22 ET 23 MARS 2012 / GÖTEBORG
IMPLANT A SUIVI
Le Nobel Biocare Nordic Symposium, qui s’est déroulé à Göteborg (Suède), a réuni 3 000 praticiens, venus de 25 pays célébrer avec les pionniers de la méthode les 60 ans de la découverte de l’ostéo-intégration et les 30 ans de la conférence décisive de Toronto. Selon Magnus Persson, directeur régional des pays nordiques et organisateur de la conférence, « pour être capable de construire le futur, vous devez connaître l’histoire ».
L’histoire de l’ostéo-intégration (suite)
La conférence de Toronto a été un tournant en dentisterie. Ragnar Adell et Georges Zarb, qui étaient présents, vont nous exposer leurs souvenirs de l’événement, l’importance des bridges ostéo-intégrés en dentisterie clinique et leur opinion sur les développements actuels des prothèses ostéo-intégrées.
Qu’avons-nous appris de cette période et qui reste toujours valable ?
Premièrement, que le taux de survie et le taux de succès des implants ne sont pas la même chose.
Deuxièmement, que l’ostéo-intégration demande du temps pour s’établir environ 1 an (Johansson et Albrektsson, 1987), car l’os fasciculé ne commence à remplir l’espace entre l’os et l’implant qu’à partir de 4 mois (Brunski et al., 2005). Les principes fondamentaux des conditions de cicatrisation doivent être respectés.
Troisièmement, qu’apporter la plus grande attention aux tissus mous et à l’os reste un prérequis pour permettre l’ostéo-intégration, aussi important que les qualités de la surface de l’implant. Selon P.I. Brånemark : « La précision apporte un pronostic prévisible. » Pour les tissus mous, il faut faire attention lors de la réalisation des lambeaux et des sutures ; pour l’os, il faut exercer une friction minimale sans échauffement, l’os ne devant pas subir une température de plus de 47°C pendant 1 minute. Il faut donc une pression faible, des forets tranchants, un forage intermittent, une irrigation abondante, un taraudage qui diminue les dégâts osseux et une mise en place à très faible vitesse.
Quatrièmement, que toutes les conditions pour permettre l’ostéo-intégration doivent être maîtrisées. Les exigences des années 1970 restent vraies en 2008 (Zarb et al., 2008) : un os vivant, un matériau biocompatible inerte (le titane), des caractéristiques biochimiques et biophysiques des surfaces adéquates, une mise en place avec un traumatisme a minima, des conditions de cicatrisation adéquates (le site implantaire protégé, sans charge et pendant un temps suffisant), une distribution des charges optimales et aucune inflammation des tissus péri-implantaires.
Parmi les évolutions qui ont suivi Toronto, de nouveaux résultats, de nouvelles indications et des modifications de la méthode originale ont été proposés, mais il faut distinguer ceux qui sont vérifiés et utiles, pour savoir ce que nous avons appris. Tout d’abord la crédibilité sur le long terme du traitement des maxillaires édentés, l’étude à 20 ans d’Åstrand et al., publiée en 2008 sur 21 patients, montre un taux de succès cumulatif de 99 %, et celle à 25-30 ans de Brånemark et al., publiée en 2005 sur le suivi du groupe de développement, un taux de succès cumulatif de 79 % sur 138 patients, il faut signaler que ce groupe a été traité autour de 1970 avec des implants courts (6 mm et surface usinée) et que l’on observe une densification osseuse autour de l’implant augmentant au cours du temps. Ensuite, les maladies péri-implantaires ne se produisent pas lorsque des contrôles sont fréquemment réalisés et des mesures d’hygiène adéquates sont respectées (Nieminen et al., 2010). La perte osseuse marginale avec des contrôles fréquents est de 0,9 mm la première année et de 0,05 à 0,07 mm les années suivantes (Adell et al., 1986 ; Lekholm et al., 1986 ; Åstrand et al., 2008), alors qu’avec des contrôles moins fréquents, en 5 ans et pour 3 462 implants, la perte osseuse moyenne observée par Sundén et al. en 2009 est de 0,16 mm par an. Le conférencier souligne que les modifications chirurgicales et prothétiques pour améliorer l’esthétique des restaurations diminuent l’accès aux mesures d’hygiène et que l’on ne connaît pas encore les conséquences positives ou négatives que cela va avoir.
La restauration des édentements partiels ou unitaires donne des résultats équivalents à ceux des traitements des édentements complets. Les études à 5 ans montrent un taux de succès cumulatif de 96 % (Jemt et Lekholm, 1993 ; Scheller et al., 1998 ; Jung et al., 2008 ; Koo et al., 2010) et l’étude à 15 ans de Jemt (2008) sur 47 implants donne un taux de succès cumulatif de 100 %. Une étude de Lekholm et al., publiée en 2006, avec un suivi de 20 ans sur 27 patients et 69 implants, montre un taux de succès de 91 % et une perte osseuse marginale de 0,7 mm sur les dents naturelles et de 1 mm au niveau des implants.
Sur le plan chirurgical, l’expérience du chirurgien est primordiale et les études de Lambert et al., (1997) et d’Esposito et al., (1998) montrent que les chirurgiens expérimentés ont 50 % d’échecs en moins que les novices. Les techniques chirurgicales permettent aujourd’hui de limiter le recours aux greffes osseuses par l’utilisation d’implants courts à la mandibule, 92 % de succès à 10 ans pour Friberg et al. (2000) et, pour les 2 maxillaires, des résultats positifs dans les méta-analyses d’études à long terme de Raghoebar et al. (2011) et de das Neves et al. (2006), par la latérisation ou le déplacement du nerf dentaire inférieur (cette technique entraîne parfois des hypoesthésies permanentes : à 3 ans, 3/24 côtés traités pour Hirsch et Brånemark, 1995), par la méthode des implants zygomatiques, bien codifiée, qui apporte une rétention solide (Brånemark et al., 1999, 2001, 2004), n’a pas d’effets défavorables sur la membrane sinusienne (Petrusson, 2004), et présente un risque mineur de problèmes sinusiens s’il n’y a pas d’ostéo-intégration au niveau de l’os palatin (Aparicio et al., 2000), avec, pour Landes et al., sur 36 implants, un taux de succès cumulatif de 89 % à 8 ans. Par ailleurs, les maxillaires des patients atteints d’ostéoporose peuvent être traités avec succès (Gotfredsen et Schiödt, 2010) : 97 % à 3 ans pour Friberg et al. (2001) en augmentant la période de cicatrisation et en diminuant le diamètre du puits implantaire. La mise en charge immédiate et précoce est possible et, si Esposito et al., en 1998, écrivaient : « Le taux d’échecs précoces est le double de celui des implants enfouis », Nkenke et Fenner (2006), dans une revue de littérature, trouvent des taux de succès et de survie des implants très élevés, modérant leurs résultats en raison du manque d’études fondées sur la preuve (evidence-based studies) nécessaires pour démontrer de façon formelle les mérites de la mise en charge immédiate sur la mise en charge conventionnelle. L’étude de Schnitman et al., en 1997, rapporte un taux de succès de 86 % à 8-10 ans pour des implants à la mandibule et, en 2009, Alfadda et al., dans une étude à 5 ans, donnent 98 % de taux de succès à la mandibule. Le protocole Novum de mise en charge immédiate a également montré des taux de succès importants (Brånemark et al., 1999, 2001 ; Engstrand et al., 2003 ; Gualini et al., 2009). La chirurgie guidée est une autre avancée dans le domaine chirurgical. La chirurgie sans lambeau est moins invasive et interfère vraisemblablement moins dans la vascularisation de l’os, elle montre des résultats positifs dans une revue de la littérature médicale de 34 études (de Almeida, 2010). Les guides chirurgicaux présentent une bonne précision latérale et en profondeur (van Assche et al., 2007), mais la question de l’efficacité de l’irrigation demeure avec le problème de l’usure des canons de forage qui entraîne une perte de précision au fur et à mesure du passage des forets (Dawood et Tanner, 2009).
Les surfaces implantaires modifiées constituent également une amélioration car elles apportent une différenciation précoce des ostéoblastes, augmentant la stabilité initiale et diminuant le temps d’ostéo-intégration (Boyan et al., 2009 ; Friberg et Jemt, 2008 ; Wennerberg et Albrektsson, 2009). Une étude de Glauser et al. (2009) montre 97 % de taux de succès à 7 ans pour des implants à surface TiUnite® et l’étude de Rasmusson et al. (2005) relève, également à 7 ans, 97 % de succès pour des implants à surface TioBlast®. L’étude de Hallman et al., (2005) dans l’os greffé montre à 5 ans un taux de succès de 95 % pour la surface TiUnite® et de 87 % pour la surface usinée. Le conférencier remarque que les études à très long terme sont réalisées avec des implants à surface usinée, qu’il n’y a pas de différences significatives entre les taux de survie à 5 ans lorsque 2 000 implants à surface usinée sont comparés à 2 000 implants à surface modérément rugueuse (Balshi et al., 2009) et qu’il existe un risque que les fabricants d’implants suggèrent qu’il est impératif d’utiliser leur dernier matériel au lieu de pousser les chirurgiens à s’entraîner à réduire les dégâts causés aux tissus lors de la mise en place des implants.
En ce qui concerne les greffes osseuses d’augmentation, les résultats ont été importants : tout d’abord, les greffes nécessitent du temps pour la revascularisation et le remodelage (Nyström et al., 2002) et la mise place des implants dans un second temps est plus prévisible que la mise en place immédiate (Sjöström et al., 2006 ; Nyström et al., 2009 ; Sennerby et al., 2010). Les techniques sont multiples, à commencer par :
– les autogreffes de bloc osseux en onlay (Adell et al., 1990 ; Witfang et al., 2005 ; Nyström et al., 2009) ;
– les autogreffes d’interposition de blocs osseux avec mise en place des implants en un temps (Isaksson et al., 1994) ou en deux temps (Yerit et al., 2004 ; Nyström et al., 2009) ;
– les protocoles d’augmentation sous-sinusienne par greffes de blocs osseux (Keller et al., 1999 ; Witfang et al., 2005), de particules osseuses, de mélange d’hydroxyapatite avec de l’os autogène (Hallman et al., 2005), de mélange de BMP-2 avec le coagulum sanguin (Triplett et al., 2009), de coagulum sanguin seul (Thor et al., 2007 ; Lundgren et al., 2009), et la technique transalvéolaire (Tan et al., 2008) ;
– les techniques d’ostéo-distraction (Aghaalo et al., 2007 ; Block et Baughman 2005 ; Lundgren et al., 2011).
Ensuite, le conférencier a abordé la chirurgie maxillo-faciale de réparation après traumatisme (arme à feu) ou à la suite du traitement des irradiations et des résections en cancérologie, en soulignant l’impact psychologique de ces restaurations sur les patients qui voient dans ces traitements la preuve que leurs médecins croient en un pronostic favorable de leur maladie.
En conclusion, il rappelle qu’en commençant par des applications intra-orales et cranio-faciales, l’ostéo-intégration a prouvé qu’elle était un principe biologique fiable et extrêmement bien documenté pour obtenir un ancrage durable dans n’importe quelle partie du squelette humain, et il remercie le professeur P.I. Brånemark pour son aide et sa rigueur à agir selon le principe d’Hippocrate vis-à-vis de nos patients.
Pour G. Zarb, les restaurations prothétiques se divisent en deux époques : avant Brånemark (BB : before Brånemark) et après Brånemark (AB : after Brånemark). Avant Brånemark, la prothèse traditionnelle comprenait trois sujets : les matériaux de restauration et les tissus dentaires, les surfaces occlusales des dents et le contrat social dentiste-patient. L’ostéo-intégration en a introduit un quatrième, celui entre le titane commercialement pur (cp) et le tissu osseux, avec une relation entre la chirurgie, la prothèse et les biomatériaux. Les implants sont maintenant considérés comme une quasi-panacée entraînant les perceptions suivantes :
– les systèmes implantaires sont tous quasiment identiques, les nouvelles surfaces assurent une cicatrisation rapide et encouragent de façon routinière la mise en charge immédiate ;
– les implants présentent peu d’échecs, la morbidité est faible et souvent réversible grâce à des chirurgies répétées ;
– pratiquement toutes les localisations d’implants souhaitées peuvent être envisagées ;
– une information irrésistible est maintenant disponible pour justifier un « nouveau standard de soins » pour les interventions prothétiques de routine.
La prothèse est maintenant à un carrefour, mot qui a deux significations : un endroit de rencontre et un moment décisif.
Le rappel historique d’avant l’ostéo-intégration nous ramène dans l’ère mécanique, où la prothèse est centrée sur la réalisation la plus sophistiquée possible, nécessitant un investissement important du praticien et du laboratoire pour réaliser des bridges de grande étendue, parfois une prothèse « héroïque » pour reculer au maximum l’échéance de la prothèse amovible complète. Ces prothèses avaient leur cortège d’échecs, comme les irritations gingivales, les problèmes parodontaux, les caries, les descellements, les fractures, les nécroses pulpaires. En prothèse complète, l’impaction des dents inférieures entraînait la résorption accélérée de la crête antérieure maxillaire, l’instabilité des prothèses mandibulaires avec des tentatives d’ancrage transfixiant la mandibule. L’ostéo-intégration nous a fait pénétrer dans la deuxième ère : l’époque de la culture biotechnologique, avec les prothèses ostéo-intégrées et le processus de cicatrisation apportant une fixation rigide et asymptomatique dans l’os du matériau alloplastique maintenu en place après la mise en charge. Cela a apporté des possibilités thérapeutiques nouvelles, permettant d’envisager la restauration de cas très différents en nombre de dents manquantes et en quantité d’os restant. Au début, l’apprentissage chirurgical se faisait en zone symphysaire mandibulaire, pour ensuite envisager le maxillaire antérieur (en avant des sinus) et la mandibule postérieure, pour enfin terminer par le maxillaire postérieur.
En ce qui concerne l’implant, les modifications de la fixture originale en titane cp usiné ont été nombreuses pour remplir de nouvelles indications, avec des implants longs, coniques, larges, étroits, angulés et spécifiques, comme les implants zygomatiques, et un changement de la surface implantaire. Cela a modifié les résultats et nous sommes entrés dans l’ère des progrès, des échecs et de la modification du temps de traitement. Ainsi, l’extraction avec mise en charge immédiate des implants, le concept du all-on-four, les techniques chirurgicales des virtuoses pour l’augmentation des sites implantaires (greffes en onlays ou en inlays), la régénération osseuse guidée, la séparation verticale de la crête, les soulèvements du plancher sinusien. En 2010, une revue de littérature systématique (Esposito et al., Effectiveness of sinus lift procedures for dentl implant rehabilitation : a Cochrane systematic review. Eur J Oral Implantology 2010 ; 3 : 7-26) conclut qu’il est actuellement toujours incertain que les procédures de soulèvement du plancher sinusien soient absolument nécessaires, car les conclusions des articles sont fondées sur peu de cas, généralement sous-évaluées, avec un suivi trop court et généralement jugées comme comportant un risque important de biais statistiques. Ces articles devraient être considérés comme des études préliminaires et interprétés avec la plus grande précaution. Les échecs d’ostéo-intégration sont rares et, lorsqu’ils arrivent, ils sont généralement sous-estimés par le praticien pour trois motifs :
– « Je n’ai jamais d’échecs ; simplement un degré variable de succès » ;
– « Nous ne parlons pas d’échec tant que la seule chose nécessaire est une révision » ;
– « Ces choses-là arrivent… »
Dans ces études, le succès à long terme était également observé chez les patients dont l’hygiène orale diminuait en raison de leur âge (Attard et Zarb, 2000). La liaison entre la dent naturelle et les tissus parodontaux est le produit d’une série d’évolutions parfaitement organisées, alors que la liaison structurelle entre un implant ostéo-intégré et l’hôte est le résultat du processus de cicatrisation d’une blessure et non d’une évolution. Koka et Zarb ont récemment publié un article (On osseointegration : the healing adaptation principle in the context of osseosufficiency, osseoseparation, and dental implant failure. Int J Prosthodont 2012 ; 25 : 48-52) dans lequel sont indiqués les éléments importants en ce qui concerne la perte osseuse marginale autour des implants, l’échec des implants résultant de cette perte osseuse, et la façon de décrire la perte osseuse continue en rapport avec les résultats modulés par le patient. Nous commençons à entrer dans la quatrième ère, celle d’une meilleure compréhension de la réponse cicatricielle à l’interface os/implant. Nous savons que le diabète, les bisphosphonates oraux, les irradiations, le tabagisme, les parafonctions et l’hygiène orale ont une influence sur le comportement des implants à long terme, mais il reste encore beaucoup de choses à approfondir et à démontrer, car la science sans résultat scientifique n’est qu’une opinion. Par ailleurs, il reste encore deux obstacles majeurs en prothèse, l’aspect financier de ces traitements et l’éducation des praticiens. Le conférencier rend également hommage à P.I. Brånemark : « Un homme à l’intelligence remarquable qui a voyagé des frontières de la science au centre de la vie de nos patients et de nos propres vies de cliniciens. »
Les standards parfaitement documentés en chirurgie implantaire
(Président de séance : Dr Christer Dahlin, Göteborg, Suède)
En 1982 la fixture de Brånemark se présente sous forme d’une vis avec une surface usinée, puis une modification de la rugosité de la surface de l’implant (TiUnite®) apporte une réponse biologique différente avec une amélioration du taux de survie des implants et le raccourcissement du temps de cicatrisation. Dernière modification, l’évolution de la forme de l’implant (cylindro-conique, Replace®) puis des spires (Active®). La portion d’os fasciculé (0,4-1,5 mm) vestibulaire se résorbe toujours après une extraction (Araujo MG, Wennström JL, Lindhe J. Modeling of the buccal and lingual bone walls of fresh extraction sites following implant installation. Clin Oral Implants Res 2006 ; 17 : 606-614) et les modifications apportées, entraînant des réponses biologiques différentes, conduisent-elles aux réponses appropriées ou bien sont-elles la source de complications telles que la perte de l’ostéo-intégration, la perte d’os marginal, quel est le diagnostic (inflammatoire ou infectieux) et, enfin, quel est le traitement adéquat ? À toutes ces questions, les trois conférenciers suivants vont essayer d’apporter une réponse.
Le conférencier travaille depuis 26 ans à la Brånemark Clinic, établissement qui a connu une forte modification d’activité en 25 ans. En 1986, il y a eu 196 interventions chirurgicales pour la pose de 1 118 implants avec une moyenne de 5,7 implants par patient. En 1991, il y a eu 493 interventions chirurgicales pour la pose de 2 402 implants avec une moyenne de 4,9 implants par patient. En 1999, il y a eu 409 interventions chirurgicales pour la pose de 1 391 implants avec une moyenne de 3,4 implants par patient. En 2011, il y a eu 375 interventions chirurgicales pour la pose de 891 implants avec une moyenne de 2,4 implants par patient. Le nombre d’implants posés par patient ne cesse de décroître. Les indications de prothèse implanto-portée ont changé, la restauration d’édentements complets est remplacée par celle d’édentements unitaires et partiels. Ainsi en 2011, sur 891 implants posés, 192 l’ont été pour des couronnes unitaires et 141 en raison de latérales ou de centrales perdues par traumatisme. Cinquante pour cent des traumatismes maxillo-faciaux ne concernent que la dentition. Dans les 10 premières années de la vie, on observe 28,9 % des traumatismes dentaires et 44,2 % entre 10 et 20 ans, puis vient ensuite une baisse importante. Il faut rappeler qu’une dent expulsée conservée au-delà de 60 minutes dans un environnement sec et réinsérée va entraîner une résorption radiculaire ou une ankylose (Cohenca N, Stabholz A. Decoronation – a conservative method to treat ankylosed teeth for preservation of alveolar ridge prior to permanent prosthetic reconstruction : literature review and case presentation. Dent Traumatol 2007 ; 23 : 87-94). Les implants Brånemark System ont permis le traitement de pathologies rares, comme l’histiocytose des cellules de Langerhans, l’ostéogénèse imparfaite, les maladies auto-immunes (Syndrome de Sjögren, lupus erythémateux, lichen plan érosif), l’ostéoporose sévère générale ou locale (Friberg B, Ekestubbe A, Mellström D, Sennerby L. Brånemark implants and osteoporosis : a clinical exploratory study. Clin Implant Dent Related Res 2001 ; 3 : 50-56). Ainsi les implants placés chez ces patients présentant des états de santé altérés ont, de façon assez surprenante, été des succès cliniques.
Les échecs implantaires sont souvent regroupés chez un petit nombre de patients (Weyant et Burt, 1993 ; Jemt, 1993 ; Olsson et al., 1995 ; Friberg et al., 1997, 1999, 2002, 2005a, 2005b). Peut-on en conclure qu’il existe des patients à risque ? Le stress, le tabagisme, la ménopause, un historique de maladie parodontale sont-ils des facteurs de risque ? La péri-implantite est-elle un problème fréquent ? Pour Lindhe et Meyle (2008), elle serait présente chez 28 à 56 % des sujets et dans 12 à 40 % des sites. Pour Fransson et al. (Clinical characteristics at implants with a history of progressive bone loss. Clin Oral Implants Res 2008 ; 19 : 142-147), 28 % des individus sur 662 patients ont présenté une perte osseuse de 3 spires et plus après 5 à 20 ans de suivi. Dans une autre étude (Fransson C, Lekholm U, Jemt T, Berglundh T. Prevalence of subjects with progressive bone loss at implants. Clin Oral Implants Res 2005 ; 16 : 440-446), 100 % des patients présentaient un saignement au sondage, et ses auteurs concluaient que tous les patients avec une perte progressive d’os, soit environ 28 %, présentaient également une péri-implantite. Pour Renvert et al. (Renvert S, Polyzois I et Claffey N. How do implant surface characteristics influence peri-implant disease ? J Clin Periodontol 2011 ; 38 : 214-222), l’interprétation des données de la littérature médiacle est entravée par l’hétérogénéité des définitions de la péri-implantite. Ces auteurs concluent que dans le futur, il est important de formuler une définition de la péri-implantite universellement acceptée et utilisée afin de pouvoir comparer les différentes études. Comment reconnaître la péri-implantite : par la profondeur d’une poche autour de l’implant, par le saignement au sondage ou par la présence de pus au sondage ? Pour Fransson et al. (2008), le saignement au sondage intervient dans 90 % des implants qui ne présentent pas de perte progressive d’os et, pour Roos-Jansaker et al. (2006), le saignement au sondage était présent dans 8,4 % des sites montrant un gain osseux à la radiographie.
La perte osseuse peut être associée à la technique chirurgicale par compression de l’os, par surchauffe, lors du réveil d’une infection dormante, par l’utilisation agressive de la fraise à évasement ou par la destruction de la gencive attachée. Elle peut être due à l’anatomie osseuse et, dans leur étude, les auteurs ont trouvé qu’après 7 ans de suivi, les patients présentant une crête large ont tendance à perdre davantage d’os marginal que ceux ayant une crête étroite (Friberg B, Jemt T. Turned Brånemark System® implants in wide and narrow edentulous maxillae : a retrospective clinical study. Clin Implant Dent Related Res 2008 ; 10 : 78-85). De même, la perte d’os peut être due à la position sur le maxillaire et une étude montre que l’implant médian à la mandibule perd davantage d’os que les implants latéraux (Friberg B, Jemt T. Central implant showed significantly more marginal bone loss as compared to the posterior ones. Clin Implant Dent Related Res 2008 ; 10 : 47-54.). On peut également observer une perte osseuse due à un excès de ciment, avec une régénération osseuse après l’élimination du ciment autour de l’implant. Il en va de même pour la perte osseuse lors de la mobilité d’une couronne due au desserrage de la vis de pilier, avec une régénération osseuse spontanée après revissage.
Les marqueurs génétiques n’ont pas permis de différencier les sujets sains des sujets atteints de péri-implantite (Hall J, Örnhall Britse A, Jemt T, Friberg B. A controlled clinical exploratory study on genetic markers for peri-implantitis. Eur J Oral Implantol 2011 ; 4 : 371-382).
Une étude a été réalisée pour évaluer, au bout de 10 ans, le taux de survie des implants à surface TiUnite®, le niveau d’os marginal et les conditions tissulaires (Östman PO, Hellman M, Sennerby L. Ten years later. Results from a prospective single-centre clinical study on oxidized [TiUnite®] Brånemark implants. Clin Implant Dent Related Res 2012, sous presse). Dans cette étude, 46 patients consécutifs ont reçu 121 implants TiUnite® (113 MK-III et 8 MK-IV), 33 implants ont été placés dans des sites d’extraction entre 3 et 6 mois après extraction, 24 ont été mis en charge immédiatement et 97 en deux temps après 3 à 6 mois de cicatrisation. Un suivi clinique et radiographique a été réalisé au bout de 3, 6, 12 mois puis chaque année pendant 10 ans avec une évaluation de l’hygiène et le sondage de la muqueuse péri-implantaire. Si besoin, les patients étaient enrôlés dans un programme individuel de contrôle de l’hygiène avec un nettoyage par une hygiéniste. La perte d’os marginal était évaluée par des radiographies intra-orales prises à la pose de la prothèse et au bout de 1 an, 5 ans et 10 ans de fonction. Parmi les complications prothétiques, on a noté la fracture répétée de la céramique cosmétique sur un bridge complet (Procera Implant Bridge), sur lequel la céramique a été refaite. L’armature d’un bridge complet s’est fracturée au bout de 7 ans de fonction, nécessitant la réalisation d’un nouveau bridge. Un patient a présenté une mucosite avec perte d’os marginal sur 3 implants. Un bridge de 3 éléments s’est transformé en bridge complet en raison de la perte de dents et de 1 implant. La survie des implants à 10 ans a été de 99,2 %, tous les 121 implants se sont initialement intégrés et ont été restaurés fonctionnellement, 1 implant a été retiré 8 ans après sa pose, au bout de 10 ans la perte osseuse marginale moyenne a été de 0,7 mm, 12 implants (11,4 %) présentant une perte osseuse de plus de 2 mm et 5 implants (4,8 %) de plus de 3 mm. Ces 5 implants étaient placés chez des patients qui étaient tous des fumeurs avec une mauvaise hygiène buccale. Pour les 7 autres implants présentant plus de 2 mm de perte osseuse, aucune corrélation avec l’hygiène, le tabagisme ou un saignement n’a été établie. La conclusion de l’étude est qu’un bon résultat à long terme peut être obtenu avec les implants à surface TiUnite®.
Une autre étude prospective à 10 ans a été menée sur 133 implants TiUnite® au maxillaire (79 MK-III, 31 M-IV, 23 Select), posés chez 22 patients consécutifs. Soixante et un implants ont été mis en charge immédiatement (5 heures) et 72 en deux temps (période de cicatrisation de 3 à 6 mois). La perte osseuse moyenne en 10 ans a été de 0,88 mm (déviation standard : 1,19 mm), 19 implants (15,9 %) ont perdu plus de 2 mm d’os et 4 d’entre eux (3,3 %) plus de 3 mm. On peut conclure que les implants à surface TiUnite® ont un bon pronostic à long terme et que l’on n’a pas observé de différence en termes de survie entre une mise en charge immédiate et différée en deux étapes.
En résumé, pour obtenir un bon résultat à long terme, il faut une sélection rigoureuse des patients et un plan de traitement efficace, une chirurgie bien planifiée et correctement réalisée, un matériau prothétique biocompatible, un ajustage prothétique optimal et un programme individuel de maintenance pour l’hygiène.
Le terme « péri-implantite » est apparu en 1994 lors du premier atelier européen de parodontologie. Il désigne un processus inflammatoire caractérisé par la perte de l’os péri-implantaire. En 2011, lors de la réunion de consensus de Thorskog, la définition suivante est adoptée : « La péri-implantite est un processus inflammatoire qui, après la cicatrisation et le remodelage de l’os autour de l’implant, se manifeste par une perte osseuse de plus de 2 mm diagnostiquée radiographiquement, par comparaison avec une radiographie prise au moment de la pose de la prothèse, et en association avec un saignement et/ou du pus lors du sondage. »
La stratégie de traitement comprend le contrôle de l’infection, le traitement étiologique, l’élimination de la flore microbienne et les procédures de régénération de l’os péri-implantaire. Dans les lésions péri-implantaires, les thérapeutiques non chirurgicales ne sont pas efficaces et les applications de chlorhexidine n’ont que des effets limités. Le traitement par laser n’a pas montré d’efficacité supérieure à celle des aéropolisseurs (Renvert S, Roos-Jansäker AM, Lindahl C, Persson R. Treatment of peri-implantitis using an Er : YAG laser or an air-abrasive device. A randomized clinical trial. J Clin Periodontol 2011 ; 38 : 65-73). La chirurgie peut être nécessaire pour obtenir un accès direct aux lésions créées par la péri-implantite. La ré-ostéo-intégration est possible sur des surfaces précédemment contaminées (Renvert S, Polyzois I, Maguire R. Re-osseointegration on previously contaminated surfaces : a systematic review. Clin Oral Implants Res 2009 ; 20 (suppl . 4): 216-227). Pour nettoyer une surface implantaire, il faut l’exposer, retirer le tissu de granulation et l’épithélium, la nettoyer délicatement avec un instrument doux en titane pour empêcher la contamination et la destruction de la micro-architecture, et retirer les débris et la boue dentinaire avec des produits chimiques, idéalement du peroxide d’oxygène (H2O2 à 3 %). La régénération osseuse guidée peut être efficace pour le traitement des lésions péri-implantaires périphériques (Aghazadeh A, Persson R, Renvert S. A single-center randomized controlled clinical trial on peri-implantitis with the adjunct treatment of intra-bony defects with autogenous bone or a xenograft : results after 12 months. J Clin Periodontol 2012 [à paraître]).