Implant n° 3 du 01/09/2011

 

DOSSIER CLINIQUE

Éric Schneck*   Bernard Chapotat**  


*DU d’implantologie et de chirurgie maxillo-faciale
13, rue Dugelay
69250 Neuville-sur-Saône
**Diplomé d’enseignement et de recherche en Biologie humaine
DU d’implantologie et de chirurgie maxillo-faciale
Ancien Assistant des Universités

Dans l’ensemble des systèmes implantaires, il existe deux systèmes de connexion à deux étages entre la suprastructure et l’implant : les systèmes à emboîtement parallèle (également appelés « à joint plat ») et les systèmes à interface conique. Ces derniers, fondés sur l’emboîtement de deux cônes normalisés, apportent une augmentation maximale de la surface de contact entre les deux pièces, ce qui évite les micromouvements et assure ainsi une plus grande stabilité de la connexion pilier-implant. Le cône morse permet aussi une meilleure répartition des contraintes et une distribution optimale des forces sur l’os péri-implantaire.

INTRODUCTION

La jonction implanto-prothétique joue un rôle essentiel dans les cas de reconstruction à deux étages, que ce soit au niveau biologique ou au niveau mécanique. Toute reconstruction prothétique est, en effet, assujettie à l’implant et à une pièce intermédiaire : le pilier implantaire. Ce dernier devra assurer cinq fonctions essentielles [1] :

– établir et maintenir une connexion stable entre l’implant et la restauration prothétique ;

– transmettre les forces de manière régulière sur l’os péri-implantaire, en diminuant le risque de fracture du pilier et de la vis de transfixation ;

– maintenir des tissus mous péri-implantaires stables et non inflammatoires ;

– recevoir une restauration prothétique la plus esthétique possible ;

– établir enfin dans le sens mésiodistal des rapports mécaniques favorables.

Deux concepts mécaniques de pilier implantaire sont proposés : les connectiques à plat (interne ou externe) et les connectiques de type cône morse. Ces dernières présentent de nombreux avantages sur le plan mécanique [2, 3, 4, 5], biologique [6], mais aussi pour l’obtention d’un résultat esthétique optimal et durable [7].

Chaque étape de la réalisation implanto-prothétique est essentielle : le positionnement de l’implant dans l’os résiduel, dans le plan horizontal évidemment mais aussi et surtout dans le plan vertical ; le choix des vis de cicatrisation, autant en hauteur qu’en diamètre, ou des piliers implantaires provisoires qui vont permettre aux tissus mous péri-implantaires de se modeler ; enfin, et non des moindres, la transmission de l’ensemble de ces informations au laboratoire, qui devra les respecter impérativement pour répondre à l’attente esthétique et fonctionnelle recherchée.

LES DIFFÉRENTS CONCEPTS DU PILIER IMPLANTAIRE

LA CONNECTIQUE À PLAT

C’est le mode de connexion le plus usité et le plus ancien des implants vissés [8]. Bien que cela soit ignoré par la plupart des utilisateurs, l’objectif de cet hexagone externe était au départ un moyen de préhension pour le vissage de l’implant. La jonction pilier-implant se développe sur la surface de contact périphérique entre le pilier et l’implant, et la stabilité de la jonction du pilier avec l’implant est dépendante de la vis de transfixation, dont le rôle est prépondérant dans le maintien de la connexion pilier-implant.

Ces systèmes de connexion à plat sont constitués d’un mode d’emboîtement de type parallèle. L’assemblage de la partie mâle ne peut se réaliser avec la partie femelle que s’il existe une tolérance car les parois ne sont pas strictement parallèles. La stabilité du système est alors assurée par la compensation que fournit le mécanisme central : la vis de transfixation qui maintiendra le couple pilier-implant [5].

Cette nécessaire tolérance est à l’origine d’un hiatus entre le pilier et l’implant, ce qui engendre au niveau mécanique des micromouvements à l’origine du risque de dévissage des pièces prothétiques et/ou de la fracture de la vis de transfixation [9]. L’hexagone interne, en pénétrant plus profondément dans l’implant, augmente la surface de contact, ce qui assure une plus grande stabilité. Cette dernière va limiter les micromouvements en diminuant ainsi les risques de dévissage ou de fracture des éléments constitutifs de la construction prothétique sans pour autant les éliminer.

LE CÔNE MORSE (Fig. 1)

Le principe du cône morse est fondé sur l’emboîtement de deux cônes normalisés ; l’interface conique interne se situe dans l’implant et l’interface conique externe est présente sur le pilier. L’angle du cône varie entre 5° et 11° en fonction des différents types d’implants ; l’implant In-Kone(r) (Tekka), par exemple, est réalisé avec un angle de 7°. La résistance de ce type de connexion est plus importante [2] que la connexion à joint plat, et le risque de dévissage et/ou de fracture de la vis de transfixation est notoirement diminué [4]. Pour un implant de même diamètre, la surface de contact entre l’implant et le pilier peut varier de quatre à six fois entre une connexion de type hexagone externe (ou interne) et une connexion de type cône morse [10] (Fig. 2), ce qui va naturellement limiter les problèmes mécaniques.

AVANTAGES DU CÔNE MORSE

SUR LE PLAN MÉCANIQUE

Actuellement, les connexions les plus résistantes au niveau mécanique sont constituées par les interfaces coniques, qui établissent une connexion stable et durable entre l’implant et le pilier prothétique en limitant le hiatus entre ces deux éléments : 30 microns pour une connexion à plat et 0,8 micron dans les zones les plus larges d’une connexion de type cône morse [1]. La connexion conique est, en effet, fondée sur l’emboîtement de deux cônes normalisés, ce qui permet une augmentation maximale de la surface de contact entre ces deux pièces, évitant ainsi les micromouvements et assurant une plus grande stabilité de la connexion pilier-implant. Il est important de souligner que seuls les cônes dont l’angulation est inférieure à 10° entre le pilier et l’implant peuvent être considérés comme autobloquants. Ainsi, plus l’angle du cône est aigu, plus la stabilité, la rétention et l’étanchéité sont grandes avec des pièces normalisées. Cette stabilité et cette rétention plus grandes diminuent directement le rôle central de la vis de transfixation, ce qui limite les risques de fracture ou de dévissage [3].

Le cône morse permet aussi, grâce à une meilleure répartition des contraintes, une distribution optimale des forces le long de l’implant, sans risque de surcharge, sur l’os péri-implantaire [1, 4]. Les zones de surcharge, localisées dans les premiers millimètres au niveau crestal de l’implant, disparaissent au profit d’une distribution plus harmonieuse le long de l’implant [5]. Cette distribution particulière des forces tout au long du corps implantaire autorise de fortes charges fonctionnelles avec des implants de moindre diamètre ou de faible hauteur, ce qui est particulièrement intéressant dans les zones de forte résorption osseuse [6]. La réalisation de microspires sur le col implantaire a été proposée pour améliorer la dispersion des forces le long de l’implant [11, 12].

Enfin, l’avantage mécanique du cône morse est fondamental puisque le choix du diamètre de l’implant ne se fait plus en fonction de la reconstruction prothétique mais de façon à obtenir une quantité d’os maximal péri-implantaire (Fig. 3a et 3b). Dans le cas de connexions à plat, le fait de diminuer le diamètre de l’implant pour obtenir un volume osseux péri-implantaire plus conséquent augmente la sollicitation de la vis de transfixation, avec le risque accru d’une fracture, ainsi que les contraintes osseuses dans la zone crestale de l’implant [5].

Il devient ainsi possible de mettre en place un implant de faible diamètre dans un espace implantaire mésiodistal important, ce qui est souvent le cas au niveau des molaires, et même de mettre une extension sur une seule couronne pour fermer les espaces interdentaires ou pour combler dans un but esthétique une légère déhiscence en vestibulaire ou en lingual (Fig. 4a et 4b).

L’état de surface de l’implant influence le taux de survie implantaire, celui-ci sera augmenté quand il est sablé-mordancé [13, 14, 15], mais ces mêmes études montrent une variabilité significative de la perte osseuse marginale (de 0,7 mm à 2,84 mm) [15].

SUR LE PLAN BIOLOGIQUE

Le succès de l’intégration des tissus péri-implantaires nécessite la présence d’une attache conjonctive et épithéliale stable à la surface du pilier. La grande précision d’ajustement du cône morse, en évitant la présence d’un hiatus entre l’implant et le pilier, assure une étanchéité presque parfaite entre ces deux éléments, ce qui empêche une contamination bactérienne, c’est-à-dire la présence d’une niche biologique infratissulaire (Fig. 5). Le hiatus pilier-implant dans un cône morse est de 0,8 micron dans les parties les plus larges et de 7 à 30 microns dans les connectiques à plat, alors qu’une bactérie comme Porphyromonas gingivalis a un diamètre de 1 micron [6]. À l’inverse, dans le cas des connexions à plat, le risque est effectivement grand, si la flore bactérienne intrabuccale du patient devient pathogène, de voir s’installer une source contaminante à l’intérieur du fût implantaire [6]. Cette infection infragingivale, difficilement contrôlable, car peu accessible à la désinfection, provoquera immanquablement une instabilité des tissus péri-implantaires, suivie d’une perte osseuse [16, 17]. Cette dernière peut devenir un avantage sur le plan biologique car elle va contribuer à repositionner la jonction pilier-implant au-dessus du niveau osseux ; néanmoins si elle est située dans les zones antérieures, la reconstruction prothétique peut devenir inesthétique (Fig. 6) [7].

En revanche, l’absence de colonisation bactérienne, dans la connexion cône morse, permet de conserver des tissus mous péri-implantaires stables, non inflammatoires, autorisant la mise en place de ce type d’implant en position infracrestale (Fig. 7) [18].

Ce positionnement particulier de l’implant facilite l’utilisation d’un pilier prothétique avec un col plus important (hauteur et largeur), ce qui va rendre possible une personnalisation du profil d’émergence (Fig. 8a et 8b).

L’avantage immédiat sera de faciliter l’émergence de la prothèse dans le cas de reconstruction large, comme celle des molaires, mais aussi au niveau des incisives centrales pour lesquelles l’esthétique est primordiale. Cette augmentation de surface de ­l’interface conique entre le pilier et l’implant, avec sa forme caractéristique en tulipe, favorise le nombre d’hémidesmosomes, créant un joint épithélio-conjonctif puissant qui va réduire considérablement les infiltrations microbiennes, ce qui permet l’enfouissement de l’implant en sous-crestal (Fig. 9) [18]. Ainsi, le diamètre de l’implant ne définit plus le diamètre de l’émergence de la prothèse, mais c’est l’enfouissement et le choix de la hauteur du pilier qui vont donner cette adéquation.

INTÉRÊTS DU POSITIONNEMENT SOUS-CRESTAL DE L’IMPLANT CÔNE MORSE

Dans ce contexte, il faut positionner l’implant avec une connexion morse autobloquante à 2 mm environ sous le niveau crestal (Fig. 2) pour répondre à trois intérêts.

Le premier est d’éviter les surcharges sur l’os crestal moins vascularisé, ce qui diminue les risques de cratérisation d’origine mécanique, en positionnant l’implant dans un os de densité homogène [11].

Le deuxième est d’augmenter le volume des tissus mous péri-implantaires de façon naturelle, ce qui amènera à trouver le diamètre cervical le plus adapté de la dent prothétique et à favoriser le profil d’émergence. Dans certains cas, comme celui de l’extraction-implantation immédiate, et notamment au niveau des alvéoles larges (canine par exemple), il ne faudra pas hésiter à augmenter ces tissus mous péri-implantaires, en enfouissant l’implant plus profondément en sous-crestal jusqu’à 5 mm, voire plus. Le diamètre de l’implant étant indépendant du diamètre du pilier, la compensation se fera par l’augmentation de la hauteur du pilier (Fig. 10). Le choix de l’émergence s’effectuera, ensuite, en fonction du diamètre mésiodistal de la couronne dentaire à remplacer. Dans un système implantaire classique (dit « à emboîtement parallèle »), le diamètre de la vis de cicatrisation est identique au diamètre de l’implant ; les tissus mous péri-implantaires sont donc modelés de façon mécanique par le diamètre de l’implant et par la vis de cicatrisation mise en place par le praticien. Le pilier implantaire peut, en revanche, avoir un diamètre inférieur à celui de l’implant, ce qui permettra d’augmenter le volume épithélio-conjonctif (technique dite du platform switching) afin de déplacer de façon centripète la zone inflammatoire sans, toutefois, empêcher la contamination bactérienne du fût implantaire [19].

Le troisième intérêt du cône morse est un meilleur résultat esthétique (notamment au niveau des incisives supérieures ou inférieures). L’attente esthétique de nos patients est importante, surtout dans le secteur antérieur, mais cette réussite esthétique n’est pas toujours facile à obtenir notamment dans le cas des implants à connexion à plat (hexagone externe ou interne). La différence entre la dimension de l’implant, mis en place dans l’os disponible, et le diamètre de la partie cervicale de la couronne clinique (Fig. 7) en est la raison principale. Cette disparité est encore augmentée lorsqu’il existe un léger décalage entre la position axiale de l’implant et la couronne clinique de la restauration esthétique. Enfin, il nous apparaît plus intéressant d’utiliser des implants dont les composantes endo-osseuses et transmuqueuses sont distinctes, afin de pouvoir les adapter aux tissus péri-implantaires si ces derniers se sont modifiés après cicatrisation. Une autre difficulté esthétique dans le secteur antérieur est constituée par les fameux « trous noirs », qui correspondent à la perte des papilles interimplantaires surtout au niveau des implants contigus.

Pour résoudre ce problème, il est possible de réaliser des greffes conjonctives afin d’augmenter ou de déplacer cette hauteur épithélio-conjonctive, mais les gains en hauteur et/ou en largeur restent limités. Tarnow [20, 21] avait montré qu’il était possible de « régénérer » une papille sous la forme d’une attache grimpante en fonction de la position des implants par rapport au point de contact et de la distance inter-implants. Il avait cependant ajouté comme condition le bon positionnement apico-coronal de la première macrorétention de l’implant dans le cas des connexions à hexagone externe. Mais cette attache rampante, dite « règle de Tarnow », n’est applicable que dans les systèmes à connexion à plat. Cette règle tient compte, en effet, de l’inflammation due à la cratérisation autour des implants, qui trouve son origine dans l’association du phénomène de relargage bactérien au niveau de la connexion, et de la concentration des forces délétères au niveau crestal de l’os marginal implantaire [16, 17, 22]. L’utilisation du platform switching a été recommandée pour transférer cette inflammation de façon centripète afin de limiter la perte osseuse marginale [23], mais le déplacement de cette zone inflammatoire ne fait que réduire cette perte osseuse, sans pour autant l’éliminer [24, 25]. De plus, aucune étude prospective ne montre la stabilité à longue échéance de cette hypothèse.

Dans les systèmes coniques, en raison d’une part de l’herméticité de la jonction pilier-implant et, d’autre part, grâce à la répartition homogène des forces le long de l’implant, les phénomènes inflammatoires dus à la connexion n’existent pas. La constitution d’une fausse papille entre deux implants contigus se réalise grâce au positionnement infracrestal [18] et à la forme « tulipe » des piliers qui permettent la création de tissus mous péri-implantaires, véritables « cônes muqueux épithélialisés » entre l’implant et la partie supra-implantaire (Fig. 11). Ce manchon peut parfois exister dans les connectiques à plat, mais il est cylindrique et moins important que celui obtenu avec les connectiques coniques grâce au tulipage du pilier et au platform switching naturel.

IMPLICATIONS AU NIVEAU PROTHÉTIQUE

Cependant, ce manchon épithélio-conjonctif, signature gingivale de la vis de cicatrisation, nécessite un système prothétique variable en fonction de l’enfouissement, adaptable en hauteur et largeur entre l’implant et la couronne implantaire, afin de ne pas engendrer de compression (Fig. 9). Il faut, en effet, que le système prothétique soit parfaitement homothétique à la vis de cicatrisation qui, elle-même, définit la hauteur et le cône du manchon gingival pour répondre à toutes les éventualités.

Cette possibilité de choisir la hauteur et la largeur du pilier implantaire va entraîner deux impératifs.

– Le premier est de modeler le manchon épithélio-conjonctif (fonctionnel et esthétique) soit le jour de la pose de l’implant, soit lors de sa mise en fonction.

– Le deuxième est la transmission au laboratoire de l’empreinte de ce manchon biologique créé par la vis de cicatrisation ou par le pilier provisoire.

Revenons au premier impératif lors de la mise en place de l’implant avec, dans le même temps opératoire, la mise en place de la vis de cicatrisation (ou lors de sa mise en fonction qui s’effectuera selon le même principe). Les tissus mous péri-implantaires doivent être compatibles avec la typologie parodontale du patient. Si le cas est favorable, c’est-à-dire une gencive épaisse et un volume osseux résiduel convenable, il suffit de mesurer la hauteur du manchon épithélio-conjonctif, mesure de la section prise lors de l’incision, à laquelle il faut ajouter 2 mm d’enfouissement, pour obtenir la hauteur de la vis de cicatrisation. Il faudra ensuite chercher le diamètre de la vis de cicatrisation le plus adapté pour obtenir le diamètre de l’émergence souhaitée (5 mm pour une centrale supérieure et 3 mm pour une incisive inférieure par exemple). Mais il faudra prendre garde de ne pas positionner le « tulipage » de cette vis trop près des berges osseuses (Fig. 12 et 13). Si le cas n’est pas favorable (gencive fine avec une hauteur réduite) il est alors indispensable d’effectuer un remaniement tissulaire en réalisant des greffes conjonctives pré, per ou post-opératoires et/ou d’attendre la fin de l’ostéo-intégration, ce qui nécessite à nouveau un délai pour l’obtention de la cicatrisation des tissus mous (4 à 6 semaines environ). La vis de cicatrisation sera alors mise en place et les mêmes règles que celles énoncées précédemment seront reconduites, c’est-à-dire une hauteur et une largeur adaptées à la qualité et à la position de la gencive sur le maxillaire ou sur la mandibule. Si le praticien souhaite réaliser une mise en fonction immédiate le jour de la pose des implants ou une mise en fonction immédiate différée sans vis de cicatrisation, les mêmes choix seront effectués avec le pilier implantaire.

Après 3 à 4 mois de cicatrisation selon les cas, l’empreinte est prise avec les transferts proposés par le fabricant.

Dans un système à emboîtement parallèle, l’empreinte est une empreinte de positionnement de l’implant incluant le diamètre de l’implant et l’orientation de l’hexagone ou de l’octogone, mais en aucun cas de l’enveloppe des tissus mous péri-implantaires puisque celle-ci n’est pas définie physiologiquement (le diamètre de l’implant impose un diamètre des tissus mous qui peut ne pas répondre à l’attente prothétique). De plus, la prise d’empreinte, dans ce système à emboîtement parallèle, provoque parfois un pincement des tissus mous difficilement contrôlable cliniquement et rarement visible radiologiquement. Ce traumatisme a pour conséquence un saignement qui va entraîner une cicatrisation et une apicalisation de l’attache d’autant plus marquée que la gencive est fine, avec le risque pour les implants positionnés antérieurement de faire apparaître le col de l’implant.

Dans le système cône morse, l’empreinte permet non seulement de positionner l’implant mais aussi de transférer le cône épithélio-conjonctif des tissus mous péri-implantaires créé par la vis de cicatrisation ou par le pilier qui seront transmis au laboratoire.

Deux possibilités se présentent pour cette prise d’empreinte.

– Une première solution consiste à personnaliser le transfert en fonction de la vis de cicatrisation. Cette dernière est vissée sur un analogue, puis celui-ci est plongé dans du silicone. La vis de cicatrisation est alors enlevée, le transfert est vissé en lieu et place, et de la résine est injectée dans le hiatus entre le transfert et le silicone. Ce transfert personnalisé est ensuite placé en bouche (Fig. 14). Le modèle est alors coulé en plâtre, ce qui permettra de reproduire avec une grande fidélité le manchon épithélio-conjonctif.

– Une deuxième possibilité consiste à mettre en place un anneau plastique jetable (d’une hauteur de 3 ou de 5 mm) qui vient se fixer sur le transfert d’empreinte, permettant de reproduire fidèlement le cône épithélio-conjonctif (Fig. 15).

L’utilisation d’une fausse gencive en silicone est à éviter, car il existe un risque de compression non visible par le prothésiste qui va entraîner une déformation du manchon biologique – ce qui est impossible avec une reconstruction en plâtre (Fig. 16 et 17). L’angulation du pilier, ainsi que son positionnement dans l’espace, seront choisis en fonction du montage prothétique, réalisé sur l’articulateur. Si le choix du pilier est effectué sans indexation (ce qui est toujours préférable pour un système cône morse), le positionnement n’étant plus limité par l’indexation, le technicien aura une infinité de solutions pour adapter le pilier le plus favorablement à la situation clinique. Une clé de repositionnement, de préférence coulée en métal fantôme, sera ensuite réalisée pour faciliter le positionnement en bouche.

Il est enfin intéressant de signaler que la hauteur créée par le manchon conjonctif grâce au positionnement sous-crestal de l’implant aide à rattraper un mauvais positionnement axial, ce qui est impossible dans un système à hexagone interne ou externe car le diamètre de l’implant détermine le diamètre du pilier. Le platform switching peut améliorer le positionnement axial du pilier, mais ne pourra jamais créer un potentiel de déplacement aussi important.

DISCUSSION

Les connexions à plat entraînent presque systématiquement une cratérisation péri-implantaire. Cette dernière a longtemps été présentée comme physiologique, ce qui n’a pas empêché divers fabricants de chercher une solution mécanique à ces problèmes à travers notamment le design de l’implant, la réalisation de microspires au niveau du col implantaire, le platform switching ou encore un implant monobloc (dont l’utilisation reste aujourd’hui très limitée), et enfin l’état de surface implantaire. L’utilisation de microspires au niveau du col aurait pour but d’augmenter la rétention et la stabilité de l’implant en améliorant la distribution des forces [11, 26] autour de l’implant afin de conserver la santé de l’os péri-implantaire [27] ; cependant, cet effet spécifique de préservation au niveau de l’os marginal ne semble pas évident à la lecture d’autres études [19]. L’état de surface, quant à lui, entraîne une augmentation du taux de survie implantaire quand il est sablé et mordancé par rapport aux surfaces conventionnelles [28, 29], mais son rôle dans le maintien de l’os marginal reste sujet à caution. Il n’existe, en effet, aucune évidence scientifique montrant que le niveau osseux soit préservé au niveau du col marginal en modifiant l’état de surface implantaire [28]. Quant à la composante biologique, si la flore bactérienne n’est plus compatible avec la santé des tissus parodontaux, une niche écologique, enfouie, difficile à désinfecter, va se constituer au niveau de la jonction pilier-implant dans le cas de connectiques à plat. Cette colonisation du fût implantaire va, de plus, augmenter sous l’influence des charges occlusales [30]. Lors de ces dernières, les contaminations peuvent être jusqu’à cinquante fois plus importantes dans une connectique interne parallèle par rapport à une connexion de type conique. Ces mêmes charges occlusales seront à l’origine de dévissages plus ou moins significatifs de la vis de transfixation causant, le cas échéant, la fracture de celle-ci [31], mais aussi des forces de von Mises [11] qui, dans le cas de connectique à plat, vont se concentrer à la jonction pilier-implant qui se trouve au niveau crestal (zone moins vascularisée) et qui vont se coupler aux phénomènes de percolation bactérienne [32] pouvant potentialiser l’effet de cratérisation. Le positionnement du microgap entre l’implant et le pilier va modifier et va perturber la stabilité de l’os péri-implantaire au niveau du col [15, 33]. Il est possible de situer l’implant en position sous-crestale en utilisant une connectique conique [18]. Celle-ci va limiter les zones de concentration de forces au niveau crestal en les répartissant le long de l’implant, tout en rendant étanche la connexion pilier-implant. Ces deux composantes, mécanique et biologique, du cône morse vont permettre à l’os de se positionner au-dessus du plateau implantaire, réalisant un véritable « clavetage osseux ».

Quant aux problèmes esthétiques, dans les connectiques à plat, le diamètre implantaire détermine l’émergence de la prothèse. Or, si le volume osseux est suffisant, dans une connectique conique, c’est le choix du pilier qui détermine l’émergence de la prothèse, car il est possible de mettre en place un pilier dont le diamètre de l’émergence gingivale est plus grand que celui de l’implant et inversement. Ces avantages deviennent essentiels dans la création et le maintien des papilles inter-implantaires. Ces dernières ne peuvent être créées et se maintenir que si elles sont supportées par un volume osseux inter-implantaire stable qui se met en place naturellement lorsque les implants sont positionnés en sous-crestal, ce qui n’est pas envisageable avec des connectiques à plat. La proposition communément admise faisant état d’un nombre d’or pour justifier de la stabilité des papilles interimplantaires [20, 21, 34] ne semble pas compatible avec les travaux de Weng et al. [18] stipulant que le risque est grand de voir les deux cratérisations des deux implants contigus se conjuguer, ce qui entraînera la perte de la papille par collapsus des tissus durs et mous.

Enfin, la transmission des informations au laboratoire est plus importante que dans une connectique à plat, car il ne suffit plus de transmettre la position de l’implant (ce qui donne automatiquement la forme des tissus mous). À l’inverse, dans un système conique, la forme des tissus mous est donnée non pas par le diamètre de l’implant, mais par le choix de la vis de cicatrisation qui va créer un cône épithélio-conjonctif dans les tissus mous péri-implantaires qu’il faudra transmettre au laboratoire. Une mauvaise reproduction de ce cône sur le modèle en plâtre peut entraîner une compression des tissus mous, donc leur altération. Cette dernière engendrera une phase de cicatrisation, un remodelage de l’os marginal et un repositionnement plus apical des tissus mous, avec tous les risques esthétiques que cela peut entraîner au niveau des zones esthétiques antérieures.

CONCLUSION

La préservation des tissus mous péri-implantaires au niveau marginal fait l’objet actuellement de nombreux travaux [19, 28]. Les voies de recherche, pour obtenir ce maintien, sont constituées par la forme du col implantaire, les microspires, l’état de surface implantaire, le positionnement de l’implant au niveau osseux, le platform switching et enfin un concept monobloc [33, 35] ou à deux étages.

Parmi les différents types de jonctions pilier-implant, la connexion de type cône morse constitue une alternative originale. Ses propriétés mécaniques amènent en effet une meilleure répartition des forces à la surface de l’implant [11] et des propriétés biologiques. Sa capacité d’étanchéité [6, 16, 17] lui permet de conserver un environnement péri-implantaire stable, autorisant la formation d’un manchon épithélio-conjonctif important. Ce dernier est le garant d’une esthétique stable de la prothèse supra-implantaire [7] (Fig. 18 et 19).

Les voies de recherche sont tournées maintenant vers l’ingénierie tissulaire qui favorise la conductivité, mais aussi, et surtout, l’utilisation de futurs matériaux inclus dans la surface implantaire capables d’induire un signal, à la fois moléculaire et cellulaire, à l’origine d’une angiogenèse et d’une stimulation des ostéoblastes. Le cône morse, grâce à ses propriétés, s’intégrera dans cette voie non pas en stimulant le milieu environnant mais en le préservant.

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