CHIRURGIE-PROTHÈSE
Serge Szmukler-Moncler* Mithridade Davarpanah** Keyvan Davarpanah*** Philippe Rajzbaum**** Paul M. Khoury*****
*Professeur associé, Département de Stomatologie et chirurgie maxillo-faciale, Université Pierre-et-Marie Curie (Paris 6e)
Visiting Professor, Odontology Department, Galeazzi Orthopaedic Institue, Milan (Italie)
Consultant international en biomatériaux et en implantologie, Bâle (Suisse)
**Docteur en médecine, stomatologiste, exercice privé limité à la paradontologie, la chirurgie orale et l’implantologie
Chef de service du Centre de réhabilitation orale (ORC), hôpital américain de paris, Neuilly-sur-Seine
***Interne des hôpitaux de paris en odontologie
Faculté d’odontologie, Université René-Descartes (Paris 5)
****DrCD, Docteur en sciences odontologiques
Ex-assistant en prothèse, Université René Descartes (Paris 5)
Consultant, Centre de réhabilitation orale (ORC), hôpital américain de paris, Neuilly-sur-Seine
Attaché à la consultation du SOURIRE de l’hôpital Saint-Louis, Paris
*****DrCD
CES d’orthodontie
Assistant, division de stomatologie, chirurgie orale et radiologie dento-maxillo-faciale, Université de Genève (Suisse)
Le guide radiologique est indispensable lorsque l’IAO est utilisée pour procéder à la pose guidée des implants ou à la préparation de la prothèse avant la chirurgie. Pour répondre aux attentes dont il est porteur, il doit suivre un cahier des charges spécifique.
The radiographic guide is required when computer-assisted implantology is used to proceed to the guided positionning of implants or to the preparation of the prosthesis prior to the surgery. In order to answer the expectations that it carries, it must follow specific instructions.
L’ensemble des propriétés du guide radiologique peut être résumé comme suit.
Un guide radiologique doit :
– être suffisamment radio-opaque ;
– ne pas émettre de signaux parasites (bruits) ;
– déterminer l’enveloppe de la restauration prothétique ;
– déterminer l’épaisseur des tissus mous ;
– informer sur l’axe d’émergence idéal des implants ;
– être stable et rétenteur.
Les figures de ce chapitre donnent des exemples de guides d’imagerie correspondants à ce cahier des charges.
Pour obtenir une radio-opacité satisfaisante, les éléments à visualiser doivent être chargés en une matière dense opposant une certaine résistance aux radiations (Fig. 1 à 3).
Le sulfate de baryum remplit cet office quand il est présent à une concentration de 20 à 30 %. Cette concentration donne un contraste suffisant sans occasionner de signal parasite intense interférant avec les tissus adjacents (dents, os et gencive). En revanche, il ne se distingue pas des matériaux métalliques de reconstruction prothétique tels que couronnes, pivots endodontiques ou crochets de rétention de prothèse.
La radiographie doit permettre de visualiser les limites du projet prothétique ainsi que les sites à implanter.
Souvent, le contenu métallique des éléments prothétiques adjacents au secteur à restaurer émet des radiations parasites. Ces dernières interfèrent sur la visibilité du projet prothétique en cours. Il faut alors « nettoyer informatiquement » l’image obtenue en ôtant le signal parasite, opération qui peut être chronophage. C’est pourquoi tout élément métallique participant à la rétention du guide radiologique devra être maintenu autant que possible à distance du secteur à restaurer.
La fonction du guide radiologique est de permettre de prévisualiser la prothèse en cours d’élaboration dans son contexte osseux et muqueux. Elle confronte le projet prothétique proposé par l’équipe prothétique avec la réalité des bases osseuses présentes. Dans l’idéal, les deux coïncident et un compromis n’est pas nécessaire. Cependant, plus fréquemment qu’il n’est désiré, un compromis est à trouver entre l’axe implantaire idéal et celui autorisé par les bases osseuses disponibles. L’accès aux contours de la prothèse permet de mieux envisager les limites du compromis possible.
Cette information sur l’axe des implants est obtenue lorsqu’un puits de forage d’environ 2 mm de diamètre est réalisé au niveau de chaque couronne du guide radiologique, là où le praticien prothésiste souhaiterait idéalement situer l’axe d’émergence de l’implant. Le forage crée un cylindre dénué de matériel radio-opaque ; il induit la présence d’un cylindre radio-clair au cœur des couronnes sur les coupes obliques de la radiographie. Ce dernier signale l’axe des implants au milieu de la masse de l’élément prothétique radio-opaque. Le centre de ce cylindre radio-clair est aisément identifié sur les coupes obliques successives. Il est très utile car c’est sur ce plan-là que l’implant sera simulé.
Cette exigence de stabilité du guide radiologique est encore plus importante pour l’édenté total car la prothèse doit être maintenue en parfaite occlusion. Un mordu intermaxillaire (voir Fig. 15) garantira le bon positionnement du guide radiologique. Si le patient porte une restauration avec des matériaux métalliques au maxillaire antagoniste, le risque de signal parasite est augmenté.
Pour diminuer au maximum ce signal parasite, il est demandé au patient partiellement édenté d’effectuer la radiographie en position de bouche entrouverte. En contrepartie, la mise en place correcte du guide radiologique doit être assurée.
Cela peut être obtenu par une adaptation étroite contre les dents restantes (Fig. 4), par l’adjonction de crochets en plastique ou en métal (Fig. 5 et 6) ou une contre-dépouille sur les dents restantes (Fig. 7). L’usage d’un simple mordu sur rouleaux salivaires est suggéré par certains mais le risque de basculement ne peut être totalement exclu.
La réalisation du guide radiologique est différente selon qu’il est destiné à établir un guide chirurgical à support dentaire ou un guide chirurgical à support muqueux ou osseux.
Dans ce cas de figure, les couronnes du projet prothétique doivent assurer une bonne radio-opacité, elles doivent venir au contact de la gencive sur tout le rebord alvéolaire (Fig. 8 à 14). Le palais doit rester en résine non radio-opaque afin de ne pas interférer avec l’élément denté du guide. Les crochets métalliques sont mis à distance des dents radio-opaques. Le guide est construit sur la base d’un wax-up en utilisant des dents radio-opaques du commerce (Fig. 8 à 10, vidéo 2.1) ou une résine chargée en sulfate de baryum (Fig. 11 à 14, vidéo 2.2).
Les vidéos 2.1 et 2.2 pour la fabrication du guide radiologique avec des dents radio-opaques du commerce et pour la fabrication du guide radiologique en résine coulée enrichie en sulfate de baryum sont accessibles en ligne sous http://livres.wkf.fr/implanto-iao sous réserve de posséder l’ouvrage.
Lorsqu’on utilise les dents du commerce (Fig. 8) et qu’elles n’atteignent pas le niveau de la gencive sur le wax-up (Fig. 9), une erreur classique consiste à combler cet espace à l’aide d’une cire ultérieurement remplacée par de la résine non radio-opaque (Fig. 10). Cette méprise empêche de déterminer l’épaisseur réelle de la gencive, elle induit une surévaluation à la lecture de la radiographie.
Dans le cas d’un édentement réduit et en présence d’une faible perte osseuse, si pour des raisons de logistique ou de temps il n’est pas possible de préparer un guide radiologique chez l’édenté partiel, il est possible de s’en passer. Le patient effectue alors son examen radiologique sans guide radio-opaque et les dents du projet prothétique seront reconstituées à l’aide d’une fonction du logiciel (cf. p. 50 de l’ouvrage référencé en page 35).
En présence d’un édentement complet, le guide chirurgical est en général à appui muqueux ou osseux. Dans ces cas, il est nécessaire au maxillaire de construire le palais ainsi que les dents en un matériau radio-opaque afin de délimiter avec précision l’appui du guide chirurgical. Il en va de même à la mandibule où l’ensemble du guide radiologique doit être radio-opaque. Pour garantir le bon positionnement de la prothèse lors de la prise de la radiographie, il est indispensable de réaliser un mordu avec un matériau rigide lors de la validation de l’occlusion du guide radiologique (Fig. 15 et 16). Sur la radiographie, le palais est radio-opaque et il est possible de déterminer l’épaisseur des tissus mous en vestibulaire, en occlusal et en palatin (Fig. 17).
Au début de notre familiarisation avec l’IAO, nous avons travaillé avec un certain nombre de praticiens-prothésistes et leurs laboratoires de prothèse, tous novices dans la préparation de guides radiologiques destinés à l’IAO. Les directives n’étaient pas toutes saisies ou exprimées de manière adéquate ; de ce fait, les guides ne répondaient pas tous au cahier des charges précédemment mentionné.
Montrer les erreurs à éviter sera bien utile au lecteur afin qu’il puisse accélérer sa courbe d’apprentissage.
Dans ce guide radiologique erroné, la substance radio-opaque est insuffisante (Fig. 18). Il induit une faible densité radiographique et des contours de prothèse insuffisamment nets pour en saisir l’enveloppe (Fig. 19 et 20). Dans certains cas, ce type de guide peut encore être utilisable en sollicitant une fonction spéciale du logiciel. Dans le cas contraire, le guide radiologique doit être refait : cela engendre des coûts supplémentaires que le patient ne devrait pas avoir à supporter.
Le forage, au travers de chaque couronne du projet prothétique, d’un axe correspondant à la position idéale déterminée par l’équipe prothétique évite toute hésitation quant à la localisation de l’axe mésio-distal de l’implant à simuler. De ce fait, l’absence de ce trait au niveau de la couronne introduit un élément d’incertitude dans le positionnement mésio-distal qui, sans être préjudiciable, rallonge le temps de la planification (Fig. 21 à 23).
Les éléments du projet prothétique doivent être entièrement radio-opaques et venir au contact de la muqueuse. Cela permet de déterminer l’enveloppe des couronnes prothétiques ainsi que l’épaisseur de la gencive. La figure 24 montre un guide radiologique a priori suffisamment radio-opaque ; cependant, le matériel ne s’étend pas à l’ensemble de la dent à reconstituer (Fig. 25). Sur les coupes obliques, l’enveloppe de la couronne et son grand axe ne sont pas visibles, l’épaisseur de la muqueuse ne peut être déterminée avec exactitude (Fig. 26).
Ce guide radiologique, rapidement exécuté sur une prothèse amovible existante (Fig. 27 et 28), n’engage pas de coût supplémentaire. Il donne l’axe général des dents prothétiques mais ne renseigne pas sur l’enveloppe prothétique (Fig. 29). Il est éventuellement acceptable quand le cas est simple. Cependant, quand un certain décalage entre la position des dents du projet prothétique et les bases osseuses existe, il peut être indispensable de déterminer l’enveloppe des dents pour estimer la pertinence de la planification proposée.
Le guide radiologique précédent comportait une armature métallique qui était en contact étroit avec la dent adjacente (Fig. 30). Sur les coupes axiales, l’espace disponible semble insuffisant à un œil non averti, ce qui peut être le cas des ingénieurs qui vérifient la conformité des simulations réalisées par les praticiens (Fig. 31). Il n’en est rien car, en changeant de plan axial, il s’avère que l’espace est effectivement suffisant pour accueillir un implant (Fig. 32).
La préparation d’un guide radiologique radio-opaque en conformité avec le cahier des charges facilite grandement l’étape ultérieure de la simulation implantaire en termes de temps et de précision. Une certaine courbe d’apprentissage est nécessaire avant de déterminer avec sûreté le guide le plus adapté à chaque cas et d’éviter les erreurs les plus grossières.
Si, lors de la radiographie, le guide n’est pas dans la position originelle prévue par l’équipe prothétique, les renseignements transmis au logiciel de simulation seront erronés et les implants seront placés en mauvaise position.