Implant n° 2 du 01/05/2012

 

RECHERCHE

Daniel Rothamel*   Frank Schwarz**   Monika Herten***   Jürgen Becker****   Martin Sager*****   Anton Sculean ******  


*Département de chirurgie buccale
Westdeutsche Kierferklinik
Université Heinrich Heine
D. 40225 Düsseldorf
Allemagne
**Institut de recherche animale
Université Heinrich Heine
Düsseldorf, Allemagne
***Département de dentisterie opératoire et de parodontologie
Université Johannes-Gutenberg
Mayence, Allemagne

Résumé

Le but de cette étude est de comparer la biodégradation de différentes membranes de collagène croisé chez le rat. Cinq membranes du commerce et trois membranes expérimentales (VN) ont été sélectionnées pour l’étude : (1) Bio-Gide® (BG) (collagènes de type I et III non croisés d’origine porcine), (2) BioMend® (BM), (3) BioMendExtend® (BME) (collagène bovin de type I croisé au glutaraldéhyde d’origine bovine), (4) Ossix® (OS) (collagène bovin de type I croisé par procédé enzymatique), (5) TutoDent® (TD) (collagène bovin de type I non croisé) et (6-8) VN (1-3) (collagènes de types I et III d’origine porcine croisés par procédé chimique). Les échantillons sont attribués au hasard dans des poches sous-cutanées non connectées et préparées chirurgicalement sur le dos de 40 rats wistar, divisés en 5 groupes (2, 4, 8, 16 et 24 semaines), incluant 8 animaux chacun. Après 2, 4, 8, 16 et 24 semaines de cicatrisation, les rats sont sacrifiés et les échantillons explantés sont préparés pour l’analyse histologique et histométrique. Les paramètres suivants ont été évalués : la biodégradation dans le temps, la vascularisation, l’intégration tissulaire et la réaction à un corps étranger. La vascularisation et l’intégration tissulaire les plus importantes sont observées pour BG, puis pour BM, BME et VN(1) ; pour TD, VN(2) et VN(3), la vascularisation est prolongée, alors qu’OS ne montre aucune vascularisation. Par la suite, la biodégradation de BG, BM, BME et VN(1) a été plus rapide que pour TD, VN(2) et VN(3). OS a présenté seulement une quantité minime de dégradation superficielle 24 semaines après l’implantation. La biodégradation de TD, BM, BME, VN(2) et VN(3) est associée à la présence de cellules inflammatoires. Dans les limites de la présente étude, nous avons conclu que le cross-linking des collagènes de types I et III d’origine bovine et porcine est associé à : (i) une biodégradation prolongée, (ii) une intégration tissulaire et une vascularisation diminuées, et (iii), dans le cas de TD, BM, BME, VN(2) et VN(3), à des réactions à un corps étranger.

Summary

The aim of the present study was to compare the biodegradation of differently cross-linked collagen membranes in rats. Five commercially available and three experimental membranes (VN) were included: (1) BioGides® (BG) (non-cross-linked porcine type I and III collagens), (2) BioMends® (BM), (3) BioMendExtends® (BME) (glutaraldehyde cross-linked bovine type I collagen), (4) Ossixs® (OS) (enzymatic-cross-linked bovine type I collagen), (5) TutoDents® (TD) (non-cross-linked bovine type I collagen, and (6-8) VN (1-3) (chemical cross-linked porcine type I and III collagens). Specimens were randomly allocated in unconnected subcutaneous pouches separated surgically on the back of 40 wistar rats, which were divided into five groups (2, 4, 8, 16, and 24 weeks), including eight animals each. After 2, 4, 8, 16, and 24 weeks of healing, the rats were sacrificed and explanted specimens were prepared for histologic and histometric analysis. The following parameters were evaluated: biodegradation over time, vascularization, tissue integration, and foreign body reaction. Highest vascularization and tissue integration was noted for BG followed by BM, BME, and VN(1); TD, VN(2), and VN(3) showed prolongated, while OS exhibited no vascularization. Subsequently, biodegradation of BG, BM, BME and VN(1) was faster than TD, VN(2), and VN(3). OS showed only a minute amount of superficial biodegradation 24 weeks following implantation. Biodegradation of TD, BM, BME, VN(2), and VN(3) was associated with the presence of inflammatory cells. Within the limits of the present study, it was concluded that cross-linking of bovine and porcine-derived collagen types I and III was associated with (i) prolonged biodegradation, (ii) decreased tissue integration and vascularization, and (iii) in case of TD, BM, BME, VN(2), and VN(3) foreign body reactions.

Key words

Animal study, Biodegradation, Collagen membrane, Cross-linking, GBR, GTR

Les techniques de régénération osseuse guidée (ROG) et de régénération tissulaire guidée (RTG) sont fondées sur le concept qui vise à empêcher la migration apicale de l’épithélium gingival à l’intérieur de l’espace de cicatrisation à l’aide de membranes et à favoriser la prolifération de cellules potentiellement régénératrices pour obtenir une cicatrisation par le type de tissu souhaité [1-5]. Le matériau utilisé comme barrière dans les techniques de ROG/RTG doit répondre à un certain nombre de critères en termes de biocompatibilité, d’intégration tissulaire, d’occlusion cellulaire, de transfert nutritif, de capacité à maintenir l’espace et, également, de facilité d’utilisation clinique [6]. Plusieurs inconvénients ont été associés aux membranes de première génération composées essentiellement de matériaux non résorbables tel que le polytétrafluoroéthylène expansé : la nécessité d’une seconde chirurgie pour déposer la membrane à la fin de la période de cicatrisation et son exposition précoce à l’environnement buccal entraînant une colonisation bactérienne pouvant conduire à une dépose prématurée [6-8]. Toute une variété de membranes composées de dure-mère, d’acide polylactique et de polyuréthane a été introduite pour contrer ces problèmes [9-12]. Récemment, de nombreuses recherches ont été publiées sur l’utilisation de produits dérivés de collagènes de types I et III d’origine porcine ou bovine (pour une revue, voir [13]). Il a été rapporté que le collagène était supérieur aux autres matériaux, étant donné qu’il joue un rôle actif dans la formation du caillot, qu’il est chimiotactique pour les fibroblastes du ligament parodontal et des fibroblastes gingivaux et que c’est un composant majeur du tissu conjonctif parodontal [11, 14-16]. Récemment, différentes études animales et cliniques ont prouvé que les membranes de collagène favorisaient de façon significative la régénération parodontale et osseuse [17-22].

Cependant, le collagène natif présente un inconvénient majeur : c’est sa biodégradation par l’activité des macrophages et des leucocytes polymorphonucléaires, conférant à la membrane une faible résistance à l’effondrement et permettant ainsi l’entrée de types cellulaires indésirables dans l’espace de cicatrisation isolé [23]. Cet effondrement peut être évité par des comblements à l’aide de greffes osseuses ou de substituts d’os à l’intérieur du défaut pour maintenir la membrane dans sa position d’origine. Pour prolonger la biodégradation, plusieurs techniques de cross-linking telles que la lumière ultra-violette, le glutaraldéhyde, le diphénylphosphorilazide ou l’hexaméthylène diisocyanate ont été utilisés [13, 24-28]. Des résultats récents provenant d’études animales ont démontré que la dégradation des membranes de collagène croisé était significativement plus lente par rapport à celle des membranes non croisées (sans liaisons croisées) [17, 29]. Cependant, une étude in vitro récente a souligné que les membranes natives comme les membranes à liaisons croisées dérivant de collagènes de types I et III limitaient la fixation et la prolifération des fibroblastes du ligament parodontal humain et des ostéoblastes SaOs-2 humains par rapport aux cellules cultivées sur boîtes de culture. De plus, le cross-linking au glutaraldéhyde peut même inhiber la fixation et la prolifération des deux types cellulaires [30]. Bien que le cross-linking chimique du collagène semble être une technique de routine de nos jours, on ne sait toujours pas dans quelle mesure les propriétés de la membrane sont altérées. Par conséquent, le but de cette étude était d’examiner la biodégradation dans le temps, la réaction à un corps étranger, l’intégration tissulaire et la vascularisation des différentes membranes de collagène disponibles dans le commerce et aussi de membranes de collagène expérimentales après leur implantation sous-cutanée chez le rat.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

ANIMAUX

Quarante rats albinos de la souche wistar (âgés de 3 ± 0,5 mois et pesant 350 ± 20 g) ont été utilisés pour l’étude. La sélection animale, la gestion et le protocole chirurgical ont été approuvés par le Comité de soins et d’utilisation des animaux de l’université Heinrich Heine (Düsseldorf, Allemagne). Les animaux ont été divisés en 5 groupes (2, 4, 8, 16, et 24 semaines) comprenant 8 rats chacun.

MEMBRANES EXAMINÉES

Cinq membranes disponibles dans le commerce et 3 membranes expérimentales (VN) indiquées pour les techniques de ROG/RTG ont été sélectionnées :

– (1) Bio-Gide® (BG) (Geistlich Biomaterials, Wolhusen, Suisse) (collagènes de types I et III non croisés d’origine porcine double couche) ;

– (2) BioMend® (BM) (Sulzer Medica, Colla-Tec Inc., Plainsboro, États-Unis) (collagène bovin de type I croisé au glutaraldéhyde) ;

– (3) BioMendExtend® (BME) (Sulzer Medica, Colla-Tec Inc.) (collagène bovin de type I croisé au glutaraldéhyde ;

– (4) Ossix® (OS) (Colbar R & D Ltd, Ramat Husharon, Israël) (collagène bovin de type I croisé de façon enzymatique) ;

– (5) TutoDent® (TD) (Tutogen, Carlsbad, États-Unis) (collagène bovin de type I non croisé, double couche) ;

– (6) VN (1), (7) VN (2) et (8) VN (3) (Geistlich Biomaterials) (1, 3, 4 × collagènes d’origine porcine de types I et III croisés chimiquement, double couche respectivement).

De façon à exposer uniquement la face occlusive pour les cellules des membranes double couche, chaque échantillon a été plié, découpé pour obtenir une taille uniforme (des échantillons de forme octogonale de 1,7 cm2) et séparé par un mainteneur d’espace non résorbable en polycarbonate (Isopore®, Millipore Corporae, Billerica, États-Unis) placé au milieu. De plus, toutes les membranes ont été suturées de façon circonférentielle à l’aide de sutures non résorbables pour éviter l’invagination du tissu environnant (Polyester®, Resorba, Nümberg, Allemagne) (Fig. 1). Dix minutes avant l’implantation, chaque membrane a été réhydratée dans du sérum physiologique stérile à 0,9 % (Braun, Melsungen, Allemagne).

TECHNIQUE CHIRURGICALE

Les animaux sont anesthésiés par une injection intra-péritonéale de 9 mg/kg de kétamine à 10 % par doses (Ketanest®, Pfizer GmbH, Karslrube, Allemagne) et de 5 mg/kg de xylazine à 2 % par doses (Sedaxylan®, Pfizer GmbH). Une zone d’environ 8 cm de long et 4 cm de large est rasée sur le dos de chaque rat à l’aide d’un rasoir électrique et d’une lame de rasoir. Après la désinfection à l’aide de polyvidone iodée (Betaisodona®, Mundipharma, Limburg/Lahn, Allemagne), on pratique une incision cutanée paramédiane le long de la colonne vertébrale suivie de la préparation de 4 poches sous-cutanées non connectées. Les membranes sont placées au hasard dans les 160 poches ainsi réalisées (Fig. 2). La fermeture primaire de la plaie est obtenue à l’aide de sutures matelassées horizontales en Polyester® 3/0 (Resorba). Durant l’expérimentation, les animaux sont nourris ad libitum avec des graines alimentaires pour animaux. Ils sont sacrifiés par euthanasie dans une chambre au dioxide de carbone au bout de 2, 4, 8, 16 et 24 semaines. Les résidus de membranes sont récupérés avec le tissu conjonctif environnant et fixés dans du formol à 10 %.

HISTOMORPHOMÉTRIE

Tous les échantillons sont inclus dans de la paraffine. On réalise des coupes sériées de 4 µm d’épaisseur qui sont colorées avec un trichrome de Goldner. À partir de chaque échantillon, trois coupes sont systématiquement et uniformément prises au hasard et échantillonnées pour être analysées. Pour l’acquisition des images, un appareil photo numérique (Nikon D100, Nikon GmbH, Düsseldorf, Allemagne) est monté sur un microscope optique binoculaire (Olymus BX50, Olympus, Hambourg, Allemagne). Les images numériques (grossissement d’origine × 40) sont évaluées à l’aide d’un programme logiciel (ImageJ®, Scion Corp., Fredrik MD, États-Unis). L’épaisseur du corps de la membrane est mesuré linéairement sur 18 champs sélectionnés au hasard. Toutes les mesures sont prises par un examinateur en aveugle et calibrées. De plus, les paramètres suivants sont évalués de façon descriptive : vascularisation du corps de la membrane, intégration tissulaire et réaction à un corps étranger (c’est-à-dire présence de cellules géantes multinucléées).

ANALYSE STATISTIQUE

Un logiciel (SPSS 11,0, SPSS Inc., Chicago, États-Unis) est utilisé pour l’analyse statistique. Les valeurs moyennes et les écarts-types sont calculés pour évaluer l’épaisseur de la membrane dans chaque groupe. L’analyse de variance (ANOVA) et le test post hoc à l’aide de la correction de Bonferroni pour obtenir des comparaisons multiples ont été utilisés pour les comparaisons intra-groupes. Les résultats sont considérés comme statistiquement significatifs à p < 0,05.

RÉSULTATS

CICATRISATION POSTOPÉRATOIRE

Trois rats wistar ont du être euthanasiés prématurément en raison d’une infection importante de leur plaie (groupes 2, 8 et 24 semaines). Dans tous les autres cas, la cicatrisation postopératoire s’est déroulée sans problème (c’est-à-dire sans abcès ni réactions allergiques)

ANALYSE HISTOMÉTRIQUE

L’épaisseur du corps de la membrane pour chaque groupe à des étapes chronologiques différentes est présentée dans les Figures 3 à 10. L’analyse histométrique révèle que l’épaisseur de la membrane BG s’est significativement réduite entre la deuxième et la quatrième semaine ayant suivi l’implantation (p < 0,001) (Fig. 3). Lorsque l’on compare les scores à 2 semaines, on ne note aucun changement significatif durant le reste de la période d’observation (p > 0,05). Les membranes BM, BME, TD, VN(1) et VN(2) montrent des changements significatifs dans l’épaisseur de la membrane 8 semaines après l’implantation (respectivement p < 0,01, p < 0,001, p < 0,001 et p < 0,05). Pour le reste de la période d’expérimentation, on n’a observé aucun changement statistiquement significatif pour BM, BME, et VN(1) (Fig. 4, 5 et 8). En revanche, 8 semaines après l’implantation, TD et VN (2) présentent environ 60 % de l’épaisseur de la membrane mesurée au bout de 2 semaines. On observe une réduction significative de l’épaisseur de la membrane au bout de 16 et 24 semaines (p < 0,001 respectivement) (Fig. 7 et 9). L’analyse histométrique de VN(3) montre que l’épaisseur de la membrane a diminué 16 et 24 semaines après l’implantation (Fig. 10). Cependant, lorsque l’on compare avec les scores à 2 semaines, ces valeurs sont statistiquement insignifiantes (p > 0,05 respectivement). L’analyse histométrique n’a pas réussi à démontrer une diminution de l’épaisseur de la membrane OS durant toute la période d’observation de 24 semaines de l’étude (p > 0,05, respectivement) (Fig. 6).

ANALYSE HISTOLOGIQUE

Échantillons à 2 semaines

L’analyse histologique révèle des différences évidentes dans la structure de chaque membrane examinée. Le corps des membranes BG, TD et VN (1-3) semble être structuré comme un système poreux interconnecté (Fig. 11) ; cependant, TD semble être plus compacte (Fig. 14). En revanche, BM et BME présentent un aspect plus stratifié (Fig. 12) avec de larges interstices, alors que la membrane OS montre un corps de membrane exempt de la présence de tout interstice visible (Fig. 13). L’analyse histologique 2 semaines après l’implantation montre une vascularisation presque complète du corps de BG (Fig. 11), étant donné que des vaisseaux sanguins ont également atteint la surface non exposée de la membrane. Durant le même laps de temps, près de la moitié du corps de la membrane TD et VN (1-3) s’est vascularisée. Les membranes BM et BME ne montrent qu’une faible vascularisation superficielle de la portion exposée de la membrane (Fig. 12). Cependant, il n’y a aucun signe de vascularisation au niveau de la membrane OS (Fig. 13). L’intégration tissulaire la plus évidente se voit au niveau de BG, TD, VN(1) et VN(2). Par contre, BM, BME et OS ont nettement été séparées du tissu conjonctif adjacent par une fente qui, dans le cas de BM et de BME, était envahie par quelques vaisseaux sanguins (Fig. 12 et 13). On note une infiltration de cellules inflammatoires dans le tissu adjacent à la surface externe de TD, BM, BME, VN(2) et VN (3).

Échantillons à 4 semaines

Au bout de 4 semaines, la vascularisation a envahi presque tout le corps des membranes BM, BME, TD, VN(1) et VN(2) (Fig. 14). L’analyse histologique montre une organisation complète de BG résultant en une biodégradation presque totale de cette membrane (Fig. 15). Durant ce même laps de temps, la moitié du corps de la membrane VN(3) semble être vascularisée (Fig. 16). Aucun signe de vascularisation n’est observé pour la membrane OS. Pour OS, on note encore la présence d’une fente séparant la membrane du tissu environnant. Cependant, on n’observe pas la formation d’une capsule de tissu conjonctif autour de la membrane. Des cellules inflammatoires sont encore visibles dans le tissu adjacent à la surface externe de TD, BM, BME, VN(2) et VN(3) (Fig. 16). Quelques cellules géantes multinucléées isolées peuvent également être identifiées dans le corps des membranes TD, VN(2) et VN(3).

Échantillons à 8 semaines

Au bout de 8 semaines, toute l’organisation BM, BME et VN (1) a conduit à une biodégradation presque totale du corps de la membrane (Fig. 17). L’analyse histologique montre une vascularisation d’environ 75 % du corps de la membrane VN (3) (Fig. 18). Il n’y a toujours aucun signe de vascularisation ou de biodégradation visible pour la membrane OS. Cependant, quelques vaisseaux sanguins ont commencé à envahir la fente séparant la membrane OS du tissu adjacent (Fig. 19). L’infiltration de cellules inflammatoires observée 2 et 4 semaines après implantation dans le tissu adjacent à la surface externe de TD, BM, BME, VN(2) et VN(3) est nettement réduite. Cependant, quelques cellules géantes multinucléées peuvent être identifiées dans le corps de la membrane TD, VN(2) et VN(3).

Échantillons à 16 semaines

Au bout de 16 semaines, la vascularisation a atteint la plupart des zones du corps de la membrane VN(3). Cependant, contrairement à TD et VN(2), qui sont presque totalement organisées et remplacées par du tissu conjonctif nouvellement formé (Fig. 20), la structure collagénique de VN (3) est encore identifiable. Aucun signe de vascularisation ou de résorption n’a pu être observé pour la membrane OS, alors que des vaisseaux sanguins ont complètement rempli la fente séparant la membrane du tissu conjonctif environnant. Quelques cellules géantes multinucléées sont encore impliquées dans le processus de dégradation de TD, VN(2) et VN(3) (Fig. 20).

Échantillons à 24 semaines

L’analyse histologique au bout de 24 semaines montre une biodégradation presque totale et le remplacement des membranes TD et VN(2) par un tissu conjonctif nouvellement formé (Fig. 21). Bien que VN(3) soit totalement vascularisée, la structure collagénique de cette membrane est encore distincte du tissu environnant. La membrane OS montre une légère vascularisation superficielle de la portion exposée (Fig. 22). Quelques cellules géantes multinucléées peuvent encore être identifiées dans le corps de la membrane VN(3).

Les résultats des analyses histologiques et histomorphométriques sont résumés dans la Figure 23.

DISCUSSION

Cette étude animale a été conçue pour évaluer l’influence de différentes techniques de cross-linking sur la biodégradation, la vascularisation, l’intégration tissulaire et la réaction à un corps étranger de membranes de collagène utilisées pour les techniques de ROG/RTG, disponibles dans le commerce et expérimentales. En tenant compte de leurs limites, les résultats montrent que les collagènes porcins de types I et II sans liaisons croisées présentent une parfaite intégration tissulaire et, de ce fait, une vascularisation rapide, conduisant à une biodégradation quasi totale 4 semaines après leur implantation, sans réactions visibles envers un corps étranger. Cela est en accord avec les résultats d’une précédente étude qui a évalué la résorption de BG insérée au hasard et fixée à l’intérieur de poches créées chirurgicalement sur des chiens bâtards. Ils montrent une dégradation modérée à sévère de cette membrane de collagène 4 à 8 semaines après son implantation [31]. La vascularisation rapide et la résorption qui s’ensuit peuvent s’expliquer par les propriétés d’une membrane poreuse observées pour BG. Cependant, lorsque l’on utilise cette membrane dans des techniques de ROG/RTG, cette structure spécifique peut également permettre un transfert de nutriments à travers la membrane ce qui, derechef, peut améliorer l’environnement pour une régénération osseuse [32]. En effet, plusieurs études histologiques ont montré que l’utilisation de la membrane BG en association avec une matrice d’os minéral poreux avait la capacité de stimuler une formation importante de nouvel os et de nouveau cément avec la fixation de fibres de Sharpey [33-35]. En revanche, la vascularisation et la biodégradation de collagène bovin de type I sans liaisons croisées semblent être prolongées. Cela peut s’expliquer par la structure compacte de TD, offrant plus de résistance à l’invasion des vaisseaux sanguins. Cependant, une étude précédente évaluant la résorption d’un collagène bovin de type I sans liaisons croisées après implantation sous-cutanée chez le rat rapporte que ce matériau est également remplacé par un tissu conjonctif normal en 42 jours [36]. De plus, Paul et al. [29] ont démontré que chez l’homme, on n’observe aucun résidu de collagène bovin de type I sans liaison croisée exposé intentionellement après 1 semaine d’implantation. Dans ce contexte, il faudrait savoir si les données obtenues à partir d’une étude in vivo menée en sous-cutané peuvent être transposées à la cavité buccale, sachant qu’il a été rapporté que plusieurs pathogènes parodontaux tels que Porphyromonas gingivalis et Treponema denticola sont capables de produire de la collagénase, favorisant ainsi une résorption prématurée de la membrane [37]. Nos résultats démontrent également que la vascularisation et la biodégradation de membranes de collagène à liaisons croisées de façon chimique ou enzymatique sont nettement plus lentes comparées aux membranes sans liaisons croisées. Cela est en accord avec de précédents résultats provenant d’études animales montrant que la dégradation de membranes de collagène à liaisons croisées est significativement plus lente par rapport à celle du collagène natif [17, 29]. Cependant, dans le cas des membranes BM, BME et de la membrane OS, cela s’est accompagné d’une intégration tissulaire limitée qui se traduit par une fente séparant la membrane du tissu conjonctif adjacent. Dans l’interprétation de nos résultats, il faut également signaler que la technique histologique utilisée peut avoir favorisé la séparation du tissu conjonctif en raison de la faible fixation à la structure occlusive. D’un autre côté, les résultats provenant d’une récente étude in vitro ont montré que la membrane BM semble être incompatible avec la fixation et la prolifération des fibroblastes du ligament parodontal humain et des ostéoblastes SaOs-2 humains [30]. Cela est également en accord avec de précédentes études qui ont souligné que le cross-linking au glutaraldéhyde entraînait une diminution de la biocompatibilité de la membrane en raison des effets cytotoxiques [38, 39]. Cependant, les résultats provenant d’une étude histologique récente, évaluant BG et BME pour le traitement de déhiscences osseuses péri-implantaires chez le chien, montrent que les deux membranes de collagène favorisent la régénération osseuse de façon significative [40]. En ce qui concerne le cross-linking enzymatique, les résultats obtenus dans une récente étude in vitro montrent que la membrane OS présente une fixation et une prolifération cellulaires comparables à celles de BG et TD [30]. Cependant, l’analyse histologique de l’étude présentée ici révèle une intégration tissulaire limitée de la membrane OS, soulignant que la fixation cellulaire semble être diminuée dans des conditions in vivo. L’observation selon laquelle une légère vascularisation superficielle de la partie exposée de la membrane OS n’est visible qu’au bout de 24 semaines soulève la question de la biodégradation de cette membrane de collagène. Dans ce contexte, il est important de souligner les résultats d’une récente étude clinique et histologique chez l’homme qui a évalué la membrane OS pour les techniques de ROG en association avec de l’os minéral bovin déprotéinisé [41]. Ils rapportent que les couches de collagène de la membrane étaient encore identifiables 7 mois après la cicatrisation. Cependant, l’observation histologique révèle une apposition directe de tissus fibreux et osseux à la surface de la membrane. Ces résultats sont en accord avec notre observation montrant que l’intégration tissulaire de la membrane OS est nettement meilleure 24 semaines après l’implantation. De plus, il est important de souligner que l’exposition de la membrane a été suivie d’une épithélialisation secondaire totale [41, 42]. Toutes ces données réunies semblent indiquer que d’un point de vue clinique, la membrane OS pourrait être une membrane de collagène valable pour les techniques de ROG. En l’état actuel des connaissances les plus récentes, ce sont les premières données évaluant le mode de dégradation de collagène porcin de types I et II croisés chimiquement. Nous avons observé que le taux de résorption était directement lié au degré de cross-linking (c’est-à-dire que plus ce degré est élevé, plus le taux de résorption est lent). En effet, par rapport à la membrane BG sans liaisons croisées, le cross-linking chimique de VN (1-3) entraîne un temps de dégradation prolongé. Cependant, dans les cas de VN(2) et VN(3), les cellules inflammatoires semblent être impliquées dans le processus de biodégradation. Néanmoins, les réactions à un corps étranger sont aussi observées pour les membranes BM, BME et TD. Dans ce contexte, il faut souligner qu’une réaction prononcée à un corps étranger peut empêcher ou compromettre l’intégration du tissu conjonctif, étant donné que la fixation et la prolifération de fibroblastes ont été rapportées comme étant des précurseurs nécessaires au dépôt de collagène, puis d’intégration tissulaire [43]. En interprétant nos résultats, il faut également noter que la durée du maintien de l’espace a été rapportée comme étant un autre facteur important qui influence fortement le résultat des techniques de ROG/RTG [6]. D’autres études utilisant des modèles expérimentaux contrôlés in vivo sont nécessaires pour évaluer l’influence des différentes propriétés requises pour les membranes telles que la biocompatibilité, le rôle de barrière, la vascularisation (transfert nutritif), la réaction à un corps étranger, l’intégration tissulaire et la capacité à maintenir l’espace sur le résultat de la cicatrisation après l’utilisation des techniques de ROG/RTG.

Dans les limites de la présente étude, il a été conclu que le cross-linking des collagènes de types I et III croisés d’origine bovine et porcine est associé à :

– une biodégradation prolongée ;

– une intégration tissulaire et une vascularisation diminuées ;

– et, dans le cas des membranes TD, BM, BME, VN (2) et VN (3), des réactions à un corps étranger. !

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Titre original :

Biodegradation of differently cross-linked collagen membranes: an experimental study in the rat. Clin. Oral Impl. Res. 2005;16:369-378.

Traduit et reproduit avec l’aimable autorisation de Blackwell Munksgaard.

Merci de ne pas reproduire cet article, quel qu’en soit le motif, sans l’autorisation de l’éditeur.

REMERCIEMENTS

Nous avons vivement apprécié les talents et la participation de Mme Brigitte Beck pour la préparation des échantillons histologiques. Les matériaux utilisés pour cette étude ont été gracieusement fournis par Geistlich Biomaterials, Sulzer Medica, Colla-Tec, Inc ; 3i, Colbar R & D Ltd., États-Unis.