CHIRURGIE
Exercice exclusif en implantologie 126, boulevard de la République 92210 Saint-Cloud
La restauration prothétique fixe complète à l’aide d’implants dentaires chez le grand résorbé maxillaire est une des thérapeutiques les plus complexes à réaliser et à coordonner au niveau chirurgical et prothétique. L’utilisation des implants zygomatiques et ptérygoïdiens dans la zone postérieure du maxillaire offre l’avantage d’éviter les augmentations osseuses au niveau des sinus maxillaires. La mise en charge immédiate à l’aide d’une prothèse provisoire transvissée permet au patient de conserver une dentition fixe sans passer par une phase provisoire amovible durant la période d’ostéo-intégration des implants. L’utilisation de la chirurgie guidée permet d’optimiser le placement des implants et d’éviter certains obstacles anatomiques. Le cas présenté détaille toutes les étapes chirurgicales et prothétiques chez un patient denté atteint d’une maladie parodontale terminale généralisée au maxillaire traité pour une restauration complète implanto-portée immédiate provisoire dans un premier temps, puis permanente dans un second temps.
Implant supported fixed dental prosthesis rehabilitation in patients with severely resorbed maxilla is one of the most complex therapies to achieve and coordinate from a surgical and prosthetic point of view. The use of zygomatic and pterygoid implants in the posterior maxilla zone has the advantage of avoiding bone augmentation of the sinus maxilla. Immediate loading through a screw-retained prosthesis enables the patient to maintain fixed dentition without a temporary removable phase during the implant osseointegration period. Guided surgery allows optimization of implant placement and avoids certain anatomical obstacles. The case presented specifies all the surgical and prosthetic stages in a toothed patient with terminal generalized parodontal disease of the maxilla, treated for provisional complete immediate implant-supported rehabilitation to begin with then definitive at a later stage.
Les patients édentés présentant un maxillaire sévèrement résorbé représentent pour les praticiens un véritable défi dans l’optique d’une restauration prothétique fixe implanto-portée. La résorption osseuse s’opérant au niveau de la zone postérieure du maxillaire contre-indique souvent la possibilité de proposer aux patients un traitement fixe à l’aide d’implants dentaires. Cette résorption osseuse, souvent majeure ou même totale, résulte de l’extraction des dents sinusiennes, de la maladie parodontale [1] et de la pneumatisation du sinus [2]. Les techniques d’augmentation osseuse à la disposition des chirurgiens, en particulier les greffes sinusiennes, permettent actuellement de pallier ce problème de déficit osseux [3, 4]. Cependant, ces techniques demandent de nombreux mois de cicatrisation osseuse, retardant le traitement implantaire. De plus, dans certains cas, les patients sont souvent âgés avec de nombreuses pathologies associées rendant problématique la répétition de chirurgies longues et complexes.
L’utilisation d’implants longs et inclinés donne la possibilité de s’affranchir de ces greffes osseuses [5]. Deux types d’implants peuvent être utilisés en chirurgie implantaire : les implants zygomatiques et ptérygoïdiens. Les implants ptérygoïdiens permettent de donner un appui au niveau de la tubérosité du maxillaire pour la future prothèse alors que les implants zygomatiques permettent de donner un appui en zone sous-sinusienne. Une revue de la littérature médicale publiée par Candel et al. [6] en 2012 confirme la validité du traitement du maxillaire postérieur résorbé à l’aide d’implants ptérygoïdiens avec un taux de succès de 90,7 % pour 1 053 implants ptérygoïdiens posés. Une revue de la littérature scientifique publiée par Candel-Martí et al. [7] en 2012 confirme la validité du traitement du maxillaire postérieur résorbé à l’aide d’implants zygomatiques avec un taux de succès de 97,05 % pour 941 implants zygomatiques posés. Malevez et al. [8] présentaient en 2004 un taux de succès de 100 % pour 103 implants zygomatiques inclus dans des restaurations complètes pour une période d’observation de 48 mois.
Il est nécessaire de relier ces implants zygomatiques et ptérygoïdiens avec des implants antérieurs standards lorsque l’os du maxillaire antérieur est suffisant. D’après la littérature scientifique, la répartition harmonieuse des implants tout le long de la crête alvéolaire permet une répartition des forces de mastication de la prothèse fixe complète vers les implants d’une manière favorable [9].
L’utilisation de la mise en charge immédiate chez le grand résorbé maxillaire à l’aide d’une prothèse fixe provisoire est également validée et très documentée au niveau scientifique, notamment pour les implants zygomatiques [10-12]. Le protocole de mise en charge immédiate présente de nombreux avantages :
– une seule intervention ;
– la stabilisation de tous les implants reliés rigidement les uns aux autres ;
– l’application de forces masticatoires équilibrées grâce à une restauration vissée et fixée ;
– l’absence de port de prothèse amovible instable transitoire appliquant des forces intempestives sur la tête des implants ;
– une réinsertion sociale et professionnelle très rapide ;
– une amélioration de la qualité de vie et du confort de l’édenté total.
Le cas clinique présenté est celui d’un homme d’une cinquantaine d’années, en bonne santé générale et non fumeur, présentant une maladie parodontale terminale et généralisée au maxillaire (Fig. 1). Il désire une solution prothétique implantaire fixe et esthétique, mais ses attentes sont aussi d’éviter la prothèse amovible dans la phase provisoire du traitement implantaire et de limiter le nombre de séances chirurgicales en évitant les greffes osseuses afin de raccourcir au maximum l’interruption de son activité professionnelle.
Le scanner dentaire réalisé montre un état osseux suffisant au niveau antérieur pour la mise en place de quatre implants (Fig. 2). Par contre, la zone sous-sinusienne est extrêmement résorbée, compromettant la pose d’implants à cet endroit si une augmentation osseuse n’est pas réalisée. Pour éviter cette dernière, il est proposé la mise en place d’un implant zygomatique et d’un implant ptérygoïdien au niveau postérieur à gauche et à droite. Un protocole de mise en charge immédiate à l’aide d’une prothèse immédiate provisoire fixe sera réalisé dans la séance d’extraction de toutes les dents et de mise en place des huit implants.
Un guide chirurgical à appui osseux, conçu par une société spécialisée en conception de guide (SSCG), est réalisé en fonction de la planification implantaire déterminée en amont. Il sera utilisé pour la mise en place des quatre implants antérieurs et des deux implants ptérygoïdiens. Les implants zygomatiques seront placés sans guide. Cependant, deux petits canons de forage sont inclus dans le guide pour permettre d’amorcer le forage des implants zygomatiques au niveau crestal, pour situer le col de ces implants dans le couloir prothétique.
Une empreinte est réalisée dans le but de fabriquer une prothèse amovible complète immédiate (PACI). Un silicone light est injecté avant l’empreinte dans les nombreux espaces interdentaires et par-dessus les dents antérieures. En effet, la mobilité extrême des dents impose cette précaution pour éviter leur avulsion lors du retrait de l’empreinte.
L’empreinte est coulée par le prothésiste (Fig. 3), puis le modèle de laboratoire est envoyé à la SSCG pour son scannage (Fig. 4). Le modèle est renvoyé au prothésiste pour la réalisation de la PACI. Celui-ci modifie le modèle de laboratoire en rasant les dents en plâtre et réalise un montage des dents sur cire qui va servir dans un premier temps de montage prospectif pour la planification implantaire (Fig. 5). Le modèle de laboratoire et le montage prospectif sont renvoyés chez la SSCG pour le scannage (Fig. 6 et 7).
À partir du CD-ROM du scanner du patient, les fichiers DICOM sont extraits et analysés par le logiciel de la SSCG. Ce logiciel va permettre de réaliser toute une série de superpositions numériques afin de concevoir la planification implantaire directement sur le modèle en 3 dimensions (3D) du patient. Une représentation en 3D du patient (os et dents) est réalisée (Fig. 8). Grâce à la présence des dents sur le modèle en 3D, une superposition avec le modèle denté de la figure 4 est alors possible (Fig. 9). Le modèle denté de la figure 4 et le modèle édenté de la figure 6 sont superposables car ils ont le même socle. Par conséquent, ce dernier est aussi intégré au modèle en 3D (Fig. 10). Par soustraction, le modèle denté de la figure 4 est supprimé du modèle en 3D de la figure 10 (Fig. 11). L’élimination des dents sur la représentation en 3D de la figure 8 permet d’obtenir un modèle 3D édenté (Fig. 12). Le modèle en 3D denté de la figure 11 est ensuite supprimé et remplacé par celui, édenté, de la figure 12 (Fig. 13). Puis le montage prospectif de la figure 7 est ajouté (Fig. 14).
La planification implantaire peut alors être réalisée. Il est très facile de planifier au cabinet, grâce au logiciel de la SSCG installé sur un ordinateur, les implants en fonction du projet prothétique élaboré. Le résultat est immédiatement visible sur le modèle en 3D et sur les différentes coupes scanner (Fig. 15 à 18). La SSCG peut alors réaliser par stéréolithographie (technique dite de prototypage rapide, qui permet de fabriquer des objets solides à partir d’un modèle numérique) un guide chirurgical à appui osseux en conformité avec le projet prothétique (Fig. 19) et un modèle en résine avec une fausse gencive intégrant le positionnement d’analogues d’implants simulant la future position des implants en bouche (Fig. 20). Le montage prospectif est converti en PACI par le prothésiste (Fig. 21). Celle-ci peut être dégagée au niveau des implants en vue de la future mise en charge immédiate.
L’intervention est réalisée sous anesthésie générale. Les dents sont facilement extraites et les alvéoles minutieusement débridées. Un lambeau vestibulaire d’épaisseur totale est soulevé jusqu’aux fosses nasales, au rebord orbitaire et à la tubérosité du maxillaire. Le palais est également décollé pour permettre de stabiliser dans sa bonne position le guide chirurgical à appui osseux (Fig. 22). Trois vis Deltex de 14 mm de longueur et de 2 mm de diamètre sont vissées à travers le guide pour le fixer fermement à l’os. Les quatre implants antérieurs et les deux implants ptérygoïdiens (Full OSSEOTITE(r) Tapered Certain(r) Implant, Biomet-3I) sont mis en place en chirurgie guidée. Puis les deux implants zygomatiques sont insérés sans guide selon la technique décrite par Aparicio [13, 14]. La longueur de ces implants (entre 30 et 52,5 mm) rendrait approximative et surtout dangereuse, en raison de la proximité de la cavité orbitaire, l’utilisation d’un guide. Cependant, un foret initial court est utilisé à travers un canon de guidage intégré au guide pour situer l’emplacement du col de l’implant dans le couloir prothétique conformément à la planification.
Des piliers coniques sont placés sur les implants, puis des piliers de cicatrisation sont installés sur les piliers coniques (Fig. 23). La gencive est suturée autour des piliers de cicatrisation. Ces derniers sont ensuite retirés puis des tubes en titane sont placés sur les piliers coniques en vue de réaliser la mise en charge immédiate. La PACI est positionnée correctement en bouche après avoir vérifié l’absence d’interférences avec les tubes en titane. Une résine est injectée pour solidariser les tubes avec la PACI. Une fois la prise de la résine terminée, la PACI est retirée de la bouche (Fig. 24 et 25) puis envoyée au prothésiste pour la suppression du faux palais et les retouches habituelles pour une mise en charge immédiate. Le lendemain, la prothèse est vissée sur les implants, hormis sur les implants ptérygoïdiens. Le patient peut reprendre rapidement une activité professionnelle avec une esthétique très satisfaisante (Fig. 26 à 29).
Six mois après la pose des implants, la phase prothétique peut débuter. Les transferts d’empreinte pour piliers coniques sont connectés aux huit implants (Fig. 30). L’empreinte est réalisée avec un porte-empreinte individuel selon une technique mixte : des polyéthers sont utilisés pour l’enregistrement des tissus mous et la stabilisation du porte-empreinte et du plâtre pour l’enregistrement des implants. Dans un premier temps, les bords sont réglés à l’aide de Permadyne™ orange (3M ESPE) et le faux palais est stabilisé avec de la Permadyne™ bleue (3M ESPE) (Fig. 31). Dans un second temps, le porte-empreinte est fermement maintenu en bouche et l’empreinte est prise au plâtre (Fig. 32 et 33). Une clé de validation de l’empreinte en plâtre est confectionnée sur le modèle de laboratoire pour être essayée en bouche (Fig. 34 et 35).
L’élaboration de la prothèse permanente peut alors être réalisée. Le modèle de laboratoire est monté sur articulateur en repositionnant dessus la prothèse provisoire du patient qui a pu être validée au niveau du rapport intermaxillaire et de l’esthétique durant les 6 mois précédents. Dans un premier temps, le prothésiste réalise un montage esthétique sur une base vissée (Fig. 36). Le projet esthétique est vissé en bouche puis validé avec le patient. Une maquette de la future barre peut alors être réalisée par le prothésiste. La maquette est ensuite scannée par Biomet-3I dans le but d’utiliser les dernières techniques d’usinage numérique. Une barre usinée en titane est alors réalisée par CFAO (Fig. 37) sur laquelle une gencive artificielle et des dents sont montées (Fig. 38 et 39). La prothèse est vissée directement sur les piliers coniques. L’objectif final en matière d’esthétique et de fonction est atteint (Fig. 40 à 43).
L’utilisation des implants zygomatiques et ptérygoïdiens a permis de transformer un cas complexe en termes de reconstruction osseuse en un cas plus simple sans greffes osseuses. Le service rendu au patient est énorme car cela va lui permettre d’être appareillé immédiatement après une séance chirurgicale unique. Toutes les séances pénibles de greffe osseuse sont de la sorte éliminées, ainsi que la morbidité associée. Cependant, les compétences chirurgicales requises pour ce type d’intervention sont très élevées.
L’importance du guide chirurgical pour la mise en place des implants ptérygoïdiens est visualisable sur les coupes coronales de la planification (Fig. 44 et 45). Ces implants pénètrent l’os basal de la région ptérygo-maxillaire (au niveau de l’intrication du processus pyramidal de l’os palatin avec l’aile médiale et latérale du processus ptérygoïde du sphénoïde) afin d’augmenter la stabilité primaire [15]. Ils passent en dehors de l’artère palatine descendante. On observe sur les coupes scanner le respect d’une marge de sécurité entre l’implant et l’artère palatine descendante. En effet, la lésion de cette artère lors du forage peut entraîner une hémorragie importante avec un risque vital. Une étude portant sur 1 608 implants ptérygoïdiens inclus dans des restaurations complètes maxillaires conclut que l’utilisation de la chirurgie guidée pour le placement de ces implants est une option recommandée [16]. Les implants ptérygoïdiens présentent l’intérêt d’augmenter le support postérieur et de permettre la restauration complète de l’arcade maxillaire (jusqu’aux deuxièmes molaires) sans l’utilisation de cantilevers distaux.
L’utilisation de l’os zygomatique pour fixer de longs implants intra-osseux a été en premier mise au point par le Pr Brånemark à partir des années 1980. En 1989, Aparicio et al. [17] ont traité avec succès un jeune patient de 17 ans présentant une atrophie osseuse du prémaxillaire. Ils ont utilisé deux concepts tout à fait novateurs à l’époque : l’utilisation de longs implants fixés à l’os zygomatique ainsi que l’inclinaison de ces implants par rapport au plan occlusal. De nombreuses études confirment la validité des traitements prothétiques implanto-portés à l’aide d’implants zygomatiques chez le grand résorbé maxillaire [18, 19]. Avec la technique originale élaborée par le Pr Brånemark, un volet osseux était découpé au niveau de la face antérieure du sinus dans sa portion zygomatique pour visualiser l’insertion de l’implant à travers le sinus et sa pénétration dans l’arcade zygomatique. L’implant était donc systématiquement intra-sinusien. Or, dans les cas où la paroi latérale du sinus était concave, le col de l’implant se retrouvait décalé dans le palais. Il en résultait une prothèse avec des extensions dans le palais pouvant être très gênante pour le patient. Selon la technique d’Aparicio, le col de l’implant est systématiquement situé dans le couloir prothétique.
Au niveau de la prothèse permanente, le procédé par CFAO a été utilisé pour la conception de la barre, permettant d’obtenir sa passivité lors de sa connexion aux huit implants.
Le travail préparatoire qui peut paraître fastidieux au premier abord est pourtant la garantie pour obtenir un résultat satisfaisant et reproductible dans ces cas complexes. Une coopération avec le patient est bien sûr la pierre angulaire de la réussite du traitement, ainsi que la communication avec le laboratoire de prothèse qui doit être rompu à ce type de réalisation.
La gestion chirurgicale et prothétique chez le patient résorbé maxillaire fait partie des traitements les plus délicats à coordonner. De nombreux aléas pouvant intervenir à tous moments des étapes du traitement, peuvent compromettre le résultat final. Cependant, avec une planification chirurgicale rigoureuse, un système implantaire optimum, un chirurgien compétent et un laboratoire de prothèse spécialisé, ce type de restauration devient une option de traitement fiable et reproductible.
LIENS D’INTERET : l’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant cet article.