REVUE DE LITTÉRATURE
Laetitia Malric* Olivier Fromentin** Patrick Missika*** Bruno Tavernier****
*Attachée hospitalo-universitaire Université Paris-7, AP-HP
hôpital Rothschild
**MCU, Université Paris-7, AP-HP hôpital Rothschild
***MCU, PH, Université Paris-7, AP-HP hôpital Rothschild
****PU, PH, Université Paris-7, AP-HP hôpital Rothschild
Différents types de filetage sont usinés sur les implants disponibles sur le marché, chaque société implantaire vantant les mérites supposés du design retenu. Malgré les différences macroscopiquement visibles, toutes les firmes assurent que l’implant qu’ils proposent optimiserait la stabilité primaire implantaire ou serait « idéal pour la structure de l’os ». Après avoir présenté les différences architecturales existant entre quelques systèmes implantaires, le but de cet article est de synthétiser les données bibliographiques actuelles concernant l’incidence des caractéristiques géométriques du filetage externe de l’implant sur le comportement osseux péri-implantaire.
Different types of implants machined threads are available on the market, despite differences macroscopically visible, all firms ensure that they offer the implant that optimize primary implant stability or would be “ideal for the bone structure”. After presentation of the architectural differences between implant systems, the aim of this paper was to summarize the current literature on the effect of implant external thread characteristics on the peri-implant bone behavior.
Le remplacement fonctionnel ainsi qu’esthétique d’une dent perdue par un implant est une procédure fiable et prédictible qui bénéficie d’un taux de survie supérieur à 95 %, comme il est rapporté dans la plupart des études publiées à long terme [1]. De nombreux paramètres influent sur la liaison os/implant et conditionnent le succès implantaire.
D’après Albrektsson et al. [2], l’ostéointégration est influencée par différents facteurs, dont l’architecture de l’implant (ou macro-architecture). Celle-ci joue un rôle fondamental dans la stabilité primaire de l’implant et dans sa capacité à supporter les charges pendant et après le processus d’ostéointégration [1]. Ainsi, l’évolution conjointe des caractéristiques de l’état de surface et de l’architecture implantaire a favorisé le développement de nouveaux protocoles thérapeutiques tels que l’implantation postextractionnelle ou la mise en charge immédiate [3].
La macro-architecture comprend la forme du corps de l’implant, le filetage et le dessin de la spire.
La forme générale de l’implant peut être conique, uniformément cylindrique ou à étages, avec ou sans filetage. La forme sans filetage a été progressivement abandonnée car susceptible de provoquer une résorption osseuse importante après impaction [4].
Le filetage implantaire jouerait donc un rôle essentiel dans la conservation de l’ostéointégration et dans la stabilisation osseuse crestale en favorisant la stabilité primaire de l’implant ainsi que la diffusion des contraintes au niveau de l’os environnant.
Un filetage se définit par les caractéristiques de sa spire, représentant l’unité architecturale :
• le pas de spire correspond à la distance entre le sommet d’une spire et le sommet de la spire suivante [1] (Fig. 1) ;
• la profondeur de la spire représente la distance entre le plus grand et le plus petit diamètre de la spire [5] ;
• la largeur correspond à la distance dans le même plan axial entre la partie la plus coronaire et la partie la plus apicale à l’extrémité de la spire [1] (Fig. 1).
Cinq formes de spire sont le plus fréquemment utilisées : la forme carrée, triangulaire ou en V, en contrefort, contrefort inversé et en spirale [1].
Différents types de filetage sont usinés sur les implants disponibles sur le marché, chaque société implantaire vantant les mérites supposés du design retenu. Ainsi, même si les caractéristiques du filetage implantaire ne sont pas toujours communiquées et malgré les différences macroscopiquement visibles, toutes les firmes assurent que l’implant qu’ils proposent optimiserait la stabilité primaire implantaire ou serait « idéal pour la structure de l’os ».
Après avoir présenté les différences architecturales existant entre quelques systèmes implantaires, le but de cet article est de synthétiser les données bibliographiques actuelles concernant l’incidence des caractéristiques géométriques du filetage externe de l’implant sur le comportement osseux péri-implantaire.
À titre d’exemple, sont présentées ici les caractéristiques du filetage de trois types d’implants parmi les plus utilisés en France.
Les informations qui suivent sont issues des fiches techniques mises à disposition sur Internet par les différentes sociétés implantaires correspondantes.
• L’implant NobelActive™ (Fig. 2) présente des macro-rainures horizontales au niveau du col, associées à ce niveau à une conicité inversée. Le corps conique, avec profil à double filetage, condenserait l’os progressivement lors de son insertion et offrirait une stabilité primaire qualifiée d’exceptionnelle.
L’ajout au filetage de l’implant de rainures dites « groovy » favoriserait la croissance osseuse à ce niveau. Le double filetage avec un espacement de 1,2 mm et un pas de 2,4 mm est identique quel que soit le diamètre de l’implant.
• L’implant Tapered Screw-Vent de Zimmer (Fig. 3) présente une forme conique qui faciliterait l’expansion de l’os et ainsi améliorerait la stabilité primaire. Le triple filetage, quant à lui, permettrait une insertion trois fois plus rapide. Le temps de pose serait également réduit grâce au dessin des spires autotaraudantes qui permettrait d’éliminer l’étape de taraudage du site.
• Enfin, l’implant Astra Tech (Fig. 4) a pour caractéristique principale la présence d’un micro-filetage au niveau du col. Ces micro-filets permettraient une distribution optimale des charges, ce qui réduirait la valeur des contraintes et limiterait ainsi la résorption de l’os crestal.
En dépit de leurs nombreuses différences, les avantages associés aux caractéristiques du filetage par les fabricants sont souvent similaires.
Ceci explique la nécessité d’analyser la littérature scientifique afin d’étudier quels sont les impacts biologiques réels, scientifiquement constatés, concernant les variations des différents paramètres caractérisant la géométrie du filetage.
La recherche électronique de travaux concernant le filetage implantaire a été menée à partir de la base de données bibliographique en anglais PubMed.
Les mots clés utilisés ont été : implant thread design et implant microthread.
Au total, 173 (152 + 21) publications ont ainsi été trouvées entre 1995 et 2011. Après lecture des résumés, 32 ont été retenues.
Ont été exclues : les études combinant les éléments de la macro et de la micro-architecture ; celles évoquant le filetage implantaire parmi d’autres critères mais sans relation directe avec le sujet de la recherche ; les études comparant des taux de succès implantaires qui présentent des filetages différents sans que leurs caractéristiques soient détaillées.
Le résultat de cette recherche inclut des études in vitro, in vivo sur modèle animal, ainsi que des essais cliniques chez l’homme.
Ces différentes publications rapportent les résultats de l’incidence des caractéristiques géométriques du filetage externe de l’implant sur le comportement osseux péri-implantaire.
Il s’agit, pour la plupart, d’études de modélisation par éléments finis. Des charges axiales ou obliques sont virtuellement appliquées sur des implants construits en trois dimensions dans une représentation de tissu osseux généralement mandibulaire. Ce type d’étude permet d’analyser la distribution des contraintes dans la structure osseuse péri-implantaire.
Des analyses mécaniques sur blocs de résine polyuréthane ont également été réalisées afin d’évaluer la stabilité primaire implantaire par l’étude du couple d’insertion ou de dépose en rotation, ou lors de tests de traction ou de compression.
Malgré les limites de ce type d’études quant à la généralisation en clinique, il est possible de retenir quelques données intéressantes.
Sur le plan biomécanique, dans l’os trabéculaire, les formes de spire les plus favorables seraient la spire triangulaire et la spire carrée. D’après Abuhussein [1], Chun [6] et Geng [7], cette dernière forme permettrait la meilleure dissipation des contraintes dans l’os environnant,
En revanche, pour Geng [7] et Huang [8], la forme de la spire aurait peu d’influence sur la distribution des contraintes au niveau de l’os cortical ainsi que sur les contraintes maximales adjacentes aux premières spires [6].
Dans l’os trabéculaire, une diminution du pas de spire permettrait une réduction de la contrainte effective maximale [1, 6].
De plus, d’après Liang et al. cités par Abuhussein [1], dans un os de faible densité, une diminution du pas permettrait d’augmenter la stabilité primaire.
Enfin, il est à noter que, comme la forme, le pas de spire influencerait peu la contrainte dans l’os cortical et dans un os de bonne qualité [1].
Selon Chun [6], Kong [9] et Ao [10], la profondeur de spire aurait un rôle plus significatif dans la transmission des contraintes à l’os environnant que dans la largeur de spire.
Lorsque la profondeur de la spire augmente, elle se comporterait comme un cantilever lors de la mise en charge fonctionnelle et augmenterait donc les contraintes dans l’os environnant [6].
Concernant ce paramètre, des conclusions contradictoires sont rapportées par la littérature. D’après Steigenga [11], la présence d’une double ou triple hélice augmenterait la stabilité primaire. En revanche, d’après Ma, cité par Abuhussein [1], c’est la présence d’une simple hélice qui permettrait d’augmenter cette stabilité primaire.
Pour Steigenga [11], la double ou triple hélice permettrait seulement une descente plus rapide de l’implant lors de l’insertion par rotation.
Pour Schrotenboer [12], une perte osseuse crestale péri-implantaire pouvant atteindre 1,2 mm dans le sens corono-apical est généralement constatée lors de la première année de mise en fonction. C’est pourquoi une structure micro-filetée a été proposée comme élément de rétention au col implantaire afin de maintenir le niveau osseux crestal péri-implantaire.
La présence de micro-filets au niveau du col implantaire permettrait une augmentation de la résistance aux charges axiales [13, 14]. Elle réduirait également les contraintes de cisaillement en présence de charges obliques. Pour Hudieb [15], les pics de contraintes de compression et de déformation seraient localisés apicalement au niveau osseux lorsque ce type de macro-architecture est comparé à l’implant à col lisse.
Le filetage apical peut être autotaraudant ou non. Toyoshima [16] rappelle que les implants autotaraudants ont été mis sur le marché afin d’augmenter la stabilité primaire dans l’os peu dense en éliminant la nécessité d’utiliser un taraud pour la préparation du site implantaire. Cependant, Kim [17] et Kim [18], au cours de deux études expérimentales biomécaniques menées dans les mêmes conditions sur blocs de polyuréthane, estiment que, dans un os de densité faible ou moyenne, une meilleure stabilité primaire serait obtenue avec un implant non autotaraudant.
Ces études ont été réalisées sur modèle animal, généralement sur des chiens (beagles) ou des lapins.
Les analyses histologiques, histomorphométriques et radiologiques ont permis d’évaluer les variations de densité osseuse, le pourcentage de contact os/implant (BIC : Bone to Implant Contact) ou la perte osseuse crestale.
Sur un plan biomécanique, la stabilité primaire a été évaluée grâce à l’étude du couple de retrait après sacrifice des animaux.
La spire carrée semblerait la plus favorable car elle optimiserait la stabilité primaire d’après Steigenga [19]. En effet, lors de cette étude, en comparant les valeurs de couple de retrait pour la spire carrée, triangulaire ou à contrefort inversé, une différence significative est observée en faveur de la spire carrée par rapport aux deux autres formes de spires. Il existe également une différence significative en faveur de la spire carrée en termes de pourcentage de BIC (Tabl. I).
D’après Bumgardner [20], elle serait de surcroît la plus intéressante en termes de croissance osseuse.
Par une analyse histomorphométrique, Orsini [21] constate que plus le pas de spire diminue, meilleurs seraient la stabilité primaire et le contact os/implant (Tabl. II).
Par ailleurs, d’après Chung [22], une réduction du pas de filetage réduirait également la perte osseuse crestale.
La présence de micro-filets au niveau du col implantaire réduirait la perte osseuse crestale, améliorerait le pourcentage de BIC et permettrait de stabiliser le niveau osseux à moyen terme [23] (Tabl. III et IV).
Par ailleurs, Rasmusson [24] rapporte un BIC amélioré en présence de micro-filets au niveau du col implantaire ainsi qu’une meilleure stabilité primaire implantaire.
Toutefois, De Sanctis [25] rapporte que la présence de micro-filetage n’aurait pas d’incidence positive sur la stabilité des tissus mous péri-implantaires lors d’une implantation postextractionnelle.
Les résultats de cette recherche bibliographique montrent que les essais cliniques consacrés à l’influence de la géométrie du filetage sur l’ostéointégration sont peu nombreux.
Les quelques études publiées évaluent la perte osseuse crestale grâce à l’analyse radiologique ainsi que la stabilité primaire. Pour l’évaluation de cette dernière, sont utilisés : le quotient de stabilité implantaire (ISQ) mesuré grâce à l’analyse de fréquence de résonnance (RFA), les valeurs de Periotest (PTV) ainsi que le couple d’insertion maximal.
Quelques réserves peuvent être émises concernant les résultats de ces différents essais, car très peu sont randomisés, les échantillons étudiés sont faibles et l’évaluation se fait généralement à court terme.
L’influence de la présence de micro-filets au niveau du col est la mieux documentée avec quelques études randomisées à moyen terme et des échantillons plus importants.
Park [26] a mené une étude clinique randomisée à douze mois comparant la stabilité primaire de deux implants de pas et de surface différents. Les mesures du couple d’insertion maximal et de l’ISQ révèlent que plus le pas du filetage diminue, meilleure serait la stabilité primaire (Tabl. V).
L’auteur conclut cependant que, pour confirmer cette hypothèse, il faudrait comparer des implants de même surface.
Peu d’études cliniques s’intéressent à ce paramètre. Steigenga [11] réalise une revue de littérature sur 104 études longitudinales réalisées entre 1980 et 2000, associant taux de succès implantaire et formes des spires. Elle rapporte qu’un taux de succès global supérieur serait associé à la spire carrée (Tabl. VI).
Il s’agit du paramètre le mieux documenté en clinique grâce à de nombreuses études radiographiques évaluant la perte osseuse crestale. Toutes les études convergent vers une conclusion commune : la présence de micro-filets au niveau du col implantaire réduirait la perte osseuse crestale, et ce résultat serait stable à moyen terme [27, 28, 29, 30, 31].
Song [32] précise que ceci serait favorisé par une situation du micro-filetage le plus proche du sommet du col implantaire.
Ainsi, Lee [29], lors d’une étude prospective randomisée menée sur 34 implants avec mise en charge différée, compare la perte osseuse crestale entre des implants Astra Tech coniques avec micro-filetages et des implants Astra Tech cylindriques sans micro-filets. À trois ans, la perte osseuse crestale serait de 0,24 mm pour les implants avec micro-filets au col et de 0,51 mm pour ceux sans micro-filets.
En revanche, dans un contexte de mise en charge immédiate à la mandibule totalement édentée, d’après Van De Velde [33], la présence de micro-filets n’améliorerait pas la préservation osseuse.
À l’issue de cette revue de littérature concernant l’impact biologique des différents paramètres caractérisant les filetages implantaires, seuls le pas et la forme de la spire, ainsi que la présence de micro-filets au col, font l’objet d’études théoriques et cliniques. Les autres paramètres n’ont été étudiés qu’in vitro.
Dans l’état actuel des connaissances scientifiques avérées, une forme carrée et un faible pas de spire favoriseraient la stabilité primaire implantaire.
Les micro-filets du col implantaire permettraient une réduction significative de la perte osseuse marginale et la stabilisation de l’environnement osseux à moyen termes.
De plus, cette analyse bibliographique souligne qu’il n’existe aucune preuve scientifique permettant de privilégier une macro-architecture implantaire, caractérisée par un ensemble de paramètres spécifiques concernant le filetage et censée induire un meilleur comportement osseux à court, moyen et long termes.
Il existe une grande variété de géométries implantaires toutes associées à des taux de succès implantaires élevés, généralement supérieurs à 95 %. Il est possible que les paramètres de l’état de surface aient une plus grande influence sur l’ostéointégration que les caractéristiques du filetage implantaire. Néanmoins, particulièrement pour des os de faible densité, il semble pertinent de poursuivre les recherches pour étudier l’adéquation entre qualité osseuse et architecture des spires implantaires.
→ ASTRA TECH – ASTRA TECH FRANCE – http://www.astratech.fr
→ NOBEL ACTIVE™ – NOBEL BIOCARE™ FRANCE – http://www.nobelbiocare.com/fr
→ TAPERED SCREW-VENT – ZIMMER DENTAL – http://www.zimmerdental.fr