ce qui représente une limite à l'efficacité du logiciel de reconnaissance implantaire proposé ici.
La forme générale de l'implant ne propose que deux options, cylindrique et conique ou cylindro-conique, un implant cylindro-conique pouvant être vu comme conique selon l'angulation de la radiographie.
La profondeur et l'espacement sont des critères génériques pour lesquels les choix sont limités de manière à simplifier la détermination de leur valeur.
La présence d'évents apicaux peut ne pas être facilement visible à la radiographie selon la direction du faisceau de rayons X par rapport à l'axe de l'évent. Cette éventualité est gérée directement au sein de la base de données où les implants possédant un évent sont décrits à la fois comme présentant ou non cette caractéristique.
Une page d'aide contenant des radiographies expliquant comment choisir les différentes options en fonction de leur apparence radiographique s'affiche en même temps que le module de recherche afin de faciliter la sélection et d'éviter les erreurs de classification.
À la différence des autres sites présentés au début de cet article, il a été choisi de limiter le nombre d'options disponibles pour chacune des caractéristiques. Cela permet d'éviter de sélectionner une option ne correspondant pas aux spécificités de l'implant étudié en regroupant sous une même dénomination des configurations d'aspects radiologiques proches. De plus, cela facilite également la catégorisation et la création de la base de données.
Ainsi, le résultat de la recherche renverra sur l'ensemble des implants correspondant aux caractéristiques sélectionnées, la reconnaissance finale se faisant par comparaison entre l'implant à identifier et les différentes images proposées par la base de données (Fig. 10).
Il a également été retenu une approche plus clinique, en proposant des radiographies d'implants in situ, malgré leurs qualités souvent moyennes, mais qui permettent de rapprocher les images entre elles et, en mettant à contribution l'expérience ainsi que le sens clinique du praticien, d'identifier avec un peu plus de précision les implants.
La plupart des systèmes implantaires présents dans la base de données sont les systèmes commercialisés au moment de la rédaction de cet article. Il sera nécessaire de compléter ces données pour inclure les systèmes qui n'existent plus sur le marché mais qui peuvent toujours nécessiter une maintenance ou une gestion des complications, ainsi que les systèmes à venir.
Cette application peut également être utilisée en médecine légale pour l'identification post mortem, qui est souvent complexe et pour laquelle la formule dentaire est l'unique indice permettant cette identification [, ]. Si des implants dentaires sont présents, en connaissant le système utilisé, leur site, leur longueur et leur diamètre, il est possible de faciliter les démarches d'identification d'un cadavre. C'est en partant de ce constat que Wemeau et al. [] ont réalisé un fichier Excel comparant 120 implants et destiné à simplifier l'identification post mortem en utilisant les différences morphologiques entre les implants.
Il existe enfin un site Internet (http://which-implant.com) permettant de comparer automatiquement une radiographie ante mortem à une radiographie post mortem et de donner un pourcentage de correspondance entre les deux images. Si ce système ne permet pas d'identifier un implant, il montre néanmoins la place croissante de l'implantologie dans l'identification médico-légale.
Grâce à cette application, l'identification radiologique des implants est simplifiée pour les praticiens concernés par la réintervention sur des implants inconnus. L'utilisation de radiographies cliniques associée à des critères de description simples permet une identification plus précise que la seule comparaison de caractéristiques techniques.
La résolution d'un problème d'identification d'implants peut néanmoins être facilitée par la possibilité de croiser les résultats issus des différentes applications existantes et accessibles par Internet (Osseosource, WhatImplantIsThat et IRIDium).
L'utilisation à long terme de cette application implique une mise à jour régulière de la base de données, point faible des quelques tentatives similaires de logiciels informatiques consacrés à la reconnaissance implantaire. Enfin, la pertinence des résultats obtenus par l'usage de cette application originale doit faire l'objet d'une procédure de validation scientifique, confirmant l'intérêt de son utilisation en pratique quotidienne.
Retrouvez sur le site des Éditions CdP
le logiciel IRIDium : http://www.editionscdp.fr/iridium
Alexandre Itic
Ancien assistant hospitalier universitaire
DU CICP
Département des prothèses, UFR d'odontologie Paris 7, hôpital Rothschild (AP-HP)
Attaché de consultation hospitalo-universitaire, hôpital Rothschild (AP-HP)
Pratique privée
177, rue Saint-Honoré
75001 Paris
l'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.