DOSSIER CLINIQUE
C. Saint-étienne / J. Lambert / Y. Bedouin / F. Clipet
Le remplacement d'une dent en secteur antérieur représente un enjeu esthétique majeur, dont le succès réside non seulement en une intégration fonctionnelle mais surtout en une intégration bio-esthétique de la nouvelle dent au sein du sourire du patient. Une analyse pré-implantaire est indispensable. Elle devra évaluer la position de la lèvre, la qualité et la quantité des tissus mous, le schéma occlusal du patient ainsi que le volume osseux disponible. Ce dernier doit permettre...
Le remplacement d'une dent en secteur antérieur représente un enjeu esthétique majeur, dont le succès réside non seulement en une intégration fonctionnelle mais, surtout, en une intégration bio-esthétique de la nouvelle dent. Un bilan pré-implantaire est indispensable, comprenant une analyse faciale, dento-labiale, dentaire, occlusale, gingivale et osseuse. Cet article expose un cas clinique avec un patient présentant une atrophie crestale latérale en site de 12. Ce déficit osseux horizontal a nécessité une chirurgie pré-implantaire afin de respecter les règles de positionnement tridimensionnel de l'implant. La reconstruction osseuse décrite dans ce cas clinique est une technique de greffe d'apposition faisant appel au coffrage d'os particulaire. Elle garantit une meilleure revascularisation ainsi qu'une meilleure régénération osseuse permettant ainsi de valider les critères esthétiques et des critères fonctionnels.
Le remplacement d'une dent en secteur antérieur représente un enjeu esthétique majeur, dont le succès réside non seulement en une intégration fonctionnelle mais surtout en une intégration bio-esthétique de la nouvelle dent au sein du sourire du patient. Une analyse pré-implantaire est indispensable. Elle devra évaluer la position de la lèvre, la qualité et la quantité des tissus mous, le schéma occlusal du patient ainsi que le volume osseux disponible. Ce dernier doit permettre de respecter scrupuleusement les règles de positionnement tridimensionnel de l'implant en secteur antérieur. Ce paramètre est essentiel car tout compromis dans ce positionnement aboutira à un résultat esthétique imparfait. C'est pourquoi, dans certains cas, il est impératif d'envisager une chirurgie pré-implantaire afin de permettre un positionnement tridimensionnel optimal de l'implant. Cet article présente un cas clinique décrivant une technique de greffe d'apposition faisant appel au coffrage d'os particulaire [].
Il s'agit d'un patient âgé de 43 ans sans aucune contre-indication générale ni locale à l'implantologie et sans aucun facteur de risque. Il présente un édentement encastré en site de 12 à la suite d'un traumatisme dentaire s'étant produit 4 ans plus tôt.
Son motif de consultation est bien sûr fonctionnel mais également esthétique.
Plusieurs points clés sont à prendre en compte.
De face (fig. 1), le patient présente un visage carré globalement symétrique avec des angles goniaques marqués et des lignes remarquables parallèles. Une bonne répartition des étages de la face est observée, associée à une typologie hypodivergente et à une musculature puissante.
De profil (fig. 2), le patient a un profil général convexe associé à un profil sous-nasal ortho-frontal. L'ensellure nasale est marquée et l'angle naso-labial ouvert.
La courbe incisive est convexe et parallèle à la concavité de la lèvre inférieure. Elle ne présente pas de contact par rapport à la lèvre inférieure.
La ligne du sourire est basse. En effet, la lèvre supérieure du patient découvre moins de 75 % des dents antérieures sans exposition des papilles. Il ne faut cependant pas oublier, dans la prise en charge, qu'après une restauration, le niveau de la ligne du sourire a tendance à remonter car de nombreux sujets limitent leur sourire en voulant masquer des prothèses ou des soins disgracieux non esthétiques.
Le sourire du patient découvre les incisives, les canines et les prémolaires.
Le plan occlusal esthétique est moyen, ce qui favorable à une restauration esthétique. Cependant, il est oblique en bas à droite par rapport à la ligne bicommissurale.
Le patient présente un édentement encastré de classe III de Kennedy Appelgate (fig. 4).
En statique, le patient est en occlusion d'intercuspidie maximale.
En dynamique, le guide incisif est dysfonctionnel avec des contacts très limités sur 11. En latéralités gauche et droite, le patient est en fonction groupe. L'espace occluso-prothétique disponible intra-arcade et interarcade est correct.
Le morphotype parodontal est plat et épais. L'hygiène bucco-dentaire est perfectible avec un indice gingival et un indice de plaque égaux chacun à 1. L'alignement des collets ne correspond pas aux critères esthétiques actuels. En effet, les zéniths gingivaux de 11 et 21 sont plus coronaires que les incisives latérales (fig. 4).
Une atrophie crestale latérale est constatée avec un déficit osseux horizontal en site de 12 moyen (fig. 4 et 5).
L'examen radiographique tridimensionnel (cone beam) (fig. 6) a permis d'évaluer les critères suivants :
– une hauteur de crête de 13 mm ;
– une épaisseur de crête idéale au niveau du col implantaire de 2,5 mm ;
– des septa osseux proximaux présents mais légèrement résorbés.
Afin de garantir un résultat esthétique et fonctionnel pérenne, il est impératif d'envisager une chirurgie pré-implantaire pour restaurer les volumes osseux. Les techniques de reconstruction sont la régénération osseuse guidée (ROG) et les greffes osseuses d'apposition (GOA).
D'après une revue de la littérature médicale de 2014 [], il est décrit un gain osseux transversal moyen de 3,31 mm par ROG et de 4,3 mm par GOA. Ces deux options thérapeutiques conduisent à des résultats satisfaisants. L'expérience de l'opérateur est un facteur de succès indéniable. Les deux problèmes posés sont respectivement l'exposition prématurée de la membrane pour la première technique et la résorption du greffon pour la deuxième.
Dans ce cas clinique, le volume osseux à reconstruire est de 4 mm. Afin de limiter la résorption du greffon, le choix s'est porté sur une technique de GOA faisant appel au coffrage d'os particulaire []. Il s'agit d'une technique dérivée de la greffe osseuse autogène conventionnelle. Après prélèvement du bloc osseux épais, celui-ci est séparé en deux fines corticales puis chaque corticale est raclée afin de récupérer des copeaux osseux. Le bloc osseux cortical aminci ainsi obtenu combiné aux copeaux cortico-spongieux particulaires récoltés permet un comblement du défaut osseux adapté à la morphologie du site receveur. Le mince bloc cortical est ostéosynthésé de façon à reconstruire les parois de la crête alvéolaire à distance du site receveur. L'espace libre résiduel créé par la paroi corticale nouvellement reconstituée est comblé par l'os autogène réduit en particules [].
En raison de l'édentement ancien, une atrophie horizontale de la crête osseuse est observée pouvant ainsi compromettre l'obtention d'une orientation correcte de l'implant (fig. 7 et 8).
Un bloc osseux est prélevé dans la région rétromolaire secteur 4 (fig. 9). L'os est prélevé en réalisant des tranchées aux dimensions souhaitées avec un piézotome puis il est luxé en un seul bloc. Enfin, le site de prélèvement est suturé (fig. 10).
Le bloc cortico-spongieux obtenu est épais (fig. 11), c'est pourquoi la partie corticale du greffon est affinée mais conserve une épaisseur d'environ 1 mm afin d'avoir une résistance mécanique suffisante pour être fixée à distance du défaut osseux (fig. 12). À l'issue de cet amincissement, des copeaux osseux particulaires sont récoltés (fig. 13).
La reconstitution de la crête alvéolaire en site de 12 est permise grâce à la mise en place du bloc osseux fixé à l'aide de 2 vis d'ostéosynthèse en veillant à ce qu'il soit suffisamment éloigné du contour gingival (fig. 14).
Les espaces libres sont par la suite comblés par de l'os particulaire afin d'éviter que les tissus mous ne migrent dans le défaut osseux et de permettre une ostéoconduction optimale en évitant les espaces morts (fig. 15 et 16).
Le lambeau est ensuite repositionné et des sutures étanches et sans tension sont réalisées (fig. 17).
Le contrôle clinique au bout de 3 mois révèle que le site traité présente une excellente cicatrisation des tissus mous (fig. 18 et 19). Le cone beam permet à ce moment-là d'objectiver le gain osseux obtenu latéralement, favorable à une restauration implantaire (fig. 20 et 21) et confirmé après le décollement effectué lors de la mise en place de l'implant (fig. 22). La couleur rouge de la zone située entre le site receveur et le bloc osseux, qui avait été comblée avec de l'os cortical et de l'os spongieux particulaires, est le signe d'une bonne vascularisation.
Un implant NobelReplace® CC intégrant un platform switch est positionné (fig. 23 et 24). Une technique en deux temps a été réalisée.
Lors de la découverture implantaire, une technique du rouleau d'Abrams est réalisée pour augmenter l'épaisseur parodontale marginale. La restauration prothétique provisoire fixée est réalisée. Après maturation des tissus mous, la restauration d'usage est réalisée avec une couronne supra-implantaire céramo-céramique sur 12, une couronne céramo-céramique sur 11 et une facette céramique sur 21 (fig. 25). Le pink esthetic score (PES) [] a été évalué à 11/14 (tableau I).
Comme l'illustre ce cas clinique, pour atteindre un résultat prévisible et durable, il est indispensable de respecter un positionnement 3D optimal de l'implant. Le gold standard pour l'augmentation osseuse latérale est l'os autogène grâce à ses propriétés non seulement d'ostéoconduction et d'ostéogenèse mais également d'ostéo-induction, contrairement aux biomatériaux qui sont uniquement ostéoconducteurs [, ]. L'ostéo-induction est permise grâce à des facteurs de croissance et à des protéines présentes dans l'os, régulant le métabolisme cellulaire en différenciant des cellules souches en cellules ostéogénitrices. Cependant, la problématique importante de la GOA reste la résorption du greffon et sa faible vascularisation []. C'est pourquoi des techniques de coffrage ont été décrites. Il s'agit du fondement avancé par Tessier, repris par Khoury [], favorisant ainsi la vascularisation et la régénération du greffon et limitant sa résorption en vue d'une reconstruction osseuse pérenne.
Les greffes osseuses d'apposition en onlay d'origine mandibulaire contiennent de 80 à 90 % d'os cortical ne facilitant pas leur revascularisation et leur régénération. Une meilleure revascularisation ainsi qu'une meilleure régénération peuvent être obtenues en utilisant une technique d'interposition osseuse limitant le volume cortical au profit d'os spongieux (possédant un fort potentiel d'ostéoconduction justifié par des études histologique à long terme), garantissant ainsi un contact optimal entre le site receveur et le greffon [, ].
Même si cette technique exige une très grande dextérité du praticien et une mise en œuvre complexe, elle garantit une vitesse de revascularisation accélérée et de meilleure qualité car plus abondante avec un risque d'infection réduit et un meilleur succès d'intégration du transplant associés à une stabilité durable de la greffe. Cela permet ainsi de valider les critères esthétiques, en répondant à une attente grandissante des patients, et des critères fonctionnels de cette thérapeutique en vue d'une longévité des restaurations.
Clothilde Saint-Étienne
Interne DES médecine bucco-dentaire
CHU Rennes
Yvan Bédouin
MCU-PH
Service de prothèse
CHU Rennes
Fabrice Clipet
MCU-PH
Service de chirurgie
Hôpital Pontchaillou, Rennes
Julien Lambert
Prothésiste
CHU Rennes
les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.