Implant n° 1 du 01/02/2010

 

CHIRURGIE

Laurent Sers*   Benoît Philippe**  


*Implantologie
54, rue d’Antibes
06400 Cannes
**Chirurgie maxillo-faciale
19, rue de Téhéran
75008 Paris

Résumé

Cette 2e partie présente 3 cas cliniques représentatifs pour permettre l’apprentissage progressif de l’implantologie assistée par ordinateur et des guides stéréolithographiques. Les constatations et les enseignements qui en sont tirés sont destinés à faciliter l’exécution des premiers cas pour les praticiens qui abordent cette nouvelle technologie.

Summary

This second part sets out 3 representative case studies as a progressive training for the practice of computer-aided implantology and stereolithographic guides. The statements and lessons derived from those can initiate the novice practioner to this new technology and help him with the handling of his first cases.

Key words

computered assisted implantology, stereolithographic guides, Simplant®, SurgiGuide™

Quel que soit l’édentement, la procédure chirurgicale, les éventuelles avulsions simultanées ou le recours à la mise en charge immédiate (MCI), toutes les situations cliniques rencontrées et toutes les orientations thérapeutiques choisies par les implantologistes sont susceptibles de bénéficier de l’assistance par ordinateur et des guides stéréolithographiques.

Le logiciel Simplant® et le matériel chirurgical et prothétique du système Navigator® développés respectivement par Materialise® et Biomet-3i® ont été présentés dans la 1re partie de cet article [1].

Cette seconde partie a pour but de faire partager notre expérience clinique au travers de 3 cas représentatifs et présentant des degrés de difficulté croissants, pour permettre l’apprentissage progressif du praticien désireux de débuter en implantologie assistée par ordinateur (IAO).

SÉLECTION DES PREMIERS PATIENTS

Outre la connaissance du logiciel et des instruments qui composent les boîtes de chirurgie et de prothèse, plusieurs conditions préalables et recommandations peuvent guider le praticien dans le choix et l’exécution de ses premiers cas :

1. Possibilité de déposer le guide stéréolithographique quel que soit le stade de la procédure. En cas de difficulté technique, il est possible de terminer l’intervention selon la procédure classique. Les guides à appui dentaire sont les plus appropriés.

2. Possibilité de vérifier « de visu » l’action de chacun des instruments sur le site opératoire. La technique à ciel ouvert (avec lambeau) est la seule à pouvoir répondre à ce besoin.

3. Disposer d’un volume osseux substantiel. Une crête alvéolaire large est rassurante pour l’opérateur novice qui doute encore de la précision du système.

4. Prévoir le maximum d’espace pour manipuler avec aisance des instruments sur contre-angle plus grands que dans la procédure conventionnelle. Les zones antérieures et les patients présentant une grande ouverture buccale sont les plus indiqués.

5. Débuter la mise en charge immédiate par des cas d’implants unitaires avec des faux-moignons droits ou faiblement angulés. Le contrôle exact de la rotation des implants constitue l’élément essentiel de l’implantologie guidée.

6. Réserver la procédure transmuqueuse (sans lambeau) une fois qu’un minimum d’expérience a été acquis. Les guides vissés des réhabilitations étendues ainsi que les cas avec aménagements osseux obéissent aux mêmes mesures de prudence [2, 3].

Les cas cliniques proposés contiennent un maximum d’enseignements ou reflètent plusieurs éventualités cliniques. Ils complètent logiquement le cas de mise en place transmuqueuse présenté dans la première partie de cette publication.

CAS CLINIQUE N° 1

CAS D’ÉDENTEMENT UNITAIRE : MISE EN PLACE D’UN IMPLANT À CIEL OUVERT (PROCEDURE AVEC LAMBEAU) À L’AIDE D’UN GUIDE A APPUI DENTAIRE AVEC MISE EN CHARGE IMMÉDIATE

Ce cas concerne une jeune patiente présentant une agénésie de 13. L’examen clinique initial met en évidence un volume osseux important et suffisamment de gencive attachée laissant présager un environnement parodontal satisfaisant pour le futur implant (Fig. 1). La stabilité de l’arcade dentaire permet de proposer le choix du guide à appui dentaire. La technique à ciel ouvert est retenue, afin de vérifier l’action de chaque instrument sur le site.

L’absence de dysfonction, la nature intermédiaire de l’édentement et son caractère unitaire permettent d’envisager la mise en charge immédiate dans les conditions les plus favorables.

Le guide radiologique est élaboré. Les acquisitions au cone beam sont traitées (segmentation, réalisation des masques) pour effectuer l’analyse du cas puis la simulation. Un modèle diagnostique est envoyé à l’usine, puis scanné.

À propos du logiciel

Les paramètres, qui sont utilisés de préférence dans ce cas clinique, sont successivement :

1. l’appréciation visuelle et chiffrée du volume squelettique disponible (hauteur et largeur de crête) ;

2. l’étude des rapports anatomiques, en particulier le plancher et la partie inférieure de la paroi externe des fosses nasales. Dans le sens antéro-postérieur, plusieurs éléments sont validés, notamment l’espace compris entre les racines des dents voisines ainsi que l’absence d’inflexion de leurs apex. L’étude qualitative porte également sur :

• la densité osseuse, la qualité de l’ancrage primaire, conditions nécessaires en cas de mise en charge immédiate. Comme en implantologie conventionnelle et selon la densité constatée, le taraudage est mené sur la totalité ou une partie du puits ;

• la vérification de l’absence de contre-indication locale à l’insertion d’un implant, en particulier l’absence de canine définitive incluse [4] ;

3. le caractère unitaire de l’édentement et l’absence d’artéfacts favorisent le recours à l’outil « dent virtuelle » permettant ensuite la simulation de l’implant (réf. IFOS415), puis du pilier (Gingihüe réf. IAPP452G). Ceux-ci, en s’inscrivant anatomiquement dans la dent virtuelle, sont visualisés, puis validés dans chacune des fenêtres axiale, parasagittale et tridimensionnelle (Fig. 2 à 4) ;

4. la visualisation du guide chirurgical à appui dentaire, puis sa commande par Internet.

Concernant le guide chirurgical

Plusieurs paramètres ont été validés en bouche avant l’intervention : son insertion passive sans contrainte, sa stabilité sur l’arcade, l’absence d’extension en regard des futurs lambeaux vestibulaire et palatin, ce pour s’assurer de l’absence d’entrave à son insertion [5].

Réalisation de la prothèse provisoire

L’analogue, positionné dans le guide chirurgical, assure l’élaboration du maître modèle permettant ensuite l’usinage du pilier Gingihüe et la couronne provisoire (Fig. 5 et 6).

Mise en œuvre : particularités et enseignements

Ce cas simple a mis en évidence les constats suivants :

– la réalisation des lambeaux permettant l’exposition de la crête rend inutile l’utilisation du punch gingival ;

– comme lors de la procédure complète décrite dans la première partie, le forage avec des forets de 2 et 3 mm est effectué à l’aide des canons réducteurs de diamètre. Il s’agit d’un geste technique commun à toutes les procédures en IAO (Fig. 7) ;

– en raison de la densité constatée, à savoir 350 unités Hounsfield (UH) correspondant à un os de type 2, le taraudage est mené sur la portion proximale du puits. Comme en implantologie conventionnelle, le taraudage est fonction de l’os rencontré. Néanmoins, l’expérience venant, on constate fréquemment que la friction du porte-implant sur le cylindre impose un recours plus fréquent et plus étendu au taraudage ;

– l’implant est inséré selon les précautions mentionnées dans la première partie de la publication. En cas de mise en charge immédiate, le positionnement exact de l’implant au cours de la dernière spire (c’est-à-dire le positionnement exact de l’hexagone interne) demeure l’étape essentielle. Pour améliorer la vision des repères de positionnement gravés sur chacun des versants vestibulaire et palatin du cylindre, nous préconisons la réalisation sur le guide d’une fine tranchée vestibulaire plus facilement repérable au cours de l’intervention (Fig. 8).

Le couple d’insertion nécessaire, accru en raison des frictions avec le cylindre du guide, est compris en moyenne entre 30 et 50 newtons ;

– le couple de vissage du faux moignon, plus faible que celui de l’insertion de l’implant, était compris entre 15 et 20 newtons. La prothèse provisoire est posée en sous-occlusion selon les règles classiques de la MCI (Fig. 9 et 10).

CAS CLINIQUE N° 2

MISE EN PLACE DE 2 IMPLANTS UNITAIRES À L’AIDE D’UN GUIDE À APPUI DENTAIRE : PROCÉDURE SANS LAMBEAU AVEC EXTRACTION SIMULTANÉE ET MISE EN CHARGE IMMÉDIATE

Ce cas concerne une patiente présentant une agénésie dentaire multiple avec persistance de 52 et 62 sur l’arcade. L’absence de foyers infectieux ainsi qu’un environnement parodontal favorable conduisent à proposer l’avulsion des dents lactéales et la mise en place simultanée des implants, en utilisant la technique à appui dentaire sans lambeau (Fig. 11) [6].

À propos du logiciel

Plusieurs paramètres utiles s’ajoutent à ceux déjà mentionnés dans le cas précédent.

À propos de l’étude quantitative et qualitative des sites implantaires :

• puisque la mise en place des implants est envisagée simultanément aux extractions, l’analyse de la forme et des dimensions de chacune des racines devant être extraites est primordiale dans le choix des futurs implants (réf. IOSM313) et des piliers prothétiques (Gingihüe) (réf. IMPAP32G) ;

• l’étude de la densité de la crête au-dessus des apex ainsi que la vérification de l’absence de contre-indication locale à la mise en place simultanée de l’implant (granulome apical, ostéite diffuse en relation avec la rhysalyse des racines des dents lactéales) sont tout aussi indispensables… ;

• concernant la simulation implantaire ainsi que le choix du pilier, les dents naturelles sans corps métalliques artéfactuels constituent des guides radiographiques idéaux (Fig. 12 et 13), en vue des étapes suivantes de confection du guide et du maître modèle (Fig. 14 et 15).

Mise en œuvre : particularités et enseignements

Des remarques supplémentaires, liées à la réalisation simultanée des avulsions et modifiant l’exécution de la procédure, méritent d’être énoncées :

• le hiatus gingival créé par les avulsions rend inutile l’utilisation du punch gingival ;

• le curetage des alvéoles (nécessaire pour supprimer les débris ligamentaires) est conservateur afin de ne pas modifier la forme et les dimensions des alvéoles (Fig. 15) et permettre l’insertion passive du guide (Fig. 16) ;

• le forage, guidé par les canons réducteurs, ne débute qu’une fois le contact osseux obtenu entre les forets et le fond de chacune des alvéoles ;

• le choix du taraudage sur la portion apicale du fût est conditionné par le type de l’os rencontré ainsi que par le degré d’analogie constaté entre chaque alvéole et chaque implant au cours de la simulation ;

• bien que la mise en charge immédiate obéisse aux règles acquises en implantologie conventionnelle, la précision du choix des implants correspondant aux futures alvéoles et la précision de leur insertion permettent d’envisager des indications de MCI plus fréquentes et plus prévisibles qu’en implantologie conventionnelle (Fig. 17 à 22).

CAS CLINIQUE N° 3

Ce cas concerne un édentement maxillaire complet avec atrophie squelettique terminale chez une patiente atteinte d’un syndrome classe II (branches horizontales mandibulaires trop courtes). Le traitement consiste en la reconstruction squelettique, suivie de la mise en place à ciel ouvert de 12 implants à l’aide d’un guide à appui osseux avec mise en charge immédiate.

CARACTÉRISTIQUES DU CAS

• pertinence de la simulation implantaire couplée à la fonctionnalité « greffe » pour élaborer le plan de traitement global ;

• nécessité pour le chirurgien d’adapter son protocole habituel en fonction des impératifs inhérents aux guides, notamment le positionnement sans contraintes du guide sur la crête osseuse et l’appréciation de l’espace disponible pour le passage des instruments.

À propos du logiciel

Concernant le diagnostic initial et l’organisation du traitement

Outre la qualité des images obtenues facilitant l’analyse de ce cas délicat, la simulation implantaire, couplée à la fonctionnalité « greffe osseuse », permet de confirmer la nécessité de la reconstruction préimplantaire (augmentation d’épaisseur de la crête du prémaxillaire, augmentation de hauteur des régions sous-sinusiennes) et participe à son évaluation (dimension, épaisseur, positionnement des greffons sur le versant vestibulaire de la crête, volume des comblements sous-sinusiens) (Fig. 23 à 25).

Concernant le contrôle de la reconstruction et la simulation définitive

Le scanner, réalisé en utilisant un guide radiologique à appui muqueux, assure la validation de la reconstruction, la simulation des implants et des piliers (droits ou angulés), puis la réalisation des guides stéréolithographiques : guide chirurgical à appui osseux et guide de laboratoire à appui muqueux [7] (Fig. 26 à 28).

Avant de commander les guides, il paraît judicieux de valider la faisabilité de la procédure, en essayant en bouche les forets ainsi que les porte-implants montés sur contre-angle (sans omettre la hauteur des implants prévus et le franchissement latéral du guide).

Mise en œuvre : particularités et enseignements

• les incisions muco-périostées de décharge postérieures tiennent compte du positionnement du guide chirurgical et de ses extensions péritubérositaires. Le décollement des lambeaux vestibulaires, palatins et tubérositaires répond aux mêmes besoins ;

• l’opérateur valide l’insertion passive du guide en confirmant l’absence de conflit entre ce dernier et les lambeaux muco-périostés ou les pédicules vasculaires issus des canaux palatins postérieurs et antérieurs, la diminution des extensions vestibulaires, palatines ou péritubérositaires pouvant s’avérer nécessaire ;

• l’ostéosynthèse du guide est menée de manière symétrique (de préférence, dans les régions prémolaires) et progressivement répartie ; les axes directeurs des vis d’ostéosynthèse étant, dans les trois directions de l’espace, les plus orthogonaux possibles au squelette afin de prévenir toute luxation du guide chirurgical ;

• l’insertion des implants, initiée dans les régions prémolaires, se poursuit de manière symétrique sur le reste de l’arcade en fonction du même impératif (Fig. 29) ;

• le contrôle exact de la position des implants en rotation, aisé au niveau du prémaxillaire (15 à 25), est plus délicat dans les régions sous-sinusiennes et tubérositaires confirmant, si cela était encore nécessaire, l’intérêt du repère supplémentaire sur le versant vestibulaire du guide ;

• en raison du nombre important des implants posés, des phénomènes de friction sont souvent constatés entre les porte-implants et les cylindres. La dépose des porte-implants peut alors s’avérer laborieuse et nécessiter le recours à des instruments de préhension de son choix… ;

• les dernières étapes de la procédure se poursuivent : dépose des vis d’ostéosynthèse, dépose du guide chirurgical, mise en place des faux moignons, pose du bridge scellé provisoirement, repositionnement des lambeaux muco-périostés, contrôle des rapports esthétiques dento-labiaux (Fig. 30 à 32).

D’autres cas cliniques mériteraient d’être présentés, en particulier les cas recourant à des implants de faible diamètre qui nécessitent un positionnement juxta-crestal en raison du diamètre plus important de leur porte-implant ou les cas avec aménagement tissulaire simultané de type greffe de conjonctif.

CONCLUSION

La connaissance du logiciel comme du matériel chirurgical et prothétique et la sélection avisée des premiers cas sont les conditions d’un apprentissage réussi.

Le logiciel constitue une aide de diagnostic et de simulation incomparable pour les praticiens et assure, grâce aux guides et dans des mains expertes, un contrôle parfait de l’exécution chirurgicale comme de l’élaboration préopératoire de la prothèse provisoire.

Néanmoins, l’implantologie assistée par ordinateur expose les praticiens, en raison du caractère prédéfini des phases chirurgicale et prothétique, à une prise en compte moins approfondie des conditions parodontales locales, pouvant ultérieurement apporter des déconvenues esthétiques sur les tissus gingivaux kératinisés une fois clos les phénomènes de la cicatrisation tissulaire.

ADRESSE DES DISTRIBUTEURS

SIMPLANT-NAVIGATOR® – MATERIALISE DENTAL FRANCE – Immeuble Vecteur Sud – 76-86, avenue de la République – 93320 Chatillon – Tél. : 01 46 56 31 52 – E-mail : simplant@materialisedental.fr – httpp://www.materialisedental.fr

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BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Philippe B, Sers L. Implantologie assistée par ordinateur et guides stéréolithographiques à l’aide du système Simplant-Navigator®. Partie 1 : présentation, principes, protocoles. Implant 2009;15:259-274
  • 2. Mandelaris GA, Rosenfeld AL, Tardieu PB. Clinical Cases. In: Tardieu PB, Rosenfeld AL, eds. The art of computer-guided implantology. Chicago : Quintessence Publishing, June 2009:113-177.
  • 3. Sarment D, Al-Shammari K, Kazor C. Stereolithographic surgical templates for placement of dental implants in complexes cases. Int J Periodont Rest Dent 2003;23:287-295.
  • 4. Rosenfeld AL, Mandelaris GA, Tardieu PB. Prosthetically-directed implant placement using computer software to insure precise placement and predictable prosthetic outcomes. Part I - Diagnostics, imaging, and collaborative accountability. Int J Periodont Rest Dent 2006;26:215-221.
  • 5. Ganz SD. Advances cases planning with Simplant. In: Tardieu PB, Rosenfeld AL, eds. The art of computer-guided implantology. Chicago : Quintessence Publishing, June 2009:193-199.
  • 6. Rosenfeld AL, Mandelaris GA, Tardieu PB. Prosthetically-directed implant placement using computer software to insure precise placement and predictable prosthetic outcomes. Part III - Rapid prototype medical modeling and stereolithographic drilling guides that do not require bone exposure and the immediate delivery of teeth. Int J Periodont Rest Dent. 2006;26:493-499.
  • 7. Rosenfeld AL, Mandelaris GA, Tardieu PB. Prosthetically-directed implant placement using computer software to insure precise placement and predictable prosthetic outcomes. Part II - Rapid prototype medical modeling and stereolithographic drilling guides requiting bone exposure. Int J Periodont Rest Dent 2006;26:347-353.