19 ET 20 MARS 2010 / BARCELONE
IMPLANT A LU
La dernière édition du symposium Dentsply Friadent a réuni 3 000 praticiens venus du monde entier écouter les présentations de plus de 80 conférenciers internationaux. Une sélection des communications ayant retenu notre attention vous est proposée.
M. R. Urist déclarait en 1994 : « En l’an 2000, une greffe osseuse autogène n’impliquera plus le prélèvement d’os pour entraîner l’ostéogenèse, mais l’aspiration de cellules de la moelle osseuse du patient qui seront mélangées avec des facteurs de croissance génétiquement élaborés pour produire une substance ostéogénétique. »
Si on réalise une recherche Pubmed jusqu’en 2000 sous l’entrée « Tissue Engineering », on trouve 3 280 références et 35 806 publications entre 2000 et 2009.
L’étude de Barry et Murphy [1] décrit les sources de cellules progénitrices mésenchymateuses (MSC), qui sont la moelle osseuse, le périoste, le sang, le tissu adipeux, les muscles, les poumons, les dents lactéales et la synovie. L’ingénierie tissulaire nécessite des cellules, des facteurs de croissance et un support de croissance.
Dans ce domaine, trois questions se posent aujourd’hui : avons-nous besoin de l’ingénierie tissulaire ? Quel tissu peut être généré de façon prévisible aujourd’hui ? Quelles options apportera le futur ?
L’ingénierie tissulaire se fait à partir de la peau ou de la muqueuse (greffes gingivales), du cartilage (reconstitution d’une oreille), de l’os (greffes osseuses).
Le tissu osseux est le deuxième tissu le plus transplanté avec 634 000 procédures par an aux États-Unis et 2,2 millions dans le monde pour un coût de 2,5 milliards de $ par an. La transplantation d’os autogène a pour avantage la compatibilité tissulaire et la qualité du matériau ; ses inconvénients sont la résorption de la greffe et un remodelage imprévisible. En outre, sa disponibilité est réduite ; elle nécessite une seconde intervention et présente une certaine morbidité, d’où le développement des substituts osseux (SO), des facteurs de croissance et des cytokines, des surfaces implantaires « bioactives » ou biomimétiques, des biomatériaux, et enfin de l’ingénierie tissulaire [2].
Les patients sont différents ; les surfaces implantaires sont différentes. Parmi les surfaces biologiquement attractives, on trouve des surfaces hydrophiles, des surfaces présentant des protéines ou des peptides, et enfin des surfaces ADN codées. Les surfaces hydrophiles sont décrites depuis la fin des années 90 [3]. Les surfaces protéinées (implants recouverts de BMP-2) permettent, lors de l’insertion de l’implant dans un défaut osseux de 10 × 7 mm, d’observer en 4 semaines chez le cochon une reconstruction osseuse le long de la surface implantaire alors que le défaut osseux n’est pas encore comblé. La limitation des BMP en tant que thérapeutique protéinée vient [4] de la perte d’activité des protéines avec le temps, du coût important de la production des recombinants BMP et de la cinétique de libération.
La thérapie génique peut être une approche alternative pour délivrer des protéines recombinantes ostéo-inductives. Les systèmes vecteurs comprennent les vecteurs liposomaux et les vecteurs adénoviraux. Les vecteurs liposomaux peuvent être stockés pour une utilisation immédiate et donc conviennent à une utilisation clinique. Ils sont potentiellement moins toxiques et ne sont pas restreints dans la taille ADN transportée, ne donnent pas de réponse immunitaire, ce qui permet une transfection in vivo répétée, en utilisant le même système vecteur, expression transitoire mais suffisante pour induire la régénération osseuse. Leur inconvénient vient de leur efficacité modérée en raison de leur taux de transfection plus faible.
Les vecteurs adénoviraux ont des taux de transfert élevés et ont donc une grande efficacité, mais doivent être cultivés dans des cellules et sont donc difficiles à manipuler. Ils peuvent induire des réactions immunologiques et compromettre la sécurité. Ils ont une taille ADN cargo limitée [5].
Une autre étude réalisée par Lutz et al. a porté sur 72 implants posés au centre de défauts osseux créés, répartis en 4 groupes de la façon suivante :
– 18 BMP-2cDNA/liposomes ;
– 18 collagène porteur ;
– 18 os autologue + BMP-2cDNA/liposomes ;
– 18 avec de l’os autologue.
Dans le groupe collagène, la régénération osseuse se développe à distance de la surface implantaire.
Dans le groupe BMP/liposomes, l’os est au contact de la surface implantaire et les auteurs concluent que le transfert direct in vivo de BMP2-cDNA avec le vecteur liposomal montre de meilleurs résultats que le groupe contrôle (os autologue) [6].
Les revêtements biomimétiques sur les implants comprennent les surfaces avec peptides RGD (Lys-Arg-Ser-Arg). Selon les études de Rezania et al. [7] et de Dee et al. [8], l’adhésion des ostéoblastes, mais pas des cellules endothéliales ni des fibroblastes, était significativement augmentée (p < 0,05) sur des substrats modifiés par des peptides Lys-Arg-Ser-Arg, indiquant que ces peptides pourraient être des ostéoblastes spécifiques ou des cellules osseuses spécifiques. Cette étude constitue un exemple de la conception rationnelle de peptides actifs, confirmant que l’adhésion des ostéoblastes à des substrats peut être contrôlée sélectivement et significativement par des peptides immobilisés et élucident les critères et les stratégies pour la conception de biomatériaux implantaires dentaires ou orthopédiques.
Le comportement du PepGen P15 a été étudié par Garcia et Reyes [9], Yang et al. [10] et Bhatnagar et al. [11]
Une expérimentation a également été menée par Thorwarth et al. [12, 13] sur le cochon domestique. Elle a concerné 16 animaux sur lesquels ont été créés pour chacun 9 défauts de 10 × 10 mm, lesquels étaient comblés :
– pour un tiers d’entre eux par de l’os autogène ;
– pour un deuxième tiers par de l’hydroxyapatite (OsteoGraf N®) ;
– pour un dernier tiers par de l’hydroxyapatite et du PepGen P15.
Une augmentation importante de la minéralisation a été observée à la huitième semaine pour les sites comblés par du PepGen P15.
Une étude pilote sur les états de surface « améliorés » a été réalisée sur 4 types de surface :
– Friadent® plus (sablée/mordancée) ;
– Friadent® plus avec un revêtement d’hydroxyapatite ;
– Friadent® plus avec un revêtement d’hydroxyapatite et peptide biomimétique actif (faible concentration) ;
– Friadent® plus avec un revêtement d’hydroxyapatite et peptide biomimétique actif (forte concentration).
Au total, 6 implants (Ø 3,5 mm ; 8 mm de longueur) ont été placés dans le crâne de 12 cochons adultes. Les résultats à 30 jours montrent un contact os/implant statistiquement augmenté à 14 et 30 jours pour les surfaces comportant un peptide bioactif. Le PepGen P15, que ce soit pour l’une ou l’autre concentration, a montré un effet positif sur le développement de la densité osseuse péri-implantaire.
Enfin, le rôle du facteur génétique peut éventuellement expliquer les échecs multiples observés chez certains patients. Parmi les facteurs permettant de réaliser le pronostic de l’intégration des implants, on doit prendre en compte une chirurgie traumatique, le site implantaire, les dispositions génétiques en ce qui concerne le risque de perte précoce, et la flore microbienne orale, la surcharge biomécanique, le manque de gencive kératinisée en ce qui concerne la perte tardive. Nishimura et Garrett montrent un exemple de polymorphisme, avec modification de la chaîne ADN [14].
Pour terminer cette présentation sur les futures évolutions en odontologie, un article de Duoilbi et al. [15], paru en juillet 2004 dans le Journal of Dental Research, a montré la possibilité de développer des dents à partir de la culture de germes dentaires de rat.
De petites perturbations initiales dans un système complexe peuvent entraîner de gros problèmes plus tard. Il faut identifier les petits facteurs de succès, mais néanmoins déterminants.
En ce qui concerne la topographie de la surface implantaire, un seul type peut-il convenir à tous les patients ? À titre d’exemple, prenons les diabétiques, dont le pourcentage de patients augmente avec l’âge alors que, parallèlement, la proportion de personnes qui souhaitent un traitement implantaire s’accroît dans la population âgée. On connaît les effets néfastes de l’hyperglycémie sur l’ostéo-intégration ; on sait également que la production de cytokines pro-inflammatoires est augmentée [16]. Peut-on alors penser que le choix de la surface implantaire ne peut être en relation avec une maladie systémique ?
Il existe un impact de la topographie sur l’étalement cellulaire, plus important sur les surfaces rugueuses. Le diabète modifie les propriétés du collagène en accroissant la rigidité, la charge de rupture ainsi que la température de dégradation et en diminuant la susceptibilité aux enzymes de dégradation. La glycation du collagène renforce la différenciation des myofibroblastes, la migration cellulaire et le remodelage par traction du collagène (inhibition de l’ostéogenèse). Le méthylgloxygal (MGO)-collagène inhibe l’activation de l’integrin, la formation de l’adhésion focale et la résistance de l’adhésion cellulaire.
Le succès de l’ostéo-intégration dépend du recrutement des ostéoblastes sur la surface implantaire, qui nécessite sur un bon contrôle du diabète. En conséquence, l’interaction entre les métabolites du diabète et la topogie de la surface nécessite davantage d’investigation.
La stabilité primaire est l’absence de mobilité de l’implant dans le site osseux au moment de son insertion. Elle est influencée par la technique de préparation du puits implantaire et par la forme de l’implant. La stabilité secondaire est le résultat obtenu après la formation de l’os fasciculé et de l’os lamellaire autour de l’implant et représente un second contact osseux autour de l’implant. Elle est influencée par la surface implantaire et la période de cicatrisation osseuse. D’après Meredith [17], les facteurs influençant la stabilité primaire d’un implant sont : sa longueur et son diamètre, sa forme, sa surface, la technique d’insertion, l’adaptation entre l’implant et l’os environnant, et enfin la qualité et la quantité osseuse.
Selon l’étude de O-Sullivan et al. [18], les implants coniques ont un couple d’insertion plus élevé que les implants cylindriques et la stabilité primaire est également supérieure dans l’os de type IV.
Glauser et al. ont trouvé des valeurs RFA (analyse de la fréquence de résonance) significativement supérieures pour les implants coniques que pour les implants cylindriques dans leur étude clinique comparative [19]. Ces derniers concluent que la mise en place d’un implant légèrement conique dans un puits d’ancrage cylindrique dans un os de type III donne une stabilité initiale significativement meilleure que celle obtenue avec des implants cylindriques.
Büchter et al. [20] ont montré que la plus grande stabilité primaire d’implants dentaires a pu être atteinte par le simple forage ; l’utilisation supplémentaire de taraud ou de condenseurs osseux a montré que cela diminuait de façon significative la stabilité primaire.
Le contrôle clinique de la stabilité primaire s’effectue par : la mesure du couple d’insertion, le Periotest®, la valeur RFA ou la mesure du couple de dévissage. Ce dernier consiste à mesurer le couple maximal nécessaire pour détruire l’interface entre la surface implantaire et l’os l’entourant. C’est une méthode destructrice utilisée lors de test avec une clé manuelle ou un moteur dynamométrique. Le Periotest® est une mesure électronique utilisée comme une méthode quantitative des caractéristiques amortissantes. C’est une technique imprécise qui ne fait pas de différence réelle entre un implant ostéo-intégré et un implant non ostéo-intégré. La RFA est la mesure de la fréquence de résonance de l’implant dans l’os à l’aide d’un transducteur relié à l’implant ou au pilier. Elle permet de suivre les changements de l’os au cours de la cicatrisation, et donne des mesures ISQ (quotient de stabilité implantaire) dans une échelle de 0 à 100.
Une étude de Rabel et al. [21] compare la stabilité primaire des systèmes Ankylos® et Camlog®, au moment de la chirurgie et après 3 mois. Le système Ankylos®, non autotaraudant, a montré une stabilité primaire mesurée par RFA légèrement supérieure au système Camlog®, autotaraudant.
Une autre étude de Ciornei et al. [22] montre une stabilité implantaire plus importante pour les implants coniques.
Selon une étude de Moy et al., l’évaluation histomorphométrique in vitro de la stabilité primaire, entre les implants Ankylos®, Xive®, Frialit®-2, ITI® et Replace® Select conique, montre un contact os/ implant décroissant de 65 % à 49 % dans l’ordre précité [23].
Les circonstances cliniques pour lesquelles la stabilité implantaire est primordiale sont :
– les implants placés dans les alvéoles d’extraction récente (avec ou sans mise en charge) ;
– les implants placés dans les greffes de sinus ;
– les implants placés dans les sites d’augmentation ;
– la mise en fonction immédiate ou précoce.
Les prérequis pour la mise en charge immédiate sont le sous-dimensionnement du puits d’ancrage, l’utilisation d’implants coniques et la condensation osseuse (sans surcompression).
Une étude de Romanos et Nentwig [24] montre un taux de survie de 96,66 % à 5 ans. Une autre étude de Romanos et Nentwig [25] ne montre pas de différence significative entre la mise en charge immédiate et la mise en charge différée sur une période de 2 ans.
En conclusion, le Dr Romanos rappelle que :
– la stabilité primaire contribue significativement au succès des implants ;
– la forme des implants influe sur la stabilité primaire ;
– une stabilité primaire élevée est nécessaire pour le succès des mises en charge immédiates ;
– le filetage progressif assure le succès à long terme des mises en charge immédiate dans l’os de mauvaise qualité.
Albrektsson et al. [26, 27] ainsi que Albrektsson et Isidor (1993) ont stipulé que la perte osseuse péri-implantaire pouvait être de 1-1,5 mm la première année et ne devait pas dépasser 0,2 mm les années suivantes. Les facteurs potentiels seraient, d’après Quirynen et al. [28, 29], Callan et al. [30] et Seino et Ström (2009), la colonisation bactérienne. Pour d’autres auteurs (Hermann et al., 2000 et 2001 ; King et al., 2002 ; Zipprich et al., 2007 ; Jung et al., 2008 ; Maeda et al., 2006 ; Baggi et al., 2008 [31] ; Trammel et al., 2009 ; Canullo et al., 2010 [32]), la cause principale serait plutôt liée au comportement du complexe pilier/implant sous la charge. La stabilité de l’os marginal dans le temps est la garantie du maintien des tissus mous et donc de l’esthétique.
Dans une étude de Donovan et al. [33], les implants ont été posés par un seul chirurgien, en subcrestal de 1-2 mm, avec une greffe de PepGen P15. La perte d’os marginal à 1 an était de 0,6 mm.
Une autre étude de Koutouzis et al. [34] a analysé le comportement de l’os crestal autour d’implants présentant un platform-switching sans apport de PepGen P15. La perte moyenne était de 0,09 mm. Dans l’étude de Jung et al. [35], les implants ont été placés 1 mm au-dessus de la crête, 1 mm en dessous de la crête, et au niveau de la crête. Le suivi a été de 6 mois après la mise en charge, et il n’y a pas eu d’os au-dessus de la plateforme.
L’odeur lors de la dépose des piliers à joint plat n’est pas observée dans la jonction conique de l’Ankylos®. L’étude de Tesmer et al. compare 3 connexions :
– le pilier Ankylos® standard serré à 25 Ncm ;
– l’implant Ankylos avec des rainures verticales et le pilier serré à 25 Ncm ;
– l’implant Replace® Select de Nobel Biocare avec le pilier Esthetic serré à 35 Ncm.
Les résultats montrent une moindre colonisation bactérienne pour le système Ankylos® original, une colonisation moyenne pour le système Replace® et forte pour le système Ankylos® modifié par des rainures verticales.
Une étude de Koutouzis et al. s’intéresse également à l’influence de la charge (15 N durant 500 000 cycles) sur la colonisation bactérienne à la jonction pilier/implant. Trois groupes ont été constitués :
– le premier avec des implants Dentsply Ankylos® avec des piliers standard serrés à 25 Ncm ;
– le second avec des implants Straumann® Bone Level avec des piliers multi-base serrés à 35 Ncm ;
– le troisième avec des implants Replace® Select (Nobel Biocare) avec des piliers Esthetic serrés à 35 Ncm.
Les résultats montrent une colonisation 10 fois supérieure pour les implants Straumann® Bone Level par rapport aux implants Ankylos® et 50 fois supérieure pour les implants Replace® Select par rapport aux implants Ankylos®.
La modification du couple de dévissage à la fin de l’étude, correspondant à 2 ans d’activité en bouche (Boeckler et al. 2008 ; Attia et al., 2004) était de : + 2,85 Ncm pour l’implant Ankylos® et – 5,00 Ncm pour le Straumann®. Ces résultats corroborent ceux de Piermatti et al. [37] avec les implants Brånemark (– 7,8 Ncm), Zimmer (– 9,3 Ncm) et Astra Tech (– 23,5 Ncm).
Les critères de taux de succès de l’ostéo-intégration tels qu’ils ont été définis par Albrektsson et al. en 1986 étaient de 1 mm la première année et de 0,2 mm les années suivantes. Cependant, le rapport de consensus de l’EAO de 2009 a établi le nouveau standard à < 0,5 mm après 3 ans.
Enfin, sachant que le nombre de systèmes d’implants est exponentiel et passe de 46 en 1988 à 220 en 2002 pour atteindre 535 en 2008 [38, 39], on peut s’interroger sur la fiabilité et le comportement à long terme de tous ces systèmes peu contrôlés.