DOSSIER CLINIQUE
*DCD, diplômé en dentisterie clinique (implantologie), master en
en dentisterie clinique (prothèse)
Les facettes en céramique sont actuellement le moyen prothétique le plus efficace pour apporter au patient une esthétique satisfaisante au niveau de la teinte et de la forme des dents antérieures, lorsqu’une restauration complète des dents n’est pas nécessaire. Leur réalisation au laboratoire a longtemps été considérée comme délicate, et l’apport de l’ingénierie numérique par CAD/CAM permet au plus grand nombre d’accéder à cette thérapeutique esthétique. Le système ZfX associé aux matériaux à base de disilicate de lithium répond à la demande croissante de nos patients pour des techniques esthétiques respectueuses de la dent et de la gencive.
Historiquement, le moyen le plus prévisible et le plus durable pour traiter des dents antérieures inesthétiques consistait à préparer des couronnes de recouvrement total avec l’élimination d’une quantité de structure dentaire importante. Cette préparation invasive pouvait avoir des répercussions indésirables sur la pulpe et sur les tissus parodontaux.
Après l’introduction du collage par Buonocore en 1955, la recherche a conduit à la mise au point de techniques adhésives conservatrices pour traiter les problèmes esthétiques. Les résines composites peuvent être utilisées pour masquer les dyschromies dentaires et améliorer le contour et la position des dents. Cependant, elles présentent des inconvénients du fait de leur susceptibilité à l’usure, à la fracture marginale et à la dyschromie. En raison de ces problèmes, elles ont été recommandées pour traiter des cas mineurs et pour des restaurations à court et moyen termes.
Charles Pincus a introduit les facettes en céramique en 1938 afin d’apporter une amélioration esthétique temporaire aux patients travaillant dans l’industrie cinématographique. Ces facettes étaient collées à l’aide d’un adhésif pour prothèse totale, mais c’est la mise au point du mordançage amélaire et du traitement de surface de la céramique au début des années 1980 qui a permis d’obtenir une technique plus largement reconnue. Les facettes en céramique offrent des résultats esthétiques supérieurs, en particulier sur une plus longue durée. Du fait de la biocompatibilité et de la nature non poreuse de la céramique, cela minimise l’adhésion de la plaque, sans effets indésirables pour la santé gingivale dans des bouches bien entretenues.
Les facettes en céramique sont devenues une option thérapeutique importante en apportant des solutions aux problèmes à la fois esthétiques et fonctionnels des patients, et elles requièrent une planification et une exécution minutieuses pour obtenir un résultat optimal avec un succès à long terme [1].
Les facettes en céramique sont souvent considérées comme une technique élitiste réservée à l’esthétique et, en tant que telle, cela demande une discussion approfondie sur leurs avantages et leurs inconvénients quant aux objectifs fonctionnels et esthétiques définis pour ce procédé. Il existe d’autres moyens pour satisfaire les exigences du patient qui doivent être mentionnés, de même qu’une discussion sur les protocoles complexes avec leurs différentes étapes depuis le début jusqu’à la finalisation. Le patient doit être informé sur les soins préprothétique et la maintenance des facettes et sur l’éventuelle nécessité de les remplacer.
Le choix d’une teinte et le fait de masquer avec des restaurations à facettes peuvent s’avérer une technique pleine de défis en raison de la finesse et de la transparence de la restauration. La teinte finale obtenue est le résultat de la couleur de la dent sous-jacente, du ciment résine choisi et de l’opacité/translucidité de la céramique utilisée.
La structure dentaire sous-jacente peut présenter une dyschromie due à un traitement endodontique antérieur, à d’anciennes restaurations, à l’âge, à un traumatisme ou à la prise de tétracyclines. La couleur de la dent existante doit être communiquée au céramiste (teinte de base), car cela lui permet de déterminer l’opacité et la translucidité finales requises pour la restauration. L’influence du substrat détermine la teinte finale.
Il est important d’avoir un plan clair du but du traitement et l’utilisation d’un montage diagnostique facilite l’élaboration de l’apparence esthétique. Cela devrait incorporer les souhaits du patient qu’il a exprimés dans les discussions initiales du plan de traitement.
Ce montage diagnostique permet également la fabrication de clés en silicone de très haute viscosité pour réaliser les provisoires et les guides de réduction pour la préparation des dents. Les contours et la forme des dents finales peuvent être transférés du montage diagnostique aux provisoires, permettant au patient d’avoir un aperçu de l’apparence souhaitée et de confirmer qu’il est satisfait des changements planifiés (Fig. 1 à 3).
Il faut anticiper les exigences de la préparation depuis la quantité de réduction en profondeur, jusqu’à la préparation des limites marginales nécessaires pour l’obtention du résultat final.
Les objectifs de la préparation dentaire sont les suivants :
– aménager suffisamment d’épaisseur pour la céramique afin d’avoir assez de résistance à la fracture et éviter un surcontour de la restauration finale ;
– aménager une limite marginale telle que le céramiste puisse avoir une ligne de finition précise, permettant une émergence naturelle de la facette à partir de la gencive marginale ;
– préserver tout l’émail possible sur la préparation ;
– donner une préparation terminée, qui soit lisse et dépourvue de lignes d’angles internes aigus pouvant entraîner une concentration de stress à l’intérieur de la céramique ;
– fournir des repères bien définis pour une bonne adaptation de la facette.
La préparation de la face vestibulaire des incisives (qui sont convexes) nécessite une approche en trois plans : incisif, tiers médian et cervical.
On réalise une réduction méticuleuse des structures dentaires pour obtenir, au niveau de la préparation, un minimum de 0,3 mm (pour les céramiques feldspathiques) ou de 0,6 mm (pour les céramiques esthétiques Empress, e.max) (Fig. 4).
Il existe plusieurs méthodes pour obtenir la réduction nécessaire au niveau de la préparation :
– à main levée ;
– en réalisant des entailles/rainures de profondeur. L’utilisation d’instruments calibrés en profondeur pour réaliser des entailles ou des rainures et des fossettes est recommandée pour contrôler la préparation de la dent, puisque l’utilisation d’éléments standardisés permet une évaluation précise de la profondeur ;
– à l’aide d’une clé en silicone de très haute viscosité (putty).
L’utilisation d’une clé en silicone putty peut aider à évaluer la quantité de réduction tissulaire et peut être préparée par le céramiste dentaire à partir du modèle diagnostique initial en cire (Fig. 5). Lorsque l’on regarde en vue occlusale, on peut découper des tranches horizontales qui peuvent ensuite être décortiquées pour évaluer les différentes positions verticales des dents ainsi réduites. L’utilisation d’une clé en silicone dérivée du montage diagnostique permet de visualiser la réduction nécessaire pour obtenir le dessin et les contours de la forme et de la longueur initialement planifiées pour les facettes finales.
Différents schémas de préparation ont été préconisés, allant de la préparation fine et mince qui n’implique aucune réduction du bord incisif ni de préparation des faces linguales, à d’autres préparations qui nécessitent une réduction des bords incisifs. Les auteurs préfèrent une préparation du bord incisif qui passe au-dessus de ce bord en allant de vestibulaire en palatin, avec jusqu’à 1,5 mm de réduction incisive. Selon Calamania [2, 3], une préparation dentaire qui incorpore un recouvrement incisif est préférable parce que la facette est plus solide et que cela procure une assise positive pendant le scellement. Cette forme de préparation présente l’avantage d’une préparation dentaire simple et les caractéristiques esthétiques sont alors plus faciles à réaliser pour le céramiste car il est possible de créer une transparence incisive. La limite marginale n’est pas dans une position où elle sera soumise à des forces de propulsion et ce type de préparation a été décrit comme réduisant la concentration de forces au sein de la facette, en répartissant la charge occlusale sur une plus large surface [4].
Cette préparation dans la zone interproximale peut être réalisée soit en s’arrêtant juste avant le point de contact, soit en préparant au-delà du point de contact.
La destruction du point de contact (quelquefois appelée slice preparation, ou préparation en tranche) peut s’avérer nécessaire dans certaines situations, telles que le changement de forme ou de position des dents. L’espace supplémentaire ainsi créé en interproximal permet au céramiste de disposer d’une certaine liberté pour ajuster les contours et la position des dents.
Pour la préparation cervicale d’une facette, il est recommandé de réaliser un chanfrein avec une profondeur maximale de 0,4 mm. Cela permet à la facette de reproduire les contours d’une dent naturelle et de ne pas être en surcontour. De plus, cela permet une assise simple de la facette et minimise les contraintes, favorisant ainsi la résistance à la fracture de la future facette. Contrairement aux limites marginales des couronnes qui sont souvent enfouies dans le sulcus, l’utilisation de la céramique fine et translucide permet souvent d’obtenir un effet de « lentille de contact » où les limites marginales se fondent sans démarcation perceptible. Cela permet aux limites marginales d’être juxta-gingivales ou supra-gingivales. Par ailleurs, il y a plus de chance pour que les limites marginales se trouvent dans de l’émail. Cet effet de « lentille de contact » peut augmenter la longévité de la facette, car la migration apicale de la gencive marginale ne dévoile pas de ligne distincte entre la facette et la dent naturelle.
Une limite marginale supra-gingivale présente de nombreux avantages avec moins de risque d’exposer de la dentine et de léser les tissus mous durant la préparation. La prise d’empreinte est également facilitée et ne nécessite pas de rétraction gingivale, avec la quasi-certitude de capturer une limite marginale nette. Du fait de la forte probabilité pour que la limite marginale se trouve dans de l’émail, il y a moins de risque de perte d’étanchéité avec un collage sur l’émail. Des limites marginales sous-gingivales peuvent être nécessaires en présence de caries ou d’anciennes restaurations s’étendant en sous-gingival.
Pour communiquer de façon précise l’orientation finale correcte du plan incisif des futures facettes, il est important d’avoir une tige de morsure ou un mordu de symétrie. Cela peut se faire tout simplement en plaçant deux tiges dans l’enregistrement de l’occlusion pour marquer la ligne médiane et la ligne interpapillaire au niveau des dents.
Certains praticiens pensent que la temporisation n’est pas nécessaire avec les facettes, du fait que la réduction amélaire requise est minime. Bien au contraire, elle fait partie intégrante du traitement, offrant un moyen de communication avec le patient et avec le laboratoire, pour évaluer comment améliorer le sourire du patient. Les provisoires sont fabriquées à partir du modèle diagnostique en cire, car de nombreux patients sont incapables d’exprimer leurs souhaits ou de visualiser le résultat final au cours d’un simple échange verbal sur les modifications à réaliser.
L’utilisation de provisoires donne au patient l’occasion de tester ou de visualiser le futur résultat initialement planifié, ce qui est vivement recommandé (Fig. 6 à 8).
Un matériau à base de dissilicate de lithium (e.max, Ivoclar Vivadent) a été sélectionné pour ses propriétés optiques et son excellente résistance à la flexion et à la fracture.
Il est également disponible en différentes translucidités et opacités, permettant au céramiste de mieux masquer la couleur, si nécessaire. Le procédé de fabrication de ce matériau peut se faire soit par pression à chaud soit par une technique de CAO/CFAO.
Dans ce cas clinique, les facettes ont été réalisées en technique CAO en copiant les contours du modèle en cire diagnostique à l’aide du logiciel ZfX (Fig. 9 à 15).
La réalisation de facettes en céramique « vivantes » a été un art réservé aux grands céramistes travaillant la céramique feldspathique ou aux prothésistes méticuleux capables de réaliser un montage en cire suivi d’une technique de pression à chaud ; mais de nos jours, la technique CAO/CFAO a donné aux prothésistes la possibilité de créer facilement des facettes à l’aide de quelques clics d’une souris.
Le montage diagnostique en cire préalablement validé par le patient, et qui porte maintenant des provisoires identiques au modèle souhaité, peut être scanné et intégré dans le système comme une maquette des futures céramiques. À ce stade du procédé de fabrication des facettes, le travail du prothésiste consiste à reproduire exactement le modèle validé par le patient et par le praticien. Toute déviation de ce modèle peut entraîner de nombreux problèmes d’acceptation, d’esthétique, d’élocution et de fonction. De petits détails ainsi que les états de surface peuvent être retouchés, et certaines modifications mineures peuvent être apportées au modèle pour améliorer le résultat à la fois artistique et esthétique (Fig. 9 et 10).
L’adaptation des restaurations peut être contrôlée de façon précise afin que les préférences individuelles des praticiens et les différentes options de matériaux de collage puissent s’accommoder.
Le système ZfX a la capacité d’adapter le modèle avec précision ou de dupliquer exactement le scan du montage en cire. Avec les techniques conventionnelles, cette duplication était difficile à réaliser ; certes, l’injection de cire à l’intérieur de silicones de très haute viscosité obtenus à partir du montage diagnostique peut permettre d’obtenir un duplicata exact, mais cela demande du temps et du doigté. Maintenant, en un clic de souris, le duplicata est prêt.
Les formes sont modifiées a minima afin de réaliser des contacts, des embrasures et des espaces interdentaires adéquats. On effectue des irrégularités de surface et les modifications esthétiques finales pour être sûr d’obtenir un résultat de fraisage optimal. La forme est ensuite finalisée (fusionnée) et la prévisualisation du fraisage est générée (Fig. 11 à 15).
Les formes sont fraisées à partir d’e.max CAD HT, teinte B1, dans une machine de fraisage ultrasonique à 5 axes. La finition requiert toutes les techniques de céramique conventionnelles pour ce qui est de la forme, de la morphologie et de la texture de surface. La plupart de ces étapes doivent être réalisées lors de la phase précristalline du matériau e.max CAD, étant donné que sa dureté de surface est alors similaire à celle de la vitrocéramique. Cependant, une fois cristallisé, le matériau révèle non seulement sa pleine résistance à la flexion mais également une dureté de surface très élevée qui rend la mise en forme et la texturisation très difficile avec des fraises rotatives.
La réduction et le travail par couches peuvent être effectués s’il y a suffisamment d’espace. Une petite encoche incisive peut être réalisée, permettant de cuire de la céramique e.max en couches sur l’encoche afin d’augmenter la translucidité incisive et les caractéristiques internes.
La surface de la dent doit être nettoyée de tout résidu de ciment résine ou de matériau provisoire, afin de permettre une adaptation parfaite des facettes (Fig. 16 à 18).
Chaque facette doit être essayée individuellement pour vérifier son adaptation. Cela se fait au mieux en milieu sec (sans eau ou gel d’essayage) car c’est à ce stade que l’assise complète et l’adaptation marginale sont le mieux visibles.
Une assise incomplète est généralement due à la présence de matériau provisoire, de restes de résine de collage ou encore à des points de contact trop serrés.
Une fois que le patient est satisfait et a validé le résultat esthétique final, les restaurations sont préparées pour le scellement. Les facettes (qui sont des restaurations à base de silice) doivent donc être mordancées à l’acide fluorhydrique, ce qui permet une liaison micromécanique lorsque le collage se fait à l’adhésif. L’intrados est mordancé à l’acide fluorhydrique à 9,5 % durant 20 secondes pour le disilicate de lithium (e.max) ou durant 60 secondes pour les autres céramiques à base de silice. L’acide fluorhydrique dissout la matrice vitreuse entourant la phase cristalline au sein de la céramique, laissant des zones de rétention entre les cristaux acido-résistants.
L’acide doit être rincé avec soin à l’aide d’un spray air-eau et la céramique doit ensuite être placée à l’intérieur d’un récipient d’eau distillée (ou d’alcool à 95 %, ou encore d’acétone) puis placée dans un bain à ultrasons durant 4 minutes pour éliminer tout résidu présent à la surface. Les restaurations sont déposées, séchées, et l’on applique un primer de silane sur l’intrados, ce qui aide à réaliser une liaison chimique covalente sur la céramique. On laisse le produit sur la facette durant 1 minute, puis la facette est doucement séchée à l’air pour faire évaporer tout solvant résiduel.
La mise en place de la digue est recommandée pour obtenir une bonne isolation, un environnement propre, sec, et minimiser la contamination par la salive et le sang (Fig. 19 à 22).
On préfère les résines en composite photopolymérisables pour le scellement des facettes étant donné qu’elles ont un temps de travail plus long que les composites dual (chémo-photopolymérisables) ou chémopolymérisables. Cela laisse un délai suffisant pour éliminer le composite en excès avant de polymériser, réduisant ainsi les étapes de finition. La stabilité de couleur des ciments résines photopolymérisables est bien meilleure que celle des composites dual ou chémopolymérisables. Les ciments résines dual contiennent des amines tertiaires qui peuvent subir des changements de teinte à long terme (« dyschromie aminée ») avec un assombrissement global et ils sont, de ce fait, contre-indiqués pour les facettes en raison de leur finesse et de leur translucidité.
L’application de divers ciments résines teintés influence le résultat final obtenu et l’utilisation de ces derniers est fréquente pour affiner la teinte finale de la restauration et atteindre l’objectif recherché. Leur influence est minime, participant à moins de 10 % dans la teinte finale de la restauration, mais elle peut toutefois s’avérer utile pour parfaire le résultat esthétique final.
Si la technique de collage a été bien menée avec une facette bien ajustée, il doit rester très peu de ciment à nettoyer autour des limites marginales. Il est préférable de ne pas utiliser d’instrument rotatif pour la finition des limites marginales car cela peut éliminer la couche de glaçage, augmentant ainsi la rugosité de la céramique et entraînant une rétention accrue de plaque. L’utilisation d’une lame n° 12 (Fig. 23) pour éliminer avec soin le ciment en excès est la technique de choix. Cependant, quelquefois, si c’est nécessaire, on peut utiliser une fraise diamantée fine pour retoucher la céramique puis polir avec soin (Fig. 24 à 26).
L’occlusion est préalablement vérifiée avec attention en occlusion centrée et dans les autres mouvements d’excursion. On peut également utiliser des fraises en forme de ballon de rugby sous spray d’eau pour retoucher la céramique. Toutes les retouches devront être polies avec soin.
Le succès clinique à long terme des facettes en céramique dépend d’une sélection attentive des cas cliniques, de l’approche diagnostique, d’une préparation précise et adéquate de la dent, et du choix des techniques de collage.
Porcelain veneers : Treatment guidelines for optimal aesthetics.
Australasian Dental Practice, 2011;2:154-64.
Traduit et reproduit avec l’aimable autorisation de l’Australasian Dental Practice.
Merci de ne pas reproduire cet article, quel qu’en soit le motif, sans l’autorisation de l’éditeur.