Faisant suite au compte rendu de la journée du 16 octobre dernier paru dans notre précédent numéro, nous vous présentons une sélection des communications de la 2e journée de cette dernière édition de Aix-Po.
Ce congrès Aix-Po 2009 analyse 20 ans de réhabilitations implanto-portées, et la littérature scientifique ne nous aide pas beaucoup pour tirer les certitudes cliniques que nous souhaiterions avoir. En effet, si les études de suivi sont pléthoriques à moins de 5 ans, elles sont rares à 15 ans et exceptionnelles à 20 ans. Parmi elles on peut citer l’étude à 15 ans de Adell et al. [1] qui posait les bases expérimentales cliniques de l’ostéointégration. Vingt-cinq ans plus tard, Jemt et Johansson [2] ont publié une étude qui concerne 76 patients, complètement édentés au maxillaire supérieur, restaurés par des prothèses fixées sur 450 implants. Le taux de survie sur la période est de 90,9 % pour les implants et de 90,6 % pour les prothèses. Il faut noter que les deux tiers des implants perdus le sont pendant la première année. Les problèmes prothétiques sont l’usure et les fractures de résine cosmétique. Une première remarque sur les études à long terme est la difficulté à maintenir le suivi de tous les patients, ainsi dans le cas de cette étude plus de la moitié des patients sont perdus de vue (44 patients et 247 implants), ce qui limite la validité des résultats.
Parmi les rares études à 20 ans, on peut citer celle de Ekelund et al. [3] dans laquelle 273 implants Brånemark System standard ont été placés chez 47 patients. Au contrôle à 20 ans, seulement 30 patients (64 % de l’ensemble des patients de l’étude et 75 % des patients non décédés) ont pu être examinés. Le taux de survie des implants est de 98,9 % à 20 ans, et 2 prothèses ont été refaites. La perte osseuse moyenne est de 1,6 mm (SD = 0,90) sur la période de 20 ans, et de 0,2 mm (SD = 0,22) dans les 5 dernières années. La dernière étude, publiée en 2008 par åstrand et al. [4], a porté sur un groupe de 48 patients traités au début des années 80 à l’université d’Umeå (Suède). Pour cette étude, 19 des 48 patients initiaux sont morts et, parmi les 29 survivants, seuls 21 patients restaurés avec 23 prothèses implanto-portées sur 123 implants ont pu être contrôlés radiographiquement et cliniquement. Seul un implant a été perdu après 2 ans de mise en charge (taux de survie : 99,2 %). Entre 1 et 20 ans, la perte osseuse moyenne a été de 0,53 mm.
L’ensemble de ces excellents résultats concernent un seul type d’implant en forme de vis à surface usinée, et les prothèses présentent des infrastructures en métal précieux avec des dents résine, caractéristiques qui ne sont plus d’actualité.
Car, en 20 ans, les techniques de restaurations ont changé :
– les implants ont changé : la plupart présentent des surfaces « améliorées » dont le comportement à très long terme n’est pas connu ;
– les infrastructures ont changé : les techniques de coulées sont peu à peu remplacées en raison de la difficulté à obtenir des armatures passives. Les techniques de soudure des années 90 ont été abandonnées en raison de leur difficulté de mise en œuvre et des fractures observées lorsque le protocole n’est pas rigoureusement observé. Les techniques d’usinage faisant intervenir la CFAO se développent en raison de la précision d’ajustage qu’elles apportent. Les armatures titane peuvent se révéler fragiles selon le grade du métal choisi et il paraît à l’expérience délicat de fixer, de façon pérenne et reproductible, la cosmétique, qu’elle soit résine ou céramique. Les armatures zircone usinées par CFAO apportent aujourd’hui la synthèse de nos exigences esthétiques et de précision d’ajustage. En revanche, leur comportement à moyen et long terme n’est pas connu.
Ce que l’on observe encore moins dans la littérature, c’est le changement de statut du patient en 20 ans. Les études constatent le décès, regrettable sur le plan statistique, d’un certain nombre de patients. Cependant, dans le cadre d’un exercice privé sur 20 ans les patients changent souvent de statut social. Certains deviennent retraités ; d’autres rencontrent des difficultés dans leur carrière professionnelle avec une perte de revenu significative. La motivation à l’hygiène est parfois difficile à maintenir ainsi que les rendez-vous de suivi. Aussi, dans un exercice professionnel privé, il semble important de privilégier des systèmes d’implants permettant de suivre l’évolution des besoins des patients en passant par exemple d’un bridge fixé à une prothèse amovible implanto-stabilisée.
En conclusion, la seule certitude sur 20 ans reste que les réhabilitations prothétiques implanto-portées actuelles, ne correspondant pas à celles décrites et suivies dans les études scientifiques, doivent apporter la preuve de leur fiabilité sur le long terme. Extrapoler des résultats passés alors que l’on a tout modifié reste donc du domaine de la spéculation.
L’expertise ORL doit être demandée une fois le projet implantaire validé et s’il est prévu de franchir la corticale sous-sinusienne.
Si le patient présente un sinus sain, on n’observe pas de modification de la physiologie sinusienne. Le bilan ORL est alors inutile. Il est requis pour :
– les patients avec des antécédents de plus de 3 épisodes de sinusite par an ;
– les patients présentant des anomalies radiologiques du plancher sinusien (muqueuses ou osseuses).
Cette expertise consiste à mener un interrogatoire médical pour déterminer le nombre de sinusites par an, pratiquer un examen des fosses nasales et interpréter les images radiologiques. Elle débouche soit sur l’autorisation d’implanter soit sur une contre-indication au projet implantaire.
Les contre-indications totales sont les tumeurs, pseudo-tumeurs, pathologies sinusiennes récidivantes après méatotomie moyenne et les méatotomies moyennes non fonctionnelles. Toutes les autres pathologies sont sujettes à des contre-indications partielles, le projet implantaire devant alors être réévalué pour mettre en balance le rapport bénéfice/risque de ce traitement.
Les complications postopératoires sont rares, leurs mécanismes mal compris et leur prise en charge compliquée. On les classe par ordre chronologique d’apparition :
– sinusite aiguë à J8 : une antibiothérapie adaptée (Augmentin, Pyostacine) est instaurée ;
– les complications à moyen terme sont le plus souvent des sinusites de confinement (méat moyen obstrué). Le traitement consiste en une biantibiothérapie (Augmentin et Izylox) pendant 12 jours et en une corticothérapie et une désinfection nasale. Un contrôle endoscopique (J15) et radiologique (J21) sont effectués. Le traitement est alors complété par une méatotomie moyenne en cas de sinusite persistante à J15 et si le scanner est douteux à J21 ;
– les complications à long terme correspondent à des opacités kystiques et à des mucocèles.
Pour conclure, les complications sont rares (5 %) et leur diminution repose sur une collaboration étroite entre le chirurgien-dentiste et l’ORL, une sélection rigoureuse des patients candidats à la chirurgie implantaire, une expertise ORL de qualité, une détection précoce des complications et une prise en charge thérapeutique adaptée.
La greffe du sinus doit être considérée comme une technique de routine. En 2009, le rapport de la conférence de consensus de l’EAO stipule qu’on ne peut pas montrer la supériorité de l’os autogène sur les substituts osseux dans le cadre d’une chirurgie d’augmentation de sinus. L’approche latérale est la plus documentée dans la littérature.
Les complications sont de 3 ordres : peropératoires, liées à la qualité du greffon et postopératoires.
– vasculaire, liée à l’artère alvéolo-antrale : le traitement consiste en une compression avec de l’acide tranexamique, électrocoagulation ou l’utilisation de cire chirurgicale ;
– perforation de la membrane (survenue dans 14 à 54 % des interventions). Si la perforation est inférieure à 10 mm, le traitement consiste à arrêter de décoller à proximité de la perforation, à élargir la fenêtre osseuse pour être à distance de la perforation, puis à recouvrir la perforation avec une membrane de collagène (Pouch technique). Si la perforation est supérieure à 10 mm ou multiple, il est préférable de suspendre l’intervention et de réintervenir 4 mois plus tard. Le taux de survie des implants placés à la suite d’une reconstruction de membrane est inversement proportionnel à la taille des perforations ;
– migration de l’implant : il faut alors adresser le patient à un ORL pour retirer l’implant.
Les complications peropératoires n’influencent pas le taux de survie des implants. Les complications peropératoires peuvent entraîner des complications postopératoires.
– perte du matériau de comblement suite à une hémorragie de l’artère alvéolo-antrale : la prévention consiste à disséquer l’artère, à réaliser une fenêtre réduite, à condenser le greffon à la seringue, à refermer avec une membrane. Le patient doit éviter de se moucher et éternuer bouche ouverte ;
– mauvaise position du greffon ;
– mauvaise qualité osseuse, car la membrane qui est mal décollée se place entre le greffon et l’os basal.
– œdème, hématome (prévention : Solupred, 1 mg/kg/j à débuter la veille, arnica, glace) ;
– infections liées à des facteurs locaux (si le méat est bouché, il faut pratiquer une méatotomie moyenne), systémiques (biphosphonates) et chirurgicaux (technique en un temps avec des implants non enfouis provoquant des fêlures qui propagent l’infection. Il est donc conseillé d’enfouir les implants).
Les sinusites chroniques postopératoires semblent limitées aux patients présentant des prédispositions.
– effectuer impérativement un bilan médical du patient ;
– effectuer obligatoirement un scanner préopératoire ;
– rechercher des antécédents de sinusite ;
– contrôler la perméabilité du méat moyen ;
– effectuer immédiatement un scanner en cas de symptomatologie aiguë postopératoire ;
– rechercher la présence et le trajet de l’artère alvéolo-antrale ;
– vérifier les dents adjacentes ;
– préférer une technique chirurgicale bien documentée (ultrasons) ;
– enfouir les implants ;
– retirer les corps étrangers ;
– assurer la stabilité du greffon.
Il n’existe pas d’étude pour codifier la chirurgie plastique implantaire. L’intérêt de cette chirurgie est de maintenir dans le temps le résultat esthétique et de faciliter l’hygiène. Cependant, aucun miracle n’est à attendre si la position initiale de l’implant est mauvaise.
Comme l’a déjà énoncé le Dr Gardella lors de sa conférence à l’EAO de Monaco en 2009, il ressort que :
– la séquence des différentes interventions possibles n’est pas déterminée ;
– les techniques de chirurgie plastique des tissus mous autour des implants n’ont pas encore fait l’objet de résultats scientifiques ;
– les techniques classiques de chirurgie plastique parodontale peuvent être transposées pour les implants.
Il apparaît que l’implant doit être placé à 3 mm des dents adjacentes et avoir 2 à 3 mm d’os en vestibulaire. Il est conseillé également de placer l’implant le plus possible en palatin afin de pouvoir réaliser une surcorrection gingivale si nécessaire.
Il est important que la dent provisoire n’exerce pas de pression sur la gencive, ce afin d’éviter un risque de migration gingivale.
Pour augmenter le volume, il existe 2 possibilités : chirurgie de reconstruction osseuse et chirurgie gingivale plastique. Il n’est pas possible d’associer les 2 dans la même séance. De même, si un protocole de mise en charge immédiate est décidé, il ne peut être associé à une chirurgie d’augmentation de volume. Il est donc crucial, dans ces cas, de sélectionner rigoureusement les patients en fonction de leur biotype gingival.
Il est également recommandé de pratiquer les extractions de la façon la plus atraumatique possible.