CHIRURGIE-PROTHÈSE
Bernard Cannas* Mai Lan Tran** Nicolas Boutin***
*Cofondateur Sapo Implant Attaché, université Paris Descartes Exercice en implantologie exclusif
**Exercice en implantologie exclusif Attachée à la consultation biomimétique Hôpital Charles-Foix
***Sapo Implant Exercice en implantologie exclusif
Les implants constituent une solution thérapeutique au remplacement d’une dent. Leur positionnement doit suivre un protocole strict afin d’obtenir une prothèse d’usage remplissant les critères de succès. Afin de poser les implants dans le projet prothétique, reflet de la prothèse d’usage, il est important de fusionner les données de la situation initiale du patient avec l’imagerie sectionnelle.
Cet article propose d’exposer les différentes façons de transposer le projet prothétique vers l’imagerie, notamment à l’aide des nouveaux outils technologiques à la disposition du praticien.
Implant dentistry is now an accepted treatment option with high success rates to replace missing teeth. In order to optimize this type of treatment, number of visits and therefore, time of treatment have been reduced. To achieve success in implant dentistry, one has to consider the final prosthetic result in addition to the peri-implant soft tissues. It is critical to plan the surgery based on the future implant supported crown.
The implant placement has to be precise and prosthetically driven in order to achieve optimal esthetics and function with the final prosthesis. Diagnostic casts and wax-up based on the intra-oral initial situation of the patient are critical to treatment planning. It allows the visualization of the final result and guide the surgical procedure.
Imaging is a decisive tool for implant planning. It includes radiographic x rays used to evaluate bone dimensions and to review anatomic structures. It also includes imaging planning softwares that can be used to virtually place an implant on ct images.
An accurate matching of the diagnostic casts with the ct images will provide the needed information to fabricate a surgical guide.
The aim of this article is to review different ways to transfer the diagnostic casts to the CT images.
Le remplacement d’une dent absente ou non conservable par un implant est aujourd’hui reconnu comme une solution thérapeutique fiable. Les nouveaux objectifs en implantologie sont de réduire le nombre de séances cliniques et, ainsi, le temps de traitement, tout en maintenant un taux de succès implantaire élevé [1-5]. Le succès du traitement implantaire passe par des tissus péri-implantaires stables mais aussi par le succès de la prothèse d’usage, il est essentiel de planifier au préalable le geste chirurgical en fonction du résultat prothétique désiré [6].
L’élaboration d’un projet prothétique à partir de la situation clinique initiale du patient est indispensable car il constitue le gage d’une cohérence entre le placement des implants et la prothèse, et fait donc partie des principes fondamentaux en implantologie. Il permet de visualiser l’issue prothétique du traitement et dicte la chirurgie implantaire.
L’imagerie est un outil déterminant dans la planification implantaire. Il comprend à la fois les images radiographiques, permettant l’évaluation des volumes osseux et la visualisation des obstacles anatomiques, et les logiciels de simulation et d’aide au diagnostic et à la chirurgie [7, 8].
Le projet prothétique, construit soit à partir d’un logiciel informatique soit à partir d’un guide d’imagerie issu d’un montage directeur, est numérisé puis transposé sur l’imagerie.
De nouvelles techniques mises à notre disposition, telle que l’empreinte optique et des logiciels de planification, respectent les principes fondamentaux en implantologie [7-10]. Elles permettent de numériser directement la situation initiale du patient, sur laquelle une simulation du projet prothétique pourra être réalisée, et de superposer l’empreinte optique sur les images radiographiques. On évite ainsi de scanner un modèle en plâtre issu d’une empreinte conventionnelle.
Le but de cet article est de montrer les différentes possibilités de transfert du projet prothétique vers l’imagerie grâce à l’évolution de ces nouveaux outils numériques.
le plan de traitement est conçu à partir d’un examen clinique. Il s’accompagne d’examens complémentaires : photos et empreintes.
À partir de cette situation initiale, en contact étroit avec le laboratoire de prothèses, un montage directeur respectant les critères esthétiques et fonctionnels est validé.
La méthode classique consiste à transposer ce montage sur l’imagerie grâce à un guide radiologique. Puis un guide chirurgical, fabriqué en fonction du projet prothétique, permet de réaliser l’intervention en accord avec la planification des implants et le projet prothétique.
Quels que soient les outils à la disposition du praticien, le protocole (planification des implants en accord avec le projet prothétique transposé sur l’imagerie) reste le même. Ainsi, la cohérence entre la chirurgie et le plan de traitement initial est respectée. C’est le projet prothétique qui guide le placement des implants et non l’inverse (fig. 1).
L’imagerie englobe les images radiographiques issues du scanner ou du cone beam ainsi que les logiciels de planification et d’aide à la chirurgie.
Ce format a été mis au point et déposé par la société 3d systems. Il décrit la géométrie de surface d’un objet en 3 dimensions : il correspond à un maillage des enveloppes de la pièce à partir de triangles orientés vers l’extérieur de la matière et jointifs bord à bord.
Les fichiers dicom (digital imaging and communication in medicine) contiennent, entre autres, les caractéristiques numériques des images d’acquisition. Ces fichiers spécifiques sont convertis à l’aide de logiciels d’imagerie permettant de les rendre interprétables afin de réaliser un diagnostic, soit par impression papier ou support films soit par lecture à l’écran à l’aide d’un logiciel de lecture (viewer).
Il s’agit d’une empreinte digitale de la situation intra-orale du patient obtenue à l’aide d’une caméra optique. Cela permet d’obtenir directement un modèle numérique et non physique du patient au format stl.
Le modèle numérique du patient peut également être obtenu à partir d’un modèle en plâtre et d’un scanner de laboratoire.
Le matching, ou recalage DICOM-STL, consiste à superposer les informations DICOM (NobelProcera, Implant studio, Exocad, etc.) Des images sectionnelles avec les informations STL du modèle en plâtre ou de la situation intra-orale issue de l’empreinte optique. L’outil de recalage DICOM-STL a une précision inférieure à 10 µm.
Une fois la situation initiale du patient enregistrée, le projet prothétique est élaboré puis transposé sur l’imagerie (fig. 2).
L’enregistrement de l’état initial se fait soit par :
– la réalisation d’une empreinte à l’alginate qui sera coulée en plâtre. Le modèle obtenu est alors numérisé au laboratoire à l’aide d’un scanner de laboratoire (fig. 3). Actuellement, il existe de nombreux scanners optiques sur le marché. La résolution ne varie pas de façon significative d’un scanner à l’autre ;
– la numérisation directe d’une empreinte non coulée, convertie en fichiers STL positif (fig. 4), carestream (CBCT impression scanning) ;
– la réalisation d’une empreinte optique permettant le transfert des fichiers sous format STL. Le fichier STL est le format universel et tout format propriétaire limite les échanges entre laboratoire, cabinet et l’imagerie. La précision des fichiers STL est importante afin d’obtenir un modèle d’étude numérique exploitable et peut varier d’un système à l’autre (fig. 5).
Le projet prothétique se fait soit :
– à partir de modèles issus de l’empreinte à l’alginate, montés en articulateur et sur lesquels des cires de diagnostic, ou montages directeurs, sont réalisées par le prothésiste. Une validation par le patient peut être nécessaire. Le scannage du montage au laboratoire permet ensuite de numériser le projet prothétique en fichier STL. Il sera alors superposé à l’empreinte initiale (fig. 6). Avec certains logiciels, le projet prothétique n’est pas réalisé au laboratoire mais est élaboré numériquement sur la modélisation de la situation initiale, grâce aux outils informatiques Procera (Implant studio, Exocad, etc.) (fig. 7) ;
– à partir de l’empreinte optique. La modélisation directement numérique du projet prothétique est réalisée. Cela n’est possible que dans les cas où l’essayage en bouche n’est pas nécessaire ou en cas d’extraction-implantation immédiate (EII) (fig. 8).
Il existe plusieurs façons de superposer, ou de faire le matching, entre le projet prothétique, la situation initiale du patient (fichiers STL) et l’imagerie (fichiers DICOM).
Dans la plupart des cas, le matching des données STL sur les fichiers DICOM est facilement réalisable car il est possible de retrouver un grand nombre de points superposables et constants d’un type de fichier à l’autre (par exemple les surfaces dentaires). Il s’agit du même principe, que les fichiers STL soient issus du modèle en plâtre scanné ou de l’empreinte optique.
Le matching consiste à faire correspondre 3 paires de points anatomiques identiques à la pointe des dents DICOM et STL. Pour optimiser la précision, il vaut mieux choisir des points distants (par exemple maxillaire : point 1 sur la dent n° 11, point 2 sur la dent n° 16, point 3 sur la dent n° 26).
Le logiciel fait alors correspondre les points des deux types de fichiers, STL et DICOM, et le matching se fait automatiquement (Fig. 9).
Parfois, la présence d’artefacts est trop importante ou un nombre réduit de repères empêche la superposition automatique. Il faut alors marquer 3 points fixes en triangulation, choisis manuellement sur le fichier STL et le fichier DICOM, afin que le logiciel superpose ces repères et procède ainsi au matching (Fig. 10).
Dans les cas où moins de trois points sont superposables, le double scan est indispensable, surtout pour la chirurgie guidée Nobelbiocare (concept NobelGuide).
Le positionnement des implants en accord avec le projet prothétique est planifié avec un logiciel de planification. Afin de respecter cette planification, il est possible de réaliser un guide chirurgical qui facilitera le placement des implants et diminuera le temps de l’intervention. Ce guide chirurgical peut être un guide de forage ou de positionnement des implants. Dans les deux cas, il se doit d’avoir une très grande stabilité. Il est donc important que les données permettant son élaboration soient très précises.
Le transfert des données coronaires est donc nécessaire pour le bon placement du guide chirurgical (Fig. 12). Cela est nécessaire car, pour la plupart des patients, la présence d’éléments métalliques provoquant des artefacts empêche un enregistrement surfacique précis sur les DICOM.
La conception d’un guide chirurgical sur un support dématérialisé (Fig. 11) peut se faire soit :
– à partir du guide d’imagerie (dual ou double scanner, SimPlant® ou NobelClinician) ;
– sur l’empreinte en plâtre scannée (les guides proposés sont alors des guides à appuis dento-muqueux dont la stabilité et la précision de placement sont dépendantes de la précision de l’empreinte, le contrôle se faisant à l’aide de fenêtres d’appui dentaire) (Fig. 12) ;
– à partir de l’empreinte optique.
La planification implantaire sur logiciel est aujourd’hui parfaitement codifiée par de nombreuses sociétés : tous les types d’implants, de piliers et de conceptions prothétiques peuvent être transposés/modélisés.
Dans les cas extrêmes, notamment dans les traitements implantaires subtotaux, l’absence de repères empêche cette technique et seul le double scanner permet d’appliquer ces protocoles de traitement. L’intrados du guide chirurgical est alors la copie du guide d’imagerie.
L’application stricte des protocoles décrits est indispensable. Nous mesurons ici la grande rigueur nécessaire tant au niveau de l’empreinte initiale que de la qualité de l’imagerie sectionnelle.
L’évolution qui nous semble logique en 2014 est l’universalisation des fichiers afin d’ouvrir au maximum les différents outils à notre disposition afin de ne pas limiter le transfert des données vers le laboratoire ou du laboratoire vers le cabinet.
Nous pouvons nous dispenser de l’empreinte physique et de l’imprécision effective qui y est associée (précision de l’alginate par rapport à l’empreinte optique). Ces nouveaux protocoles réduisent les séances cliniques.
La construction du projet prothético-chirurgical via Internet limite les déplacements physiques et optimise la communication entre le laboratoire et la clinique. Cela permet à l’ensemble des acteurs de la chaîne de traitement (chirurgien, praticien prothésiste, laboratoire de prothèse, radiologue) de valider ce projet en temps réel.
Les fichiers STL bruts sont monochromes et peu réalistes. Il faudrait y associer la photographie et les empreintes optiques de nouvelle génération en couleur afin d’obtenir une situation clinique la plus réaliste possible. On pourra ainsi adapter le projet prothétique initial aux tissus durs, aux dents mais aussi à l’environnement muqueux.
Les paramètres esthétiques du Pink Esthetic Score (PES) peuvent alors être évalués. Tous ces paramètres, dont la qualité et l’épaisseur des tissus gingivaux et des muqueuses, permettent d’anticiper le profil d’émergence mais également le besoin éventuel d’un aménagement tissulaire (chirurgie sans lambeau a minima, lambeaux muco-périostés, greffes conjonctives, adaptation du tracé d’incision, lambeau pédiculé…).
Cependant, nous sommes aujourd’hui limités techniquement par l’absence de réalisme des fichiers STL. Au-delà de la situation dentaire, les outils numériques permettront de transposer, sur le visage du patient, ses lèvres et son sourire afin de valider en 3D et sans essai physique le projet prothétique. !
LIENS D’INTÉRÊT : les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant cet article.