REVUE DE LITTÉRATURE
Christophe Rignon-Bret* Coraline Gérot** Boris Jakubowicz-Kohen***
*Docteur en chirurgie dentaire, maître de conférences des
Universités, praticien hospitalier
Université René-Descartes, groupe hospitalier Henri-Mondor
**Docteur en chirurgie dentaire
Groupe hospitalier Henri-Mondor
***Docteur en chirurgie dentaire
Le concept de platform switching est récent. Il se définit par l’utilisation d’un pilier de diamètre inférieur à celui de la plate-forme implantaire. Les intérêts de ce concept sont nombreux sur les plans biologique, biomécanique et esthétique. Cette revue de synthèse de la littérature médicale a pour objectif d’en analyser les différents bénéfices et de comparer la résorption osseuse péri-implantaire du concept conventionnel à celle du concept de platform switching.
Platform switching concept is recent. It can be define as the use of an abutment with a diameter smaller than the implant platform. The benefits of this concept are numerous in terms of biology, bio kinetic and esthetic. The goals of this systematic review of dental literature are to analyze the different benefits of this concept, and to compare the periimplant bone resorption with the conventional concept to the bone resorption with the platform switching concept.
Pour obtenir un résultat esthétique des restaurations implanto-portées dans le secteur antérieur, il est nécessaire de préserver le niveau osseux et les tissus mous péri-implantaires de façon pérenne. Le maintien du niveau osseux péri-implantaire est considéré comme un critère de succès des implants [1-4]. En effet, une perte osseuse marginale maximale, mesurée sur une radiographie, de 1,5 mm lors de la première année suivant la mise en fonction et inférieure à 0,2 mm les années suivantes est un critère de succès implantaire [1]. Cette perte osseuse marginale circonférentielle, avec une composante verticale et horizontale d’environ 1 à 1,5 mm, semble être inévitable pour les implants juxta-osseux lorsqu’ils sont exposés dans l’environnement buccal à la suite de la connexion d’un pilier implantaire [5, 6] (Fig. 1 et 2). Classiquement, il est admis qu’elle s’étend jusqu’à la première spire. Considérée comme physiologique, elle est susceptible d’entraîner une récession des tissus mous péri-implantaires qui rend délicate la gestion de l’esthétique [7, 8]. Les causes de ce remaniement osseux sont complexes et controversées. Différents facteurs interviennent [9-11] :
– liés au patient (génétique, maladies systémiques, tabac, médications, hygiène orale) ;
– locaux (volume osseux, biotype, antécédents de maladie parodontale) ;
– chirurgicaux (type de lambeau, technique sans lambeau, traumatisme chirurgical dans la préparation du site implantaire) ;
– liés au type d’implant (implant juxta-osseux ou transgingival, macrogéométrie, microgéométrie ou rugosité) ;
– biologiques (principe de reconstitution de l’espace biologique, infiltration bactérienne au niveau de la plate-forme implantaire entretenant une zone inflammatoire) ;
– prothétiques (micromouvements des composants prothétiques, type de connexion, nombre de vissages/dévissages des piliers, matériau du pilier) ;
– biomécaniques (parafonctions, surcharge occlusale).
Éviter la résorption osseuse faciliterait la gestion de l’esthétique. Historiquement, des composants prothétiques au diamètre équivalent à celui de la plateforme de l’implant sont utilisés pour les restaurations prothétiques sur des implants juxta-osseux. Dès 1985, le système Ankylos® a proposé un pilier conique dont le diamètre était plus étroit que celui de la plate-forme implantaire (Fig. 3). En 1991, la société Implant Innovations (3i) a introduit sur le marché des implants de large diamètre (5 et 6 mm). Cependant, les piliers correspondants n’étaient pas disponibles et des implants de large diamètre ont reçu des piliers de diamètre standard (4,1 mm). Ainsi, dans certaines restaurations du secteur postérieur, différents diamètres d’implants étaient connectés à des piliers aux diamètres identiques. Contrairement à ce qui était attendu, le suivi radiographique à long terme a permis d’observer une perte osseuse marginale plus faible autour des implants de large diamètre qu’autour des implants de diamètre « standard » [11, 12]. Le concept de platform switching a ainsi été introduit comme faisant référence à l’utilisation d’un pilier d’un diamètre plus réduit que celui de la plate-forme de l’implant, créant un décalage horizontal entre le pilier et le col implantaire [12] (Fig. 4). Divers rapports de cas cliniques ont alors démontré une meilleure réponse au niveau osseux et des tissus mous avec le système platform switching qu’avec le système conventionnel [13-16]. Ainsi, ce concept s’est répandu chez les fabricants d’implants qui lui ont attribué divers noms commerciaux (Fig. 5).
Différentes hypothèses sont avancées pour expliquer l’intérêt du concept de platform switching.
Sur le plan biologique, les arguments énoncés sont les suivants.
D’abord, déplacer la connexion pilier-implant vers le centre de l’implant permet d’éloigner le micro-hiatus et l’infiltrat inflammatoire associé à distance de l’os, ce qui réduit significativement la résorption osseuse [12, 16]. En effet, la percolation bactérienne à l’origine de l’inflammation chronique peut se produire depuis la cavité orale vers la partie interne de l’implant et inversement [17]. Cette infiltration bactérienne à la jonction pilier-implant progresserait le long du puits de vissage ou le long de la surface du pilier et diffuserait à l’interface pilier/implant non étanche [18-20]. Sous l’effet des contraintes occlusales et des micromouvements, ce micro-hiatus augmenterait [21]. De plus, la concentration en cellules inflammatoires augmente avec l’enfouissement sous-crestal de l’implant [22], ce qui est associé à une résorption osseuse plus importante.
Ensuite, le système platform switching permettrait de situer l’infiltrat inflammatoire dans une zone d’exposition limitée inférieure ou égale à 90° par rapport aux tissus durs et mous périphériques au lieu d’une surface d’exposition directe inférieure ou égale à 180° avec le système conventionnel [12]. La trajectoire de diffusion serait modifiée par le bord saillant de l’implant. Cette modification de la trajectoire de diffusion de l’inflammation se traduirait par la préservation de la crête osseuse et une faible lyse horizontale [12, 23]. De plus, avec le système conventionnel, l’espace biologique s’établit verticalement et horizontalement accompagné d’une résorption osseuse verticale et horizontale alors qu’avec le système platform switching, l’espace biologique s’établit principalement horizontalement et très peu verticalement, ce qui expliquerait la lyse osseuse limitée [23].
Enfin, le système platform switching autorise plus de volume pour le tissu conjonctif autour de la base du pilier implantaire (Fig. 6 et 7). Cela contribue à créer un épais joint torique muqueux qui constitue une barrière contre les agressions externes [24].
Sur le plan biomécanique, la répartition des contraintes à l’interface pilier/implant dans le système platform switching protégerait plus favorablement l’os péri-implantaire. En effet, plusieurs études fondées sur la méthode des éléments finis en 2D [25, 26] et en 3D [27-30] ont montré que connecter un pilier de diamètre plus réduit à un implant limite la résorption osseuse péri-implantaire par déplacement des contraintes occlusales à distance de l’interface os/implant, ce qui signifie que les zones de plus grandes contraintes, réparties à la périphérie du col et de la partie longitudinale de l’implant dans le système conventionnel, se déplacent vers le centre de l’implant dans le système platform switching. Cependant, certaines études suggèrent que la préservation osseuse péri-implantaire est uniquement liée à l’utilisation d’implants de large diamètre et non à la combinaison d’implants de large diamètre associés à des piliers plus étroits [31, 32]. L’utilisation d’implants de large diamètre augmente la surface de contact os-implant et influence la transmission des contraintes et les taux de survie implantaire [33, 34]. Par ailleurs, le système platform switching entraînerait une diminution mesurable des contraintes occlusales transmises au niveau de l’os cortical par rapport au système conventionnel quelle que soit la direction de la force [25, 28]. Diverses études convergent vers une diminution de l’intensité des contraintes de l’ordre de 2 à 7 % au bénéfice du système platform switching [25, 30] alors que d’autres évoquent des valeurs bien plus élevées, de l’ordre de 80 % [26] et d’autres encore ne montrent aucune différence [35]. La modification de la répartition des contraintes déplacées vers le centre de l’implant augmenterait par conséquent les contraintes au niveau du pilier et de la vis de pilier [26, 28, 30].
Sur le plan esthétique, le système platform switching introduit des perspectives intéressantes en relation avec la propriété de limiter la perte osseuse circonférentielle. Il permet de réduire la résorption de la table osseuse vestibulaire et de préserver ainsi les contours des tissus mous péri-implantaires (Fig. 8 et 9). Une diminution des distances classiquement évoquées de 3 mm entre 2 implants et de 1,5 mm entre dent et implant serait envisagée [8,36]. Cela permettrait de mieux gérer des zones esthétiques avec des espaces mésio-distaux limités comme les incisives latérales maxillaires ou les incisives mandibulaires où le maintien de la papille interdentaire est délicat. Cependant, la quantification précise de l’écart entre 2 implants avec platform switching reste à préciser.
Le choix d’utiliser le concept de platform switching lors de la pose d’implants est principalement influencé par les recommandations des fabricants d’implants. Il devrait plutôt être issu d’un processus décisionnel fondé sur les faits ou sur la preuve. L’objectif de cette revue de synthèse est d’évaluer s’il existe une différence significative dans la perte osseuse marginale péri-implantaire entre les restaurations prothétiques issues du concept de platform switching par rapport au concept « conventionnel » (platform matching).
La recherche de l’information s’est faite en trois temps : recherche de la documentation, sélection des documents et évaluation des documents sélectionnés selon les critères de l’ANAES. Une recherche bibliographique informatique a été réalisée avant le 30 mars 2012 par l’interrogation de la base de données PubMed/Medline pour se procurer les références des études cliniques, des revues de synthèse et des méta-analyses publiées en anglais et en français afin de répondre à la question suivante : le concept de platform switching diminue-t-il la perte osseuse péri-implantaire ? Les combinaisons des mots clés suivants ont été utilisées : platform switching, platform switch, platform switched, shifting platform, dental implants, bone loss, clinical trial, meta-analysis, review. Une recherche manuelle dans divers périodiques de langue française et anglaise a complété cette étape. De plus, une recherche ascendante a été conduite à partir des bibliographies des articles retenus.
Dans cette recherche documentaire, les publications retenues devaient répondre aux critères d’inclusion suivants :
– seules étaient retenues des études cliniques à visée pronostique (prospective human clinical trials) ou thérapeutiques (randomized clinical trials, controlled clinical trials), les revues de synthèse (systematic review) et les méta-analyses (meta-analysis) ;
– les études cliniques devaient comporter une cohorte de plus de 10 patients ;
– la période minimale de suivi devait être de 12 mois ;
– les publications devaient être issues d’une revue avec comité de lecture et ne devaient pas dater de plus de 10 ans.
Seuls les articles en langue française ou anglaise ont été sélectionnés. À partir de la lecture du titre et du résumé, les publications qui n’étaient pas en rapport avec le sujet étaient écartées. Après ces phases d’identification et de sélection des articles, les publications restantes ont été analysées indépendamment par deux examinateurs selon la méthodologie proposée par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) [37] et par une grille de lecture simplifiée avec échelle de notation [38]. Chaque article a été évalué sur sa qualité méthodologique et sur la pertinence des informations apportées, afin de lui affecter un niveau de preuve scientifique (faible, intermédiaire, fort). Une fois les analyses terminées par chaque examinateur, les évaluations des articles ont été comparées et discutées pour prendre la décision finale d’inclusion de l’article. Les articles dont les niveaux de preuve étaient faibles ont été exclus de la revue de synthèse.
Après interrogation des bases de données informatiques et sélection initiale des articles en fonction du titre et du résumé, 59 articles ont été sélectionnés pour évaluation. La recherche manuelle dans les revues françaises et la recherche manuelle ascendante ont fourni respectivement 13 et 25 articles supplémentaires. Sur ces 97 articles, 21 ont été sélectionnés pour cette revue de synthèse. Il s’agit d’une méta-analyse [39], de deux revues de synthèse [40, 41] et de 18 publications sur des essais cliniques [42-59].
Les motifs d’exclusion des publications analysées sur les essais cliniques concernant la perte osseuse marginale péri-implantaire avec le système platform switching sont fournis dans le Tableau I. Les publications des cas cliniques ont également été exclues.
Le type d’étude, le nombre de sujets, le nombre et le type d’implants ainsi que la durée de suivi de l’étude sont résumés dans le Tableau II. Il s’agit de 15 essais cliniques contrôlés (avec un groupe test et un groupe contrôle) et de 3 essais cliniques de suivi de cohorte. Ces études excluent les patients avec des pathologies contre-indiquant la chirurgie implantaire, la présence de maladie parodontale non traitée, un bruxisme ou les gros fumeurs (> 10 cigarettes par jour). La période de suivi des études sélectionnées était comprise entre 24 et 60 mois.
Le site maxillaire ou mandibulaire de l’étude, la technique chirurgicale, le diamètre du col de l’implant, le diamètre du pilier, l’étendue du platform switching (PS), le type de connexion des études sélectionnées sont fournis dans le Tableau III. Dans les interventions en deux temps chirurgicaux, les implants étaient enfouis pour la durée de l’ostéo-intégration alors que dans les interventions en un temps chirurgical, ils ne l’étaient pas. Des protocoles différents entre les études ont été utilisés. Deux études concernent des protocoles d’extraction-implantation immédiate [45,49] alors que les autres études ont suivi un protocole chirurgical classique. Différents systèmes de connexion implantaire ont été utilisés.
La comparaison des pertes osseuses péri-implantaires entre le système « conventionnel » (platform matching) et le système platform switching est rapportée dans le Tableau IV. L’évaluation de la perte osseuse s’est faite sur des radiographies rétroalvéolaires pour toutes les études sauf celle d’Enkling et al. [57] pour laquelle elle a été faite sur des orthopantomogrammes. Les mesures concernaient la perte osseuse péri-implantaire verticale, mais une étude a également mesuré la perte osseuse horizontale [48].
La perte osseuse péri-implantaire moyenne des 18 études sélectionnées avec système platform switching est comprise entre 0 [44] et 1,13 mm [56]. Dans les limites d’interprétation d’une revue de synthèse de la littérature scientifique, le taux moyen de résorption est de 0,6 mm pour les implants restaurés par platform switching.
Si l’on considère uniquement les 15 études comparatives avec un groupe test (platform switching) et un groupe contrôle (platform matching), les mesures de la résorption osseuse péri-implantaire indiquent respectivement une différence significative en faveur du groupe platform switching pour 10 études [42, 43, 4-47, 52-55, 59] et une différence non significative pour 4 études [49, 51, 57, 58]. Il convient de noter que dans l’étude de Prosper et al. [44], il n’existe pas de différence significative pour les implants larges entre les deux groupes alors qu’il y a une différence significative pour les implants standard en faveur du groupe platform switching (Fig. 10).
Pour les 15 études comparatives, le taux moyen de résorption osseuse est, pour le groupe platform switching, de 0,615 mm (n = 781 implants) et pour le groupe « conventionnel » de 0,886 mm (n = 636 implants). Ainsi, d’après l’ensemble de ces études comparatives, le système platform switching permet de diminuer en moyenne la résorption osseuse de 0,27 mm, soit 30 %.
À l’exception de l’étude de Kielbassa et al. [51], toutes les études montrent que dans le groupe platform switching, la résorption osseuse est plus limitée que dans le groupe « conventionnel », même si cette différence n’est pas statistiquement significative.
Enfin, toutes les études ne montrent aucune différence dans le taux d’échecs implantaires entre les deux systèmes.
Le classement des études comparatives en fonction de l’étendue du méplat ne met pas en évidence de corrélation entre la différence de diamètre implant-pilier du système platform switching et la limitation de la résorption osseuse (Fig. 11).
Néanmoins, à l’exception de celle de Veis et al. [56], toutes les études montrent une tendance à une diminution de la résorption osseuse en fonction de l’importance du méplat.
Les études cliniques sur le concept de platform switching sont difficilement comparables car les systèmes implantaires utilisés, les protocoles chirurgicaux, l’étendue du platform switching et le niveau d’enfouissement des implants sont différents. Il faut préciser que, dans notre étude, nous avons exclu les données fournies pour une situation supra-crestale de la plate-forme implantaire qui ne permettent pas de juger de l’avantage d’un concept par rapport à un autre pour limiter la perte osseuse péri-implantaire. En effet, dans ce cas, la jonction pilier-implant est supra-crestale et n’a pas d’influence sur l’os péri-implantaire [41].
L’apport du concept de platform switching pour limiter la résorption osseuse péri-implantaire peut sembler faible. Dans notre étude de synthèse de la littérature scientifique, ce système permet de diminuer en moyenne la résorption osseuse de 0,27 mm, soit 30 %. Ces chiffres de perte osseuse moyenne sont à comparer avec ceux obtenus dans la méta-analyse d’Atieh et al. [39] et la revue de synthèse de Siffert et Etienne [41] qui sont respectivement de 0,18 et 0,6 mm (Tabl. V). Ces valeurs sont à mettre en parallèle avec la précision des radiographies péri-apicales qui est 0,2 à 0,4 mm. Les moyennes obtenues sont donc dans le domaine d’incertitude de mesure. Cependant, la différence de résorption osseuse péri-implantaire entre le concept de platform switching et le concept « conventionnel » est statistiquement significative pour la majorité des études cliniques. De plus, toutes les études, à l’exception de celle de Kielbassa et al. [51], indiquent que dans le groupe platform switching, la résorption osseuse est plus limitée que dans le groupe « conventionnel ». Ce faible bénéfice a donc un intérêt clinique pour des implants placés dans la zone esthétique antérieure.
Atieh et al. [39] dans leur méta-analyse montrent une différence significative pour la résorption osseuse entre les groupes « conventionnel » et platform switching lorsque la différence des diamètres entre pilier et implant est supérieure ou égale à 0,4 mm. En revanche, la présente étude ne met pas en évidence de corrélation entre la différence de diamètre implant-pilier du système platform switching et la limitation de la résorption osseuse, même si cette tendance apparaît clairement. Atieh et al. [39] n’avaient pas sélectionné certaines études cliniques comparatives [44, 58 59] pour leur méta-analyse, ce qui explique cette différence.
Une critique récurrente à l’encontre du concept de platform switching concerne la susceptibilité de créer des conditions bactériennes favorables au développement d’une péri-implantite en relation avec l’écart existant entre le pilier et la périphérie de l’implant. Les études montrent que les implants avec platform switching présentent des évaluations microbiologiques et des réponses inflammatoires similaires à celles des implants avec le système conventionnel [24].
Sur le plan biomécanique, le déplacement des contraintes vers le centre de l’implant augmenterait les contraintes au niveau du pilier et de la vis de pilier [26, 28, 30]. Cela pourrait engendrer plus de fractures implantaires en particulier pour les implants à connexion interne. Cependant, seule une légère augmentation des contraintes dans la vis de pilier a été constatée. D’un point de vue biomécanique, le système platform switching est considéré comme une option valable, équivalente au système conventionnel où implant et pilier sont du même diamètre [60]. De plus, l’analyse de la littérature médicale révèle qu’aucune complication mécanique n’est supérieure avec le concept de platform switching.
Enfin, la nécessité de placer des implants de diamètre suffisamment large pour visser des piliers de diamètre plus réduit dans des conditions biomécaniques favorables est l’une des limites de ce concept. Ainsi, le volume de la crête osseuse peut conduire à la pose d’un implant trop étroit pour autoriser le concept de platform switching.
Le concept de platform switching s’appuie sur le principe d’éloigner l’interface pilier/implant de la crête osseuse pour limiter la résorption osseuse péri-implantaire. Dans cette analyse de la littérature scientifique, les bénéfices controversés de l’apport du concept de platform switching ont été discutés. Du fait de l’hétérogénéité des 18 études cliniques sélectionnées pour analyser l’intérêt de ce concept, une méta-analyse n’a pas pu être envisagée. Les résultats de cette étude de synthèse montrent le bénéfice du système de platform switching pour limiter la résorption osseuse péri-implantaire verticale et horizontale. Il n’a pas été possible d’établir de corrélation entre le degré de différence entre les diamètres du pilier et de l’implant et la limitation de la résorption osseuse, même si une tendance émerge dans ce sens. Le concept de platform switching semble constituer une avancée clinique parmi les différents facteurs qui interviennent dans le phénomène de remodelage osseux à la suite de la mise en charge des implants. Son intérêt clinique actuel semble surtout se limiter à la zone esthétique antérieure. Cependant, d’autres études cliniques avec un recul plus important sont nécessaires pour valider son intérêt.