Implant n° 1 du 01/02/2014

 

ÉDITORIAL

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

L’exercice libéral de notre profession vient de subir de nouveaux coups de butoir, à l’image de cet hiver où les dépressions atlantiques hivernales successives finissent par faire reculer définitivement le littoral en de très nombreux endroits. Un certain nombre de propriétaires, ayant investi dans des habitations avec vue sur mer imprenable, quittent leurs logements désormais les pieds dans l’eau en raison du déchaînement des éléments océaniques.

Notre profession...


L’exercice libéral de notre profession vient de subir de nouveaux coups de butoir, à l’image de cet hiver où les dépressions atlantiques hivernales successives finissent par faire reculer définitivement le littoral en de très nombreux endroits. Un certain nombre de propriétaires, ayant investi dans des habitations avec vue sur mer imprenable, quittent leurs logements désormais les pieds dans l’eau en raison du déchaînement des éléments océaniques.

Notre profession subit la concurrence de centres low cost, réduisant leur activité à la pratique de l’implantologie et de la prothèse, en évitant soigneusement la réalisation de soins chronophages et mal rémunérés. Ces centres proposent des traitements avec du matériel et des matériaux exotiques et peu documentés, garantissant, en raison de leur faible coût, des marges importantes. Leur soi-disant optimisation de gestion cache en réalité une totale indifférence aux résultats à moyen et long termes du traitement prodigué, dans l’ignorance des règles issues des travaux scientifiques. Le pouvoir de séduction de ces centres sur les patients, charmés par des tarifs attractifs et une publicité ciblée, aura du mal à résister au temps qui passe mais, en attendant, un certain nombre de praticiens subissent une concurrence déloyale en raison de la proximité géographique de tels centres avec leur cabinet. À la suite de cette première alerte, un événement encore plus préoccupant vient de se mettre en place, comme une tempête est suivie par un raz de marée.

La loi Le Roux sur les réseaux des complémentaires de santé, votée par le Sénat et l’Assemblée, et jugée conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel, est la première étape de la mainmise du secteur privé sur le domaine de la santé. Malheureusement pour nous, notre profession est en première ligne dans cette évolution et elle a été choisie pour subir l’érosion inéluctable de ses libertés de choix du praticien et de traitement par le patient. La recherche systématique du moindre coût entraîne les complémentaires à rediriger les patients vers les praticiens de leur réseau. Les signataires de ces conventions acceptent des tarifs réglementés, qui connaîtront une baisse progressive et régulière, coupée des réalités de rentabilité d’un cabinet libéral. Les clients des complémentaires ne seront jamais les patients des praticiens de ces cabinets signataires des conventions.

Rappelons-nous qu’il y a 50 ans, pour convaincre les chirurgiens-dentistes de se conventionner, la Sécurité sociale proposait des tarifs supérieurs à ceux pratiqués par plus de la moitié de la profession. En convertissant les tarifs de l’époque et en tenant compte de l’inflation sur la durée depuis un demi-siècle, on s’aperçoit que la lettre clé est au quart de sa valeur des années 1960, entraînant les praticiens conventionnés à délaisser les extractions et les soins de dentisterie conservatrice pour privilégier les actes prothétiques. Il est certain qu’un organisme privé dont le seul but est de tirer des bénéfices de son activité n’attendra pas un demi-siècle pour réduire les tarifs, comme vient de le faire l’assurance maladie qui s’acharne à gérer son déficit. Plus fort que la tempête des centres low cost qui a investi dans la construction et l’équipement de ses centres, le tsunami des réseaux de soins gérés par le secteur privé des assurances s’offre gratuitement les cabinets libéraux des adhérents signataires – sans aucun investissement. Les tempêtes hivernales s’acharnent sur notre profession, avec l’accord des pouvoirs publics. Nous pouvons être sûrs que la déclaration de profession sinistrée n’est pas près d’être déclarée et que les indemnisations n’arriveront jamais.

Et si l’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers, nos patients s’apercevront trop tard que la recherche idéologique de la réduction du coût de la santé a entraîné l’effondrement de son efficacité thérapeutique et la perte de la liberté du choix de traitement. La paupérisation des professionnels de santé ne s’accompagnera pas de l’excellence du système de soins.