PARODONTIE
PU-PH Université Rennes 1
Dans la nature, les bactéries sont majoritairement organisées en communautés multi-espèces appelées biofilms. Ces communautés structurées sont composées de cellules adhérentes à une surface inerte ou vivante et contenues dans une matrice extracellulaire polymérique, hydratée, adhésive et protectrice. Les maladies infectieuses humaines, dont la carie et la maladie parodontale, sont principalement induites par les bactéries organisées en biofilm.
Au niveau de la cavité buccale, les biofilms appelés « plaque dentaire » sont présents au niveau des dents ou des tissus de soutien de la dent (parodonte), et peuvent entraîner, en l’absence de contrôle du développement bactérien, des maladies carieuses ou parodontales.
L’identification des espèces bactériennes incriminées dans la carie dentaire et la maladie parodontale ont fait l’objet de nombreuses études. Les premiers résultats, basés sur des procédés de culture et de microbiologie classique, n’ont démontré l’implication que de quelques espèces dans l’étiologie des maladies carieuses et parodontales, sous estimant la diversité de l’écosystème buccal. Le développement récent des technologies de méta-génomique fait émerger la théorie de la dysbiose pour expliquer le déclenchement de ces maladies. La dysbiose correspond à un déséquilibre des proportions d’espèces en présence. Le déséquilibre serait responsable des maladies parodontales, avec une augmentation d’espèces pathogènes au détriment des espèces commensales [1].
Les études de la flore buccale par méta-génomique, notamment celles sur la salive et le biofilm dentaire, apportent aujourd’hui la preuve qu’il existe une flore commensale compatible avec la santé différente d’une flore pathogène responsable de la maladie. Dans la cavité buccale, la flore (ou microbiote) est constituée majoritairement par des bactéries, auxquelles s’ajoutent les virus, les levures et les archées. Plus de 700 espèces bactériennes ont été identifiées à ce jour et la grande majorité sont des indigènes. Parmi ces espèces, environ 54 % sont cultivables et nommées, 14 % sont cultivables mais sans nom et 32 % sont connues uniquement sous forme de phylotypes non cultivables. Les bactéries restent les plus étudiées bien que les archées, les virus et les levures sont suspectées avoir un rôle dans la bascule du microbiome compatible avec la santé vers un microbiome dysbiotique. L’écosystème buccal est complexe avec plusieurs niches différentes : la salive, les muqueuses buccales kératinisées/ non kératinisées et les dents. Ces différents éléments hébergent des communautés microbiennes distinctes. Chacun fournit un écosystème unique avec des nutriments et des conditions optimales pour chaque communauté. Par conséquent, les microbiotes provenant du même site d’individus différents sont plus semblables que ceux provenant de différents sites du même individu. Dès 2003, chez des sujets sains, l’équipe de Socransky a montré que 40 espèces bactériennes cultivables étaient présentes avec des répartitions très différentes selon les sites apportant déjà les notions de diversité (soit le nombre d’espèces) et d’abondance (soit la quantité relative d’une espèce) bactériennes dépendantes de l’habitat et de l’environnement [2]. La salive joue un rôle clé dans la prévention de la dysbiose et le maintien de la santé bucco-dentaire. Les composants salivaires, en particulier les facteurs antimicrobiens tels que les enzymes et les protéines, exercent des pressions sélectives sur le microbiote ; ils protègent contre les organismes pathogènes et contrôlent la communauté résidente. La salive a un rôle dans la formation de la pellicule acquise exogène, mince film organique acellulaire qui se forme sur les surfaces buccales exposées à la salive. Les enzymes et les protéines salivaires incorporées dans la pellicule influencent directement la formation du biofilm. En l’absence d’élimination régulière par brossage des dents, le biofilm fournit à chaque étape de son développement une nouvelle niche écologique favorable à la croissance de bactéries responsables des pathologies bucco-dentaires. Le microbiote de la plaque dentaire de patients atteints de pathologies bucco-dentaires est différent du microbiote de patients sans pathologie : de nouvelles espèces apparaissent et les espèces reconnues comme paropathogènes ou cariogéniques augmentent en quantité.
Plusieurs études de méta-génomique utilisant les nouvelles techniques de séquençage à haut débit (NGS) dont celle de Meuric et al. [3] montrent que la rupture de l’équilibre « microbiote-hôte » (Fig 1), l’évolution de la dysbiose ou au contraire sa régression pourraient être diagnostiquées demain par les NGS au fauteuil dentaire et permettraient une thérapeutique préventive ou curative ciblée pour une médecine bucco-dentaire des 4 P : Préventive, Prédictive, Personnalisée et Participative.