RECHERCHE
Anders Palmquist* Lena Emanuelsson** Rickard Brånemark*** Peter Thomsen****
*PhD
**Technicienne biomédicale
Département de biomatériaux, Institut de sciences cliniques,
Académie de Sahlgrenska à l’Université de Gothenburg,
Göteborg, Suède
***MD PhD
Département d’orthopédie, Hôpital de l’Université de Sahlgrenska, Göteborg, Suède
Brånemark Integration AB, Lilla Bommen, Göteborg, Suède
****MD PhD, Professeur
Département de biomatériaux, Institut de sciences cliniques,
Académie de Sahlgrenska à l’Université de Gothenburg,
Göteborg, Suède
*****Département de biomatériaux
Académie de Sahlgrenska
Université de Gothenburg
BP 412
SE-405 30 Göteborg, Suède
Le but de cet article est d’exposer le développement d’un nouveau concept reposant sur la modification à l’échelle microscopique et nanoscopique de surfaces d’oxyde de titane pour obtenir une liaison osseuse et augmenter la stabilité de la jonction os-implant. L’analyse s’appuie sur des mesures de couples de désinsertion, une étude histologique qualitative et quantitative, et des observations en microscopie électronique à balayage et par transmission afin de préciser l’état actuel de nos connaissances sur l’ostéointégration à l’échelle macro-, micro- et nanoscopique. Des études expérimentales à court et long terme portant sur des implants dont la surface a été partiellement modifiée au laser à l’échelle micro- et nanoscopique ont montré une amélioration considérable de l’ancrage biomécanique à l’os.
Les résultats mettent en évidence une augmentation significative du couple de désinsertion, un schéma de fracture différent, et une coalescence ultrastructurelle et chimique entre le tissu minéralisé et la surface nano-structurée de l’implant modifiée par laser. Les études menées sur les tissus mous démontrent une biocompatibilité, un degré d’inflammation comparable à celui obtenu avec le titane usiné et l’absence d’effets indésirables. Cette modification de surface est actuellement en cours d’utilisation clinique. Les premières données cliniques montrent que ce nouveau concept donne d’excellents résultats à court terme (1 an de suivi).
The aim of the current article was to review the development of a novel concept based on the topological application of micro-and nanoscale surface features on titanium oxide surfaces in order to achieve bone bonding and increased stability of the bone-implant junction. The analysis consisted of removal torque measurements, qualitative and quantitative histology, and scanning and transmission electron microscopy in order to obtain a state-of-the-art characterization of osseointegration on the macro-, micro- and nanolevels. Short and long-term, experimental studies of partly laser-modified implants with micro- and nano-scale surface topographical features demonstrated a considerable increase in the biomechanical anchorage to bone. The results showed a significant increase in removal torque, a different fracture pattern, and ultrastructural and chemical coalescence between mineralized tissue and the nano-structured surface of the laser modified implant. Studies in soft tissues demonstrated biocompatibility, a degree of inflammation comparable to machined titanium and no adverse events. This surface modification is now in clinical use. The first clinical data shows that this new concept provides excellent short-term (1 year follow up) performance.
Le concept d’ostéointégration implique l’intégration à l’échelle macro- et microscopique entre le titane et l’os. L’ostéointégration procure la possibilité d’un ancrage permanent de l’implant dans l’os et une transmission efficace des charges [1, 2].
Le mécanisme de l’ostéointégration comprend des interactions précoces entre les composantes du système biologique et la surface de l’implant (dioxyde de titane). Elles sont suivies d’une phase inflammatoire transitoire, puis d’une régénération de nouveau tissu, d’un remodelage de l’os et d’une augmentation dans le temps de la résistance à la torsion [3]. Le recrutement de cellules souches mésenchymateuses et la différenciation de cellules ostéogéniques sont influencés par l’état de surface de l’implant [4]. L’élaboration des composants de la matrice extracellulaire et la minéralisation au contact de la surface sont intimement couplées au développement de la résistance biomécanique de l’interface.
La nanotechnologie s’annonce très prometteuse pour l’obtention d’effets bénéfiques dans le système biologique. Jusqu’ici, il fallait répondre à une question essentielle : est-il possible d’accélérer l’ostéointégration et d’améliorer les propriétés biomécaniques en favorisant une formation osseuse rapide en surface (sur des sites spécifiques de la fixture) et en modifiant les propriétés de l’oxyde de titane à l’échelle micro- et nanoscopique, tout en conservant la sécurité et les performances à long terme, telles qu’elles sont documentées par la fixture d’origine de Brånemark [5].
En associant l’expérience clinique, biologique et biomécanique de l’équipe de l’Académie de Brånemark travaillant sur l’intégration, le concept BioHelix™ a été développé expérimentalement, vérifié et introduit avec succès dans le domaine clinique de l’implantologie buccale.
L’introduction de propriétés de surface dans l’oxyde de titane à l’échelle micro- et nanoscopique est obtenue par traitement au laser. La modification est réalisée avec un laser Q-Switché Nd:YAG (Rofin-Sinar technologies Inc., Plymouth, États-Unis) qui fonctionne avec une longueur d’onde de 1 064 nm et une taille de cible de 100 µm sur un implant en rotation.
Les propriétés chimiques et topographiques de la surface sont définies par des outils analytiques conformes aux données actuelles de la science. La topographie de surface est définie à l’aide d’un microscope sans contact interférent qui fonctionne en lumière blanche et d’un microscope électronique à balayage avec des grossissements allant jusqu’à × 150 000. La chimie de surface est définie par spectroscopie électronique de fractionnement qui permet d’évaluer à la fois la pureté de surface et les profils de profondeur de l’oxyde de surface. Durant ce travail, l’association de la microscopie à faisceau ionique (sonde ionique focalisée) et de la microscopie électronique à transmission nous a permis d’acquérir de nouvelles connaissances sur les surfaces implantaires natives et, pour la première fois, une analyse in vivo de l’interface intacte [6-9].
Les résultats montrent que les vallées et une partie des flancs de la surface en titane modifiée par laser acquièrent une épaisseur d’oxyde et une rugosité de surface accrues. La surface BioHelix™ possède un oxyde de titane unique avec des états de surface à l’échelle nanoscopique, recouvrant la rugosité microscopique de la masse de métal (Fig. 1 et 2).
La formation et le remodelage osseux sur les fixtures en titane sont des processus qui se produisent à des vitesses et des intensités différentes sur différents sites autour de la fixture. À un moment donné, le contact os/implant varie le long de la fixture. Dans une étude expérimentale, il a été démontré que la vallée des spires présente un contact os/implant bien plus important que les sommets et les flancs de la fixture [10] (Fig. 3). De plus, les observations histologiques qualitatives ont montré que la zone des vallées constitue un micro-environnement qui favorise une formation osseuse précoce [11].
Ces observations nous ont incités à cibler et modifier le fond des vallées situées dans les zones de contact entre la fixture et l’os, de façon à promouvoir une ostéogenèse précoce au niveau de ces sites.
Dans une série d’études expérimentales [12-15], des fixtures en titane ont été insérées chirurgicalement dans des sites osseux chez l’animal, et l’ostéointégration a été évaluée en associant des tests biomécaniques, morphologiques et histomorphométriques ainsi que des analyses ultrastructurelles et chimiques sur la capacité de l’os à se lier aux fixtures. Les observations montrent une augmentation de 250 % dans la résistance à la torsion pour les fixtures BioHelix™ comparées aux implants en titane usiné, à la fois durant des périodes précoces (8 semaines) et tardives (6 mois) chez le lapin (Fig. 4). Les implants ont été placés dans de l’os spongieux (fémur distal du lapin) et dans de l’os cortical (tibia du lapin). On note des améliorations dans les deux types d’os.
Des analyses histologiques et en microscopie électronique à balayage en mode rétrodiffusé réalisées sur des échantillons calcifiés ont montré des modes de fractionnement totalement différents entre l’os et l’implant soumis à des tests de torsion. Alors que les implants usinés sont séparés de l’os juste au niveau de l’interface de l’implant, la surface modifiée BioHelix™ présente un ancrage os/implant plus solide que l’os lui-même, conduisant ainsi à une fracture à l’intérieur de l’os (Fig. 5). Nous avons pu constater la stabilité de ce phénomène à la fois durant les périodes d’observation précoces (8 semaines chez le lapin) et tardives (6 mois chez le lapin).
En utilisant la sonde ionique focalisée précédemment décrite, nous avons pu préparer l’interface entre la surface BioHelix™ et l’os minéralisé afin de l’observer en microscopie à haute résolution et d’effectuer une cartographie par éléments. Les observations révèlent une coalescence entre de l’os minéralisé et le dioxyde de titane du BioHelix™ (Fig. 6 et 7). La présence de cristaux d’hydroxyapatite de taille nanoscopique sur la surface de l’implant et la coexistence d’os (calcium et phosphore) avec le dioxyde de titane (titane et oxygène) indiquent que la surface BioHelix™ s’est intégrée à l’os à l’échelle nanoscopique [14].
Globalement, ces observations suggèrent que les propriétés biomécaniques in vivo de l’unité os/implant sont en corrélation avec une ostéointégration à l’échelle nanoscopique, c’est-à-dire une liaison osseuse.
Les travaux de développement réalisés avec le BioHelix™ ont apporté un nouveau concept reposant sur l’association entre la biologie et la nanotechnologie. Ce concept associe également la topologie en rapport avec le microenvironnement osseux, c’est-à-dire dans la vallée de la fixture. Dans d’autres zones de la fixture, on utilise la modification de la surface d’origine de Brånemark. Cette stratégie combine les aspects d’une modification de surface intentionnelle et contrôlée à l’échelle micro- et nanoscopique avec la performance clinique à long terme et la sécurité encore inégalée de la fixture d’origine de Brånemark.
La modification de surface par laser a été appliquée spécifiquement aux régions de la fixture prévues pour une interaction avec l’os. De la même manière, les interactions implant/tissus mous sont également dépendantes des propriétés de la surface implantaire, de la réponse du système inflammatoire, et de la capacité des cellules à produire une matrice vascularisée qui subit ensuite un remodelage. Les observations des interactions implant/tissus mous faites sur un modèle de rat [16] montrent une similitude dans le recrutement des cellules inflammatoires, l’adhésion et la quantité de marqueurs pro-inflammatoires MCP-1 et TNF-α pour les surfaces en titane modifiées par laser, comparées aux surfaces usinées durant les phases précoces de la cicatrisation [17].
Le premier rapport clinique incluait les premiers 310 implants avec une moyenne de suivi d’un an [18]. Au total, 83 patients traités successivement ont reçu 89 prothèses fixées permanentes (31 mandibulaires et 58 maxillaires), posées sur 310 implants (101 mandibulaires et 209 maxillaires). Chez 70 patients, les implants ont cicatrisé en situation enfouie, alors que 13 patients ont été traités selon une approche en un temps. Un an après la pose, nous n’avons observé aucun abandon de patient. Aucune des prothèses ou des implants n’ont échoué, et il ne s’est produit aucune complication biologique ou biomécanique. Les auteurs en ont conclu que les implants BioHelix™ donnent d’excellents résultats à court terme, et que d’autres essais cliniques randomisés sont nécessaires pour confirmer ces résultats préliminaires.
Jusqu’ici, la possibilité de pratiquer un examen histologique de l’interface entre les fixtures BioHelix™ et l’os humain a été retardée par le manque d’échantillons prélevés. Récemment, deux implants ont été déposés intentionnellement 2 mois et demi après leur insertion (au moment de la connexion des piliers) [19]. Après une inclusion dans de la résine, on a préparé des coupes par usure pour un examen histologique et des coupes pour la microscopie électronique à transmission à l’aide d’une sonde ionique focalisée (FIB). La microscopie optique montre un contact os/implant direct pour les deux types de surfaces implantaires (modifiées au laser et usinées) de l’implant BioHelix™. La preuve ultrastructurelle d’une apposition directe d’os minéralisé sur l’oxyde de surface est démontrée pour la surface modifiée au laser (Fig. 8). Les scanners utilisant la spectroscopie par diffusion EDS montrent la coexistence de titane, d’oxygène, de calcium et de phosphore, indiquant une croissance osseuse à l’intérieur de l’oxyde de surface. Au contraire, la surface usinée de l’implant BioHelix est séparée de l’os, bien que l’on détecte des résidus osseux avec du calcium et du phosphore en contact avec la surface, comme le montre l’EDS. Ces observations réalisées sur des humains corroborent les découvertes précédemment décrites dans les expérimentations animales, apportant ainsi une preuve ultrastructurelle d’une liaison plus solide entre l’os et la surface traitée au laser, comparée à la surface seulement usinée.
Ce nouveau concept nanobiologique utilisant la technologie du laser pour modifier la surface en titane prouve qu’il surpasse la surface usinée dans les études animales ainsi que dans les études cliniques à court terme. L’avantage clinique réside à la fois dans des périodes de cicatrisation plus courtes et une meilleure solidité mécanique dans l’os spongieux comme dans l’os cortical.
REMERCIEMENTS : Nous remercions très sincèrement la VINNOVA (VinnVäxt Program Biomedical Development in Western Sweden), le Conseil de recherche suédois (subvention K2009-52X-09495-22-3), la région Västra Götaland et l’Institut des biomatériaux et de thérapie cellulaire (Institute of Biomaterials and Cell Therapy) (IBCT) pour leur participation et leur soutien.
BIOHELIX™ – BIOSMILE SARL – 66, avenue des Champs-Élysées 75008 Paris – Tél. : 01 43 03 80 10 – Fax : 01 43 03 80 11 – http://www.biosmile.com