Implant n° 2 du 01/05/2010

 

ÉDITORIAL

Xavier
Assémat-Tessandier
  

Rédacteur en chef

Dans mon précédent éditorial, j’évoquais le malaise du monde médical face à sa place dans notre société. Bien entendu, l’exercice de l’art dentaire n’échappe pas à cet état de fait, mais avec des nuances. Comme pour nos confrères dermatologistes ou ophtalmologistes, nos urgences ne s’accompagnent que très exceptionnellement d’un pronostic vital dans nos sociétés dites évoluées, mais tiennent plutôt de l’exigence de confort du patient : « J’ai mal, il...


Dans mon précédent éditorial, j’évoquais le malaise du monde médical face à sa place dans notre société. Bien entendu, l’exercice de l’art dentaire n’échappe pas à cet état de fait, mais avec des nuances. Comme pour nos confrères dermatologistes ou ophtalmologistes, nos urgences ne s’accompagnent que très exceptionnellement d’un pronostic vital dans nos sociétés dites évoluées, mais tiennent plutôt de l’exigence de confort du patient : « J’ai mal, il faut me soulager sans me faire attendre. » Du coup, le peu de considération dont jouissent les métiers d’urgentistes (médecins, pompiers, plombiers…) ne nous est même plus accordée.

Et pourtant la plupart d’entre nous, faisont de leur mieux pour soulager la douleur de leurs patients, pour soulager les handicaps fonctionnels et esthétiques dont ils souffrent, pour leur permettre une meilleure insertion dans notre société centrée sur le paraître.

Malheureusement, intervient souvent la barrière du coût de nos réhabilitations sophistiquées, vécue par la plupart des patients comme une injustice, d’autant plus que leur durée n’est pas éternelle, double injustice. La tentation est forte de paraphraser un responsable de la santé du gouvernement Jospin en avril 2002 : « On a les hommes politiques que l’on mérite », ce qui 2 mois avant d’être battu aux élections a un côté prémonitoire assez savoureux. On peut toujours considérer que pour nos patients réticents devant la charge financière de leur traitement, la phrase magique : « On a les dents que l’on mérite », permet de reporter la responsabilité de leur état sur leur négligence ou sur la qualité des traitements de leur précédent praticien, et non sur l’incapacité que nous avons à justifier des honoraires dans lesquels interviennent des charges, des frais, des coûts, des dépenses, des achats et toutes autres trivialités, qui pourraient expliquer, à défaut de justifier. Car, en France, le droit à l’accès aux soins pour tous a dérivé, dans l’esprit de la grande majorité de nos concitoyens, vers le droit à la santé qui, par l’intermédiaire de la Sécurité sociale, a gommé l’idée du prix d’un traitement quel qu’il soit. Nous nous retrouvons coincés entre la nécessité d’équilibrer une structure de soins et l’idée assez répandue qu’il n’est pas très honnête de faire de l’argent sur le malheur des autres. Quelque part semble émerger le concept d’une sorte d’action civile bénévole liée aux activités de santé.

Historiquement, dans notre pays, une partie importante des soins de santé a été assurée bénévolement pendant des siècles par des ordres religieux ayant fait vœu, entre autres choses, de pauvreté. De nos jours, la décroissance des vocations religieuses et la montée de la laïcité et de l’anticléricalisme ont abouti au remplacement des « bonnes sœurs » par des personnels de santé dont la rétribution s’apparente au bénévolat, sous peine de creuser de façon scandaleuse le trou insondable de la Sécurité sociale. Dans ce contexte, notre combat ne se limite plus au traitement de nos patients, mais également à la pérennité de nos structures de soins, tout en assurant la subsistance de nos familles. Nous devenons des Don Quichotte, dont la finalité est vouée à l’échec (la mort et le temps), des espèces de Chevaliers de l’Inutile, simplement présents pour améliorer le confort de nos semblables.

Ce désarroi que vous sentez poindre sous ces lignes n’est pas le fait d’une grave dépression de leur rédacteur. En effet, j’ai, dans ma carrière professionnelle, eu la chance de recevoir les marques de remerciements de nombreux patients pour la transformation que j’avais, par mes traitements, apportée à leur existence, me montrant par là que l’inutile de beaucoup est le nécessaire de certains. !

Quelque part semble émerger l’idée d’une sorte d’action civile bénévole liée aux activités de santé.