PARODONTIE
PU-PH Faculté de chirurgie dentaire
Université Paris Descartes,
Montrouge
Hôpital Louis Mourier,
Colombes
Définie comme une inflammation chronique des gencives sans perte d’attache clinique, la gingivite bactérienne est la plus répandue des maladies parodontales, elle concerne 80 % de la population. Elle peut présenter différents aspects de signes inflammatoires en réponse à l’accumulation de biofilm bactérien sur les surfaces dentaires. Dans certains cas, elle peut évoluer en parodontite.
Depuis l’étude de Löe et al. en 1965, Il est établi que la gingivite est une pathologie inflammatoire liée à une charge bactérienne élevée, non spécifique, même si des études récentes suggèrent que les phylotypes bactériens qui y sont associés diffèrent de ceux associés à la santé gingivale ou à la parodontite [1].
Le premier signe d’inflammation gingivale est le changement de couleur, la gencive prend une teinte plus rouge, liée à la dilatation des vaisseaux dans la gencive marginale (fig. 1). Puis le volume, la consistance et la texture de la gencive sont modifiés, de façon plus ou moins prononcée selon le morphotype parodontal et la réponse immuno-inflammatoire de l’individu [2]. Lorsque les signes d’inflammation gingivale sont importants, la gencive saigne facilement au brossage parfois spontanément, et devient sensible voire douloureuse.
Comme les tissus parodontaux, les tissus péri-implantaires peuvent présenter des réactions inflammatoires en réponse à la surcharge bactérienne, mucosites ou péri-implantites lorsque le tissu osseux est atteint. La prévalence des pathologies péri-implantaires est aussi importante que celle des pathologies parodontales.
Différentes conditions systémiques physiologiques ou pathologiques modifient la réaction inflammatoire gingivale, comme des facteurs hormonaux, des pathologies systémiques ou des médications, ce qui conduit à distinguer des populations à risque auxquelles une attention particulière doit être portée afin de limiter la progression et la sévérité de l’inflammation.
• Durant la puberté, les variations hormonales exacerbent la réaction gingivale face à l’agression bactérienne chez les filles comme chez les garçons (fig. 2). La littérature montre que les gingivites sont observées en moyenne chez 50 % des adolescents de 15 ans. La présence d’appareillage orthodontique complique le contrôle de plaque, souvent non maîtrisé par l’adolescent, alors que les déplacements dentaires sur un terrain inflammatoire sont à risque d’apparition de récessions parodontales.
• Au cours de la grossesse, la prévalence comme la sévérité des gingivites sont augmentées [3] : deux femmes enceintes sur trois présentent une gingivite dite gravidique (fig. 3), et lorsqu’une gingivite est présente avant la grossesse, les symptômes inflammatoires s’accentuent.
• Les maladies gingivales associées aux médicaments sont essentiellement des accroissements gingivaux, soit une augmentation de volume de la gencive. Ces accroissements gingivaux sont le plus souvent fibreux, mais contribuent à rendre difficile l’élimination de la plaque bactérienne sur les surfaces dentaires, favorisant à un état tissulaire inflammatoire. Les médicaments associés à ces accroissements sont certains anti-épileptiques, immuno-suppresseurs et inhibiteurs calciques.
• La prévalence et la sévérité des maladies parodontales augmentent avec l’âge [4], conséquence de l’exposition aux biofilms bactériens et à la diminution des capacités de défense immunitaire.
Chez le sujet âgé, on peut observer un flux salivaire diminué et une modification du régime alimentaire qui contribuent à une charge bactérienne buccale plus importante, alors que le contrôle de plaque est souvent insuffisant. De plus, ces patients âgés sont souvent polymédiqués et porteurs de pathologies.
À tout moment de la vie de l’individu, l’équilibre fragile entre charge bactérienne orale et défenses immunitaires peut être rompu, aboutissant à une réaction gingivale inflammatoire. Si la gingivite précède l’initiation de la parodontite, le passage d’une gingivite à une parodontite n’est pas systématique. Mais cette évolution ne peut être prévisible, ce qui implique que l’inflammation gingivale est considérée comme le facteur de risque clé d’apparition de parodontite, ainsi que le soulignait la communauté scientifique réunie en workshop en 2017. Le contrôle de l’inflammation gingivale est donc essentiel dans les stratégies de prévention primaire de la parodontite [5].
Selon le profil immuno-inflammatoire de l’individu, l’apparition d’une parodontite peut survenir à un âge précoce, comme la parodontite agressive ou, plus tardivement, à l’âge adulte.
Chez les patients porteurs d’implants, l’évolution en l’absence de prise en charge de la mucosite vers la péri-implantite semble presque la règle, du fait des particularités histologiques des tissus péri-implantaires.
Depuis l’étude expérimentale de Löe en 1965, on sait que la gingivite est une pathologie réversible sans séquelle lorsque la charge bactérienne diminue et que l’écologie bactérienne redevient compatible avec la santé parodontale. Selon la sévérité de l’inflammation, ce retour à l’état sain initial peut prendre plusieurs jours.
Du fait de l’absence de douleur de la très grande majorité des maladies parodontales, les altérations initiales ne sont pas détectées par les patients, alors que le saignement au brossage signe un état gingival inflammatoire installé, mais n’est pas considéré comme préoccupant par les patients. C’est pourquoi le dépistage précoce est important afin d’éduquer le patient à la santé orale et d’informer que tout saignement doit être considéré comme pathologique de l’état gingival.
L’élimination des biofilms est instaurée par un brossage adéquat enseigné au patient, avec un matériel d’hygiène dentaire et interdentaire adapté et complété par l’action du dentifrice. Cela permet, en rééquilibrant le microbiote buccal, d’aboutir au retour à la santé gingivale.
Avec l’âge, le vieillissement des tissus parodontaux, comme celui du système immunitaire, modifient la capacité de conservation de la santé parodontale. Le rapport mondial sur l’hygiène orale de 2003 (World Oral Health Report) insiste sur le fait que le maintien de la santé orale est une composante importante de la qualité de vie générale et est incontournable dans la préservation de la santé générale du patient.