Depuis ce début d'année 2016, j'ai accepté de prendre la succession de Xavier Assémat-Tessandier comme rédacteur en chef de la revue Implant. Il a marqué de son empreinte cette revue prestigieuse pendant plus de 15 années. Je vais poursuivre cette aventure dans le même esprit d'exigence tout en partageant avec vous, cher lecteur et lectrice, ma curiosité concernant l'actualité et les développements de l'implantologie. Bonne lecture !
Un essai clinique très récent portant sur un antalgique s'est malheureusement soldé par le décès rapide d'un volontaire sain et par l'hospitalisation des 5 autres sujets parmi les 80 ayant reçu le produit testé à des doses variables.
Une enquête diligentée par l'IGAS est en cours, les causes et les responsabilités de cet accident tragique qualifié, selon la terminologie ad hoc, « d'évènement indésirable grave » sont à déterminer. Dans le concert des commentaires, des analyses, des propositions diverses, tant des experts que des personnalités politiques interrogés ou désireux de se faire entendre, certains ont réagi en demandant un renforcement des normes ou des autorisations nécessaires pour entreprendre une expérimentation clinique.
C'est oublier que ces études cliniques font l'objet d'un encadrement strict, de procédures, de normes de bonnes pratiques cliniques, de délais à respecter et d'autorisations délivrées par un Comité de Protection des Personnes et par l'ANSM en conformité avec les recommandations Européennes.
En 2012, la Commission Européenne s'est inquiétée du fait qu'un cadre législatif ou réglementaire Européen trop rigide, intégré de manière disparate dans les législations nationales avait entrainé une chute de 25% du nombre d'essais cliniques entrepris entre 2007 et 2011. En réaction, le Parlement européen et le Conseil ont élaboré le règlement no 536/2014 qui entend réduire les formalités administratives tout en renforçant les règles qui portent sur la protection des patients. Ce nouveau règlement sera applicable en mai 2016, ceci devant améliorer la compétitivité Européenne en matière d'essais cliniques.
On ne peut que considérer avec empathie la situation des victimes de cet essai clinique mais il serait malhonnête ou simplement démagogique de laisser croire qu'un risque zéro est atteignable en renforçant encore le cadre réglementaire censé les protéger intégralement.
Si l'on s'éloigne de cette actualité tragique, cette culture à l'excès de l'encadrement normatif de toutes activités comme seule réponse à tout risque potentiel, finit par être totalement contre productive.
Pour Philippe Eliakim, auteur d'un ouvrage intitulé « Absurdité à la française, ces normes qui nous tyrannisent », « contrairement aux pays anglo saxons ou les pouvoirs publics font traditionnellement confiance aux citoyens, l'administration française ne laisse aucune marge de manœuvre aux individus, en réglant jusque dans les moindre détails de notre vie quotidienne ou de celle de l'entreprise ». Comme exemple, que malheureusement notre profession connaît trop bien, l'auteur cite la mise en accessibilité de tous les Etablissements Recevant du Public qui devrait coûter de l'ordre de 22 milliards d'euros, à la charge des collectivités locales et de l'Etat. Il oublie de rappeler le sort commun des ERP privées qui elles aussi doivent supporter cette charge supplémentaire, en complément de la kyrielle d'autres obligations ou normes spécifiques destinées à assurer la pleine sécurité des clients, usagers ou patients pris en charge.
Cette question n'est pas récente, déjà pour Saint Simon, l'état devait jouer pleinement son rôle et il fallait « substituer l'administration des hommes par l'administration des choses ... ».
De nombreuses années plus tard, afin d'encourager l'activité plutôt que toujours l'encadrer en « administrant les choses », plus qu'un choc de simplification administrative, n'est il pas temps de réaffirmer l'importance de la responsabilité individuelle, de la confiance collective et de l'éthique personnelle ?