Implant n° 1 du 01/02/2016

 

PROTHÈSE

A. Braud / M.-V. Berteretche  

Résumé

Le système d'attachement Locator®, disponible sur le marché depuis un peu plus d'une dizaine d'années, présente un intérêt clinique évident dans la prise en charge thérapeutique des édentements totaux mandibulaires par prothèse implanto-retenue, tant pour sa simplicité de mise en œuvre que pour sa tolérance vis-à-vis des divergences d'axe implantaire. Cet attachement repose sur une liaison non rigide avec l'implant et sur un système de double rétention. Il est également marqué par une usure des pièces rétentrices et une diminution de ses capacités rétentrices dans le temps. Cliniquement, ces propriétés mécaniques expliquent cependant certaines complications rencontrées à court terme en présence de prothèses mandibulaires à complément de rétention implantaire, notamment la perte de rétention prothétique évoquée par les patients ou encore la perte d'adaptation de la base prothétique à la surface d'appui.

Summary

Interest and limits of the Locator® retentive system in therapeutic treatment of the mandibular complete edentulism

The Locator® attachment system, available on the market since a decade or so, shows an obvious clinical interest in complete mandibular therapeutic treatment using implant prosthodontics, thanks to its easy way to use and its tolerance towards implantary axe divergence. This attachment is based on a non rigid link with the implant and a double retention system. Although Its retentive pieces worn and its retentive abilities lower while getting old. Clinically speaking, its mechanical properties explain certain short-term complications when mandibular prosthesis added with implant retention are used; patients report prosthetic retention loss or prosthetic base adaptation loss on the rest surface.

Key words

attachment, implant prosthodontics, Locator®, complete mandibular edentulism

Il est établi à ce jour que le traitement minimal de l'édentement mandibulaire total devrait consister à réaliser une prothèse amovible implanto-retenue (Consensus Mc Gill, 2002[]). Ce type de reconstitution prothétique, une prothèse amovible complète (PAC) à complément de rétention implantaire (PACSI, prothèse amovible complète supra-implantaire), répond aux exigences thérapeutiques d'une prothèse conventionnelle auxquelles s'ajoutent les impératifs inhérents aux implants et aux systèmes d'attachement supra-implantaires. Parmi ces derniers, le système Locator® (Zest Anchor®), commercialisé au début des années 2000, a suscité un intérêt particulier donnant lieu à plusieurs revues de synthèse clinique depuis une quinzaine d'années [, ].

L'attachement Locator® se compose d'un pilier supra-implantaire en titane (matrice) et d'un boîtier en titane enchâssé dans la résine de l'intrados de la PACSI dans lequel vient s'encastrer un insert en Nylon (patrice) [] (fig. 1 à 4). Plusieurs inserts sont proposés par Zest Anchor® selon l'angulation entre les implants et l'intensité de la rétention souhaitée, soit 6,8 N (insert bleu avec « pin » central), 13,35 N (insert rose avec « pin » central) et 22,7 N (insert transparent avec « pin » central) pour les divergences inférieures à 20o, et 4,45 N (insert rouge sans « pin » central) et 17,79 N (insert vert sans « pin » central) pour les divergences comprises entre 20 et 40o (fig. 5). Des inserts en polyétheréthercétone sans « pin » central compatibles avec le pilier Locator® sont également proposés par des marques concurrentes avec des valeurs rétentrices comprises entre 2,9 et 20,5 N (boîtier Novaloc de chez Rotec®). La forme des pièces rétentrices de cet attachement diffère radicalement des attachements axiaux du type boule ou aimant. Étonnamment, ses caractéristiques techniques semblent pourtant mal connues et seulement 14 % des praticiens « généralistes » de Grande-Bretagne sont capables de l'identifier à partir de photographies cliniques [].

Le recours à cet attachement est conventionnellement envisagé sur 2 implants parasymphysaires [-] mais semble également possible sur un unique implant symphysaire médian [, ], ou sur 3 ou 4 implants placés dans la région interforaminale []. Sa mise en œuvre technique répond à un protocole d'assemblage réalisé directement dans la cavité buccale du patient ou indirectement par l'intermédiaire d'une empreinte secondaire à l'aide d'un porte-empreinte individuel ou d'une empreinte réalisée à l'aide de la prothèse du patient (inclusion simple ou réfection totale de la base au laboratoire).

Du point de vue clinique, si la force nécessaire pour mobiliser une PAC mandibulaire est estimée à moins de 55 cN [], la rétention d'une PAC mandibulaire assurée par 2 attachements Locator® avec inserts transparents dépasserait 37 N le jour de leur adjonction dans l'intrados prothétique []. Cette augmentation de la rétention améliore incontestablement les capacités orales et le confort des patients édentés totaux. L'efficacité masticatoire des patients édentés porteurs de prothèses amovibles complètes bimaxillaires est par exemple augmentée dès qu'ils bénéficient de l'adjonction de 1 ou 2 attachements Locator® sur des implants placés dans la région symphysaire mandibulaire [, ]. Le confort oral et la qualité de vie des patients totalement édentés corrélés au nombre d'attachements [] et à l'intensité de la rétention de la PACSI [] sont également améliorés par l'adjonction de ce type d'attachement au niveau d'une PAC [, , ]. Le passage d'une PAC conventionnelle à une PACSI avec un ou plusieurs attachements Locator® est finalement marqué par l'augmentation de la satisfaction générale des patients édentés totaux [, ]. Trois mois après la mise en fonction d'un unique attachement supra-implantaire symphysaire médian avec un insert bleu [] ou de 2 attachements supra-implantaires parasymphysaires avec des inserts roses [], les patients jugent que la rétention, la stabilité, la phonation et la mastication sont plus satisfaisantes qu'avec une PAC conventionnelle.

L'attachement Locator® présente donc un intérêt clinique majeur dans la prise en charge thérapeutique du patient totalement édenté restauré par une solution amovible. Pourtant, au vu des complications biologiques et mécaniques rapportées avec un certain nombre de systèmes rétentifs supra-implantaires [, ], il convient de mieux comprendre le comportement de l'attachement Locator® une fois qu'il est incorporé dans l'intrados prothétique et mis en fonction dans la cavité buccale. L'objectif de cette revue est donc de faire le point sur les caractéristiques techniques de cet attachement et sur leurs répercussions cliniques.

Caractéristiques techniques et comportement biomécanique de l'attachement Locator®

Liaison

L'attachement Locator® possède une liaison non rigide avec l'implant.

Au niveau de la patrice, l'insert en Nylon est à 0,2 mm du fond du boîtier métallique [] et possède ainsi une liberté de mouvement générant une rotation ou une translation verticale de la base prothétique []. Cette caractéristique technique n'est pas sans conséquences sur le comportement mécanique de la prothèse par rapport à l'attachement, puisqu'elle se traduit cliniquement par l'absence de sustentation au niveau du système rétentif et qu'elle autorise des mouvements de bascule autour et/ou d'enfoncement de la prothèse sous l'effet des contraintes occlusales.

Dans le cas d'une PACSI opposée à une PAC, la stabilité prothétique est maintenue par des contacts équilibrant statiques et dynamiques tels que décrits avec une occlusion bilatéralement équilibrée généralisée ou non. Au niveau de la PACSI, les contraintes occlusales antérieures sont susceptibles de générer une bascule antéro-postérieure de la prothèse dont l'amplitude varie en fonction du nombre d'attachements []. Le soulèvement de la base au niveau des zones postérieures sous l'effet d'une contrainte occlusale antérieure est ainsi plus important lorsque la prothèse est retenue par 2 attachements qu'avec 1, 3 ou 4 attachements []. Cette bascule génère des contraintes mécaniques importantes au niveau des tissus de soutien, comprises entre 0,19 et 0,46 mPa au niveau de la muqueuse et entre 15 et 77 mPa au niveau des implants en présence de 1 à 4 attachements, qui sont accentuées lorsque la prothèse est retenue par 2 attachements []. La PACSI agit alors comme si elle « tournait » autour d'un axe de rotation défini par les attachements retenus par 2 implants parasymphysaires.

Quelles soient unilatérales ou bilatérales, en présence de 2 attachements Locator®, les contraintes postérieures génèrent une compression au niveau de la PACSI, potentiellement responsable d'un déplacement vertical de la prothèse au niveau des tissus de soutien []. Sous l'effet d'une contrainte occlusale postérieure unilatérale égale à 100 N, une PACSI retenue par 3 attachements Locator® transmet une contrainte supérieure à 20 N au niveau de la surface d'appui ostéo-muqueuse et à celui des implants ipsilatéraux et inférieure à 10 N du côté controlatéral, ce qui est bien moindre qu'avec des attachements boule []. Les contraintes mécaniques générées par une pression occlusale unilatérale postérieure seraient ainsi modérées au niveau des tissus péri-implantaires [, ], comprises entre 13 et 22 mPa au niveau des implants avec 1 à 4 attachements, et entre 0,24 et 0,33 mPa au niveau des tissus de soutien ostéo-muqueux [].

Rétention

L'attachement Locator® repose sur un système à double rétention lorsqu'un insert avec « pin » est placé dans la patrice.

La partie périphérique de la matrice en titane entre en effet en contact avec la paroi interne de l'insert en Nylon de la patrice tandis que le « pin » central de l'insert en Nylon de la patrice vient s'encastrer dans la matrice en titane []. Dans le cas des inserts sans « pin » central, la rétention est uniquement assurée par la friction entre la partie périphérique de la matrice en titane et la paroi interne de l'insert en Nylon de la patrice avec laquelle elle entre en contact.

Plusieurs études réalisées in vitro semblent indiquer que la rétention des PACSI dépend non seulement de l'insert placé dans la patrice [, ] et du nombre d'attachements [-] mais également de la position [] et de l'orientation des implants [, , ].

La force de rétention développée est en effet comprise entre 12,33 N avec un insert rose et 28,95 N avec un insert transparent []. La rétention prothétique avec un implant symphysaire unique est ainsi plus importante avec un insert transparent (12,39 N) qu'avec un insert rose (9,40 N) ou bleu (3,83 N) []. La rétention prothétique obtenue avec des inserts roses est estimée à 9,34 N pour 1 attachement retenu par 1 implant symphysaire, à 26,61 N pour 2 attachements retenus par 2 implants parasymphysaires, à 31,29 N pour 3 attachements antérieurs et à 64,22 N pour 4 attachements antérieurs []. Enfin, la rétention prothétique assurée par 2 attachements est également plus importante lorsque les implants sont placés en position canine plutôt qu'au niveau de la première prémolaire ou des molaires [] et pourrait être accrue avec des implants légèrement divergents [].

Finalement, la rétention mesurée cliniquement le jour de la mise en fonction de 2 attachements avec inserts transparents retenus par 2 implants en position canine est comprise entre 37 et 47 N [] et dépasse donc largement la valeur minimale de 15 à 20 N nécessaire pour assurer une rétention fonctionnelle des prothèses.

Usure

L'attachement Locator® présente une usure prématurée des pièces rétentrices.

Les propriétés mécaniques de la matrice en titane sont très éloignées de celles de l'insert en Nylon situé dans la patrice. La dureté de la matrice est par exemple égale à 6,85 GPa, soit 6 fois plus élevée que celle de l'insert en Nylon qui ne dépasse pas 0,15 GPa []. Le module d'élasticité de la matrice en titane (222,3 GPa) est également plus élevé que celui de l'insert en Nylon (3 GPa) [].

Au niveau de la cavité buccale, les déplacements répétés de la prothèse amovible sous l'effet des contraintes fonctionnelles et des manipulations quotidiennes génèrent des forces de frottement entre la patrice et la matrice de l'attachement. La friction entre l'insert en Nylon et le pilier en titane est alors responsable de leur usure prématurée. Une déformation localisée de la surface interne de l'insert rétentif en Nylon est ainsi observée après plusieurs milliers de cycles simulés de mastication correspondant à une année de fonction []. L'insert en Nylon présente également des signes d'usure en surface, tels que des irrégularités et des pertes de surface, au bout de 15 000 cycles d'insertion/désinsertion simulés au niveau d'un attachement, soit l'équivalent de 10 ans []. En ce qui concerne la patrice, la perte de substance est alors plus importante au niveau du « pin » que de la paroi interne de l'insert mais elle reste toutefois inférieure à 5 % []. Cette usure du « pin » central est également observée avec 2 implants parallèles ou non au bout de plusieurs milliers de cycles d'insertion/désinsertion simulant 1,5 année d'insertion/désinsertion [, ]. Enfin, 1 an après la mise en fonction de 1 ou de 2 attachements retenant une PAC, les inserts présentent cliniquement une destruction importante et une déformation irréversible au niveau du « pin » central et de la paroi interne, parfois associée à une détérioration de la partie périphérique de l'insert et à un décollement entre l'insert et le boîtier métallique inclus dans l'intrados prothétique [, ] (fig. 6).

Les pièces prothétiques sont également très sensibles aux contraintes chimiques en dehors de la cavité buccale. Les inserts en Nylon peuvent ainsi subir des modifications physiques après une immersion prolongée dans certaines solutions nettoyantes. Une coloration bleuâtre de l'insert rose est par exemple observée après une immersion équivalant à 6 mois dans une solution de Listérine®. L'insert rose présente également une décoloration et un aspect de surface dépoli après l'immersion dans de l'hypochlorite de sodium pendant la même durée [].

Capacités rétentrices

Le système Locator® présente une perte progressive de ses capacités rétentrices.

Si l'intensité de la rétention initiale de cet attachement est élevée, les valeurs rétentrices évoluent sous l'effet combiné des conditions cliniques, telles que l'insert situé dans la patrice et l'orientation des implants, et des contraintes locales. Parmi ces dernières, si les contraintes générées par la mastication [] ou la maintenance prothétique [, ] affectent de manière significative la rétention prothétique in vitro, celles qui sont liées à la manipulation répétée des prothèses dans la cavité buccale semblent également extrêmement délétères sur cette rétention.

Une prothèse amovible est manipulée 4 fois par jour dans la cavité buccale : elle y est insérée le matin, désinsérée puis insérée de nouveau après le déjeuner et le dîner, et enfin désinsérée de la cavité buccale le soir avant d'aller se coucher. À ce rythme, la perte de rétention des inserts roses, bleus et transparents avec « pin » central est comprise entre 21 et 63 % au bout de 15 000 cycles d'insertion/désinsertion simulés, soit une période de 10 ans, et affecterait d'avantage les inserts bleus []. Dans ce contexte, il n'est alors pas surprenant de constater que la rétention d'une prothèse retenue par 2 ancrages parallèles décroît dans le temps quel que soit l'insert choisi. En moins de 1 semaine, soit une vingtaine de cycles d'insertion/désinsertion, la rétention est diminuée d'environ 20 % avec des implants parallèles et des inserts transparents []. En moins de 6 mois, la perte de rétention dépasserait 25 % avec des inserts transparents, que la prothèse soit retenue par 2 ou 3 ancrages parallèles [, ]. Elle pourrait, dans ces conditions, atteindre plus de 40 % au bout de 6 mois (720 cycles), plus de 50 % au bout de 12 mois (1 440 cycles) et plus de 60 % au bout de 18 mois (2 160 cycles) avec les inserts avec « pin » central []. Elle resterait cependant supérieure à 25 N au bout de 18 mois (2 160 cycles) avec les inserts avec « pin » central [] et ne passe en dessous de 20 N qu'au bout de 20 mois (2 399 cycles) []. Après 5 000 cycles, la perte de rétention est estimée à 57 % avec des inserts roses [] et dépasserait la valeur rétentrice initiale avec des inserts bleus []. Avec ces deux inserts, la valeur rétentrice reste cependant supérieure à 20 N après 5 000 cycles d'insertion/désinsertion, soit l'équivalent de 3,5 ans [, ]. Finalement, il faut attendre l'équivalent de 4 ans, soit plus de 6 900 cycles, pour que la rétention avec des inserts verts sans « pin » central passe en dessous de 20 N [].

La perte de rétention est également sensible à l'orientation des implants à moyen terme [, , , , ] (tableau 1). En moins de 1 semaine, soit une vingtaine de cycles d'insertion/désinsertion, la rétention diminue d'environ 20 % aussi bien avec des implants parallèles et des inserts transparents qu'avec 2 implants divergents et des inserts verts []. Pendant une période allant de 6 mois à 1 an d'utilisation, la perte de rétention est comprise entre 39 et 56 % avec 2 implants divergents de 10o et des inserts avec « pin » central [] et elle est estimée à 29 % avec 3 implants non parallèles et des inserts transparents []. Finalement, la perte de rétention à moyen terme serait accrue avec des implants divergents seulement dans le cas où des inserts bleus sont utilisés []. Dans tous les cas, la rétention prothétique dépasserait toujours 15 N []. Il faut cependant souligner que les inserts avec « pin » central ne sont pas commercialisés pour gérer des angulations implantaires supérieures à 10o. Lorsque la divergence interimplant dépasse 20o, seuls les inserts sans « pin » central, rouge ou vert, sont indiqués mais ils s'accompagnent également d'une perte progressive de la rétention dans le temps. Avec des inserts verts, un quart de la rétention est « perdu » au bout de 243 cycles avec une divergence interimplant égale à 20o et au bout de 180 cycles seulement avec une divergence interimplant de 40o, soit une période inférieure à 3 mois []. Il n'est alors pas étonnant que la rétention soit diminuée de moitié au bout de seulement 581 cycles, soit moins de 6 mois, avec une divergence égale à 40o alors qu'il faut 725 cycles avec une divergence égale à 20o et 1 217 cycles lorsque les implants sont parallèles pour observer une telle réduction de la rétention []. Dans les trois situations, les valeurs rétentrices ne se rapprochent de 20 N qu'au bout de 4 977 cycles, soit un peu plus de 3 ans d'utilisation, lorsque la divergence est égale à 20o mais elles sont atteintes dès 2 272 cycles, soit l'équivalent de 1,5 an, lorsque la divergence est égale à 40o []. Cliniquement, la perte de rétention d'une prothèse retenue par 2 implants et inserts transparents atteindrait 60 % au bout de 6 mois et pourrait dépasser cette valeur au bout de 12 mois []. Elle est d'ailleurs directement liée à la divergence interimplantaire dans le plan sagittal, est ainsi estimée à 1 N par degré de divergence au bout de 6 mois et pourrait atteindre 1,23 N par degré de divergence 12 mois après l'insertion prothétique [].

Complications cliniques des PACSI retenues avec un ou plusieurs attachements Locator®

Une PACSI répond à des exigences biomécaniques similaires à celles d'une prothèse amovible conventionnelle. Du point de vue biologique, elles impliquent notamment la protection des tissus de soutien mais également la pérennité et l'hygiène des dispositifs amovibles. Sur le plan mécanique, elles concernent tout particulièrement la sustentation en relation avec la surface d'appui et la stabilité prothétique liée au concept occlusal. En plus de ces impératifs, la PACSI doit également répondre aux exigences liées à la pérennité des implants et des attachements afin de conserver une rétention suffisante dans le temps.

De manière générale, la prévalence des complications affectant l'ancrage implantaire des PACSI est relativement faible puisque les taux de succès et de survie implantaires sont respectivement compris entre 86 et 96 % au bout de 5 ans et entre 93 et 100 % au bout de 10 ans []. En comparaison, les complications d'ordre mécanique affectant les PACSI seraient beaucoup plus fréquentes et concerneraient principalement la perte de rétention prothétique (30 %), suivie de la perte d'adaptation prothétique à la surface d'appui (19 %), de la fracture d'une pièce de l'attachement (17 %), de la PACSI (17 %) ou de son antagoniste (12 %) et, enfin, du dévissage (4 %) ou de la fracture de la vis du pilier (2 %) [, ].

Une dizaine d'études cliniques (8 prospectives et 2 rétrospectives) se sont intéressées au suivi des PACSI retenues par un ou plusieurs attachements Locator® à la mandibule pendant une période allant de 1 à 5 ans. Si les données concernant les paramètres biologiques restent très discutables compte tenu du faible recul clinique, 6 de ces études permettent de mieux apprécier les complications prothétiques et la maintenance apportée aux prothèses retenues par 1 ou 2 attachements par rapport à une PAC maxillaire à moyen terme (tableau 2).

Ces complications prothétiques concerneraient plus de la moitié des prothèses retenues par 2 attachements au bout de 1 an [, ]. Rétrospectivement, 66,7 % des prothèses retenues par 2 attachements Locator® auraient été concernées par au moins une complication au bout de 1 année []. La fréquence annuelle des complications mécaniques serait ainsi égale à 1,4 avec 2 attachements [].

Selon Payne et al. [], deux remplacements de la matrice ou de la patrice la première année et un rebasage de la base prothétique dans les 5 ans qui suivent l'insertion prothétique constituent une maintenance acceptable pour une PACSI. Elle concernerait ainsi deux tiers des prothèses retenues par un seul attachement Locator® au bout de 1 an []. Au-delà de ces interventions, la maintenance faisant appel à une réparation ou à un remplacement de la prothèse est considérée comme un retraitement et concernerait un tiers des prothèses retenues par un attachement Locator® au bout de 1 an [].

Rétention prothétique

La principale complication rencontrée concerne l'évolution de la rétention prothétique dans le temps.

La perte de rétention concernerait de 27 % [] à plus de 75 % [] des prothèses retenues par 2 attachements au bout de 1 an. La disparité des valeurs avancées dans ces études pourrait alors résulter des conditions cliniques, en particulier de la divergence interimplantaire ou de la rétention initiale, mais également des critères d'évaluation de la rétention. Malheureusement, la majorité des études ne fournit aucune information relative à la divergence entre les implants et à la couleur de l'insert placé dans la patrice, et ne précise pas les modalités d'évaluation de la rétention prothétique, ce qui ne permet pas de comparer les données recueillies (tableau 2). Quand ils sont mentionnés, les critères d'évaluation sont principalement subjectifs, fondés sur l'évaluation du praticien ou du patient. Pour les praticiens, la rétention moyenne est ainsi estimée à 3,6 sur une échelle comprise entre 1 (= très élevée) et 5 (= très faible) au bout de 1 année de fonction []. Du point de vue des patients, la satisfaction relative à la rétention évaluée sur une échelle de 0 à 10 passe de 9,3 au bout de 3 mois à 9,38 au bout de 1 an, ce qui est quasiment semblable []. Finalement, une seule étude fondée sur le mesure de la force nécessaire pour déstabiliser une prothèse retenue par 2 inserts transparents, qui est supérieure à 37 N le jour de l'insertion prothétique et ne dépasse pas 15 N au bout de 1 an de fonction ; cette perte de plus de la moitié de la rétention prothétique à moyen terme est, dans ces circonstances, corrélée à la divergence entre les implants [].

La perte de rétention génère une maintenance prothétique et donne généralement lieu au remplacement des inserts rétentifs de la patrice (fig. 7 à 9). Comme pour la rétention, la majorité des études n'indique pas les critères décisionnels de cette maintenance prothétique [, ]. Lorsqu'ils sont mentionnés, les critères de remplacement des pièces de l'attachement restent d'ailleurs très subjectifs. Pour Kleis et al. [], les inserts des 2 attachements sont ainsi changés dès que la rétention est jugée « faible » ou « très faible » par le praticien. Bilhan et al. [], ajoute qu'un insert est changé dès qu'il semble usé, sans plus de précision. Quoi qu'il en soit, en présence d'une prothèse retenue par 2 attachements, 22,2 % des inserts en Nylon seraient changés au bout de 1 année de fonction []. Finalement, sur la base des maintenances effectuées avec une prothèse retenue avec 2 attachements Locator® en 5 ans, la durée moyenne d'utilisation d'un insert pourrait être estimée à environ 25 mois avec ce type de reconstitution prothétique [].

Perte d'adaptation prothétique à la surface d'appui

La deuxième complication le plus fréquemment rencontrée concerne la perte d'adaptation prothétique à la surface d'appui.

Cette complication concerne la surface d'appui et/ou les bords de la prothèse. Elle est mise en évidence manuellement, par le degré de mobilité axiale et/ou de bascule de la prothèse sur la surface d'appui et les attachements, et à l'aide d'un matériau révélateur placé dans l'intrados prothétique indiquant les zones de surpression ou d'absence de contact au niveau de l'interface muco-prothétique [, ]. Aucune étude ne fournit la prévalence de cette complication. Elle peut cependant être responsable du passage des aliments sous la prothèse, d'un inconfort au niveau des tissus de soutien, tel qu'évoqué par plus de 55 % des patients au bout de 1 an [], ou encore d'une blessure muqueuse observée pour 22,2 % des PACSI au bout de 1 année [].

Cette complication justifie la réadaptation de la base prothétique à la surface d'appui à moyen terme []. Plus de 10 % des prothèses retenues par 2 attachements sont concernées par un rebasage partiel au bout de 1 an []. Une réfection complète de la base peut également être effectuée pour 5,6 à 44,4 % des prothèses retenues par 2 attachements au bout de 1 an [, ] et pour 20 % des prothèses au bout de 5 ans []. La fréquence des réinterventions semble donc conditionnée par l'appréciation clinique du praticien, ce qui constitue un biais important aux études menées avec l'attachement Locator® et limite par conséquent les conclusions cliniques à en tirer.

Complications d'ordre mécanique

D'autres complications d'ordre mécanique sont enfin observées avec des prothèses retenues par 2 implants, mais avec une fréquence réduite à 1 an. Parmi celles-ci, citons les fractures des dents prothétiques dans 11 % des cas [] et celles de la base prothétique affectant jusqu'à 4 % des prothèses [, ]. Citons également le dévissage de pilier rapporté pour 1 attachement sur 18 [].

À ces complications s'ajoutent certaines plaintes plus spécifiques liées au design de l'attachement, en particulier en ce qui concerne l'hygiène des prothèses et des pièces rétentrices.

Le pilier prothétique Locator® est commercialisé avec plusieurs hauteurs gingivales, comprises entre 1 et 6 mm selon les marques. La hauteur du pilier le plus adapté est ainsi cliniquement déterminée afin que sa partie travaillante soit située à 1 mm au minimum de la gencive marginale, ce qui a pour conséquence de maintenir des indices de plaque et gingival favorables à moyen terme lorsqu'une maintenance parodontale est prescrite [, ]. Alsabeeha et al. [] ont tout de même souligné le fait que l'attachement Locator® restait difficile à nettoyer, ce qui peut expliquer l'accumulation de débris et l'indice de plaque élevé pour les patients qui ont une dextérité manuelle réduite (fig. 10 et 11). Cela peut également expliquer pourquoi près de 39 % des PACSI avec attachement Locator® et près de 50 % des piliers Locator® présentent une contamination à Candida [].

Conclusion

Cliniquement, malgré des biais évidents dans l'analyse du suivi des patients porteurs de PACSI avec attachement Locator®, la prévention des complications pourrait reposer sur le parallélisme des implants dès que les conditions anatomiques le permettent et sur la mise en place d'inserts roses ou transparents, et elle justifie un suivi annuel des patients. Le renouvellement des pièces rétentrices consommables tel que l'insert en Nylon sera envisagé après l'analyse de l'état de surface et de la rétention prothétique, et il peut être indiqué après la première année de service. La réfection totale de la base sera quant à elle impérative dès qu'une mobilité axiale et/ou une bascule seront objectivées.

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Adeline Braud
MCU-PH
Marie-Violaine Berteretche
PU-PH
UFR d'odontologie, université Paris Diderot
Pôle odontologie Garancière Rothschild, AP-HP
5, rue Garancière
75006 Paris

les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.