Revue de littérature
Résumé
En prothèse supra-implantaire, afin de réaliser une suprastructure fonctionnelle et esthétique, il est possible d'utiliser des piliers angulés. Dans cette situation, et en raison de la modification entre l'axe longitudinal de la suprastructure et celui de l'implant, les contraintes générées durant la fonction ont été rapportées comme pouvant entraîner des conséquences délétères en termes biologiques ou mécaniques. L'objectif de cette revue de littérature est de faire la synthèse des connaissances scientifiques récentes sur les incidences biomécaniques de l'utilisation des piliers angulés en prothèse supra-implantaire unitaire.
In implant prosthesis, in order to have a functioning and esthetic suprastructure, angulated abutments can be used. In this situation, due to a change between the longitudinal axis of the suprastructure and the implant, the strains generated in response to the masticatory load have been reported as possibly leading to deleterious consequences in biological or mechanical terms. The objective of this literature review is to synthesize recent scientific knowledge on the biomechanical impacts of the use of angulated abutments in single supra-implant prosthesis.
Un implant axial est défini comme un implant posé perpendiculairement à la crête osseuse ou à la surface occlusiale ou parallèlement à l'axe des dents adjacentes[].
Les implants insérés axialement sont considérés comme une modalité thérapeutique fiable à long terme pour une réhabilitation prothétique. De nombreuses études ont rapporté un taux de succès de 78 à 100 % sur plus de 15 ans de suivi[-].
Néanmoins, les implants peuvent être angulés intentionnellement[] :
- pour s'adapter à la situation clinique, comme c'est le cas dans la région prémaxillaire où la morphologie de la crête osseuse résiduelle impose souvent un positionnement angulé de l'implant ;
- afin de bénéficier d'un ancrage osseux maximal ;
- pour éviter les structures anatomiques telles que le sinus maxillaire, le canal alvéolaire inférieur, le plancher nasal, les espaces submandibulaire et sublingual, ainsi que le foramen mentale.
Ainsi, l'angulation implantaire constitue une alternative aux procédures d'augmentation osseuse et permet de diminuer le temps du traitement, son coût, ainsi que la morbidité associée à ces procédures chirurgicales[] [fig. 1].
Afin de corriger l'axe des prothèses fabriquées pour les agréger sur des implants angulés, l'utilisation de piliers ou d'infrastructures prothétiques angulés est souvent nécessaire[, ] [fig. 2 et 3]. L'objectif recherché est de permettre un transvissage ou un scellement dans un axe compatible avec le volume prothétique sur les plans esthétique et fonctionnel [fig. 4]. Ainsi, des piliers angulés à 10, 15, 17 et 30o existent dans une forme standardisée et la confection par CFAO de piliers personnalisés autorise des corrections d'angulation jusqu'à 35o environ.
Depuis 2004, une nouvelle architecture de pilier (Dynamic Abutment®) introduite sur le marché permet l'angulation du puits d'accès à la vis jusqu'à 28o par rapport à l'axe implantaire[].
D'autres dispositifs similaires ont ensuite été proposés par les sociétés de matériel implantaire. Ainsi, il a été développé le système ASC (Angled Screw Channel, Nobel Biocare®), dans lequel l'axe du puits de vissage peut être corrigé jusqu'à 25o par rapport à l'axe de l'implant[-] [fig. 5].
Une autre possibilité de correction de l'axe prothétique par rapport à l'axe implantaire a été proposée en utilisant des implants dont l'architecture interne a été conçue pour un tranvissage angulé par rapport à l'axe longitudinal de l'implant (Co-axis, Keystone Dental®)[]. Ce nouveau design permet une correction de l'axe prothétique de 12o et de 24o.
Le succès à long terme de la prothèse implanto-portée dépend de la prise en considération, lors de la conception prothétique, des principes biomécaniques et de leurs effets sur l'interface os/implant. Ces principes sont particulièrement importants lorsque la situation anatomique conduit à anguler les composants prothétiques par rapport à l'implant[].
Ainsi, l'os tolère mieux les contraintes transmises verticalement. Les forces exercées sur les implants axiaux sont dirigées verticalement le long de l'axe implantaire et sont considérées comme plus favorables car elles distribuent les contraintes uniformément tout au long du grand axe implantaire[]. D'après Cehreli et al. dans une étude de 2002, les implants angulés seraient associés à la transmission de contraintes plus élevées au niveau de l'interface os/implant[].
Selon Cardelli et al. ou Asawa et al., les conditions biomécaniques jouent un rôle essentiel dans le succès à long terme de la prothèse implanto-portée[, ]. Pour ces auteurs, le succès thérapeutique dépend de l'anatomie du site, de la technique chirurgicale, de l'intégration post-chirurgicale et de la distribution des forces pendant la fonction. Ainsi, la majorité des échecs à moyen et long terme proviendraient de la perte de l'ostéo-intégration[].
Toujours d'après Cardelli et al., les contraintes exercées sur l'interface os/implant dépendent de plusieurs facteurs : l'intensité des contraintes reçues ainsi que leurs directions (axiales et/ou obliques), le matériau de la prothèse, l'anatomie et la qualité de l'os, la morphologie de l'implant ainsi que l'angulation entre l'implant et la suprastructure[].
Avec un pilier angulé, l'axe entre l'implant et la suprastructure est modifié et la contrainte résultante en réponse aux forces masticatoires peut être différente, en amplitude ou en direction. Pour Bahuguna et al.[], un excès de contrainte dans ces situations d'angulation implantaire pourrait entraîner une résorption de l'os au niveau de la zone cervicale ou même une perte de l'ostéo-intégration.
Jusqu'alors, ceci n'a pas été montré in vivo et les études cliniques comparatives des implants équipés de piliers droits ou angulés n'ont pas montré de différence statistiquement significative concernant le taux de survie implantaire, la perte osseuse marginale[-] ou les complications mécaniques[, ].
Néanmoins, avec le développement des piliers conçus par CFAO ou la mise sur le marché de nouveaux piliers prothétiques permettant de corriger l'angulation implantaire lors du transvissage [fig. 6 et 7], il semble pertinent de faire le point sur les données biomécaniques et cliniques actuelles concernant la correction de l'angulation implantaire dans le cadre des réhabilitations implanto-prothétiques.
Le but de cette revue de la littérature scientifique est de faire la synthèse des données publiées concernant les complications biomécaniques lors de l'utilisation des piliers angulés en prothèse unitaire supra implantaire.
Une recherche bibliographique utilisant la base de données PubMed, restreinte à des études publiées en langue anglaise depuis le 1er janvier 2000 jusqu'en juillet 2018, a été réalisée avec les mots clés suivants : « dental implant », « angulated implant », « angled implants », « angulated abutment », « angled abutment », « stress analysis », « marginal bone resorption », « biological complications », « mechanical complications », seuls ou combinés à l'aide des opérateurs booléens « OR » ou « AND ».
Ont été exclues les études concernant les réhabilitations prothétiques plurales et complètes.
Ont été incluses les publications cliniques concernant les réhabilitations prothétiques unitaires, ainsi que les études in vitro basées sur les analyses par la méthode de modélisation par éléments finis et consacrées à l'analyse des contraintes.
319 publications ont été retrouvées après utilisation du moteur de recherche en fonction de l'équation utilisée.
Après application des critères de sélection et lecture des titres ainsi que des résumés, il a été retenu 8 études in vitro et 5 études cliniques. Parmi ces dernières, 3 études sont prospectives et 2 sont rétrospectives.
Les résultats essentiels des 8 études in vitro par modélisation par éléments finis sélectionnées peuvent être synthétisés ainsi :
Clelland et al. ont utilisé un modèle d'analyse tridimensionnelle du maxillaire antérieur et ont confirmé que la contrainte augmente avec l'angulation du pilier[]. Les auteurs ont noté que le pic de contrainte pour un pilier angulé à 20o sous une charge axiale de 175 N serait légèrement supérieur aux limites de tolérance physiologique de l'os.
De même, Kao et al. ont étudié l'influence de l'angulation du pilier sur les micromobilités ainsi que sur la distribution de la contrainte sur des implants unitaires placés dans la région maxillaire antérieure, après une mise en charge immédiate[]. Les micromouvements étaient environ 20 % et 30 % supérieurs avec des piliers respectivement angulés à 15o et 25o, comparés aux piliers droits.
Dans ce modèle, les piliers angulés à 25o produisaient une contrainte maximale 18 % supérieure par rapport à celle calculée sur des piliers droits.
Inversement, Saab et al.[], dans une analyse bidimensionnelle, ont conclu que la contrainte maximale résultante au niveau de l'os était 15 % plus importante avec les piliers droits qu'avec des piliers angulés, mais que la contrainte produite sur l'os cortical et spongieux était dans les limites physiologiques.
Tian et al.[], toujours dans une étude par éléments finis utilisant 4 modèles simplifiés afin de simuler les différents scénarios cliniques avec des implants placés dans un axe idéal ou angulé, ont montré que les piliers angulés pouvaient entraîner une contrainte inférieure au niveau de l'os péri-implantaire à celle des piliers droits sous une charge de 100 N.
Ces derniers résultats suggèrent que l'utilisation de piliers angulés serait une option fiable sur le plan biomécanique lorsque les implants ne sont pas placés dans un axe idéal.
Bahuguna et al.[[]] ont réalisé une analyse sur des modèles de la région maxillaire antérieure avec de l'os cortical et spongieux de type D3, avec des piliers de différentes angulations, 0o, 10o, 15o, et 20o, soumis à des charges axiales variant de 100 N à 200 N et des charges obliques de 50 N. Les résultats montrent que lorsque l'angulation du pilier augmente de 0o à 20o, les contraintes de compression et de traction se déplacent vers l'os cortical, augmentant aussi bien lors des charges axiales qu'obliques. Elles resteraient néanmoins dans les limites de tolérance physiologique de l'os. Seule une charge oblique de 50 N sur un pilier angulé à 20o générerait des contraintes qui dépasseraient ces limites. Les auteurs concluent que, dans le cadre de cette modélisation, l'utilisation de piliers angulés semble être bien tolérée. Néanmoins, la composante oblique des charges occlusales devrait être minimisée lors de la conception prothétique.
Wu et al.[] ont réalisé une étude sur deux modèles maxillaires avec des piliers angulés de 0o à 60o soumis à des contraintes à composante axiale et oblique. Les résultats montrent que, sous une charge axiale de 100 N correspondant à une contrainte physiologique au niveau incisif, avec l'augmentation de l'angulation du pilier de 0o à 60o, le maximum de contrainte au niveau de l'os péri-implantaire augmenterait de 1,2 Mpa à 2,1 Mpa, et de 13,7 Mpa à 29,6 Mpa respectivement au niveau de l'os spongieux et cortical.
Sous une charge oblique, le maximum de contrainte diminuerait d'abord avec l'augmentation de l'angulation du pilier, puis augmenterait graduellement jusqu'aux limites maximales. Ainsi, avec un pilier droit, la contrainte maximale serait d'environ 19 Mpa. Elle diminuerait à 12,5 Mpa avec l'augmentation de l'angulation du pilier jusqu'à 27o puis augmenterait jusqu'à 21 Mpa avec une angulation à 60o.
À l'aide d'une analyse par modélisation tridimensionnelle, Arun et al.[], ont comparé la distribution des contraintes autour d'implants placés dans différentes qualités osseuses (D1 à D4 selon Lekholm et Zarb[]), avec des piliers droits et angulés soumis à une charge de 178 N, correspondant à une contrainte incisive d'intensité moyenne.
Avec un pilier droit, la valeur calculée de contrainte augmente lorsque la qualité osseuse change de D1 à D4. Cette contrainte est répartie d'une façon équivalente sur les faces vestibulaire et palatine de l'os cortical et spongieux. Ceci est encore plus marqué lorsque des piliers angulés sont utilisés, et la concentration de contraintes se déplace vers l'os cortical de la face vestibulaire lorsque l'angulation augmente de 0o à 15o. Dans de l'os D4, les concentrations de contraintes ont été maximales.
D'après les auteurs, ces résultats suggéreraient que l'utilisation de piliers angulés au niveau antérieur entraînerait une augmentation des contraintes sur un os vestibulaire généralement de faible qualité ou parfois même reconstruit.
Enfin, Cardelli et al.[] ont réalisé une analyse par modélisation tridimensionnelle au niveau de la région molaire, avec des piliers angulés à 0o, 15o, 25o, 35o, soumis à des charges axiales de 100 N et 450 N. Il en résulte une concentration de contraintes au niveau de l'interface entre le col implantaire et l'os cortical, ainsi qu'au niveau de la portion coronaire de l'os spongieux, avec une localisation vestibulaire où des valeurs plus élevées de forces compressives maximales apparaissent. Les pics de contraintes montrent une tendance à l'augmentation lorsque l'intensité de la charge augmente et lorsque l'angulation du pilier augmente.
La valeur de contrainte maximale calculée est retrouvée avec les piliers angulés à 35osous une charge maximale de 450 N.
D'après ces auteurs, les résultats suggéreraient que, s'il est nécessaire d'utiliser des piliers angulés, il est prudent de ne pas excéder 25o, et de les réserver pour la région antérieure où les contraintes sont significativement moindres.
Concernant les études cliniques sélectionnées dans cette revue de la littérature, il est possible de retenir les éléments suivants :
Sethi et al.[] publient une étude prospective dans laquelle un total de 2261 implants ont été restaurés à l'aide de piliers angulés de 0 à 45o et suivis sur une période moyenne de 28,8 mois. Ils rapportent un taux de survie implantaire supérieur à 98,6 %.
En 2002, ces mêmes auteurs publient un taux de survie implantaire de 98,2 % à 10 ans dans une étude prospective de 3101 implants équipés de piliers angulés de 0 à 45o[].
En 2013, dans une étude prospective, Tabrizi et al.[] évaluent la relation entre des implants angulés et la perte osseuse péri-implantaire dans la région maxillaire antérieure. Cinquante-huit patients ont reçu des implants unitaires angulés avec une mise en charge différée. L'angulation moyenne était de 15,2o (7oà 25o). Un contrôle radiologique a été réalisé pour chaque patient immédiatement après la mise en charge et à 36 mois postopératoires au minimum. La résorption osseuse moyenne était de 0,8 mm. Les auteurs concluent que l'angulation implantaire n'augmente pas le risque de perte osseuse marginale et que ceci peut être une alternative satisfaisante aux implants axiaux, évitant ainsi des procédures chirurgicales d'augmentation osseuse.
Greer et al.[] étudient les complications cliniques associées à l'utilisation d'un système de correction de l'angulation du puits de vissage (système ASC®). Quatre-vingt-quatre restaurations sont réalisées chez 60 patients avec un suivi moyen de 216 jours (14-784 jours). Durant cette période de suivi, les auteurs ont relevé seulement 3 complications, 1 échec implantaire, 1 dévissage et 1 fracture de céramique cosmétique.
Les auteurs concluent que le système ASC semble offrir une alternative fiable aux restaurations scellées dans les situations où une restauration vissée traditionnelle ne peut être envisagée pour des raisons esthétiques. Cette modalité thérapeutique serait associée à peu de complications mécaniques et biologiques à court terme, et les complications identifiées seraient identiques à celles rencontrées avec les restaurations conventionnelles. Néanmoins, les auteurs recommandent un suivi à plus long terme de l'éventuelle apparition d'autres complications.
En 2018, Araújo et al.[] comparent les complications mécaniques (dévissage et/ou fracture de la vis) entre des piliers préfabriqués en métal droits et angulés dans une étude rétrospective portant sur 413 reconstructions prothétiques, dont 167 reconstructions unitaires, en fonction depuis au moins 1 an, avec un suivi moyen de 5 années. Sur un total de 799 piliers droits, 71 (9 %) ont présenté des complications mécaniques, tandis que, sur 117 piliers angulés, 9 (8 %) complications mécaniques ont été rapportées. Les auteurs concluent qu'il n'existe pas de différence statistiquement significative concernant l'apparition de complications mécaniques entre les piliers angulés et les piliers droits, et que les piliers angulés en métal peuvent être considérés comme une solution prédictible pour la réhabilitation des implants angulés.
À l'issue de cette revue de la littérature, il apparaît clairement que les données essentielles permettant d'étayer le débat sur les incidences biologiques et mécaniques de l'utilisation de piliers angulés en prothèse supra-implantaire proviennent essentiellement des études en modélisation par éléments finis.
Seules quelques études cliniques[8, 15-18], sur des courtes durées et avec un faible nombre de sujets pour la plupart, montrent que la pérennité implantaire ainsi que la perte osseuse ne seraient pas affectées par l'angulation de l'infrastructure prothétique.
Concernant les études de modélisation par éléments finis, certains résultats paraissent contradictoires sur l'effet des piliers angulés. Bien que la majorité des études[12, 14, 19, 20, 23] s'accordent sur le fait que les piliers angulés augmentent la contrainte sur l'implant ainsi que sur l'os adjacent, et que l'augmentation de cette contrainte resterait dans les limites de tolérance physiologique, quelques études[, ] concluent que l'utilisation de piliers angulés peut entraîner une contrainte résultante moindre au niveau de l'os péri-implantaire.
Néanmoins, d'après Wu et al.[], d'autres facteurs complémentaires à l'angulation du pilier pourraient intervenir, tels que la qualité de l'interface os/implant, l'intensité et la direction des contraintes fonctionnelles exercées, l'anatomie et la qualité de l'os, ainsi que le matériau de la suprastructure prothétique. Dans leur étude, Wu et al. rapportent deux comportements différents en termes de résultante de contrainte péri-implantaire sous l'action d'une charge axiale ou oblique, en fonction de l'importance de l'angulation : sous une charge axiale, le maximum de contrainte au niveau de l'os péri-implantaire s'accroit avec l'augmentation de l'angulation du pilier, en accord avec la plupart des résultats publiés. En revanche, sous une charge oblique, le maximum de contrainte diminue d'abord avec l'augmentation de l'angulation, puis remonte graduellement jusqu'aux limites maximales. En d'autres termes, un niveau de contrainte péri-implantaire favorable pourrait être induit avec des piliers angulés sous une charge oblique si une angulation inférieure à environ 30o est choisie.
Les piliers préfabriqué angulés standardisés peuvent ne pas correspondre à toutes les situations cliniques à traiter. Wu et al.[], en se basant sur les résultats de leur étude, suggèrent que les piliers personnalisés réalisés par CAD/CAM permettraient d'obtenir non seulement une forme adéquate et un profil d'émergence esthétique mais pourraient, par leur forme ainsi que par une angulation appropriée, participer également à une meilleure distribution des contraintes fonctionnelles s'exerçant sur les implants.
Néanmoins, les conclusions tirées de ces publications doivent être interprétées en fonction de certaines limites. En effet, dans toutes ces études :
- l'hypothèse est faite que la réduction du pic des contraintes est une question importante dans le maintien de l'ostéo-intégration, et seules les valeurs maximales calculées par la modélisation ont été prises en considération ;
- les différentes structures modélisées étaient toutes supposées homogènes et isotropes dans leurs caractéristiques mécaniques ;
- l'intégralité de l'interface entre les différentes structures était supposée être en contact complet ;
- la suprastructure prothétique n'était pas modélisée et son effet sur les contraintes n'était pas pris en considération.
Par conséquent, ces modèles mathématiques ne peuvent pas fournir des valeurs absolues fiables des contraintes exercées sur l'os péri-implantaire, et celles-ci ne peuvent être quantitativement validées que par des études cliniques. À défaut d'études cliniques permettant une quantification réelle des contraintes résultantes transmises à l'interface os-implant, les données issues de ces études in vitro peuvent cependant étayer les hypothèses permettant d'orienter un choix clinique.
Concernant les études cliniques récentes publiées sur le sujet, on retrouve beaucoup de publications sur des implants angulés associés à des implants axiaux dans le cadre des réhabilitations prothétiques plurales ou complètes, et malheureusement trop peu d'études consacrées aux piliers angulés unitaires.
Ainsi, dans les études de Sethi et al.[, ], les conclusions sont certes basées sur des études à long terme avec un nombre important d'implants étudiés, cependant aucune distinction n'est faite entre les réhabilitations unitaires et multiples.
Les conclusions de Greer et al.[] sur le système ASC, bien que positives, sont tirées d'une étude à court terme incluant un nombre limité de cas.
Néanmoins, Araújo et al.[] concluent, dans leur étude rétrospective concernant des réhabilitations prothétiques scellées, que les piliers angulés préfabriqués métalliques ne sont pas associés à plus de complications mécaniques que les piliers droits.
L'étude de Tabrizi et al. [], qui évalue la relation entre des implants angulés unitaires et la perte osseuse péri-implantaire dans la région maxillaire antérieure, représente la seule étude clinique publiée jusqu'à présent qui bénéficie d'un recul plus important, néanmoins limité à 3 années. Les résultats suggèrent que l'angulation implantaire n'augmente pas le risque de perte osseuse marginale et que ces implants peuvent être une alternative satisfaisante aux implants axiaux.
Ainsi, afin de conclure définitivement sur l'absence d'incidences biomécaniques liées à la divergence entre l'axe de la contrainte fonctionnelle et celui de l'implant, et en accord avec la majorité des auteurs cités, il est nécessaire d'envisager des études complémentaires tant sur le plan expérimental que clinique.
À l'issue de cette revue de la littérature consacrée aux piliers angulés en prothèse supra-implantaire unitaire, il est difficile de conclure définitivement sur l'absence d'influence de l'angulation du pilier prothétique sur les contraintes générées au niveau de l'interface os/implant.
L'augmentation des contraintes calculées induites par l'angulation, rapportée dans les études de modélisation par éléments finis, n'apparaît pas entraîner de conséquences sur le plan biologique ou mécanique dans les résultats des quelques études cliniques publiées sur ce sujet.
Par ailleurs, comme le soulignent de nombreux auteurs, l'influence de l'angulation du pilier implantaire est difficilement isolable d'autres facteurs cliniques associés, comme les conditions de charge fonctionnelle, la quantité et la qualité osseuse, la géométrie de l'implant et son état de surface, ou le matériau constitutif de la suprastructure prothétique.
Ainsi, des études cliniques à long terme consacrées à l'angulation implantaire sont nécessaires afin d'évaluer l'innocuité de ces infrastructures angulées sur la stabilité du niveau osseux péri-implantaire, ainsi que sur les complications à type de dévissage ou de fracture de matériau cosmétique.
Zaher Al Homsi
DUCICP Université Paris 7-Denis Diderot
PH, CH du Mans (72)
Olivier Fromentin
PU-PH, Directeur du DUCICP Université Paris 7-Denis Diderot
Hôpital Rotschild (AP-HP) Paris 12e