DOSSIER CLINIQUE
DrCD
23, avenue de Garris
64120 Saint-Palais
Cet article décrit, au travers d’un cas clinique, les étapes successives du traitement d’un édenté complet bimaxillaire par la technique de chirurgie guidée avec mise en charge immédiate de 2 prothèses provisoires implanto-portées. Il s’intéresse plus particulièrement à la pertinence de cette technique pour ce type de cas ainsi qu’aux éventuels écueils à éviter (détermination de la DVO, fabrication des provisoires…) et complications.
La chirurgie guidée en implantologie s’est largement répandue au cours des 5 dernières années. Présentant une fiabilité et une prévisibilité bien documentées [1], elle apporte au praticien un confort et une sécurité opératoire incontestables. Elle offre au patient la possibilité de récupérer sa fonction manducatrice et son esthétique en réduisant les délais de traitement et l’inconfort postopératoire. Le traitement de l’édentement complet est la principale indication de cette technique, mais il est peu fréquent de traiter simultanément les deux maxillaires [2].
M. C., âgé de 61 ans, est venu consulter pour des problèmes à la fois esthétiques et fonctionnels à l’origine de souffrances tant physiques que psychologiques. L’examen clinique montrait une denture délabrée avec des polycaries, associées à une absence d’hygiène, une maladie parodontale terminale, des édentements bimaxillaires de grandes étendues ainsi qu’une perte marquée de la dimension verticale d’occlusion signée par l’abrasion des incisives et canines (Fig. 1). L’examen radiologique montrait des résidus radiculaires avec de nombreuses lésions apicales (Fig. 2).
L’extraction de toutes les dents et la restauration par prothèses implanto-portées a été l’option thérapeutique choisie par le patient. En premier lieu, les dents présentant des infections péri-apicales ont été extraites, les autres dents ont été conservées pour permettre de préparer le patient à la prothèse implanto-portée. Une motivation appuyée à l’hygiène et au contrôle de plaque a été préconisée.
L’objectif principal de cette phase préliminaire était d’augmenter la dimension verticale pour :
– rétablir l’équilibre neuromusculaire ;
– recréer un espace interocclusal correct pour ménager l’épaisseur suffisante à la reconstruction prothétique (résistance mécanique et esthétique) ;
– retrouver l’esthétique.
Une prise d’empreintes a donc été effectuée et l’occlusion a été enregistrée avec une cire rose (Base plate wax, Henry Shein) en relation centrée non forcée et montage des modèles sur un articulateur semi-adaptable (Quick Master, FAG Dentaire) selon un plan de référence axio-orbitaire (arc facial).
La détermination de la dimension verticale devait satisfaire à la présence d’un espace interocclusal en position posturale et durant la phonation ainsi qu’à l’esthétique de l’étage inférieur du visage en occlusion [3, 4].
Un montage diagnostique en cire a été élaboré et validé en bouche. Il prévoyait une augmentation de 3 mm de la DVO par deux prothèses provisoires amovibles et une restauration des incisives supérieures au composite.
Après une période d’observation de 3 mois et en l’absence de signes musculaires et articulaires, le traitement implantaire a été mis en œuvre.
Une copie sulfate de baryum-résine des 2 prothèses provisoires a été fabriquée. Un examen tomodensitométrique des 2 maxillaires (prothèses en bouche) a été réalisé par un centre de radiologie. Le scanner a ensuite été délivré au praticien sur un CD-Rom avec des données au format Dicom.
Ces données Dicom ont été converties par le logiciel Simplant® afin de modéliser les maxillaires ainsi que les prothèses en 3 dimensions [5]. Cela a alors permis de positionner les implants sur les bases osseuses virtuelles en fonction des critères anatomiques, mais également prothétiques (Fig. 3 et 4). La planification une fois finalisée, les données informatiques correspondant au projet ont été envoyées via Internet à une unité de production. Dans ce cas, les maîtres modèles en plâtre ont également été envoyés ; ils ont été scannés optiquement et superposés au scanner patient afin de réduire les artéfacts dentaires (puisqu’il reste des dents présentes au maxillaire et à la mandibule) et d’accroître la précision et l’ajustage des futurs guides.
Deux guides chirurgicaux ont été réalisés suivant le procédé de stéréolithographie (apposition de couches résine de 0,1 mm). Ils étaient à appui dentomuqueux (technique sans lambeau) [6] (Fig. 5 et 6).
Dès réception des guides, le prothésiste de laboratoire a coulé 2 maîtres modèles à partir des guides chirurgicaux (Fig. 7 et 8). Un outillage de laboratoire a été prévu à cet effet.
Ces maîtres modèles ont été repositionnés sur l’articulateur semi-adaptable ayant servi à l’élaboration du montage diagnostic et des prothèses amovibles avec les mêmes réglages. Deux bridges provisoires implanto-portés, en résine avec renfort métallique, ont été fabriqués selon les critères établis lors de la phase préliminaire. Seule particularité : la connexion implant-prothèse n’était pas figée. Des évasements ont en effet été aménagés au niveau de la résine des bridges afin d’avoir un espace de « sécurité » (Fig. 9 et 10). Cet espace a tenu compte de la différence qui existe entre le modèle qui a servi à la réalisation des bridges, issu du projet virtuel, et la réalité clinique lors de la mise en place des implants. Ce delta existe toujours et est variable, en importance, en fonction de nombreux critères cliniques et techniques.
L’organisation était le point clé de cette phase. Les deux maxillaires ne pouvaient pas être traités simultanément, la mise en bouche des deux guides étant trop encombrante et impliquant, entre autres, un obstacle au passage des forets.
Une première anesthésie locale a été réalisée au maxillaire. Le guide chirurgical a été stabilisé par les 2 incisives centrales et fixé par des vis d’ostéosynthèse. La procédure chirurgicale spécifique à la technique a été suivie [1]. Au total, 8 implants ont été posés ; le guide a été retiré et les dents supports extraites. Cette étape a demandé 40 min. Une pause de 15 min a été nécessaire pour permettre au patient de se reposer, changer la trousse chirurgicale (facultatif) et se focaliser sur les séquences de forages à la mandibule.
La même procédure a été suivie à la mandibule : anesthésie locale, mise en place du guide avec stabilisation par les dents 47, 43, 33 et mise en place de 4 implants entre les deux foramens mentonniers, puis extraction des dents supports du guide. L’ensemble de ces opérations a duré 30 min (Fig. 11 à 15).
La bonne stabilité primaire obtenue a rendu possible la mise en charge immédiate des bridges implanto-portés provisoires.
Des piliers Uni 20° (Astra Tech), définitifs, ont été directement vissés sur les implants et des cylindres en titane ont été vissés sur ces derniers. Une résine autopolymérisable Structur 2® (Voco) a été appliquée pour solidariser les cylindres à la prothèse au moment de sa mise en place. Des ajustements occlusaux simples ont conclu la séance d’une durée de 2 heures (Fig. 16).
Une alimentation molle pendant une période de 1 mois a été strictement recommandée.
Des contrôles ont été effectués à 24 heures, puis 7 jours après l’intervention afin de vérifier et d’affiner les rapports d’occlusion. Un contrôle 12 semaines après l’intervention montrait des implants asymptomatiques sans mobilité et sans image radioclaire (Fig. 17). Le patient avait entretenu soigneusement ses restaurations buccales. La prudence était de mise, mais le pronostic semblait favorable.
À trois mois, après la cicatrisation osseuse des sites extractionnels, 2 implants supplémentaires ont été mis en place à la mandibule de manière classique conformément à la planification au niveau des secteurs 33 et 43.
Au bout de 8 semaines, en l’absence de signes cliniques, une prothèse d’usage a pu être élaborée.
À 1 an, le contrôle clinique et radiologique montrait une stabilité du traitement (Fig. 18 et 19).
Le tableau I fait la synthèse étape par étape des différentes séquences du traitement.
Dans des cas dits complexes, la simplification des procédures est un bénéfice incontestable. Plus on possède d’informations pour établir un diagnostic précis et plus simple sera la phase thérapeutique. Peu d’articles font l’objet d’une augmentation de la DVO sur des prothèses implanto-portées. Ormianer et Palty [3] ont montré qu’il n’y avait pas de différences significatives entre une augmentation de la DVO sur des dents naturelles et sur des implants, si toutefois une procédure stricte de diagnostic est respectée.
Les obstacles et complications chirurgicales sont de deux ordres :
– les complications pour le praticien ;
– les complications pour le patient.
• La procédure chirurgicale guidée est, contrairement aux apparences, extrêmement précise et exige une concentration maximale. En effet, il faut suivre tout au long des procédures de forage une check-list complexe, délivrée par le fournisseur (en l’occurrence dans le cas présenté, Materialise) [1]. Une simple erreur de lecture peut engendrer une malposition d’un ou plusieurs implants et, par conséquent, une inadaptabilité de la prothèse.
• Le timing pendant la chirurgie doit être parfait et les séquences doivent s’enchaîner sans coups d’arrêt pour ne pas rendre l’intervention longue et pénible. L’anesthésie locale ne doit pas être réalisée simultanément sur les 2 maxillaires (en effet, le temps de traiter le maxillaire, l’anesthésie devient caduque sur la mandibule).
• Enfin, l’occlusion n’est jamais la transposition exacte de celle obtenue sur l’articulateur. Cela provient de ce fameux « delta » entre planification virtuelle et réalité clinique [7]. Des ajustages plus ou moins importants sont toujours nécessaires et du temps doit être prévu à cet effet.
L’utilisation d’un guide impose une ouverture buccale plus importante qu’en chirurgie dite classique, ce qui augmente la fatigue. Il est, par conséquent, indispensable de bien identifier le patient candidat à ce type de technique. Dans le cas d’un traitement bimaxillaire, une pause doit souvent être marquée entre les 2 maxillaires afin que le patient puisse se reposer. La durée de l’intervention en est d’autant rallongée.
L’intérêt de cette technique n’est pas forcément dans le gain de temps, mais davantage dans la précision, la cohérence prothétique et le confort du patient. La rigueur et le strict respect du protocole sont les critères fondamentaux de réussite, sans toutefois oublier l’expérience du praticien dans ce type de technique.
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