Implant n° 4 du 01/11/2013

 

DOSSIER CLINIQUE

Ralph Loutfi  

Docteur en chirurgie dentaire
DU de réhabilitation des maxillaires, Toulouse
Master in oral implantolgy, université Goethe, Francfort
DU de réhabilitation chirurgicale maxillo-faciale, Paris 7
1 boulevard Lazare-Carnot
31000 Toulouse

Le but de cet article est de décrire une technique de restauration du maxillaire antérieur dans un cas clinique complexe de défauts osseux combinés et d’y associer un implant en tantale poreux ayant déjà fait ses preuves en chirurgie orthopédique. Cet implant, à la structure proche de celle de l’os spongieux et permettant une croissance osseuse interne, pourrait devenir une référence dans le traitement implantaire d’un os greffé.

De nombreuses situations cliniques imposent, pour des impératifs esthétiques, fonctionnels ou chirurgicaux, une restauration du volume osseux. Il existe trois types de défauts osseux : transversaux (en épaisseur), verticaux (en hauteur) et combinés (associant les deux précédents). Se pose alors la question du choix de la technique et des matériaux les plus adaptés à chaque cas clinique. Si aucun consensus n’existe sur la technique, chacune ayant ses partisans, tous les auteurs s’accordent pour dire que l’os autogène est le gold standard de la restauration des maxillaires [1, 2].

RÉGÉNÉRATION OSSEUSE GUIDÉE « BIOLOGIQUE »

Classiquement, deux techniques peuvent être envisagées : la régénération osseuse guidée (ROG) et la greffe d’apposition.

Le principe de la ROG repose sur le maintien, ou la restauration, d’un volume pendant le temps nécessaire à la cicatrisation osseuse, le but étant d’empêcher l’invagination des tissus mous dans cet espace.

La greffe d’apposition est la mise en place d’un bloc osseux prélevé le plus souvent à la mandibule et sculpté dans les mêmes proportions que le défaut osseux que l’on souhaite corriger.

Dans le cas clinique que nous présentons (Fig. 1 à 3), une reconstruction combinée (transversale et verticale) est nécessaire. Pour cela, nous avons décidé de réaliser une ROG biologique (technique qui regroupe à la fois les avantages de la ROG et ceux de la greffe d’apposition), méthode aussi connue sous le nom d’augmentation 3D [3]. La procédure consiste à utiliser une lame osseuse corticale comme un mur mainteneur d’espace, garant d’une cicatrisation osseuse et non fibreuse. La paroi vestibulaire et une partie de la crête sont ainsi reconstruites et l’espace est rempli par des particules d’os cortico-spongieux broyées et condensées.

TECHNIQUE CHIRURGICALE

L’incision et, par conséquent, la suture sont des éléments essentiels de la réussite de la greffe. Nous avons décidé de réaliser un tracé à distance du site à reconstruire, et ce dans le but de minimiser le risque d’infection et d’operculisation de la vis d’ostéosynthèse. Une incision palatine large est réalisée (Fig. 4). L’augmentation de volume provoquera un étirement des tissus. La muqueuse kératinisée est amenée sur le site contrairement à un tracé d’incision classique qui entraîne la muqueuse libre. Ce tracé permet d’avoir une large couverture périostée favorisant la revascularisation du greffon ainsi que, simultanément, un aménagement des tissus mous et des tissus durs (Fig. 11 et 12).

Le prélèvement est réalisé en zone rétromolaire (Fig. 5 et 6), il est sculpté et affiné au moyen d’un instrument appelé Safescraper ® (Stoma) (Fig. 8), la fine plaque d’os cortical est fixée au site receveur préalablement préparé (Fig. 7) et de l’os particulaire est condensé dans l’espace nouvellement créé (Fig. 9). Des particules d’os allogénique Biobank® avec des caractéristiques proches de celles de l’os autogène et ayant l’avantage d’être complètement résorbables sont utilisées pour améliorer l’architecture de la restauration (Fig. 10). Aucune membrane n’est utilisée et la suture est réalisée.

OSTÉO-INCORPORATION DE L’IMPLANT TRABECULAR METAL™ : INFLUENCE DE LA SURFACE IMPLANTAIRE SUR LA RÉUSSITE DU TRAITEMENT DANS UN OS GREFFÉ

Le scanner de contrôle est réalisé et examiné (Fig. 13). On procède à la réouverture du site à 5 mois postopératoires : on observe une très bonne vascularisation du volume osseux néoformé (Fig. 14). La densité osseuse au centre du greffon est de type 3.

La vis d’ostéosynthèse est retirée (Fig. 15). et un implant Zimmer Trabecular Metal™ de 4,1 mm de diamètre coronaire et de 10 mm de longueur est posé avec un couple d’insertion de 30 Ncm (Fig. 16 à 19). La trousse chirurgicale et le protocole de forage sont les mêmes que pour l’implant Tapered Screw-Vent ® (Zimmer). Une bonne stabilité primaire est obtenue grâce aux parties coronaire et apicale de l’implant. La dent provisoire est préparée (Fig. 20) et mise en place.

Le métabolisme osseux dans un os greffé est réduit (apport sanguin et nutrition) et la densité est souvent faible. L’ostéo-intégration d’un implant dans un os en cours de remaniement demande une surface implantaire améliorée [4].

Au bout de 4 mois (Fig. 21), la dent provisoire est retirée (Fig. 22 et 23) et on procède à la réalisation de la prothèse permanente (Fig. 24 à 27).

Cet implant est en tantale poreux. Il a été choisi pour ces caractéristiques structurelles similaires à celles de l’os spongieux [5]. Cette structure autorise une surface de contact supérieure à celle des implants classiques [4, 5] grâce à une croissance osseuse à l’intérieur de l’implant au cours d’un processus appelé ostéo-incorporation (terme reconnu par la Food and Drug Administration).

Rappelons que, déjà en 1982, Brånemark et Albrektsson avaient utilisé un implant creux pour étudier le remaniement osseux. La partie creuse, appelée « chambre de croissance osseuse », long macropore de 1 x 6 mm, a montré que des expansions d’os néoformé à chaque extrémité du canal peuvent atteindre la partie centrale et se joindre [6].

CONCLUSION

La réussite d’un traitement implantaire à long terme dépend du volume osseux et de la qualité du tissu mou qui l’entoure. La ROG biologique permet une stabilité tissulaire (plaque d’os cortical) et un apport vasculaire (condensation d’os particulaire) nécessaire à la restauration de défauts combinés transversaux et verticaux. L’implant Zimmer Trabecular Metal™, par sa structure et son processus d’ostéo-incorporation, permettrait d’augmenter le taux de succès implantaire dans un os greffé.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Simion M, Fontana F. Autogenous and xenogeneic bone grafts for the bone regeneration. A literature review. Minerva Stomatol 2004;53:191-206.
  • 2. Diez GF, Fontao FN, Bassi AP, Gama JC, Claudino M. Tomographic follow-up of bone regeneration after bone block harvesting from mandibular ramus. Int J Oral Maxillofac Surg 2013;23:PII:S0901-5027 (13) 01077-1.
  • 3. Khoury F. Greffe osseuse en implantologie. Paris : Quintessence International, 2010.
  • 4. Bobyn JD, Stackpool GJ, Hacking SA, Tanzer M, Krygier JJ. Characteristics of bone ingrowth and interface mechanics of a new porous tantalum biomaterial. J Bone Joint Surg Br 1999;81-B:907-914.
  • 5. Collins M, Bassett J, Bo Wen H, Gervais C, Lomicka M, Papanicolaou S. Implants dentaires Trabecular Metal™. Résumé du concept et de la recherche pour son développement. Implant 2012;18:S5-S16.
  • 6. Brånemark PI, Zarb GA, Albrektsson T. Prothèse ostéo-intégrées. L’ostéo-intégration en pratique clinique. Paris : CdP, 1987.