Implant n° 2 du 01/05/2012

 

DOSSIER CLINIQUE

Jean-Paul SICARD  

Diplôme universitaire de biomatériaux et systèmes implantables
(Bordeaux 2)
5, rue Dembarère
65000 Tarbes

L’alvéolyse postextractionnelle peut conduire à des défauts importants, la perte osseuse pouvant atteindre 80 % du volume initial.

La pose d’implants peut être compromise par un volume osseux trop faible.

La réalisation précoce de comblements associés à des membranes et éventuellement réalisés en même temps que la pose d’implants permet de réduire les difficultés de la restauration fonctionnelle postextractionnelle dans des conditions esthétiques et fonctionnelles de bonne qualité, avec des solutions moins invasives, plus efficaces et plus rapides. L’apport de nouveaux biomatériaux synthétiques va permettre d’obtenir des résultats dans la conservation des volumes osseux et gingivaux pour une thérapeutique implantaire fonctionnelle, rapide, moins invasive, pérenne et esthétique.

En chirurgie pré-implantaire ou péri-implantaire, les conditions d’optimisation de l’ostéo-intégration sont recherchées.

La conservation d’un volume osseux est nécessaire pour l’obtention d’un résultat esthétique et fonctionnel.

De l’os peut être obtenu ou conservé par des greffes autogènes ou par régénération osseuse [1].

Le temps et la complexité de réalisation de ces interventions ainsi que l’allongement du traitement sont des éléments à prendre en compte.

La préservation du capital osseux ou son amélioration au cours de l’avulsion est certainement préférable et la mise en place de l’implant en même temps que l’extraction semble être la solution d’avenir.

Le but de tout praticien est d’obtenir pour ses patients les solutions les plus bénéfiques, les moins invasives, les plus efficaces, les plus rapides et avec le plus de sécurité possible.

Le but de l’implantologie moderne est un maintien de l’os et du tissu gingival péri-implantaire à long terme pour assurer la fonction et l’esthétique [2].

Le concept de platform switching et le respect de l’espace biologique semblent être garants de :

– la stabilisation osseuse à long terme autour du col de l’implant ;

– meilleurs résultats esthétiques ;

– l’amélioration de l’épaisseur des tissus mous.

C’est le concept 4D implant position associé au platform switching, concept moderne de l’implantologie qui demande 2 à 3 mm entre les équateurs des implants, ce qui permet à une papille interimplantaire d’exister, de placer l’implant 1 mm en dessous du niveau osseux, d’avoir 2 mm d’épaisseur d’os vestibulaire et lingual ou palatin protégée par 3 mm d’épaisseur de tissu mou [2].

La pyramide des biomatériaux thérapeutiques comprend le système implantaire, le matériau de comblement et la membrane biologique qui vont permettre aux chirurgiens de choisir une thérapeutique simplifiée.

Les comblements alvéolaires postextractionnels par des matériaux ont été décrits depuis très longtemps. Des protocoles ont été mis en place de manière reproductible : ils permettent une amélioration des résultats cliniques.

La mise en place de biomatériaux dans l’alvéole permet une diminution significative de l’alvéolyse [3, 4].

La technique de comblement associée à l’adjonction d’une membrane résorbable à base de collagène évite l’envahissement du conjonctif et protège la régénération osseuse sous-jacente.

Les membranes résorbables à base de collagène présentent une meilleure tolérance tissulaire que les membranes non résorbables et les résultats obtenus sont comparables avec un risque d’échec moindre pour les résorbables [5, 6].

Le standard de la gestion des extractions avec mise en place ou non d’implants peut être défini comme une chirurgie avec lambeau minimum et utilisation de biomatériaux associés à une membrane collagénique avec suture rapprochant les berges.

La question que l’on peut se poser est celle de l’utilisation de biomatériaux de comblement : substituts osseux qui permettent de conserver un volume ou produits de régénération osseuse ?

Les substituts osseux sont constitués par l’os autologue, les systèmes allogéniques (os de banque) xénogéniques (bovin, corail…) ou alloplastiques (hydroxyapatite, phosphate tricalcique [TCP, tricalcium phosphate], bioverre), et les produits de régénération osseuse qui ont tendance à se résorber plus fortement que les autres : os autologue, matériau allogénique (os de banque) ou matériau alloplastique (bêta-TCP).

L’innocuité des matériaux de comblement allogène ou xénogène n’a pas été formellement prouvée ; il n’a pas non plus été prouvé qu’ils étaient totalement dénués de particules étrangères et ils peuvent être contaminants ou sensibilisants. Le principe de précaution du praticien ainsi que le principe de traçabilité pour le patient amènent le praticien à s’abstenir d’utiliser ces matériaux et à informer obligatoirement les patients sur l’origine de ces biomatériaux.

Les matériaux modernes de comblement semblent être les phosphates de calcium qui ont une importance biologique importante : les hydroxyapatites, l’alpha-TCP et le bêta-TCP (matériau qui a fait la preuve de son efficacité clinique depuis plus de 15 ans).

Le bêta-TCP, avec une porosité de plus de 60 %, permet de piéger les cellules mésenchymateuses et hématopoïétiques nécessaires à la cicatrisation osseuse.

L’alpha-TCP n’a pas d’intérêt clinique puisque, en présence d’eau, il se transforme en hydroxyapatite compacte.

L’inconvénient du bêta-TCP est sa résorption, même lente, qui se termine par une résorption plus ou moins importante du volume osseux obtenu.

Forts de leur expérience avec un bêta-TCP très poreux et très stable (Cerasorb®), les laboratoires Curasan ont été capables de mettre au point 2 biomatériaux synthétiques : IngeniOs® HA (Fig. 1) et IngeniOs® bêta-TCP bioactif : un substitut osseux de synthèse spongieux à pores ouverts, destiné au comblement ou à la prévention des pertes de substance osseuse. C’est une hydroxyapatite poreuse à 80 % dénommée Osbone® ou IngeniOs®.

Ce substitut osseux possède des pores ouverts et interconnectés, permettant la pénétration des vaisseaux sanguins. Sa porosité de 80 % permet d’obtenir une structure osseuse spongieuse à alvéoles ouvertes très proche de celle de l’os spongieux humain.

La taille de ces pores varie entre 250 et 450 µm (Fig. 2).

Cette hydroxyapatite de synthèse possède une grande stabilité structurelle, qui évite la production de microparticules et l’activité des macrophages induite par celles-ci.

La pureté de phase du substitut osseux favorise une résorption uniforme. Cette pureté de phase est supérieure à 95 %. Les 5 % restants sont constitués d’autres phases du système calcium phosphate, par exemple le bêta-TCP.

Cette composition exclut tout effet indésirable.

Dans ce substitut osseux, on note l’absence de nanoparticules. De nombreuses publications mettent en garde contre les dangers de ces dernières. En raison de leur très petite taille, ces particules traversent facilement la membrane cellulaire et peuvent occasionner d’importants dégâts au niveau du noyau même des cellules. Elles pourraient aussi interférer avec la biosynthèse des protéines en bloquant les sites récepteurs de l’ADN [7].

L’IngeniOs® s’utilise de la façon suivante :

– il doit être mélangé à du sang autologue provenant du défaut osseux, qui s’est déjà enrichi en facteurs contribuant à la cicatrisation ;

– la lacune osseuse, avec présence ou non d’implants, doit être complètement remplie sans tassement.

La structure poreuse des granules crée les conditions d’inclusion des cellules d’origine sanguine et d’apposition cellulaire.

L’utilisation de ce substitut osseux synthétique est présentée au travers de 2 cas cliniques :

– reconstruction de crêtes et d’un volume osseux nécessaire à une chirurgie implantaire postextractionnelle (pose des implants 7 mois après l’utilisation du biomatériau) ;

– utilisation du biomatériau de synthèse dans un cas d’extraction et d’implantation immédiate avec maintien et création d’un volume osseux.

Le laboratoire Curasan a aussi amélioré le bêta-TCP : grâce à son expérience de plus de 20 ans, il lui a adjoint un matériau augmentant sa porosité et améliorant sa stabilité mécanique. Cette porosité proche de l’os humain et une formulation optimisée conduisent à l’accélération et à l’amélioration qualitative de la régénération osseuse (cas clinique n° 3).

CAS CLINIQUE N° 1 (Fig. 3 à 30)

Extractions multiples de toutes les dents du maxillaire supérieur pour raisons parodontales et bridge complet du haut iatrogène, dents très mobiles.

Réalisation des extractions avec comblement et augmentation des volumes osseux par l’apport d’IngeniOs® HA substitut osseux synthétique.

Temporisation pendant 6 mois puis mise en place des implants.

CAS CLINIQUE N° 2 (Fig. 31 à 57)

Extraction de toutes les dents présentes (bridge iatrogène) avec mise en place des implants dans le même temps que les extractions, associée à une technique d’augmentation du volume osseux : substitut osseux IngeniOs® HA associé à la mise en place d’un matériau de régénération osseuse bêta-TCP bioactif (IngeniOs®-TCP) au contact des implants et dans les espaces résiduels alvéolaires autour des implants, « technique sandwich ».

CAS CLINIQUE N° 3 (Fig. 58 à 75)

Extraction de 4 incisives supérieures pour parodontopathie, curetage alvéolaire et, dans le même temps, mise en place de 4 implants, aménagement du volume osseux avec IngeniOs®-TCP et mise en charge immédiate.

Le résultat final est fonctionnel et esthétique avec création d’un volume gingival correct et de papilles interimplantaires.

CONCLUSION

Nous utilisons ces biomatériaux de comblement de synthèse depuis 1 an. Ils nous ont permis d’obtenir des reconstructions osseuses de qualité et mais aussi en volume que cela soit dans la préservation des volumes osseux postextractionnels permettant la pose d’implants dans un volume de crête de niveau A ou B mais surtout, ils nous ont permis de réaliser extraction et mise en place d’implants dans le même temps chirurgical avec éventuellement une mise en charge immédiate avec obtention d’un volume osseux péri-implantaire osseux et gingival conforme aux principes énoncés en début d’article qui assure à la fois la fonction, la pérennité et l’esthétique du concept thérapeutique implantaire.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Aghaloo TL, Moy PK. Which hard tissue augmentation techniques are the most successful in furnishing bony support for implant placement? Int J Oral Maxillofac Implants. 2007;22 (suppl.):49-70.
  • 2. Hermann F, Lerner H, Palti A. Paramètres de l’esthétique. 1 et 2 partie, Stratégie prothétique 2007;7:1-10 et Stratégie prothétique 2007;7:n° 5.
  • 3. Froum S, Cho SC, Rosenberg E, Rohrer M, Tarnow D. Histological comparison of healing extraction sockets implanted with bioactive glass or demineralized freeze-dried bone allograft: a pilot study. J Periodontol 2002;73:94-102.
  • 4. Norton MR, Odell EW, Thompson ID, Cook RJ. Efficacy of bovine bone mineral for alveolar augmentation: a human histologic study. Clin Oral implants Res 2003;14:775-783.
  • 5. Lekovic V, Kenney EB, Weinlaender M, Han T, Klokkevold P, Nedic M et al. A bone regenerative approach to alveolar ridge maintenance following tooth extraction. Report of 10 cases. J Periodontol 1997;68:563-750.
  • 6. Carmagnola D, Adriaens P, Berglundh T. Healing of human extraction sockets filled with Bio-Oss. Clin Oral Implants Res 2003;14:137-143.
  • 7. Singh N, Manshian B, Jenkins GJS, Griffiths SM, Williams PM, Matteis TGG, Wright CJ, Doak SH. Nanogentoxicology: the DNA damaging potential of engineered nanomaterials. Biomaterials 2009, 30:3891-3914.