DOSSIER CLINIQUE
Diplômé de la faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg
Ancien assistant hospitalo-universitaire
Attaché hospitalo-universitaire
Certificat d’études supérieures en prothèse scellée
Diplôme universitaire d’implantologie orale
Diplôme universitaire de chirurgie pré-implantaire et péri-implantaire
Diplôme universitaire d’esthétique du sourire
32, boulevard d’Anvers
67000 Strasbourg
L’avulsion d’une dent entraîne une atrophie de l’os alvéolaire dont l’importance est accentuée par la présence d’une lésion apicale. La pose d’un implant sera alors conditionnée par la possibilité de réaliser une reconstruction osseuse grâce à des techniques de chirurgie pré-implantaire. Le présent article décrit un concept de préservation d’un site alvéolaire à l’aide d’une allogreffe particulaire Puros®.
L’extraction d’une dent entraîne une atrophie de l’os alvéolaire dont l’importance est accentuée par la présence d’une lésion apicale. La possibilité de poser un implant sera alors conditionnée par la capacité du praticien à réaliser une extraction-implantation immédiate au niveau de sites d’implantation exempts de foyers apicaux ou de réaliser une reconstruction osseuse par des techniques de chirurgie pré-implantaire. La prévisibilité des techniques de préservation de sites alvéolaires à l’aide de greffons osseux et de membranes évitant la résorption de l’os alvéolaire est un bénéfice particulièrement important s’agissant d’un secteur esthétique.
Par suite d’une extraction dentaire, l’alvéole se remplit de sang formant un caillot puis un tissu de granulation. Ce dernier sera colonisé par des fibroblastes. Il se développe ensuite, en quelques semaines, une matrice provisoire d’os fibreux permettant la formation d’un os immature qui va se remodeler progressivement pour laisser place à un os mature [1, 2].
La réduction postextractionnelle du volume osseux est la résultante des processus de formation osseuse intra-alvéolaire et de résorption au niveau de l’enveloppe périostée des procès alvéolaires [3].
Environ 30 % de la hauteur alvéolaire est perdue dans les mois qui suivent une extraction [4]. Par ailleurs, il se produit également une perte du volume crestal dans le sens vestibulo-lingual : environ 50 % pendant l’année qui suit une avulsion dont 60 % les trois premiers mois. La résorption de la crête alvéolaire est plus prononcée au niveau de la face vestibulaire qu’à celui de la face linguale ou palatine [5-7].
La perte globale de volume osseux qui suit une extraction peut être très différente d’un individu à l’autre et d’un site à l’autre chez le même individu. Ces variations dépendent de facteurs liés :
– au métabolisme osseux du patient, qui peut être altéré par certaines pathologies (ostéoporose, diabète…), certains traitements médicamenteux (bisphosphonates) ou certaines substances altérant la cicatrisation osseuse (tabac…) ;
– à la morphologie et à l’histologie osseuse, comme l’épaisseur de la corticale vestibulaire ou encore la perte partielle ou totale d’une ou de plusieurs parois de l’alvéole [8].
L’ampleur de cette résorption dépend du rapport os fasciculé/os cortical : si la paroi alvéolaire contient beaucoup d’os fasciculé et peu d’os cortical, la résorption est plus prononcée et vice versa [3].
Lorsqu’une solution implantaire est retenue pour remplacer une dent devant être extraite, il est important de tout mettre en œuvre pour préserver au maximum le volume osseux alvéolaire postextractionnel, l’objectif étant non seulement de disposer d’un volume osseux suffisant pour placer l’implant mais également d’obtenir un couloir osseux correspondant le plus possible au futur couloir prothétique.
Ainsi émerge le concept de préservation de la crête alvéolaire, qui désigne l’ensemble des interventions chirurgicales postextractionnelles destinées à réduire l’atrophie physiologique de la crête alvéolaire. Dans la mesure du possible, ces techniques de préservation doivent être faciles à mettre en œuvre, reproductibles et relativement peu coûteuses.
Afin de limiter l’atrophie de la crête alvéolaire, le praticien se doit d’utiliser une instrumentation adéquate permettant de réaliser une extraction qui soit la moins traumatisante possible. Une accélération de l’atrophie osseuse est observée lors d’une fracture accidentelle de l’os compact alvéolaire.
Par ailleurs, il est possible de réaliser un comblement alvéolaire à l’aide de matériaux ostéoconducteurs qui permettent de maintenir le volume du caillot dans l’alvéole. Ils servent également de matrice pour favoriser la formation osseuse dans l’alvéole. Un recouvrement de l’alvéole est ensuite réalisé.
Différents concepts ont été décrits en fonction du type de matériau de comblement utilisé et de la technique mise en œuvre pour recouvrir l’alvéole. En effet, concernant le comblement de l’alvéole, il peut se faire soit avec de l’os autogène, soit avec un substitut osseux. Le recouvrement de l’alvéole, quant à lui, peut se faire à l’aide d’une membrane résorbable (Socket Repair®, Zimmer), de plusieurs couches de collagène (CollaPlug®, Zimmer), ou d’un autogreffon (prélèvement d’un greffon épithélio-conjonctif pédiculé ou non).
Dans cet article seront décrits l’utilisation du matériau de substitut osseux Puros® particulaire pour réaliser le comblement alvéolaire et l’utilisation de la membrane Socket Repair® pour recouvrir l’alvéole.
L’utilisation du matériau de substitut osseux Puros® entre dans le cadre des allogreffes. Par définition, une allogreffe est une greffe d’organe ou de tissu entre individus d’une même espèce. Les allogreffes osseuses Puros® étant d’origine humaine, elles doivent à ce titre recevoir un traitement spécifique visant à éliminer tout risque de rejet et de contamination du sujet receveur. Le procédé Tutoplast® est utilisé dans cet objectif.
Le procédé Tutoplast®, breveté depuis plus de 30 ans, utilise un protocole de viro-inactivation et de conservation par déshydratation à l’aide de solvants. Ce protocole élimine potentiellement tout risque de transmission de maladie, sans pour autant compromettre les propriétés biologiques et mécaniques des tissus donneurs. Il permet en effet de conserver la trame collagénique, minérale et architecturale de l’os donneur.
Concernant sa composition, le matériau de substitut osseux Puros® se présente sous forme de particules corticales ou spongieuses pouvant se substituer aux prélèvements d’os autogène. Ces particules peuvent être utilisées pour le comblement d’alvéoles d’extraction ainsi que pour le développement de sites implantaires et les élévations du plancher sinusien.
Dans le cadre de l’utilisation du matériau de substitut osseux Puros® pour combler une alvéole après extraction dentaire, il a été observé, entre 5 et 6 mois après sa mise en place, une formation et un remodelage de l’os trabéculaire sans signe d’inflammation et au sein duquel se trouvent en moyenne 68,5 % d’os vital, 3,8 % de particules résiduelles et 27 % de tissu conjonctif [9].
La membrane Socket Repair® (Zimmer) est une membrane résorbable de collagène de type I. Elle est conçue pour faciliter la cicatrisation dans les cas de restauration alvéolaire de la paroi vestibulaire et de préservation de crête osseuse consécutives à l’extraction classique sans lambeau d’une dent monoradiculée. Le rôle de la membrane est de maintenir le matériau de greffe et d’empêcher l’envahissement cellulaire ainsi que l’invagination en provenance des tissus mous adjacents.
Le patient, âgé de 52 ans, nous a été adressé en raison de la présence d’une lésion inflammatoire péri-apicale d’origine endodontique (LIPOE) sur 22.
Le patient ne présente aucune pathologie générale ou antécédent de pathologie.
Le patient présente une symptomatologie aiguë caractérisée par des douleurs constantes accompagnées d’un œdème des tissus mous périradiculaires au niveau de 22. On retrouve une exacerbation des symptômes douloureux à la percussion et à la mastication. Aux dires du patient, des épisodes d’abcès apicaux aigus et récurrents ont eu lieu. Sur cette dent, le patient déclare par ailleurs avoir subi une chirurgie péri-apicale 5 ans auparavant.
Ce stade peut dériver du passage en phase aiguë d’une lésion d’origine endodontique jusque-là chronique : abcès récurrent (Fig. 1).
L’examen révèle une absence de densité de l’obturation radiculaire et un apex partiellement réséqué. On observe également une radioclarté péri-apicale associée à la présence d’une surobturation avec dépassement péri-apical de pâte d’obturation confirmant l’orientation du diagnostic : abcès récurrent (Fig. 2 et 3).
L’absence de densité d’obturation, la présence d’une surobturation et d’un dépassement de pâte d’obturation et la volonté de conservation de la dent par le patient nous conduisent à tenter de la conserver en envisageant une reprise de traitement endodontique et une chirurgie apicale de débridement.
La reprise de traitement permet une obturation tridimensionnelle du canal. L’étanchéité apicale de l’obturation est obtenue grâce à un calibrage du cône de gutta après avoir jaugé l’apex.
Après un abord par incision vestibulaire, un débridement de la lésion est effectué.
L’examen visuel sous microscope de l’apex confirme l’étanchéité de l’obturation apicale : on évite ainsi une seconde résection apicale, délabrante et iatrogène. L’examen anatomopathologique confirme la présence d’un granulome apical et d’une aspergillose (Fig. 4 à 9).
Trois mois après la réalisation de la chirurgie péri-apicale de débridement, le patient décrit une disparition totale de la symptomatologie. Par ailleurs, une amorce de reminéralisation osseuse est observée sur le cliché radiologique (Fig. 10).
De légères douleurs sont à nouveau ressenties par le patient et l’examen clinique montre la présence d’une fistule. Nous concluons alors à l’échec de la tentative de maintien de l’incisive.
Après l’échec du retraitement endodontique et de la chirurgie péri-apicale, l’extraction de la dent causale (22) est décidée. La perte osseuse générée par la lésion péri-apicale (fenestration apicale), ainsi que par les deux chirurgies péri-apicales, nous a amenés, à recourir à une technique de conservation du site alvéolaire et à renoncer à une implantation immédiate. En effet, il persiste un risque que la cicatrisation naturelle ne puisse compenser les phénomènes de résorption osseuse.
Le patient est placé, 24 heures avant l’intervention, sous antibiotiques (amoxicilline 2 g/j pendant 6 jours) et anti-inflammatoires (Solupred® 40 mg/j pendant 5 jours).
Comme mentionné précédemment, un élément crucial pour limiter l’atrophie de la crête alvéolaire consiste en la réalisation d’une extraction aussi atraumatique que possible. Dans cet objectif, un périotome très fin a été utilisé afin de luxer la dent sans lever de lambeau, l’intérêt étant de conserver le périoste sur la corticale vestibulaire et, donc, de maintenir sa voie de vascularisation (l’os cortical recevant près de 80 % de sa vascularisation par l’intermédiaire du périoste) [10]. La préservation des papilles des dents adjacentes constitue également un autre intérêt.
Après inspection de l’alvéole pour apprécier l’état des parois osseuses, un curetage est réalisé à l’aide de fines curettes chirurgicales rondes. L’objectif de cette étape est d’éliminer l’ensemble du tissu de granulation. En ce sens, l’usage de loupes ainsi que d’une large irrigation au sérum physiologique permet de s’en assurer. En dehors de son rôle dans l’élimination du tissu de granulation, le curetage présente également l’avantage d’induire un saignement dans l’alvéole.
Une membrane Socket Repair® est insérée dans l’alvéole avant la mise en place du matériau de comblement. Elle a pour objectif d’isoler le matériau de comblement de l’envahissement des tissus mous en jouant le rôle d’une table vestibulaire. L’extrémité étroite de la membrane est placée à l’intérieur de l’alvéole, du côté vestibulaire. La partie large arrondie doit dépasser suffisamment de l’alvéole pour pouvoir la recouvrir complètement après insertion du matériau de comblement. Il est important que la membrane soit placée le long de la paroi osseuse intra-alvéolaire et non sur le versant externe de cette paroi car, dans le second cas, cela compromettrait la vascularisation périostée et augmenterait les risques de résorption.
Le matériau de substitut osseux Puros® est mis en place dans l’alvéole à l’aide d’un applicateur. Il est ensuite légèrement condensé à l’aide d’un fouloir à extrémité plate. L’alvéole est remplie jusqu’au niveau des murs osseux adjacents.
La partie arrondie de la membrane est repliée sur l’ouverture de l’alvéole pour recouvrir la greffe et enfouie sous le tissu gingival palatin.
Une série de sutures au fil résorbable 5.0 permet alors son maintien (Fig. 11).
Il est demandé au patient de réaliser des bains de bouche à la chlorhexidine et d’appliquer un gel de digluconate de chlorhexidine (Hextril® Gel). Une prescription d’analgésique est également prévue (paracétamol, 2 g/j).
Au bout de 8 jours, une fermeture gingivale amorcée du site est observée (Fig. 12).
La membrane se résorbe en 4 mois mais la partie exposée commence à le faire au bout de 2 semaines.
La temporisation avant la mise en place de l’implant sera de 4 à 6 mois.
La radiographie de contrôle au bout de 8 jours montre le comblement condensé dans l’alvéole (Fig. 13).
Lors de la mise en place de la prothèse amovible provisoire, il est vérifié qu’elle n’interfère pas avec le site greffé pour éviter toute pression directe préjudiciable à une cicatrisation optimale (Fig. 14).
Au bout de 8 semaines, on observe une couverture gingivale totale de l’alvéole (Fig. 15).
Une kératinisation de la gencive de recouvrement renforce l’épaisseur gingivale (Fig. 16).
La radiographie révèle une densification de l’os néoformé (Fig. 17).
Le cone beam CT réalisé 4 mois après l’extraction montre le succès de la conservation du site alvéolaire. Une chirurgie implantaire permet la mise en place d’un implant Tapered Screw-Vent® TSVB11 (Zimmer Dental) (Fig. 18) de 3,7 mm de diamètre et de 11,5 mm de longueur. À la levée du lambeau, le site montre un os de type II/III richement vascularisé.
Les examens cliniques et radiographiques valident le succès de l’ostéo-intégration de l’implant (Fig. 19).
Pose de la restauration prothétique implanto-portée (Fig. 20 et 21)
Le prélèvement et la greffe d’os autogène ont longtemps représenté le gold standard. Le volume parfois insuffisant du site de prélèvement et la nécessité d’un second site opératoire freinent souvent le praticien. Cette technique de préservation du site alvéolaire alliant l’utilisation d’une allogreffe particulaire Puros® avec une membrane résorbable Socket Repair® est peu invasive, simple et reproductible. Elle présente l’avantage d’éviter la levée d’un lambeau, le recours à des techniques de chirurgie pré-implantaire avancées et de n’entraîner aucune modification des contours gingivaux. La chirurgie implantaire est dès lors réalisée dans un délai de 4 à 6 mois sur un site osseux richement vascularisé. Dans les secteurs esthétiques, la restauration prothétique se fera dans des conditions optimales de conservation des tissus mous environnants. !