Implant n° 2 du 01/05/2015

 

CHIRURGIE

Marine Vendeville*   Philippe Vendeville**  


*CES d’odontologie prothétique, option prothèse conjointe,
Paris V
**DU d’implantologie, Paris VI
DU biomatériaux et tissus calcifiés, Angers
Unité d’implantologie orale
Polyclinique du Parc
48 rue Henri Barbusse
59880 Saint-Saulve
vendeville@orange.fr

Résumé

Les atrophies osseuses contre-indiquent la mise en place d’implants en première intention. Une étape chirurgicale préliminaire de greffes osseuses est alors nécessaire afin de poser les implants dans un second temps opératoire et dans les conditions optimales du plan de traitement. Cette chirurgie pré-implantaire s’avère être un réel engagement chirurgical, elle nécessite une compétence technique et oblige l’attente d’un délai de consolidation qui retarde le traitement de plusieurs mois. L’objet de cet article est d’exposer, grâce à la piézochirurgie, une alternative aux greffes osseuses pré-implantaires devant les atrophies osseuses fréquentes des maxillaires. Ainsi, il est possible de simplifier l’engagement chirurgical du patient, de faciliter l’acceptation du plan de traitement et de réduire le temps de travail. Par conséquent, on peut lever les freins qui interdisent à certains patients l’accès à des thérapeutiques dentaires actuelles et surmonter les obstacles au rétablissement de leur santé.

Summary

Alternative strategies to bone grafts in case of severe atrophies

Bone atrophy is a primary contra-indication to implants. A preliminary bone graft surgical step is therefore necessary before subsequently placing the implant, according to an optimal treatment plan. This pre-implant surgery is a non insignificant surgical gesture which involves technical skills and requires a bone consolidation phase and therefore several months delays for completion of full treatment. This article describes an alternative strategy thanks to the piezosurgery to pre-implant bone grafts considered when there is maxillary bone atrophy. As a result, at a patient level, we can simplify the surgical experience, have an easier buy-in of the treatment plan and reduce overall treatment time. At a broader population level, we can overcome key barriers to access to some of the most current dental treatments and improve patients’quality of life.

Key words

piezosurgery, bone atrophy, graft, cad/cam, hybrid prosthesis

Lors des consultations, le praticien reçoit de plus en plus fréquemment de patients des troisième et quatrième générations, en bonne forme physique et à la vie sociale active mais qui souffrent ou qui refusent l’inconfort physique et moral de la prothèse adjointe. La lecture des données épidémiologiques des pays développés économiquement atteste que la perte des dents augmente avec l’âge[1, 2]. Selon la Haute Autorité de Santé, la proportion d’édentés en France (population des 65-74 ans) s’élèverait à 16,3 %[3].

L’implantologie endo-osseuse est appliquée au quotidien dans le traitement des édentations unitaires[4], plurales ou complètes. C’est une alternative prédictible à de simples prothèses adjointes[5]. Cette thérapeutique, devenue quotidienne en médecine de ville, nécessite un volume osseux implantable. Dans un passé proche et en cas d’insuffisance osseuse, ces cas d’atrophie sévère étaient récusés sans proposer de solutions de remplacement sérieuses ou consensuelles. Les reconstructions alvéolaires pré-implantaires issues de la chirurgie maxillo-faciale[6], les comblements sinusiens[7], les greffes d’apposition autogènes[8], les ostéotomies complètes ou segmentaires[9] ont permis de reconstruire les volumes osseux disparus. Ainsi, les praticiens sont aujourd’hui capables, après une étape chirurgicale pré-implantaire, d’accéder dans un second geste à la pose d’implants.

Les fonctions orales peuvent alors être rétablies : parler, manger, sourire. L’intégrité – physique, mentale et sociale – étant retrouvée, le praticien a rempli sa mission de santé et a rétabli la santé de ses patients[10]. En effet les personnes édentées vivent un réel handicap, amplifié par la société de performance et de jeunesse sacralisée actuelle. Les dents servent également à vivre en société. Pourtant, leur rétablissement thérapeutique est peu pris en charge par le système général d’assurance santé.

EXPOSÉ

La chirurgie pré-implantaire permet de reconstruire les structures osseuses dans des mesures que nous n’imaginions pas sur les bancs de la faculté. Pour un patient motivé, acceptant ses implications, la chirurgie pré-implantaire respectant les données actuelles de la science est la règle à privilégier[11]. Elle présente la solution de choix en termes de résultat et de pérennité. Néanmoins, il existe des freins, voire des obstacles, à sa mise en œuvre :

– l’engagement chirurgical est lourd. Il nécessite un site donneur en sus du site de reconstruction. Beaucoup de traitements sont ainsi abandonnés par le patient en raison des craintes de cet engagement ou par hésitation des équipes soignantes à les proposer devant le profil d’âge et de physiologie ;

– une longue patience est demandée. Un délai de consolidation d’au moins 4 mois est à respecter avant d’engager la phase implantaire puis il faut attendre de 2 à 4 mois pour la mise en nourrice. La restitution prothétique avoisine fréquemment 1 an de traitement ;

– ces traitements d’aménagement tissulaire complexes requièrent une vraie compétence, des moyens techniques sophistiqués et de nombreuses séances. L’assurance maladie générale ignore leur prise en charge, aussi l’obstacle financier qu’ils représentent pour de nombreux patients peut leur interdire l’accès.

Notre mission est de soigner ces patients. Aussi, pour ceux refusant la prothèse adjointe totale et n’ayant pas accès aux chirurgies pré-implantaires, pouvons-nous imaginer une démarche chirurgicale qui allégerait le protocole thérapeutique ? Naturellement, nous nous obligeons à respecter les données actuelles de la science et une implantologie endo-osseuse sûre en trois étapes consensuelles[12].

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Notre article souhaite témoigner d’une alternative chirurgicale pour répondre à la question suivante : comment alléger nos propositions de traitement ? Nous souhaitons présenter une autre possibilité, illustrée par deux cas cliniques significatifs fréquents au maxillaire et à la mandibule. Comment pouvons-nous adapter le traitement implantaire en supprimant l’étape chirurgicale de greffe osseuse pré-implantaire ?

En premier lieu, nous abandonnons la proposition de prothèse fixe céramique sans fausse gencive. Nous nous orientons vers des prothèses combinées à deux étages. Prothèses de compromis mais qui assurent un réel confort et présentent une facilité de maintenance. Nous ne sous-estimons pas qu’il s’agit d’une prothèse évoquant la thérapeutique d’adjointe. L’impression de corps étranger semi-amovible ou semi-fixe et la nécessité d’une hygiène quotidienne sont extrêmement détaillées et illustrées dès les premières explications de présentation du plan de traitement. Nous insistons sur cette compréhension pour obtenir la totale adhésion du patient et éviter une déception conflictuelle de fin de traitement. Une prothèse combinée ne sera jamais perçue comme un bridge fixe.

Cependant, la fixité de la prothèse sur barre implantaire rétablit réellement le confort et les fonctions orales. L’usinage CFAO (conception et fabrication assistées par ordinateur), la précision des armatures et la fonctionnalité des attachements à notre disposition assurent complètement la rétention, la stabilité et la sustentation prothétique. Le non-recouvrement du palais est une demande expresse des patients, l’évidement palatin est également systématique.

Par un montage de prothèse combinée, nous facilitons :

– le respect du montage dentaire dans le couloir prothétique. Nous profitons d’une marge de construction par rapport à l’anatomie alvéolaire, ce qui est beaucoup moins exigeant sur l’anatomie implantaire ;

– l’équilibration occlusale. La ductilité des dents du commerce soulage les stress occlusaux. La tolérance occlusale est accrue ;

– la liberté de rétablir la dimension verticale du patient. La hauteur est aisément ajustable ;

– les supports des tissus labiaux et jugaux. La fausse gencive assure le soutient périphérique ;

– une accoutumance aisée. La similitude de perception par rapport aux prothèses anciennes ou transitoires facilite l’intégration prothétique ;

– la facilité de maintenance et de réparation. Il s’agit de prothèse adjointe stabilisée sans phase de scellement.

Si ce type de prothèse combinée est accepté, il reste à créer la base implantaire endo-osseuse. Dans les atrophies osseuses maxillaires, la hauteur osseuse maxillaire présente régulièrement les 10 mm nécessaires ; par contre, l’épaisseur est fréquemment insuffisante pour recevoir une fixture implantaire.

Nous œuvrons de manière différente selon le maxillaire supérieur (A) ou inférieur (B).

RESTAURATION D’UN MAXILLAIRE ATROPHIÉ PRÉSENTANT UNE RÉTRACTION CENTRIPÈTE SÉVÈRE

Le patient porteur ancien de prothèse adjointe maxillaire présente fréquemment une forte résorption, le volume osseux sous-nasal est souvent suffisant en hauteur mais trop faible en épaisseur. La piézochirurgie associée à un écartement doux au dilatateur de crête permet le placement d’implants de diamètres normaux. La piézochirurgie est rassurante et n’est pas traumatisante. Par son utilisation, l’intervention de clivage du procès alvéolaire induit peu d’œdème et d’hématome. L’espace entre les implants rempli du ligand vasculaire correspond à une alvéole d’extraction. Il engendrera une consolidation physiologique. Il sera également et facilement comblé par une xénogreffe. Celle-ci évite l’abord d’un second site donneur. L’intervention nécessite un lambeau large de visualisation. Ajoutée à la déformation biomécanique du procès alvéolaire, cette technique induit fréquemment un œdème et un hématome sous-palpébral. Elle comporte un avantage : les selles prothétiques postérieures ne sont pas modifiées. Il est possible de poser la prothèse transitoire immédiate sur le palais postérieur, d’évider la seule zone travaillée antérieure et d’en assurer un rebasage souple. Ainsi, le port de la prothèse postopératoire est immédiat. Nous recommandons de solliciter le maxillaire de façon progressive sur une période de 6 semaines. Au bout de 4 mois pour le maxillaire supérieur, nous reprenons le protocole de prothèse implantaire classique (Fig. 1 à 41).

RESTAURATION D’UNE MANDIBULE ATROPHIÉE PRÉSENTANT UN PROFIL OSSEUX EN LAME DE COUTEAU

Le patient porteur ancien de prothèse adjointe mandibulaire présente fréquemment une résorption généralisée, le volume osseux symphysaire est souvent suffisant en hauteur mais trop faible en épaisseur, en image de lame de couteau.

La piézochirurgie réductrice permet de rétablir un plateau crestal convenable ainsi que le placement d’implants aux diamètres standard. Elle est rassurante et n’est pas traumatisante. Par son utilisation, l’intervention de soustraction du procès alvéolaire induit peu d’œdème et d’hématome. Également, les selles prothétiques postérieures n’étant pas modifiées, il est possible de rebaser souplement sa zone antérieure réséquée et de permettre son port immédiat. En partant du même principe, celui d’éviter les sollicitations implantaires de mise en nourrice, nous recommandons de solliciter le maxillaire de façon progressive pendant une période de 6 semaines. Au bout de 2 mois pour le maxillaire inférieur, nous reprenons le protocole de prothèse implantaire classique est repris (Fig. 42 à 72).

DISCUSSION

Notre proposition de solution de remplacement nécessite une hauteur initiale et ne répond pas aux insuffisances verticales. Pour le maxillaire inférieur, nous ne notons pas d’inconvénient majeur. Pour le maxillaire supérieur, le rapport bénéfice/risque doit être plus réfléchi et informé. En effet, nous notons que :

– le volume osseux obtenu au maxillaire supérieur est un tissu déformé par dilatation, il en résulte un tissu osseux receveur de consolidation. Cliniquement nous ne notons pas de différence avec l’implantologie sur crêtes naturelles ou greffées ;

– la chirurgie de dilatation crestale est délicate. Elle peut conduire à un échec peropératoire par fracture de la corticale osseuse et, ainsi, compromettre sa faisabilité ;

– les clivages verticaux secondaires facilitent la malléabilité du volet osseux. Le recours à une ostéosynthèse transalvéolaire peut être judicieux en cas de fracture ou pour augmenter la stabilité primaire des implants posés. Néanmoins, l’élasticité des parois osseuses suffit souvent à assurer un blocage cervical en sus du blocage primaire apical de l’implant ;

– la dilatation crestale oblige à gérer les lambeaux de façon très soigneuse, à maîtriser les techniques d’incision du périoste et à assurer une fermeture parfaite du site opératoire ;

– le port de la prothèse transitoire, bien qu’ajustée soigneusement, n’a qu’une raison sociale et non fonctionnelle, ce qui demande une confiance totale entre le patient et le praticien.

CONCLUSION

Cet article illustre le compromis que nous pouvons offrir à certains de nos patients bien ciblés et bien informés. La possibilité nous est alors offerte d’alléger nos thérapeutiques initiales et d’éviter la phase de chirurgie pré-implantaire. Nous insistons sur notre démarche qui est un compromis informé et accepté entre le patient et le praticien. En résumé, cela nous permet de :

– simplifier l’engagement chirurgical du patient ;

– faciliter l’acceptation du plan de traitement ;

– réduire le temps de travail et le devis financier.

Ainsi, nous pouvons lever les freins qui interdisent à certains patients l’accès à des thérapeutiques dentaires actuelles et les obstacles au rétablissement de leur santé.

BIBLIOGRAPHIE

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  • 12. Bert M, Missika P. Implantologie chirurgicale et prothétique. Vélizy : CdP, 1995.

LIENS D’INTÉRÊT : l’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant cet article.

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