CHIRURGIE
Mithridade Davarpanah* Keyvan Davarpanah** Georgy Demurashvili*** Stéphane De Corbière**** Serge Szmukler-Moncler*****
*Docteur en médecine, stomatologiste, exercice privé limité à la paradontologie, la chirurgie orale et l’implantologie,
Chef de service du Centre de réhabilitation orale (ORC), Hôpital américain de Paris, Neuilly-sur-Seine.
**Interne des hôpitaux de Paris en odontologie, Faculté d’odontologie, Université René Descartes (Paris 5),
Attaché en chirurgie buccale à l’Hôpital Bretonneau de Paris,
Membre associé du Collège Européen d’Orthodontie.
***Assistant-Associé, département de prothèse, Faculté d’odontologie, Université René Descartes (Paris 5).
****Docteur en médecine, ORL et chirurgien de la face et du cou,
Membre de l’Académie nationale de Chirurgie,
Fellow of American College of Surgeons,
Membre de l’Académie américaine d’ORL et de chirurgie de la face et du cou,
Chirurgien ORL de l’Hôpital américain de Paris, Neuilly-sur-Seine.
*****Professeur associé, département de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale, Université Pierre et Marie Curie (Paris 6),
Visiting Professor, Odontology Department,
Galeazzi Orthopaedic Institue, Milan (Italie),
Consultant international en biomatériaux et en implantologie, Bâle (Suisse).
La greffe sinusienne par abord latéral est une intervention chirurgicale invasive. Selon la situation anatomique rencontrée, elle peut comporter un certain degré de complexité. Cet article décrit quinze éléments anatomiques à lire sur les coupes radiologiques, afin d’évaluer le risque de complication peropératoire. La connaissance de ces paramètres permettra au chirugien débutant de mettre en place une courbe d’apprentissage et de référer les cas pour lesquels il ne se sent pas encore suffisamment aguerri.
Sinus lifting through the lateral window is an invasive surgical procedure. Various levels of complexity can be encountered according to local anatomic situation. The non-experienced surgeon needs to know in advance when such a procedure is expected to be easily performed or it will be highly met with complications. This paper provides a list of 15 anatomic elements to be identified on 3D radiographic sections, with the aim to determine the complication risk. Consequently, the surgeon will be able to set up his own learning curve with its relevant milestones. Accordingly, he will decide if his/her surgical skills are sufficient to perform the involved surgery or he/she should rather forward the case to a more experienced colleague.
La greffe sinusienne par abord latéral est indiquée lorsque le secteur postérieur du maxillaire est atrophié. La hauteur osseuse résiduelle est en général < 5 mm [1, 2] ; elle ne peut recevoir un implant, même court, sans qu’il ne fasse effraction dans la cavité sinusienne. La greffe au maxillaire postérieur consiste alors à soulever la membrane sinusienne et à combler l’espace nouvellement créé à l’aide d’un substitut osseux. Le but est de permettre la pose dans un environnement constitué de tissu osseux d’un implant de longueur classique, entre 8 et 10 mm.
Dans ce protocole, la membrane sinusienne est abordée par la paroi antérolatérale du sinus maxillaire ; elle est décollée sur une certaine hauteur de la paroi interne du sinus. Lorsqu’aucun événement particulier n’est venu troubler le décollement membranaire, la cavité est comblée. Selon la stabilité primaire escomptée dans l’os résiduel en question, la pose des implants est immédiate ou différée. Cependant, des complications peuvent surgir lors de l’intervention chirurgicale ; elles sont susceptibles de rallonger ou même d’interrompre le projet de comblement.
La complication la plus fréquente est la perforation de la membrane sinusienne. Elle peut avoir lieu durant l’abord de la paroi antérolatérale du sinus ou durant la phase de décollement de la membrane sinusienne le long de cette paroi en direction crestale, lors de son décollement du plancher sinusien ainsi que le long de la paroi interne du sinus. L’usage des inserts vibrants de la chirurgie ultrasonique, ou piézochirurgie, lors de l’abord de la paroi antérolatérale réduit de manière conséquente la fréquence de perforation de la membrane sinusienne : de l’ordre de 25-30 % en moyenne [3] à environ 3 % [3, 4].
Le chirurgien débutant souhaite être en capacité d’estimer la difficulté du cas qui se présente à lui. Cette greffe sinusienne est-elle un cas sans difficulté particulière, et donc l’intervention est à sa portée, ou constitue-t-elle un cas complexe, qui nécessite une certaine aisance dans le geste chirurgical ainsi qu’une maîtrise dans la gestion des complications qui surgiront, presque forcément ?
L’estimation du risque peropératoire peut s’effectuer en déchiffrant certains éléments anatomiques qui apparaissent sur les coupes de l’examen radiographique sectionnel 3D. Pour sérier les difficultés, le chirurgien devra savoir interpréter les planches de la radiographie sectionnelle dans le détail, en reconnaître les divers éléments et repères.
Le but de cet article est de décrire un ensemble de quinze éléments radiographiques à identifier, susceptibles de prédire le risque de complication lors de la greffe sinusienne par abord latéral. Une approche plus visuelle de ces éléments a été précédemment effectuée [5] dans un ouvrage récemment publié [2].
Avant de procéder à l’examen radiographique, une anamnèse du patient aura eu lieu afin de savoir si le patient remplit les conditions médicales et locales préalables à l’intervention chirurgicale. Elle recouvre les contre-indications générales des greffes. Les points suivants sont évalués :
– patient non immuno-déprimé ;
– absence de maladies systémiques non contrôlées (diabète, hypertension, etc.) ;
– absence de cardiopathies à haut risque ;
– absence de troubles psychologiques majeurs ;
– absence de dépendance alcoolique ou médicamenteuse ;
– bilan sanguin préopératoire.
L’anamnèse locale recouvre les contre-indications locales des greffes. Les points suivants sont vérifiés :
– absence de radiothérapie dans la région maxillaire ;
– absence de kyste sinusien ;
– absence d’infection sinusienne ;
– absence de sinusites chroniques ;
– absence d’infection osseuse sous-sinusienne importante.
Les planches que le chirurgien obtient du radiologue correspondent à des coupes panoramiques ainsi qu’à des coupes transverses dites encore « coupes obliques ». La lecture de ces deux types de coupes est indispensable, car les informations qu’elles procurent sont distinctes. Certains repères anatomiques ne peuvent être déterminés que sur une coupe panoramique, d’autres exclusivement sur une coupe transverse, vestibulo-palatine, alors que d’autres encore apparaissent simultanément sur les deux.
Une liste de quinze éléments radiographiques a été établie, afin d’estimer la probabilité de surgissement d’une complication peropératoire. Cela couvre la perforation de la membrane sinusienne au cours du décollement ainsi que le saignement aigu suite à la rupture d’un vaisseau non identifié par avance.
A. Déterminer la hauteur osseuse disponible sous le sinus
1. Hauteur osseuse résiduelle (HOR)
– sur coupes obliques
– sur coupes panoramiques
B. Contre-indications loco-régionales
2. Pathologies sinusiennes (infections dentaires, kystes, allergies)
– sur coupes obliques
– sur coupes panoramiques
C. Évaluation de la difficulté opératoire
3. Présence d’un septum ou de septa
– sur coupes obliques
– sur coupes panoramiques
4. Présence de racines de dents adjacentes plongeant dans le sinus
– sur coupes panoramiques
5. Présence d’une pathologie apicale au niveau des racines des dents adjacentes
– sur coupes obliques
– sur coupes panoramiques
D. Évaluation de la difficulté à décoller la membrane sinusienne
6. Épaisseur de la membrane sinusienne
– sur coupes obliques
– sur coupes panoramiques
E. Éléments de morphologie sinusienne
7. Épaisseur de la paroi osseuse antérolatérale
– sur coupes obliques
8. Présence d’une artère dans la paroi antérolatérale
– sur coupes obliques
9. Angle α (entre la paroi antérolatérale et la paroi interne ou le plancher)
– sur coupes obliques
10. Angle β (entre les portions nasales et les portions palatines de la paroi interne)
– sur coupes obliques
11. Distance δ (largeur vestibulo-palatine)
– sur coupes obliques
12. Largeur mésio-distale de l’espace à greffer
– sur coupes panoramiques
13. Degré de corticalisation osseuse du plancher sinusien (évaluation de la difficulté de décollement de la membrane sinusienne)
– sur coupes obliques
– sur coupes panoramiques
14. Degré de corticalisation osseuse de la crête alvéolaire (sites récents d’extraction, communication oro-antrale)
– sur coupes obliques
– sur coupes panoramiques
F. Paramètres indicatifs de la possibilité de réaliser une implantation immédiate
15. Qualité osseuse de l’os résiduel aux sites à greffer et
1. Hauteur osseuse résiduelle (HOR)
– sur coupes obliques
– sur coupes panoramiques
La HOR se lit sur les coupes panoramiques ainsi que sur les coupes obliques. La lecture est plus précise sur les coupes obliques. Il est alors possible de noter le caractère variable de cette hauteur en fonction de la distance à la paroi antérolatérale (Fig. 3). Cette notion n’est pas perçue sur les radiographies panoramiques ou rétro-alvéolaires, car elles résultent d’une projection d’un volume 3D sur un plan 2D.
L’abord de la greffe peut être crestal ou latéral. Il est admis de privilégier l’abord crestal lorsque la HOR est ≥ 5 mm [1, 2] ; il est moins invasif mais il se pratique en aveugle. C’est pourquoi le praticien peut lui préférer l’abord latéral, qui offre davantage de sécurité dans l’exécution du geste.
À l’opposé, lorsque la HOR est < 5 mm, certains praticiens expérimentés peuvent prétendre encore favoriser l’abord crestal, plus particulièrement lorsque la membrane est épaisse et que l’implant choisi autorise une stabilité primaire satisfaisante [6]. En revanche, lorsque la HOR est de l’ordre du millimètre, l’abord latéral est la voie exclusive.
La radio-opacité sinusienne se lit sur les coupes panoramiques ainsi que sur les coupes obliques.
Dans un premier temps, la pathologie provenant des dents adjacentes pénétrant dans le sinus est déterminée sur une des coupes panoramiques. Passer en revue la succession des coupes obliques à plus fort grossissement sur un logiciel d’imagerie est efficace pour identifier la ou les dents à incriminer.
Dans la plupart des cas, une radio-opacité sinusienne signe l’existence d’une pathologie inflammatoire, sauf lorsque son caractère allergique peut être démontré. Elle résulte de la présence de substances sécrétées. Le traitement de l’inflammation doit être effectué avant de considérer la greffe osseuse.
En revanche, une radio-opacité postopératoire peut être attribuée à la présence significative d’un hématome, appelé à se résorber après une à deux semaines.
La présence de septa se lit sur les coupes panoramiques ainsi que sur les coupes obliques (Fig. 1 et 2). La coupe panoramique offre une première lecture globale qui doit être complétée par l’observation des coupes obliques sur toute l’étendue antéro-postérieure de la greffe.
L’absence d’un septum sur une coupe oblique ne signifie pas nécessairement son absence [5]. Avant de conclure, il faut observer attentivement la succession des coupes transverses. Pour bien saisir la géométrie du septum dans son développement depuis l’avant vers l’arrière, l’imagerie 3D s’avère parfois nécessaire (Fig. 4).
La présence d’un septum ou de septa constitue un des paramètres les plus susceptibles de compliquer le décollement de la membrane sinusienne. La fréquence des perforations membranaires est alors augmentée, jusqu’à atteindre 44 % [7].
Les septa sont plus ou moins étendus ; ils peuvent parfois réunir les parois antérolatérale et interne pour créer deux sous-entités sinusiennes bien distinctes (Fig. 4). Distribués entre les secteurs antérieurs (au niveau PM), moyens (entre PM et M) et postérieurs (au niveau de M1 et M2), leur fréquence est de l’ordre de 25 à 30 % [7, 8, 9]. Entre M1 et M2, elle peut culminer autour de 40 % [9].
Dans certains cas, éluder la perforation de la membrane est impossible. Il est alors concevable de recourir à une stratégie d’évitement, par exemple en faisant deux volets, de part et d’autre du septum [2, 5], ou en effectuant un décollement partiel de la membrane du plancher sans atteindre la cloison interne [5]. Le décollement membranaire partiel doit cependant être suffisamment ample en largeur pour autoriser la mise en place d’une quantité de matériau de comblement compatible avec la pose ultérieure d’un implant de longueur standard.
Le chirurgien expérimenté, quant à lui, pourra envisager de briser les septa à la pince ou à l’insert vibrant de piézochirurgie. Il anticipera alors la perforation de la membrane ainsi que sa réparation en programmant un temps plus ample d’intervention.
Le niveau de pénétration dans le sinus des dents adjacentes à la zone édentée qui doit être réhabilitée se lit sur les coupes panoramiques (Fig. 1). L’apport d’informations supplémentaires obtenues sur les coupes obliques est généralement négligeable.
La présence d’une racine plongeante constitue un problème potentiel lors du décollement de la membrane. Trop fortement adhérente sur le pourtour de la racine, elle peut conduire à la perforation membranaire. Plus la protrusion de la racine est prononcée dans le sinus et plus l’angle de cette protrusion est aigu ; davantage de difficultés sont attendues.
La présence de pathologies apicales sur les dents adjacentes se lit sur les coupes panoramiques (Fig. 1) puis sur les coupes obliques. Avec un logiciel d’imagerie médicale ou d’implantologie assistée par ordinateur (IAO), un fort grossissement centré sur les zones apicales permettra de bien se rendre compte d’une éventuelle interaction avec le sinus maxillaire.
L’observation d’une pathologie apicale induisant une radio-opacité constitue une contre-indication temporaire à la greffe sinusienne. Le retour à la normale est signalé par un sinus radio-clair ; cependant, un épaississement membranaire peut lui être consécutif, correspondant à un tissu fortement fibrosé. Ce dernier est bien visible sur la radiographie ; il peut induire le praticien en erreur quant à sa facilité à se laisser disséquer.
L’épaisseur membranaire se lit sur les coupes panoramiques (Fig. 1) ainsi que sur les coupes obliques (Fig. 2 et 3). La coupe panoramique ne peut informer que sur l’épaisseur au niveau du plancher sinusien. La lecture successive des coupes transverses le long de la zone à greffer donne l’information requise, au contact de la paroi antérolatérale ou du plancher sinusien ainsi qu’au niveau de la paroi interne.
L’épaisseur de la membrane est un des facteurs les plus prédictifs de la difficulté d’un décollement sans complication de la membrane. Plus la membrane est fine, plus elle sera fragile à la dissection. Une membrane bien visible sur les coupes transverses sera indicative d’une membrane aisée à manipuler durant le décollement chirurgical.
Une membrane épaisse ou hypertrophique doit attirer la méfiance, car elle peut être le résultat d’antécédents inflammatoires répétés. Si tel est le cas, la fibrose aura envahi la membrane par l’inflammation. Elle est alors, certes, épaisse, mais peut se révéler plus difficile que prévu à décoller de la paroi osseuse. L’épaisseur pourra prévenir de la perforation mais pas d’une intervention chronophage.
L’épaisseur de la membrane varie typiquement de 0,3 à 1,3 mm [10, 11]. Elle varie grandement d’un individu à l’autre, d’une portion du sinus à l’autre et d’une paroi sur l’autre. Certains auteurs ont suggéré l’existence d’une corrélation entre épaisseur de la membrane sinusienne au niveau du plancher et phénotype gingival [11]. Cette étude portant sur vingt patients a pu montrer que la moyenne de l’épaisseur de la membrane sinusienne était de 1,26 ± 0,14 mm pour les patients au biotype épais et de 0,61 ± 0,15 mm pour les patients au biotype fin.
L’épaisseur osseuse de la paroi antérolatérale se lit exclusivement sur les coupes obliques (Fig. 2 et 3). Au même titre que la membrane sinusienne, l’épaisseur de la paroi antérolatérale varie grandement d’un individu à l’autre et d’un endroit à l’autre du sinus : de moins de 1 à 3 mm, voire de 5 mm [3]. Le plus fréquemment, elle oscille de 1 à 2 mm.
En tant que telle, l’épaisseur de la paroi ne pose pas de problème particulier, pour autant qu’elle ne contienne pas de vaisseau sanguin. Cependant, son épaisseur peut influer sur la stratégie de découpe de la paroi osseuse ainsi que sur les instruments choisis pour la réaliser.
Lorsque la paroi est épaisse, il n’est pas pertinent de rabattre un volet encombrant à l’intérieur de la cavité sinusienne. Il sera préférable de décoller le volet, afin de l’utiliser pour refermer la cavité. Lorsque la paroi est fine, toutes les possibilités sont envisageables.
L’instrumentation à inserts piézoélectriques est habituellement recommandée pour découper la paroi osseuse. Cependant, lorsque l’épaisseur est supérieure à 2-3 mm, démarrer la découpe à l’insert vibrant est souvent chronophage. Il peut être pertinent de commencer par des instruments rotatifs pour finir, à l’approche de la membrane, avec les inserts vibrants, car ils offrent une sécurité accrue contre le risque de perforation.
La présence de l’artère alvéolaire supérieure et postérieure (APS), issue de l’artère maxillaire, se lit sur les coupes transverses (Fig. 5a, 5b et 5c). Elle est plaquée contre la paroi ou chemine, incluse dans la paroi osseuse (Fig. 5a, 5b et 5c), dans 47 à 55 % des cas [12, 13]. Si elle se trouve sur le trajet du volet osseux (Fig. 5b), elle devient un élément cardinal à identifier. Son existence déterminera la complexité de l’intervention et le choix des instruments dans l’abord osseux de la paroi.
En l’absence d’une artère sur le trajet du volet (Fig. 5a), l’intervention est simple : un cas idéal pour débuter. Lorsqu’elle est identifiée, la difficulté n’augmente pas avec le diamètre de l’artère, au contraire. Il faut bien reconstituer son parcours sur les différentes coupes obliques afin de l’aborder avec les instruments adéquats.
Les inserts de piézochirurgie permettent d’éviter l’effraction du vaisseau ; cela en fait une famille idéale d’instruments. Un vaisseau large est plus aisé à identifier à la radiographie et plus facile à isoler qu’un vaisseau de petit diamètre, car sa gangue fibreuse est consistante.
Cet angle α détermine la morphologie sinusienne ; il se lit exclusivement sur les coupes transverses (Fig. 2, 3, 6 et 7). Il est délimité par la paroi antérolatérale et la paroi interne du sinus ou bien entre la paroi antérolatérale et le plancher quand il est suffisamment large. L’angle peut être plus ou moins ouvert ; il est dit « en V » lorsque l’angle est fermé et « en U » lorsque l’angle est plus ouvert (Fig. 6a). En l’absence d’un septum, il constitue un bon indicateur de la difficulté du décollement de la membrane au niveau du plancher.
Plus l’angle α est ouvert, plus aisé sera le décollement membranaire, car les curettes peuvent être passées en continuité des parois. Cho et al. [14] ont pu montrer une relation entre le degré d’ouverture de l’angle α et le taux de perforation de la membrane durant le décollement. Pour des angles α < 30°, entre 31° et 60° et > 60°, les taux de perforation furent respectivement de 37,5 %, 28,6 % et 0 %.
On se souviendra que l’angle α du sinus maxillaire est plus fermé dans sa partie antérieure, c’est-à-dire dans la zone des prémolaires, que dans son secteur postérieur.
De ce fait, les premières interventions de la courbe d’apprentissage de cette technique chirurgicale seront préférentiellement faites au niveau des zones plus postérieures qu’antérieures.
Cet angle β détermine aussi la morphologie sinusienne. Il se lit exclusivement sur les coupes transverses (Fig. 2, 3, 5, 6 et 7). Les côtés de l’angle β qui déterminent la morphologie du sinus sont les deux portions nasales et palatines de la paroi interne (Fig. 6a et 6b). Son ouverture varie, similairement à l’angle α l’angle est dit « en forme de V » lorsqu’il est fermé (Fig. 6a). Comme précédemment pour l’angle α, il constitue un bon indicateur de la difficulté du décollement de la membrane au niveau de la paroi interne.
Le décollement est plus aisé lorsque l’angle β est ouvert. Lorsqu’une forme en V est identifiée, encore faut-il déterminer la nécessité de décoller la membrane jusqu’à atteindre l’angle β. Parfois, une hauteur de 12-13 mm, suffisante pour poser un implant de 10-12 mm, est obtenue en deçà du niveau de cet angle (Fig. 7). Dans ce cas, la forme de l’angle β n’est d’aucune importance.
La distance δ est la longueur qui sépare la paroi antérolatérale de la paroi interne du sinus au niveau de l’angle β. Elle intervient dans la détermination de la morphologie sinusienne ; elle se lit exclusivement sur les coupes transverses (Fig. 7). Elle varie amplement entre la partie antérieure et la partie postérieure d’un même sinus, de même qu’entre sinus de patients différents.
Lorsque la distance est limitée, entre 10 et 15 mm, le passage des curettes entre la paroi externe et la paroi interne est aisé. En revanche, lorsque cette distance augmente au-delà de 20 mm (Fig. 7), il peut devenir plus problématique d’atteindre la paroi interne. Des instruments plus longs sont nécessaires ainsi qu’un temps d’intervention en conséquence avec la distance, car la surface totale de membrane à décoller est augmentée.
Il est possible de déterminer trois niveaux de difficulté selon l’étendue de la distance [15], selon qu’elle est < 15 mm (Fig. 5a), entre 15 et 20 mm (Fig. 5c) ou > 20 mm (Fig. 5b, 7).
La lecture de cette distance s’effectue exclusivement sur une coupe panoramique. La largeur de l’espace à greffer est un point important à déterminer, car son étendue peut dicter le nombre de volets osseux à préparer ainsi que leur géométrie. Lorsque l’étendue est limitée à un espace occupé par deux ou trois dents (Fig. 1) – de toute façon < 20 mm –, un seul volet, de taille variable, est suffisant pour accéder à l’espace à greffer. Lorsque l’édentement à réhabiliter est plus ample, soit > 20 mm, et concerne l’ensemble du secteur postérieur, il y a lieu de se poser la question de savoir si l’étendue mésio-distale du volet osseux n’est pas mieux servie en réalisant deux volets au lieu d’un seul. Certains auteurs recommandent dans ce cas de faire deux volets [15] ; notre avis est plus nuancé. La nécessité de faire deux volets est réelle quand un septum s’interpose sur le trajet de la découpe du volet [3].
Réaliser deux volets augmente les risques de perforation de la membrane : toutes les phases d’abord et de dissection sont dédoublées. D’un autre côté, le décollement de la membrane est moins difficile, car il ne porte pas sur une distance aussi étendue.
Le degré de corticalisation du plancher se lit sur les coupes panoramiques ainsi que sur les coupes transverses. Il fait partie des éléments permettant de prévoir la difficulté du décollement membranaire. Un plancher bien corticalisé annonce souvent une membrane facile à décoller, car son interpénétration avec la paroi osseuse sera limitée (Fig. 8). Lorsque la délimitation du plancher n’est pas nette sur la radiographie, il faut s’attendre à des adhérences entre la paroi osseuse et le chorion membranaire, du fait d’une interpénétration importante avec la trame osseuse des parois (Fig. 9). Dans ce dernier cas, de petites irrégularités peuvent clairsemer le plancher, qui préviennent un plan net de clivage. Elles peuvent être attribuées à des incidents inflammatoires répétés.
Le degré de corticalisation de la crête alvéolaire se lit sur les panoramiques ainsi que sur les coupes transverses. Il met en évidence les sites postextractionnels immédiats qui risquent de créer une communication oro-antrale. Lorsque le site est guéri et que la corticale est bien dessinée, la membrane est complètement isolée de la cavité buccale. Lorsque le site est frais ou en voie de cicatrisation, des adhérences peuvent se développer. Ce sont elles qu’il s’agit d’identifier avant de se lancer dans une intervention que l’on veut toujours simple et sans complexité particulière.
La HOR ainsi que la qualité osseuse se lisent sur les coupes panoramiques ou transverses. Sur les logiciels d’imagerie 3D, la densité osseuse peut même être transcrite en unités Hounsfield. Ces deux paramètres permettent d’évaluer si une implantation immédiate est possible ou s’il est préférable d’y renoncer. Plus la HOR est élevée, ainsi que la qualité osseuse, meilleures sont les chances d’obtenir une stabilité primaire adéquate.
Lorsque l’os est de faible densité (Fig. 2), la stabilité primaire ne peut être qu’insuffisante. On renoncera à l’implantation ou, dans le meilleur des cas, on procédera à une mise en nourrice quand un implant autoforant est à disposition [16]. Avec un tissu osseux de meilleure qualité (Fig. 5a et 5c), où la proportion d’os normal de type II est plus élevée, l’implantation peut être effectuée immédiatement, car une stabilité primaire satisfaisante sera plus facilement obtenue.
La greffe sinusienne par abord latéral est une intervention chirurgicale qui peut se révéler complexe et invasive. Le chirurgien débutant doit être en mesure d’identifier le degré de complication peropératoire du cas qui se présente à lui. En effet, cela l’amènera à mettre en place une courbe d’apprentissage en fonction de la difficulté perçue et de renoncer aux cas pour lesquels il ne se sent pas encore suffisamment aguerri. Les quinze éléments anatomiques décrits dans cet article sur les coupes de l’examen tomodensitométrique devraient permettre à tous les praticiens de procéder à une bonne évaluation du risque de complications susceptibles de surgir au cours de ce type d’intervention.
REMERCIEMENTS : Les auteurs remercient vivement le docteur Nedjoua Capelle-Ouadah pour son aide active et quotidienne, les indispensables assistantes Aurélie, Mehri, Sabrina, Vanessa, Vida, ainsi qu’Alexandra, sans omettre Kim et Raania de l’Hôpital américain.